12 Sep 2022
Businessman in train with cell phone, headphones and tablet

Cap sur l’innovation

By Pierre-Jean Forrer

EY Luxembourg Partner, Government and Public Sector Leader

Hard work, high expectations, disruptive and pragmatic approach, committed projects.

12 Sep 2022
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La volonté politique de faire du Luxembourg un lieu privilégié de l’innovation est soutenue par les acteurs du secteur privé. Porteurs d’agilité, ils peuvent faire gagner du temps et rendre plus efficace, le pilotage de projets. Interview de Pierre-Jean Forrer, Associate Partner chez EY Luxembourg.

Vous dites que le Luxembourg n’a pas attendu la « mode » du digital pour innover au sein du secteur public…

Le pays investit depuis longtemps dans les technologies de traitement de l’information. Le choix de solutions leaders du marché dans ce domaine par exemple a constitué un socle robuste permettant une évolution des processus de travail, et ce, à la lumière des nouvelles réglementations.

Le Luxembourg œuvre avec cohérence et stratégie pour l’innovation. La création d’une entité comme le Centre des Technologies de l’Information de l’Etat (CTIE) en témoigne. Ce dernier compte désormais quelques 500 collaborateurs et offre un catalogue de services et de solutions robustes pour répondre aux besoins des ministères et des administrations.

L’objectif est-il de donner plus d’agilité aux acteurs du secteur public ?

La modernisation du fonctionnement d’un Etat se mesure à la fois par l’efficacité de ses processus internes mais aussi par le service rendu au citoyen. Il s’agit par exemple de réduire les délais de traitements des dossiers, d’augmenter les capacités de traitement d’une administration ou encore de faciliter l’échange d’informations d’un service à l’autre. Pour le Luxembourg, cela signifie concrètement de répondre aux enjeux liés à l’augmentation de la population par exemple. La modernisation est aussi celle du service rendu plus accessible au citoyen, et notamment via les objets connectés.

Grâce à cette transformation digitale, de nouvelles politiques publiques peuvent ainsi émerger, laissant place à une gouvernance dynamique, agile et axée sur des résultats rapides.

L’innovation au service du citoyen et de sa protection donc, mais les deux vont-ils toujours de pair ?

L’actualité de ses dernières années nous rappelle que la confidentialité des données citoyennes est un enjeu démocratique. C’est pourquoi, dès lors que l’on digitalise les données des citoyens, la sécurité de l’archivage et le respect du RGPD deviennent une priorité.

Leur protection passe par une architecture de sécurité de l’information. Le renseignement d’une situation familiale donnant droit à une aide au logement ne doit pas être à la disposition du Ministère de l’Education par exemple. Ces digues étanches doivent être maintenues entre la Santé, la Justice, l’Intérieur, etc. et cela, tout en permettant aux administrations d’échanger d’autres données moins confidentielles comme l’adresse ou le numéro de sécurité sociale par exemple.

Comment se passe la transformation digitale d’une administration ?

EY contribue par exemple à la modernisation de certaines chaînes de traitement des demandes de citoyens auprès de l’administration. L’information part du citoyen, est complétée par un professionnel puis traitée par l’administration. Nous avons en outre réalisé la feuille de route digitale d’un service ministériel d’aide aux citoyens dans laquelle il a fallu définir l’ensemble des projets nécessitant une modernisation. L’ambition politique de faciliter l’accès à cette aide nécessite aussi une stratégie digitale permettant de traiter un plus grand nombre de demandes et de manière plus efficace.

Ces transformations concernent les processus, l’IT mais aussi l’impact de la réglementation. Elles s’opèrent aisément dans la mesure où les employés et fonctionnaires de l’Etat sont motivés et impliqués. Il est néanmoins important d’accompagner et de former ceux qui sont les moins à l’aise avec les outils digitaux.

En quoi la mise en œuvre trop longue d’un projet digital peut-elle s’avérer dangereuse ?

Certains projets sont ambitieux dans la mesure où ils s’étalent sur plusieurs années et peuvent même dépasser la dizaine de millions d’euros. L’innovation technologique ne se pense pourtant plus sur des échelles de temps aussi longues mais tient compte avant tout de l’agilité qu’elle peut offrir.

C’est pourquoi il faut toujours partir des besoins du métier et de l’administration afin de trouver les technologies adéquates, et ce, sur des cycles de temps relativement courts. Je prends pour exemple la publication du rapport Rifkin que beaucoup d’acteurs du marché considéraient alors comme trop théorique. L’accord de coalition a néanmoins réussi à prendre des engagements pragmatiques dans son programme gouvernemental.

Comment faciliter l’échange sécurisé de données entre le citoyen, les organismes étatiques et les entreprises ?

La transformation digitale est tributaire d’un haut niveau d’interopérabilité des données. La capacité de systèmes, unités et matériels à opérer ensemble est un élément central pour mettre en place suffisamment vite et de manière fiable, une administration moderne. Il en va de la capacité de diverses organisations hétérogènes à interagir en vue d’atteindre des objectifs communs, impliquant le partage d’informations.

Un pas important a été fait par le Conseil de gouvernement en mars 2019, avec l’adoption du cadre national d’interopérabilité pour les organismes du secteur public.

Auriez-vous quelques exemples de technologies prometteuses pour le Luxembourg ?

Le Ministère de la Digitalisation a annoncé le lancement d’une blockchain publique développée par le CTIE et le SIGI (Syndicat Intercommunal de Gestion informatique) ; l’objectif étant de gagner du temps et de l’argent. Les cas d’usage sont nombreux : octrois des crédits étudiants, renouvellement du permis de conduire, domiciliations, etc. La sécurité est garantie par la traçabilité des différents acteurs œuvrant sur une même chaîne.

La deuxième technologie que je retiendrais serait le Digital Twin qui est la réplique numérique d’un objet, d’un processus ou d’un système. Ce « jumeau numérique luxembourgeois » pourrait servir à davantage de simulations. Je pense tout particulièrement au secteur de la mobilité qui pourrait plus facilement et plus rapidement simuler l’établissement de nouvelles lignes de transport public par exemple.

Quels sont les atouts du Luxembourg ?

Le Luxembourg est une place privilégiée pour concrétiser de beaux projets d’innovation. D’abord la volonté politique et le législateur créent des périmètres d’implémentation pour les nouvelles technologies. Ensuite, et de par son territoire, le Luxembourg concentre des compétences multiples et variées. En résulte un écosystème fort d’échanges et de réactivité.

Pragmatisme, compétence et confiance sont les clés d’une approche réussie.

Summary

« Le Luxembourg œuvre avec cohérence et stratégie pour l’innovation ». Interview publiée par Lëtzebuerger Gemengen en Mars 2020.

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