8 minutes de lecture 20 sept. 2021

Efforts to protect against growing climate risks and aligning business strategies with a net-zero economy have never been more important.


            EY – Panorama nocturne d’Ottawa

Les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie divulguent davantage les risques liés aux changements climatiques, mais des lacunes subsistent

Par Thibaut Millet

Associé, groupe canadien Services en changements climatiques et développement durable d’EY

Leader du monde des affaires et en environnement. Contributeur au capitalisme propre. Guide les entreprises sur le chemin du développement durable. Diplômé du MBA de McGill.

8 minutes de lecture 20 sept. 2021

Collaborateurs :  Stephanie HamiltonLance Mortlock

Jamais les efforts en matière de protection contre les risques climatiques croissants et d’alignement des stratégies commerciales sur une économie carboneutre n’ont été aussi importants.

En bref
  • L’étendue des informations communiquées par le secteur canadien de l’énergie conformément aux recommandations du GIFCC a connu une hausse impressionnante de 27 % en 2019 tandis que leur qualité s’est accrue de 20 %.
  • Une plus grande transparence est un pas dans la bonne direction, mais il y a encore du travail à faire pour se prémunir contre les risques liés aux changements climatiques et aligner les stratégies commerciales sur l’objectif de carboneutralité.
  • Les risques et possibilités liés aux changements climatiques doivent figurer au cœur et à l’avant‑plan des priorités des entreprises, alors même qu’elles planifient leurs stratégies de croissance et qu’elles font rapport sur leurs progrès.

Avec une économie reposant sur l’extraction des ressources, le Canada est confronté à une transition vers une économie carboneutre plus difficile que d’autres pays. La transition n’est toutefois pas impossible. Les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie adoptent les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) et fournissent des informations plus étoffées relativement à leurs stratégies en matière de changements climatiques et de gouvernance que leurs pairs d’ailleurs dans le monde. Mais elles ont tout de même du travail à faire pour aider le Canada dans sa transition vers un bilan carbone de zéro émission nette.

Bien qu’une transparence accrue soit un pas dans la bonne direction, particulièrement lorsqu’il s’agit de satisfaire les investisseurs et de se conformer aux réglementations et aux politiques changeantes, les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie devront redoubler d’efforts pour se prémunir contre les risques grandissants liés aux changements climatiques et harmoniser leurs stratégies d’affaires à une économie carboneutre.

Le rapport Global Climate Risk Disclosure Barometer d’EY nous a permis d’examiner de plus près le secteur de l’énergie du Canada. Nous avons comparé les informations divulguées de 30 entreprises canadiennes du secteur de l’énergie à celles de leurs pairs d’ailleurs dans le monde pour avoir un portrait plus fidèle de ce qui favorise une divulgation d’informations plus étoffées et des améliorations qui peuvent être apportées.

Les stratégies de décarbonation du Canada prennent forme

Les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie que nous avons étudiées – de sociétés pétrolières et gazières intégrées à des producteurs d’électricité indépendants en passant par des entreprises de services publics – ont montré un niveau de transparence élevé et leur intention d’adopter entièrement les recommandations du GIFCC.

Le rapport Global Climate Risk Disclosure Barometer d’EY

Le rapport Global Climate Risk Barometer d’EY expose dans quelle mesure le marché tient compte des recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC).

Le GIFCC a été mis sur pied en 2015 par le Conseil de stabilité financière en vue d’améliorer et d’accroître la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques. Il a fourni onze recommandations sur l’information que devraient divulguer les sociétés cotées aux investisseurs.

Pour connaître la façon dont les entreprises y réagissent, nous avons étudié dans ce troisième rapport les informations publiées par plus de 1 100 entreprises issues de secteurs durement touchés dans 42 pays, dont le Canada.

Les entreprises ont été évaluées en fonction du nombre de recommandations qu’elles ont adoptées et se sont vu attribuer une note attestant la qualité de l’information communiquée.

Une note de 100 % pour l’étendue des informations communiquées indique qu’une entreprise a adopté les onze recommandations. Ensuite, chaque information recommandée reçoit une note sur 5 en ce qui concerne sa qualité. La note pour chaque recommandation contribue à la note totale de mesure de la qualité de l’entreprise.

Nous avons constaté que la divulgation obligatoire de l’information, la tarification du carbone et la pression croissante des investisseurs se traduisent par une plus grande transparence à l’échelle des secteurs.

Two-thirds of Canadian companies had reached full coverage of the recommended disclosures, higher than the 50% of their global peers that had reached full coverage. 

Par ailleurs, l’étendue des informations divulguées par le secteur canadien de l’énergie conformément aux recommandations du GIFCC a connu une hausse impressionnante de 27 % en 2019 et leur qualité s’est accrue de 20 %, tandis que l’étendue et la qualité des informations divulguées dans d’autres pays ont seulement augmenté de respectivement 12 % et 13 %.

Bien que le Canada montre de brillantes améliorations, il reste encore beaucoup à faire. Nous cherchons d’abord les éléments qui composent les informations additionnelles, puis corrigeons les lacunes.

Qu’est-ce qui motive la divulgation d’informations additionnelles du secteur canadien de l’énergie?

Les entreprises du secteur pétrolier et gazier contribuent considérablement au total des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada, leurs activités entraînant la production d’environ 26 % du total des émissions du pays. Par conséquent, elles subissent une pression croissante de la part des parties prenantes à l’égard de divers enjeux environnementaux, dont les changements climatiques.

Bon nombre des investisseurs d’aujourd’hui se concentrent sur des investissements responsables, où des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pris en compte dans le processus de sélection et de gestion de leurs actifs. Ils veulent savoir comment les entreprises du secteur de l’énergie se préparent à renforcer la résilience opérationnelle et à gérer le risque de transition. Les risques de transition sont les risques auxquels les entreprises font face dans leur transition vers une économie à faibles émissions de carbone, y compris les variations de la tarification du carbone ou d’autres changements de politiques, l’évolution des préférences des consommateurs et les risques de réputation.

Plus que jamais auparavant, l’accès des entreprises du secteur de l’énergie à des capitaux dépend de leur stratégie en matière de changements climatiques et de leur plan de gestion rigoureuse et d’atténuation des risques, qui commenceront à prendre forme grâce à une compréhension commune et à une transparence.

Plusieurs politiques et règlements fédéraux sont en préparation actuellement au Canada. Compte tenu de l’orientation claire présentée dans le plan climatique canadien mis à jour, les entreprises du secteur de l’énergie doivent fixer des objectifs de réduction plus ambitieux et communiquer leurs plans de décarbonation. L’engagement du Canada à réduire d’ici 2030 ses émissions de GES de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 devrait entraîner des mesures plus décisives et la divulgation d’encore plus d’informations au cours du prochain exercice et par la suite.

Ces facteurs nationaux sont exacerbés par la pression qu’exerce l’économie mondiale sur les entreprises en raison du nombre croissant de pays qui s’engagent à réaliser la carboneutralité. En juin 2021, les pays du G7 ont demandé de rendre obligatoire la divulgation d’informations financières relatives à l’exposition des entreprises aux risques liés aux changements climatiques. La prochaine étape, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) qui aura lieu à Glasgow en novembre 2021, devrait accélérer la prise de mesures supplémentaires à l’égard des objectifs de l’Accord de Paris et de la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Facteurs influençant la divulgation d’informations au Canada

Ici

  • En 2019, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont réitéré leurs attentes en matière de communication des risques importants, y compris ceux liés aux changements climatiques.
  • En 2019, le CDP (anciennement, Carbon Disclosure Project) a aligné son questionnaire aux recommandations du GIFCC. De nombreuses entreprises déclarent déjà leurs informations au CDP – l’enjeu est maintenant de fournir des réponses plus détaillées et solides.
  • Le plan climatique canadien mis à jour fournit une orientation en vue de respecter le plus récent engagement que le Canada a pris : la carboneutralité d’ici 2050.
  • Les mécanismes canadiens de tarification du carbone favorisent des informations plus détaillées sur les émissions des entreprises et une volonté de publier des stratégies d’atténuation.

Dans un avenir proche

  • En juin 2021, les pays du G7 ont annoncé leur soutien relativement à une divulgation obligatoire de renseignements financiers liés au climat.
  • La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, présentée en 2020, officialise l’engagement du Canada visant à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 en fixant des cibles quinquennales de réduction des émissions.
  • En 2022, les grandes sociétés d’État seront tenues de publier un rapport sur la divulgation d’informations financières liées aux changements climatiques. ​

Corrélation entre la divulgation d’informations et les risques et possibilités

Les risques liés aux changements climatiques s’imposant à l’ordre du jour, les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie doivent se préparer à ajouter les informations relatives aux changements climatiques à l’étendue de leurs audits externes. Nous remarquons déjà que les informations relatives aux changements climatiques, y compris des scénarios par des sociétés cotées à l’égard des recommandations du GIFCC, font l’objet d’une surveillance accrue des organismes de réglementation.

Bien que les informations divulguées par les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie soient de plus en plus rigoureuses, c’est l’analyse des risques axée sur l’avenir qui devrait être améliorée à mesure que ces entreprises réalisent des progrès.

Lorsqu’il est question de risques, nous avons découvert que la plupart des entreprises du secteur de l’énergie mettent l’accent sur les risques liés aux immobilisations et à la tarification du carbone, mais ne définissent pas suffisamment les autres risques. Les entreprises reconnaissent les changements climatiques comme une menace, mais n’explorent pas en détail les risques qui y sont liés, et peu d’entre elles sont en mesure de quantifier l’incidence de ces risques sur leurs activités. Par conséquent, à mesure que le monde fait la transition vers le bilan carbone de zéro émission nette, les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie s’exposent aux risques liés aux changements climatiques et risquent d’être mal outillées pour saisir les possibilités qui se présentent.

En plus des risques de transition, les entreprises doivent également tenir compte des risques physiques qui peuvent être considérables et très imprévisibles, notamment des vagues de chaleur et des inondations liées aux changements climatiques. Le rapport récemment publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (« GIEC ») des Nations Unies intitulé Contribution du Groupe de travail I au sixième rapport d’évaluation présente clairement une aggravation des risques. Ces occurrences touchent le secteur de l’énergie et d’autres secteurs de l’économie et ne peuvent plus être ignorées.

L’analyse de scénarios prenant en compte les changements climatiques s’avère essentielle à l’obtention d’une évaluation rigoureuse des risques

En passant en revue les informations divulguées par les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie, nous avons nettement constaté un élément manquant : les risques et les possibilités identifiés ne sont pas liés à l’analyse de scénarios.

Dans le cadre d’information du GIFCC, l’analyse de scénarios constitue une étape de planification cruciale qui permet de passer de la théorie à la mise en œuvre de stratégies concrètes et exécutables. L’analyse de scénarios est essentielle pour la divulgation d’informations de premier plan, car les risques liés aux changements climatiques sont intrinsèquement plus longs, à plus long terme, et plus complexes que la plupart des risques d’entreprise habituels.

À mesure que la divulgation d’informations devient pratique courante, les autorités de réglementation et les marchés financiers chercheront davantage à savoir si les entreprises ont effectué des évaluations des risques rigoureuses en s’appuyant sur une analyse de scénarios.

Jusqu’à maintenant, seulement 41 % des entreprises à l’échelle mondiale procèdent à des analyses de scénarios, tandis qu’elles ne sont que 15 % à prendre en compte les conséquences potentielles des changements climatiques dans leurs états financiers.

Il existe différentes formes d’analyses de scénarios qui permettent aux entreprises de voir la marche à suivre et de modifier leurs modèles d’affaires en conséquence. Par exemple, décrire la transition vers la carboneutralité dans différents secteurs économiques ainsi que les plans de rémunération et la compensation. En évaluant et en gérant divers scénarios – du plus probable au pire scénario – les entreprises peuvent mieux se préparer et satisfaire les parties prenantes.

Avoir un avenir carboneutre

À mesure que les preuves scientifiques s’accumulent, des projections plus irréfutables concernant les changements climatiques apparaissent, et la nécessité de passer immédiatement et plus concrètement à l’action se précise.

De toute évidence, les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie ont prêté attention aux avertissements, leurs stratégies de décarbonation ayant commencé à prendre forme. Bien que les changements climatiques constituent probablement leur plus grand enjeu à long terme, ils présentent également des possibilités économiques.

Les entreprises du secteur de l’énergie qui font ouvertement part de leur progrès ont l’occasion d’attirer les investisseurs et du financement vert. En outre, le secteur montre une volonté de s’adapter et d’innover et est appuyé par les développements technologiques en matière de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (« CUSC »), d’hydrogène, de modernisation des réseaux électriques et de petits réacteurs nucléaires modulaires.

Le Canada travaille avec ardeur pour se positionner en tant que leader parmi les économies mondiales, mais nous ne devons pas oublier que nous faisons partie de ceux qui ont le plus de chemin à parcourir. Nos secteurs dont les émissions peuvent être difficilement réduites demeurent essentiels à l’économie mondiale, du moins à court ou à moyen terme. La divulgation accrue d’informations par les entreprises du secteur de l’énergie suggère que nous sommes sur la bonne voie. Pour faire avancer les choses de manière significative, encore faut‑il que cette divulgation se traduise par une action concertée de multiples acteurs de la chaîne de valeur.

Alors que les efforts pour passer à un environnement de zéro émission nette s’intensifient, les risques et possibilités liés aux changements climatiques doivent être la priorité de toutes les organisations canadiennes dans leur planification de l’avenir. 

Résumé

Les entreprises canadiennes du secteur de l’énergie divulguent davantage les risques liés aux changements climatiques – dans le but de satisfaire les investisseurs et de se conformer aux réglementations et aux politiques changeantes – toutefois, il leur reste beaucoup de travail à accomplir pour se prémunir contre les risques grandissants liés aux changements climatiques et harmoniser leurs stratégies d’affaires à une économie carboneutre. Nous aidons les entreprises du secteur de l’énergie et d’autres secteurs à cerner les corrélations d’ordre physique, économique et réglementaire entre les répercussions découlant des changements climatiques à venir, d’une part, et les activités opérationnelles et les composantes de la chaîne d’approvisionnement, d’autre part.

À propos de cet article

Par Thibaut Millet

Associé, groupe canadien Services en changements climatiques et développement durable d’EY

Leader du monde des affaires et en environnement. Contributeur au capitalisme propre. Guide les entreprises sur le chemin du développement durable. Diplômé du MBA de McGill.