7 minutes de lecture 19 juin 2023
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EMIR REFIT - Pourquoi les prochains mois seront décisifs ?

Auteurs
Silvia Devulder

Head Legal Romandie in Financial Services | Switzerland

Focusing on Legal Derivatives & Capital Markets topics, including the IBOR transition. Speaking five languages, playing tennis and enjoying family time with my boys.

Christian Rump

Director, Financial Service Consulting Capital Markets, EY Germany

Transforming the capital markets technology infrastructure – thinking ahead for a digital and green capital markets environment. Enjyoing family time, sports and traveling.

7 minutes de lecture 19 juin 2023

Les nouvelles exigences EMIR REFIT impliquent des changements ainsi que efforts d’implémentation importants dans le cadre de la déclaration des transactions pour les opérations sur produits dérivés.

En bref
  • La Réglementation EMIR (European Market Infrastructure Regulation) vise à réduire les risques systémiques sur le marché européen des produits dérivés.
  • La révision d'EMIR REFIT (Regulatory Fitness and Performance Programme) augmente la complexité du contenu des rapports destinés aux référentiels centraux.
  • Le surcroît d’effort considérable qui en résulte exige des acteurs du marché des mesures importantes au regard de l’implémentation.

Depuis le 12 février 2014, les produits dérivés négociés sur le marché européen, en bourse ainsi que de gré à gré, sont soumis à une obligation de déclaration des transactions (reporting), quelle que soit la classification des contreparties (financières ou non financières). Les transactions se doivent d’être déclarées auprès d’un référentiel central agréé dans l'Union européenne (UE) par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA, European Securities and Market Authority), au plus tard, un jour ouvrable après leur conclusion, leur modification, leur novation, ou encore leur résiliation.   

Depuis l'entrée en vigueur d’EMIR (European Market Infrastructure Regulation ; Règlement européen sur les infrastructures de marchés), l’obligation dite de déclaration fût constamment adaptée et principalement renforcée, suite aux modifications apportées aux normes techniques de réglementation (RTS, Regulatory Technical Standards), aux normes techniques d’exécution (ITS, Implementing Technical Standards), aux règles de validation (Validation Rules) ainsi qu’aux questions-réponses (Q&A) concernant la mise en œuvre d’EMIR.

Quant à EMIR REFIT (Regulatory Fitness and Performance Programme), la Commission européenne a adopté les nouvelles normes correspondantes dites de RTS et d’ITS, le 7 octobre 2022. Après une période de transition de 18 mois pour mettre en œuvre des nouvelles exigences par les acteurs du marché concernés, ces nouvelles exigences règlementaires seront applicables à partir du 29 avril 2024. Outre le délai de mise en œuvre susmentionné applicable pour les nouvelles transactions, les transactions existantes devront être déclarées dans les six mois suivants, c'est-à-dire octobre 2024, en tenant compte des nouvelles normes. Également, si des modifications sont apportées aux transactions existantes et ce, avant cette date, elles devront être déclarées dans le nouveau format exigé (voir infra, Format de déclaration).

Défis techniques

Bien qu’en adéquation avec l'objectif principal d'EMIR tendant à encadrer et permettre un négoce de produits dérivés plus sûr et transparent, EMIR REFIT a augmenté la complexité des rapports destinés aux référentiels centraux. Le nombre de champs à déclarer augmentera de 129 à 203 et ce, notamment sur la base des lignes directrices internationales relatives aux éléments de données critiques, élaborées par le groupe d'harmonisation composé du CPMI (Committee on Payments and Market Infrastructures) et de l'IOSCO (International Organization of Securities Commissions). Sur les 203 champs à déclarer sous EMIR REFIT, 77 champs de données ont été ajoutés, 67 ont été adaptés et seulement 3 ont été supprimés. Ces derniers portent notamment sur les catégories de données relatives aux garanties, au prix et aux spécifications des produits ou encore, les instruments financiers complexes. Seuls 59 des 129 champs initiaux de données demeurent inchangés.

En effet, lesdites modifications affectent, non seulement, les données de base des contreparties ainsi que leur gestion mais aussi, les champs à déclarer. A cet égard, les garanties sont subdivisées en fonction de leur type ou de leur catégorie (marge variable, marge initiale, excédent de garantie), de leur direction (reçue ou fournie) et de leur évaluation (avant ou après décote). Cette exigence de données supplémentaires à déclarer aux référentiels centraux entraînera une adaptation des interfaces des systèmes et des bases de données, tout en tenant compte des interfaces déjà existantes avec d'autres réglementations de l'UE.

L'obligation de déclarer des champs de données s'applique, entre autres, à toutes les conclusions, modifications et résiliations de contrats sur produits dérivés ainsi qu’à la compensation de transactions. En outre, en fonction de la classification des contreparties, les évaluations des transactions et des garanties se doivent également d’être déclarées. Au regard de l'obligation de déclaration actuelle, bien que cela reste inchangé, il faudra tenir compte de la nouvelle logique de déclaration décrite infra.

Logique de déclaration complexe

EMIR REFIT adapte les caractéristiques du champ "Action Type" pertinentes pour le reporting des événements liés au cycle de vie des produits dérivés et ajoute le champ "Event Type". Le reporting de ces deux champs combinés permet aux autorités de surveillance d'avoir une meilleure vision des transactions existantes. Néanmoins, ce dernier augmente la complexité de la logique des reportings à mettre en œuvre.

En effet, le champ "Action Type" indique également si une transaction a été créée, modifiée, corrigée ou clôturée. De plus, les catégories d'actions "Revive" et "Margin Update" ont été ajoutés et la catégorie d'actions "Compression" a été supprimé. Grâce à l'utilisation de la catégorie d'actions "Position Component" et de la catégorie d'événements "Inclusion in Position", les transactions liées seront, à l'avenir, non seulement regroupées mais également identifiées à l'aide d'une Subsequent Position UTI (Unique Trade Identifier) permettant de constituer un portefeuille sous la forme d'une relation 1-to-n.

Au total, il sera possible de choisir entre 9 catégories d'actions différentes et 12 catégories d'événements qui, grâce à des caractéristiques telles que "Trade", "Clearing" et "Credit Event", offrent davantage de transparence quant au cycle de vie d’un produit dérivé. Le tableau suivant présente les 56 nouvelles combinaisons de reporting possibles pour les catégories d'actions et d'événements – une représentation détaillée finale est attendue de la part de l’AEMF via le biais d’une procédure FAQ :

Format de déclaration

Afin d'harmoniser davantage les standards de déclaration, l'AEMF a décidé qu'à l'avenir, le format ISO-20022-XML serait utilisé pour la transmission des données à un référentiel central, s’alignant sur le format des transmissions de données dans le cadre des Règlements MiFIR et SFTR. L’objectif est de préciser le format et de standardiser les données à déclarer. Toutefois, la mise en œuvre représente un défi pour les entreprises qui utilisent actuellement le format CSV, voire d'autres formats.

Un autre objectif d'EMIR REFIT est d'améliorer la correspondance et la réconciliation de données relatives aux transactions des contreparties. Cela est possible à l'aide de l'UTI ou encore du LEI (Legal Entity Identifier) des deux contreparties, ces derniers étant définis comme des éléments de données critiques dans la déclaration au référentiel central et se doivent d’être déclarés par les deux parties. La production de l'UTI en tant qu'identifiant unique de la transaction est quant à lui, grossièrement basé sur la méthodologie dite en cascade ou de waterfall de l’UTI proposée, en 2017, par le CPMI et l’IOSCO et se présente comme suit :

Ce modèle en cascade règle, notamment, pour les transactions transfrontalières, les questions suivantes : qui est responsable de la production de l'UTI et qui se doit de communiquer, en temps opportun, cette information à la contrepartie. A l’avenir, le recours à des accords bilatéraux ne sera autorisé que sous certaines conditions.

Cela devrait contribuer à optimiser l'utilisation commune de l'UTI par les parties concernées ainsi qu’à la réduction des erreurs commises dans le cadre de reportings ou encore, de réconciliations.

Défis techniques et procéduraux

  • Devoirs émanant de l’obligation de déclaration et de reporting délégué

    La nouvelle réglementation permet un allègement des exigences imposées aux petites contreparties non-financières (NFCs) faisant face aux contreparties financières (FCs). Dans ces cas, l'obligation de déclaration incombe aux FCs correspondantes. Les NFCs- sont, toutefois, libres de procéder elles-mêmes à la déclaration auprès d'un référentiel central. Cela demeure particulièrement intéressant pour les NFCs- ayant déjà mis en place le processus de reportings aux référentiels centraux étant donné que le rapprochement et la transmission des données à la contrepartie FC ne sont alors pas nécessaires. Pour les FCs, cette nouvelle possibilité de déclaration unilatérale assure le contrôle de qualité des données et de leurs retranscriptions dans les rapports aux référentiels centraux, sachant notamment que les FCs auxquels le reporting est délégué doivent fournir un identifiant unique pour la transaction correspondante.

    Les systèmes de reportings existants chez les FCs doivent également être renforcés.  En effet, en cas de délégation de l’obligation de déclarer par la contrepartie, une déclaration individuelle pour chaque partie de la transaction doit être effectuée auprès du référentiel central.

  • Amélioration de la qualité des données

    En raison d’absence de lignes directrices quant au processus de réconciliation, lesdites réconciliations représentent un défi pour les contreparties et mobilisent des efforts considérables. En 2020, cela a eu pour conséquence que le "Paring rate" ou que le rapprochement des deux déclarations pour la même transaction, atteignaient, à peine, 50%. La réconciliation des transactions déclarées entre le FC, le référentiel central du FC et le référentiel central de la contrepartie doit permettre d'améliorer du "Paring rate" et la qualité des données.

    Les FCs doivent mettre en place un nouveau processus de contrôle (y compris la documentation sous forme d'ordre écrit), car les nouvelles règles obligent les FCs/NFCs+ à examiner les résultats de la réconciliation, notamment, en ce qui concerne les erreurs. Il s'agit donc, également, de pouvoir évaluer rapidement les résultats issus de la réconciliation afin de détecter les problèmes à temps et, le cas échéant, d'y remédier directement.

    Les champs à réconcilier obligatoirement seront introduits en deux étapes:

    1. à partir de la date de début du reporting, au 29 avril 2024, de 84 champs ;
    2. deux ans après la date de début du reporting de 61 champs supplémentaires.
  • Déclaration des cryptomonnaies

    Afin de permettre la transparence du négoce des futurs produits dérivés sur les crypto-monnaies, EMIR REFIT créé un nouveau champ intitulé "Derivatives with crypto assets as reference value" afin d'identifier les transactions basées sur des crypto-monnaies. En conséquence, les FCs/NFCs doivent déclarer ces derniers sous la catégorie "Commodities" et non pas, comme pour le Bitcoin, l’Ethereum & cie, sous la classe "FX". Il ne s'agit donc pas explicitement de crypto-monnaies comme le Bitcoin ou l'Ethereum, mais de contrats à terme et autres produits dérivés ayant, comme sous-jacents, des crypto-monnaies.

  • Unique Product Identifier (UPI)

    A l'avenir, tous les produits dérivés devront être dotés d’identifiants uniques (UPIs) standardisés et prédéfinis, à moins qu'ils ne soient déjà identifiés par un ISIN via des plateformes de négociation. Les UPIs sont définis par l'ANNA DSB, l’entité générant également des ISIN pour un grand nombre de produits dérivés. Dans la pratique, cela signifie, d'une part, l'exigence d'une connexion à l'ANNA DSB et, d'autre part, une extension correspondante du champ de déclaration de l'UPI ainsi qu'une extension de la logique de déclaration. Pour MiFID 2 et MiFIR, la production de l'ISIN s'effectue au moyen d'un fichier fpML complexe qui doit être livré à ANNA DSB. Quant à l’exercice d’implémentation, il faudra, dès lors, s’attendre à un effort accru de la part des acteurs du marché.

  • Post Trade Risk Reduction (PTRR)

    Jusqu'à présent, les déclarations, dans le cadre de compressions de portefeuille, ont été difficile à retracer. C'est pourquoi, à l'avenir, les transactions qui seront conclues, modifiées ou résiliées dans le cadre de réduction des risques "Compression" ou "Counterparty Rebalancing" devront être pourvues d'un PTRR ID unique. L'ID PTRR est mis à disposition par le fournisseur PTRR utilisé (par exemple, TriOptima ou Quantile). Les FCs et les NFCs doivent ensuite établir ou constituer les flux de données nécessaires.

En Suisse, les institutions financières se retrouvent fréquemment confrontées aux obligations issues de normes adoptées par les institutions de l’UE en raison de leur rayonnement géographique (filiales européennes).  Cette remarque vaut également lorsque les banques suisses acceptent la délégation du devoir de déclaration qui incombe à la contrepartie européenne. De plus et comme par le passé, afin d’assurer l’attractivité de la place financière helvétique et l’accès au marché européen, le législateur suisse pourrait être amené à réviser la loi sur l’infrastructure des marchés financiers (LIMF) à la lumière d’EMIR REFIT. A cet égard, le Conseil Fédéral a, d’ores et déjà, chargé le Département fédéral des finances d’élaborer un projet de révision de la LIMF. Une consultation publique est prévue d’ici le premier semestre 2024.

A court terme, les acteurs du marché devront se concerter ainsi que se coordonner en raison des modifications nécessaires liées au contenu modifié de l’obligation de déclaration. Devront être clarifiés, notamment, les ajustements relatifs aux transmissions de données mentionnés, l'implémentation de la nouvelle logique de reporting ainsi que la délégation des messages dans la relation entre les FCs et les NFCs-.

L’augmentation significative des champs de données, la complexité accrue et les efforts additionnels entraîneront indéniablement la mise en place de projets indépendants de la part des acteurs du marché afin d’assurer la mise en œuvre des nouvelles exigences liées aux reportings attendue dès avril 2024. En conséquence, une préparation, à cet égard et dès à présent, est essentielle.

Avec nos plus vifs remerciements à Alma Veuthey pour sa contribution à cet article.

Résumé

La nouvelle logique de déclaration complexe ainsi que le dernier format de déclaration émanant d’EMIR REFIT (Regulatory Fitness and Performance Program) devront être implémentés par les acteurs du marché, au plus tard, pour avril 2024. En raison des défis techniques et procéduraux qui devront être relevés par les institutions financières concernées, ces dernières doivent s’assurer, dès à présent, de l’intégration des nouvelles obligations à leur organisation interne.

Remerciements

Nous remercions Alma Veuthey pour sa précieuse contribution à cet article.

À propos de cet article

Auteurs
Silvia Devulder

Head Legal Romandie in Financial Services | Switzerland

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Christian Rump

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