Chapitre 1
Le rôle de l’État central
Comment l’État central peut créer les conditions propices
Favoriser l’inclusion numérique et l’accès aux services
L’État central a un rôle à jouer dans la création de conditions favorables à l’essor d’une économie numérique inclusive. Les gouvernements doivent mobiliser les entreprises et les inciter à mettre en place les infrastructures nécessaires, à former la main‑d’œuvre à la culture numérique et à assurer un accès sécuritaire aux services numériques.
La clé réside dans le développement d’une infrastructure numérique à haute vitesse, fiable et robuste. Les réseaux de télécommunications de pointe – y compris le prochain réseau mobile 5G – et les centres de données sont les piliers de l’économie numérique et requièrent des investissements continus. Les améliorations apportées à l’infrastructure doivent combler les disparités économiques entre les villes et les zones rurales et favoriser l’inclusion numérique à l’échelle de celles‑ci. L’introduction de l’identité et de l’authentification numériques des utilisateurs permettra aux citoyens d’obtenir un accès transparent aux services.
Instaurer la transformation et la collaboration
L’État central – souvent par l’entremise de son organisme numérique national – doit formuler une stratégie numérique nationale expliquant comment il entend offrir des services publics efficaces et accessibles tout en optimisant l’expérience du citoyen. Cette stratégie garantit que les ministères et les organismes se concentrent sur l’atteinte de résultats pangouvernementaux et que les programmes interorganismes sont financés. Certains pays, tels que les États‑Unis, le Royaume‑Uni, la France et l’Australie, ont mis sur pied un bureau centralisé de la transformation ou des services numériques pour qu’il mène à bien leurs projets.
L’État central doit parvenir au décloisonnement et à l’interopérabilité des systèmes, des bases de données et des registres pour offrir un accès unique aux services publics. Il faut que les plateformes gouvernementales soient configurées pour s’insérer dans les services des organismes et appuyer un éventail d’applications et de fonctionnalités, comme la gestion de l’identité, les paiements, la messagerie et les notifications.
Adopter des politiques, des règlements et des normes
Des normes courantes d’interopérabilité doivent être élaborées et appliquées par l’État central pour permettre le partage des données à l’échelle des organisations. De nombreux gouvernements resserrent la réglementation sur l’utilisation et la protection des données personnelles pour que les personnes puissent avoir le contrôle sur la manière dont leurs données sont utilisées.
Il incombe également au gouvernement de mettre à jour continuellement les cadres juridiques et réglementaires pour tenir compte de l’évolution rapide des technologies telles que l’intelligence artificielle. Ces cadres permettraient de stimuler l’innovation et de gérer les risques potentiels.
Il est crucial de gérer efficacement les menaces de cyberattaques, qui mettent en péril le processus démocratique. Les gouvernements doivent intégrer la cybersécurité à chaque étape de leur activité, de la stratégie à la conception et aux opérations, et collaborer avec d’autres acteurs pour créer un cadre politique solide en matière de cybersécurité et un écosystème sécurisé.
Acquérir les bonnes connaissances et compétences
La collaboration intergouvernementale et l’échange de connaissances et d’expertise entre les pays sont essentiels. Les nations numériques avancées du groupe D9 – Royaume‑Uni, Estonie, Corée du Sud, Israël, Nouvelle‑Zélande, Canada, Uruguay, Mexique et Portugal – se rencontrent régulièrement pour partager les meilleures pratiques et élaborer des solutions aux écueils symétriques bien connus.
Le secteur public doit être en mesure de rivaliser avec le secteur privé pour recruter, former et fidéliser les personnes les plus qualifiées. L’État central peut contribuer à préparer la main‑d’œuvre en vue de l’ère numérique en renforçant les compétences techniques de base, comme le développement de logiciels et l’architecture des systèmes, ainsi que les nouvelles compétences, comme la science des données. Les États qui créent un environnement plus dynamique attireront les travailleurs plus jeunes à la recherche de postes où ils pourront apporter des changements positifs dans la société.
La transformation numérique a également des répercussions plus vastes sur l’avenir du travail en général, et les États doivent tenir compte de l’incidence de l’automatisation sur la société, l’équité et l’emploi. Ils doivent avant tout aider la population en général à perfectionner ses compétences pour préserver les possibilités d’emploi.
Chapitre 2
Le rôle des ministères, des organismes gouvernementaux et de l’administration locale
Dix points clés que les organismes et ministères doivent prendre en considération avant d’amorcer leur transformation numérique.
Les organismes gouvernementaux et les ministères doivent réaliser leur propre transformation numérique. Il s’agit entre autres de réformer des domaines allant de la structure organisationnelle et de la gouvernance aux processus de travail, en passant par la culture, les compétences et la technologie.
1. Aligner les programmes numériques sur la vision et la raison d’être globales
Tenir compte avant tout de la raison d’être de l’organisation. Développer une vision des résultats souhaités à laquelle les parties prenantes clés peuvent souscrire, puis évaluer le rôle que les technologies numériques peuvent jouer. Certaines organisations peuvent commencer à analyser leurs enjeux les plus importants de façon à pouvoir définir et prioriser les projets de transformation numérique hâtive.
Élaborer une stratégie numérique et un plan de mise en œuvre pour faire de la vision une réalité. La stratégie doit être adoptée par l’ensemble de l’organisation pour éviter les vases clos, bousculer la hiérarchie et promouvoir la collaboration interministérielle – et externe.
2. Mettre en place des structures organisationnelles et de gouvernance
Se préparer à créer des entités conçues spécialement pour la tâche à accomplir. Ces entités seront responsables de l’exécution de l’ensemble du processus de transformation numérique et de la mise en place de certains éléments.
Élaborer des cadres de gouvernance qui favorisent le décloisonnement ministériel ou fonctionnel pour assurer une participation harmonieuse tout au long du projet. Les programmes les plus efficaces font intervenir des parties prenantes clés de tous les niveaux de l’organisation qui peuvent s’acquitter de la direction, de la surveillance et de la responsabilité partagée du programme.
3. Obtenir le soutien des grands dirigeants
Nommer un promoteur principal en interne pour doter l’équipe de transformation numérique d’un mandat ciblé sur le changement, ainsi que d’un soutien visible. Celui‑ci doit être une personne compétente et charismatique qui comprend les bienfaits de la transformation et peut promouvoir la transition.
4. Concevoir de meilleures expériences pour les citoyens
Redéfinir l’organisation, les rôles et les compétences pour offrir une approche centrée sur les citoyens. Avoir recours à des laboratoires de conception créative et d’expériences clients pour créer des services structurés autour des besoins réels des utilisateurs au lieu de structures gouvernementales traditionnelles. Déterminer les besoins en matière de technologie, de processus, de capacité et de transition aux fins de la transformation numérique de l’expérience du citoyen et faire en sorte que chaque point de contact soit plus profitable, plus efficace et plus rapide.
L’objectif ultime est d’obtenir la concertation des ministères afin d’offrir une expérience harmonieuse. Ainsi, le citoyen sera servi efficacement à chaque point de contact, tandis que les tâches en double et les inefficacités seront éliminées.
5. Adapter la culture et les modes de travail
Obtenir l’adhésion des employés en communiquant les justifications du changement et les avantages prévus. Envisager d’avoir recours à des mesures telles que des programmes officiels de gestion du changement et des centres d’excellence pour contribuer à élargir les initiatives numériques.
Veiller à la prise de décisions transparente, et encourager la participation active des employés à la planification, à la conception de solutions et à la mise en œuvre. Donner aux employés suffisamment de temps et d’espace pour s’adapter aux nouvelles méthodes de travail numériques, par exemple, en repensant les flux de travaux et en offrant de la formation initiale et continue sur les nouveaux outils numériques.
6. Optimiser l’architecture et les processus de TI
Créer une infrastructure de TI plus souple, reposant sur une architecture orientée sur les services et combinant les modèles de réalisation d’infrastructures traditionnels et renouvelés pour faciliter l’interopérabilité et le partage de l’information. Cette approche est à la fois moins coûteuse et plus souple, puisque les systèmes peuvent être reconfigurés pour répondre aux besoins en évolution.
Intégrer d’anciens systèmes disparates pour offrir une vision unique du citoyen. Recourir aux technologies d’automatisation comme la robotique en tant qu’outils de transition rentables entre les implantations en TI et les processus manuels.
Déterminer si les processus eux‑mêmes sont prêts à être automatisés, voire nécessaires. Au fur et à mesure que les processus sont automatisés, songer à la façon dont ils peuvent améliorer la prise de décisions et l’attribution des ressources.
7. Adopter une approche agile en matière de prestation
Grâce à une approche agile, combinée à la prestation continue, il est possible de raccourcir les délais d’exécution d’un projet et d’en réaliser la valeur plus rapidement. Diviser un programme complexe pluriannuel en plusieurs volets d’une durée d’exécution plus courte afin de pouvoir apporter des ajustements au besoin.
Mettre en place de nouvelles solutions en réalisant un projet pilote dans un volet particulier pour tester le concept tout en réduisant le niveau de l’investissement initial.
8. Former une équipe de spécialistes en capacités numériques
Investir dans des équipes spécialisées de professionnels de la technologie numérique pour mettre en œuvre la stratégie numérique. Renforcer les capacités dans des domaines comme les technologies émergentes, le marketing numérique, la conception centrée sur l’utilisateur, l’analyse de données et la sécurité de l’information. Offrir des parcours professionnels bien définis – les spécialistes du numérique peuvent constituer une nouvelle génération de talents pour l’organisation.
Mettre sur pied des laboratoires de conception et des centres d’innovation, en mettant l’accent sur la pensée créatrice, le traçage du parcours du citoyen et le prototypage d’idées, au cœur du développement rapide de capacités.
9. Favoriser l’innovation et l’expérimentation
Encourager une culture d’innovation et une culture entrepreneuriale, et donner aux employés à tous les échelons les moyens de remettre en question le statu quo et de proposer de nouvelles idées. Utiliser des mesures incitatives, comme les programmes de récompense et de reconnaissance, pour favoriser l’atteinte de meilleurs résultats pour les citoyens.
Encourager une culture expérimentale grâce à des marathons de programmation ou à la formation d’équipes de choc, dans le cadre desquels des groupes peu structurés participent à des projets radicalement nouveaux. Soutenir l’incubation et offrir du financement pour transformer en réalité des idées et des concepts novateurs.
10. Surveiller et évaluer les progrès
Dans le cadre de la stratégie numérique, établissez des jalons et un calendrier réalistes pour le programme de transformation et des mesures de rendement concrètes susceptibles de refléter les résultats à court et à long terme. Collecter régulièrement les données sur le rendement pour fournir des informations pouvant influer sur la planification et la prise de décisions futures.
Surveiller les perceptions des citoyens et leur niveau de satisfaction en investissant dans des outils d’évaluation de l’expérience. Ce type d’outil aidera également, en temps voulu, à renforcer la confiance du public.
Chapitre 3
Le rôle d’un écosystème plus vaste
Les six principaux domaines d’interaction avec l’écosystème large.
Dans une ère de disruption numérique, les gouvernements ne peuvent plus agir chacun de leur côté. Ils doivent plutôt miser sur les connaissances et les ressources de l’écosystème au sens large – entreprises en démarrage, PME, entrepreneurs, milieu universitaire, société civile et citoyens –, pour trouver des solutions novatrices aux problèmes de politique publique.
1. Offrir de nouveaux services numériques
Dans certains cas, le lancement de nouveaux produits et services numériques gouvernementaux repose sur la participation ou la contribution des partenaires, des utilisateurs finaux ou d’autres parties prenantes externes. Pour obtenir l’adhésion de ces partenaires, les équipes responsables du succès de la transformation numérique mènent les consultations qui sont vitales pour la viabilité du programme.
2. Créer ou joindre des réseaux innovants
Les États peuvent promouvoir l’innovation en créant des réseaux intersectoriels regroupant toutes les parties intéressées ou en y participant. Grâce à une collaboration efficace, ils peuvent développer conjointement des solutions permettant de renforcer la compétitivité, d’améliorer les résultats économiques et de rehausser le niveau de vie. Le secteur privé et les secteurs tiers ne peuvent que bénéficier de cette relation symbiotique, grâce au financement public, aux investissements dans la R et D et aux politiques qui facilitent les opérations, tout en donnant aux États un accès à de nouvelles technologies, à des compétences numériques et à des solutions intersectorielles novatrices.
3. Adopter de nouveaux modèles et solutions d’affaires
Les États cherchent de plus en plus à exploiter des solutions technologiques émergentes et disruptives pour améliorer l’efficacité et l’efficience des services publics. Le marché en croissance des technologies gouvernementales est un terreau fertile pour des solutions numériques créatives et nouvelles à l’échelle de la chaîne de la valeur du secteur public dans son ensemble, de l’établissement des politiques à la prestation de services. Les organismes gouvernementaux s’associent ou concluent des contrats avec des tiers pour tirer parti des nouveaux modèles d’affaires axés sur la technologie dont ils ont besoin pour transformer les services actuels et réaliser les économies de coûts qui feront en sorte qu’ils sont viables. Dans certains cas, des tiers prennent en charge la gestion des services publics lorsqu’ils peuvent le faire de manière plus efficace et efficiente.
4. Concevoir de nouvelles pratiques d’approvisionnement
Les marchés numériques créés par les États et les nouvelles pratiques d’approvisionnement qu’ils adoptent comportent plusieurs avantages. Ces nouveaux mécanismes diversifient le bassin de fournisseurs de solutions numériques en réduisant la dépendance envers les sous‑traitants de plus grande taille, permettent aux États de négocier de meilleures modalités contractuelles et optimisent les ressources, tout en faisant la promotion de solutions novatrices proposées par des fournisseurs non traditionnels, comme les PME et les entreprises en démarrage.
5. Bâtir des plateformes d’échange de données
Les États et les autorités publiques de partout dans le monde lancent des initiatives de données ouvertes et élaborent des plateformes d’échange de données. Leur but est de faire en sorte que les tiers, y compris les citoyens, aient facilement accès aux données, de faciliter le développement de nouvelles solutions à des problèmes complexes et d’accroître la transparence et la responsabilisation. Ils cherchent aussi à améliorer la prestation de services à l’échelle d’un éventail de domaines, dont l’éducation, la santé, l’environnement, la protection sociale et les finances.
6. Engager les citoyens dans l’élaboration conjointe de politiques et de services
Les citoyens ont un rôle majeur à jouer comme sources d’idées neuves pour un secteur public plus efficient et efficace. De nombreux États ont mis sur pied des plateformes numériques aux fins de consultation publique sur les politiques et les priorités budgétaires de l’État pour offrir aux citoyens la chance de s’exprimer sur les décisions qui ont une incidence sur leur qualité de vie. Les États les plus novateurs font collaborer les citoyens activement à l’élaboration des politiques et des services. Des laboratoires de politiques émergeant de toutes parts demandent aux citoyens de contribuer à l’établissement des politiques dans des sphères aussi diverses que l’éducation, la santé et la justice.
La voie à suivre
Il n’y a pas de place pour l’immobilisme : la technologie est dynamique par nature. De plus, de nouvelles capacités et des modèles commerciaux disruptifs apparaissent constamment. Les États n’ont d’autre choix que d’accepter la mouvance de leur parcours de transformation, ce qui nécessite une ouverture d’esprit et des perspectives évolutives. Même si les défis semblent considérables, les organismes gouvernementaux qui savent planifier et gérer efficacement le parcours et profiter de l’énorme potentiel de l’écosystème qui les entoure en retirent des avantages inestimables.
Résumé
Pour combler le fossé entre le potentiel de transformation numérique au gouvernement et les piètres résultats de la mise en œuvre dans le secteur public, il faut une action coordonnée de l’État central et des différents ministères et organismes gouvernementaux, ainsi qu’un écosystème plus vaste composé d’entreprises, d’universités, d’organisations à but non lucratif et des citoyens.