5 minute read 31 Mar 2020
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Retour sur une décennie de Private Equity

By Olivier Coekelbergs

EY Luxembourg Managing Partner, Financial Services

Passionate about Private Equity and mentoring talents. Loves fishing.

5 minute read 31 Mar 2020
Related topics Private equity
Election de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, Union européenne ébranlée par le Brexit et la montée du nationalisme, multiplications des mouvements sociaux, attaques terroristes, économie dématérialisée, cybercriminalité et prise de conscience climatique… la décennie 2010-2019 a eu son lot d’événements historiques.

C
ette décennie semble avoir été à la recherche du changement sans toutefois véritablement l’incarner. Il faut dire qu’avec une économie mondiale frôlant les 4% de croissance par an depuis 2010*, les pays ont été réticents à s’engager dans des évolutions radicales qui auraient pu ébranler cette embellie. Bien que les populations aient manifesté leur désir de renouveau tant sur le plan politique qu’en termes d’économie durable, le spectre de la crise financière de la décennie précédente est resté trop présent. Ce contexte a fait la part belle à l’industrie du Private Equity qui, en plus d’avoir connu une croissance exceptionnelle, a réalisé des avancées structurelles notamment réglementaires qui ont contribué à la crédibiliser. D’alternatif, le Private Equity est ainsi devenu un incontournable sur la palette des investisseurs. Les années à venir pourraient toutefois révéler les faiblesses du secteur si les efforts ne se poursuivent pas.

Une croissance vertigineuse

Le marché du Private Equity a connu un essor sans précédent dans le monde. Au Luxembourg, les actifs sous gestion des fonds régulés sont passés de 1 841 milliards d’euros à la fin de l’année 2009 à 4 670 milliards d’euros en novembre 2019. Les fonds alternatifs représentent environ 20% de ces actifs. Le nombre de fonds d’investissement spécialisés a augmenté de 51% de 971 en 2009 à 1 469 dix ans plus tard. Sur l’ensemble de l’Union européenne, le nombre de fonds qualifiant de fonds d’investissement alternatifs selon la directive européenne sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM) s’élève à près de 6 250, s’approchant de plus en plus du nombre des fonds cotés de type « UCITS » d’environ 10 000. Le Brexit n’a pas affecté cette croissance. Les gestionnaires qui ont délocalisé leurs actifs de Grande-Bretagne sont restés majoritairement dans l’Union européenne afin de maintenir les privilèges de la licence AIFM. Certains pays comme le Luxembourg ont ainsi reçu un coup de pouce en devenant le nouveau siège de certaines grandes maisons. En dehors du Brexit, les principaux moteurs de la croissance sont à chercher dans les évolutions de l’économie mondiale. Les taux d’intérêt bas des dernières années et la volatilité des marchés financiers ont notamment poussé les investisseurs à chercher de nouvelles sources de rendements à moyen et long terme. Par ailleurs, la transformation des modes de vie et de consommation des sociétés a fait émerger de nouveaux besoins de financement, et donc de nouvelles opportunités d’investissement pour le Private Equity. 

Un pas de géant réglementaire

Face à une telle poussée des fonds de Private Equity, les régulateurs européens ont dû réfléchir à un cadre réglementaire. Ainsi, en 2013, le Luxembourg transposait dans sa loi la directive AIFM. Cette directive a probablement été l’événement le plus marquant de la décennie pour l’environnement réglementaire du Private Equity. Jusque-là peu surveillés, les gestionnaires ont dû adapter drastiquement leur organisation pour satisfaire aux nouvelles exigences européennes. Bien que certains ont pu y voir un poids administratif supplémentaire et y ont répondu par le strict minimum, voire en faisant appel à un gestionnaire externe, d’autres ont joué le jeu jusqu’au bout et en ont profité pour mettre à plat et assainir leur fonctionnement. Au final, le bilan est positif. La directive a apporté un cadre sécurisant pour les investisseurs et les demandes d’agréments se multiplient.

Le Luxembourg ne s’est toutefois pas arrêté à la mise en œuvre de la directive AIFM. Déjà bien positionné avec ses produits dédiés à l’alternatif tels que les fonds d’investissement spécialisés (FIS), les sociétés d’investissement en capital à risque (SICAR) et la partie II de sa loi sur les organismes de placements collectifs, le pays s’est doté de nouveaux outils pour attirer les investisseurs avec notamment les partnerships luxembourgeois qui ont apporté de la flexibilité dans le monde du non-régulé. La directive AIFM ayant introduit un niveau supplémentaire de réglementation en imposant la supervision directe des gestionnaires autorisés, le Luxembourg a saisi l’opportunité d’ajouter un nouveau véhicule dans sa panoplie en lançant le fonds d’investissement alternatif réservé (FIAR). Celui-ci n’est pas directement supervisé par le régulateur luxembourgeois mais l’est indirectement via son gestionnaire autorisé. Un tel véhicule bénéficie donc d’un temps de lancement très rapide sans pour autant sortir du cadre réglementaire. Enfin, à côté de ce corpus de lois, le régulateur a émis une série de circulaires afin d’encadrer les sociétés de gestion mais aussi les banques dépositaires dont le fonctionnement se rapproche de plus en plus de celui dédié aux fonds UCITS.

Que reste-t-il à faire ?

Si le chemin semble pavé pour la décennie à venir, beaucoup de chantiers restent ouverts. Bien que les gestionnaires aient déjà fait d’importants efforts organisationnels, la rationalisation de leurs opérations est loin d’être optimale. L’automatisation devrait y jouer un rôle important dans les années à venir. La fiabilité de l’information financière et notamment des évaluations des investissements peut être améliorée. La confidentialité étant souvent de mise dans le milieu du Private Equity, l’industrie bénéficie trop peu du partage d’informations et donc de données de marché exploitables. Enfin, des pans entiers du monde de l’investissement restent en-dehors du cadre, tels que les Family Offices qui ont pourtant encore du potentiel.

Nous ne savons pas ce que la prochaine décennie nous réserve, mais le Private Equity est sur le bon chemin pour affronter les défis de demain. 

*Données de la banque mondiale, projections 2019 du FMI, statistiques de la CSSF, statistiques de l’EFAMA

 

Summary

Au cours de la précédent décennie, l’industrie du Private Equity a connu une croissance exceptionnelle et a réalisé des avancées structurelles notamment réglementaires qui ont contribué à la crédibiliser. Nous ne savons pas ce que la prochaine décennie nous réserve, mais le Private Equity est sur le bon chemin pour affronter les défis de demain. 

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