6 minutes de lecture 15 janv. 2024
EY – Personnes en réunion autour d’une table

Comment les chefs du contentieux peuvent‑ils lier les services juridiques et les services de fiscalité pour mieux contrôler les coûts?

En bref

  • De nouveaux risques de contestation fiscale se dessinent à mesure que les autorités fiscales canadiennes vont au‑delà des zones d’intérêt conventionnelles, comme l’évitement fiscal abusif.
  • Les contrats, les papiers commerciaux et d’autres documents sont de plus en plus scrutés à la loupe, et de petites erreurs ou des détails peuvent entraîner des cotisations et des coûts importants.
  • Le fait de redéfinir les relations de travail entre les services juridiques et les services de fiscalité internes — et les conseillers externes qui les soutiennent — peut atténuer les risques en comblant les lacunes et en améliorant les processus d’observation au quotidien.

De nouvelles réalités font en sorte que les services juridiques internes, les conseillers externes et les services de fiscalité doivent collaborer étroitement au quotidien. Nous avons l’habitude de voir des équipes multidisciplinaires s’associer dans le cadre de transactions à grande échelle, mais la plupart du temps, des écarts se répètent dans le cours normal des activités. Au Canada, avec l’évolution du cadre réglementaire et de la législation fiscale, des organisations entières s’exposent à des risques, à des cotisations et à des coûts supplémentaires en raison du cloisonnement. Faire tomber les barrières entre les domaines fonctionnels peut réduire cette exposition.

Lentement, mais sûrement, un changement constant s’est opéré pour redéfinir les priorités des autorités fiscales au Canada et dans le monde. Ces dernières années, les autorités fiscales sont devenues de plus en plus sophistiquées, passant au numérique et scrutant de plus en plus les entreprises, lesquelles doivent composer avec un large éventail de nouvelles exigences des parties prenantes, notamment en matière de divulgation, de valeur sociale à long terme et de contenu numérique. Ajoutons à cela la conjoncture économique difficile et imprévisible qui a suivi la pandémie, et le contexte fiscal se complexifie davantage.

Les autorités fiscales font face à des pressions croissantes pour améliorer leurs résultats. Pendant ce temps, les entreprises canadiennes s’efforcent de comprendre les règles anti-évitement et les règles de divulgation obligatoire qui entraînent de nouvelles exigences, notamment quant au moment où une opération doit être signalée à l’Agence du revenu du Canada et aux genres de scénarios qui méritent la fourniture d’un tel avis.

Il y a une vingtaine d’années, les autorités fiscales se concentraient principalement sur l’établissement de cotisations dans les cas d’« évitement fiscal abusif ». Aujourd’hui, elles mettent les bouchées doubles pour s’attaquer aux diverses erreurs techniques ou comptables dans les calculs, les documents et les formulaires produits par voie électronique. Auparavant, bon nombre de ces problèmes auraient été sans conséquence, mais maintenant, ils donnent lieu à une panoplie de risques qui prennent forme de bien des manières.

Prenons l’exemple d’une entreprise qui a entrepris une opération de restructuration interne en 2017. Quelqu’un avait commis une erreur dans le calcul de la valeur des intérêts sur les dividendes à verser et des actions privilégiées transférées. Cette personne croyait que ces actions privilégiées avaient été émises en juillet 2012 et avait calculé le dividende en conséquence. En réalité, ces actions avaient été émises en mai 2011. L’erreur comptable s’est traduite par une cotisation de 15 millions de dollars, auxquels se sont ajoutés 7 millions de dollars d’intérêts.

Des exemples semblables se multiplient aussi dans le cas de contrats. Pour une entreprise, un oubli qui pourrait par ailleurs être considéré comme mineur, soit le fait de ne pas avoir indiqué un lieu de livraison sur une facture, a mené à une cotisation de plusieurs millions de dollars au titre de la taxe de vente. Sans compter que l’entreprise a dû payer des centaines de milliers de dollars en frais juridiques.

Un écart ou une incohérence dans les contrats, les papiers commerciaux et d’autres documents est désormais plus susceptible de donner lieu à une cotisation, car l’interprétation stricte de la législation fiscale devient le mot d’ordre. Il faut donc que les services juridiques et les services de fiscalité collaborent à chaque étape de l’exploitation de l’entreprise. Pourquoi?

Lorsque les services juridiques et les services de fiscalité s’unissent systématiquement et adoptent une nouvelle façon de travailler, chaque volet des activités tire parti des deux points de vue dès le départ. Les contrats sont conformes par défaut, car les deux fonctions contribuent en partant. Les documents commerciaux sont plus susceptibles de résister à l’examen des autorités fiscales, car ils ont bénéficié du point de vue de l’équipe juridique interne et du regard neuf des conseillers juridiques externes, qui ont une vision du marché différente en raison de l’étendue de leur clientèle.

La véritable question n’est pas de savoir si une collaboration plus étroite peut être avantageuse pour l’entreprise, mais plutôt : quelle est la meilleure manière de favoriser cette approche? Chez EY Cabinet d’avocats, nous recommandons de passer par trois étapes clés pour amorcer le virage :

  1. Accordez la priorité à l’établissement de points de contact critiques dans l’entreprise. Vous n’avez pas à avoir l’impression de tenter l’impossible en implantant une méthode de travail collaborative dans l’ensemble des services. Pour progresser rapidement, repérez les principaux points d’intégration liés aux documents commerciaux qui pourraient faire l’objet d’une contestation fiscale. En vous appuyant sur cette liste, élaborez un processus d’évaluation des contrats au cours des phases initiales, puis prévoyez des prises de contact régulières qui permettent aux services juridiques et aux services de fiscalité de se réunir pour faire le bilan des progrès et réviser le processus.

  2. Allez au‑delà des précédents pour poser de meilleures questions. Il ne suffit plus de juger qu’un contrat est « suffisant pour mener à bien la transaction ». Il faut plutôt anticiper l’examen attentif des autorités fiscales en créant une série de questions que les services juridiques et les services de fiscalité se poseront ensemble lors de l’évaluation des contrats, des papiers commerciaux et des autres documents. Par exemple, comment ce document pourrait‑il être considéré du point de vue de l’impôt sur le revenu et du point de vue de la taxe de vente? Quel est le résultat souhaité? Devrions‑nous modifier le libellé pour y arriver?

    En théorie, il y deux parties à un contrat. La réalité nous rappelle qu’au Canada, il y en a plutôt quatre : l’acheteur, le vendeur, l’Agence du revenu du Canada et l’autorité fiscale provinciale. Les deux dernières ne participeront pas à la création du contrat, mais auront une opinion sur celui‑ci, trois ou quatre ans plus tard, lorsqu’il leur passera entre les mains.

    Tenez compte dès le départ des questions fiscales et juridiques que ces parties sont susceptibles de poser et collaborez en interne pour avoir les bonnes réponses. Obtenez des conseillers juridiques externes une autre perspective et une vision de l’ensemble du secteur pour savoir ce qui se passe sur le marché et mettre au jour d’autres scénarios à envisager.

  3. Faites de l’uniformité votre priorité absolue. Les contrats ne sont qu’un aspect de la contestation fiscale. Pour résister à l’épreuve du temps, le libellé des contrats doit être uniforme – et être bien organisé – sur les factures, les bons de commande, les confirmations de commande, les reçus, les bordereaux de livraison et les documents d’expédition. Le manque d’uniformité peut se traduire par des cotisations, des pénalités ou des intérêts imprévus. Les services juridiques peuvent aider les services de fiscalité à réduire ces risques en rédigeant des contrats, puis en s’assurant que ceux‑ci sont bien utilisés dans toute l’entreprise.

    La collaboration doit aller au‑delà du simple fait de demander aux différents services de formuler des commentaires. Il vous faut réunir souvent les services juridiques et les services de fiscalité, afin que chacun puisse intervenir et que les libellés et les renseignements soient bien utilisés dans tous les volets de l’exploitation de l’entreprise.

Résumé

La seule constante, c’est le changement. C’est aussi vrai pour les lois et règlements fiscaux que pour tout autre aspect des affaires au Canada. Dans un tel contexte d’évolution constante, les organisations qui décloisonnent les services juridiques et les services de fiscalité et qui favorisent une plus grande collaboration entre eux, et avec les conseillers juridiques externes qui les soutiennent, seront mieux préparés à réduire les risques. La préparation est toujours avantageuse.

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