La réorientation de votre stratégie peut‑elle survenir plus vite que le changement?

Par Juan Uro

Principal, EY‑Parthenon, Stratégie et transactions, Ernst & Young s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Conseiller et gestionnaire d’expérience en matière de stratégie, de transactions et de transformation. Membre de conseils d’administration. Époux, père de deux enfants.

7 minutes de lecture 23 sept. 2020

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  • Will your strategy go from virtual to reality? (pdf)

Tandis que les entreprises s’intéressent à l’après-crise de la COVID‑19, les règles sur lesquelles elles s’appuyaient auparavant pour élaborer leur stratégie à long terme ne s’appliquent plus.

En bref
  • La pandémie a exacerbé la disruption, nécessitant une stratégie organisationnelle plus souple.
  • La stratégie doit être au service de l’ensemble de ses parties prenantes, et non pas seulement des actionnaires.
  • La liste des stratèges change, de nouvelles fonctions s’y ajoutant, telles que celles de chef de la croissance, de chef de la transformation et de chef du développement durable.

Les hauts dirigeants sont amenés à ajuster plus souvent la stratégie de leur entreprise, à plus forte raison dans le contexte de la pandémie mondiale actuelle. Les entreprises souhaitent se remettre en question avant que leurs concurrents ne les y contraignent, et l’équipe de dirigeants chargée de mettre en œuvre la stratégie s’élargit, en incluant désormais de nouvelles fonctions, telles que celles de chef de la croissance, de chef de la transformation et de chef du développement durable.

Parallèlement, la stratégie doit maintenant être orientée vers l’ensemble des parties prenantes, et non plus seulement vers les actionnaires. Les concurrents aussi doivent être vus comme des partenaires éventuels afin de prospérer dans un avenir incertain.

Ces nouvelles forces amènent les entreprises à revoir la façon dont elles élaborent et exécutent leur stratégie. Les résultats du nouveau sondage EY Realizing Strategy sur l’évolution du processus d’élaboration de la stratégie, qui a été mené auprès de 1 000 hauts dirigeants, notamment des chefs de la direction et des chefs des finances, révèlent comment ils s’y prennent.

Certains résultats clés :

  • Parmi les participants au sondage, 76 % affirment que la COVID‑19 aura une incidence sur la stratégie à moyen et à long terme de leur organisation, ou les forcera à la réorienter, et 12 % soutiennent qu’elle les obligera à se tourner vers de nouveaux secteurs pour réussir.
  • En outre, 82 % indiquent que, dans l’élaboration de la stratégie, les clients sont tout aussi importants, voire plus importants, que les actionnaires; tandis que 69 % soutiennent que les employés revêtent la même importance que les actionnaires.
  • Au cours des trois prochaines années, selon 67 % des répondants, la plus grande menace concurrentielle proviendra d’une entreprise de l’extérieur de leur secteur.
  • Plus de 80 % des participants qui ont ajouté au cours des cinq dernières années les fonctions de chef de la croissance, de chef de la transformation ou de chef du développement durable affirment que leurs titulaires exercent une influence considérable sur la stratégie. 

Dorénavant, les dirigeants devront probablement mieux comprendre quelles parties prenantes exercent une influence sur la stratégie, s’adapter à un écosystème et à un environnement concurrentiel en rapide transformation, intégrer de nouvelles fonctions de haute direction qui jouent maintenant un rôle dans l’élaboration de la stratégie et moderniser leur organisation en la rendant plus prompte à intervenir et plus agile, pour suivre le rythme de l’évolution de sa stratégie.

Le sondage EY Realizing Strategy révèle que

76 %

des hauts dirigeants affirment que la COVID‑19 aura une incidence sur la stratégie à moyen et à long terme de leur organisation ou les forcera à la réorienter.

L’avenir de l’élaboration de la stratégie : Une vision englobant actionnaires et parties prenantes

Dans leurs réponses au sondage, les dirigeants ont établi clairement que la vision de l’entreprise, auparavant axée sur le rendement offert aux actionnaires, s’est élargie de façon à accorder une plus grande importance aux clients, aux employés, aux fournisseurs ainsi qu’à la société en général, en intégrant des objectifs environnementaux et sociétaux.

L’importance de chaque groupe varie selon le secteur. Dans le secteur des produits de consommation et du commerce de détail, 58 % indiquent que les clients sont plus importants que les actionnaires. Dans le secteur des services financiers, 78 % des dirigeants croient que les autorités de réglementation sont aussi importantes, voire plus importantes, que les actionnaires. Par contre, 70 % des dirigeants du secteur énergie et ressources naturelles affirment que les fournisseurs jouent un rôle aussi important, sinon plus important, que les actionnaires. Connaître l’importance des parties prenantes de son secteur peut faciliter l’élaboration de la stratégie globale.

Il ne faut pas en conclure pour autant que le rendement pour les actionnaires est sans importance. Dans les faits, si les besoins de principales parties prenantes sont satisfaits, la performance financière devrait s’améliorer. Si la stratégie globale trouve un écho auprès des actionnaires, le marché est susceptible de réagir favorablement.

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Quelles mesures les hauts dirigeants peuvent-ils prendre pour livrer concurrence et innover efficacement dès aujourd’hui? Les entreprises doivent :

  • bien comprendre l’ensemble de leur écosystème et déterminer à quelles parties prenantes accorder la priorité;
  • mettre l’accent sur un ensemble de paramètres d’évaluation du rendement total pour les parties prenantes, de façon à maximiser la valeur de l’organisation;

s’adapter à l’écosystème en transformation de l’entreprise et à la « coopétition ».

Depuis plusieurs années, dans bien des secteurs, les progrès technologiques font en sorte que les menaces qui guettent les entreprises n’émanent pas du groupe de concurrents qu’elles connaissent, mais plutôt d’organisations issues d’autres secteurs ou d’entreprises en démarrage dont l’entrée sur le marché est parsemée de moins d’embûches. Il pouvait s’agir d’un nouvel arrivant dans le secteur des services financiers offrant des services de courtage gratuits ou d’une société technologique créant des styles personnalisés au moyen d’algorithmes capables de révolutionner le secteur de la vente au détail de vêtements.

Dans l’avenir, la concurrence pourrait émaner de n’importe où, et de partout. À cet égard, le sondage indique que 67 % des répondants estiment que la plus grande menace guettant leur organisation proviendra d’un concurrent non traditionnel. Bien connaître quels sont ses véritables concurrents et réaliser une analyse systématique de la situation au sein du secteur et de la provenance des menaces peuvent constituer des mesures essentielles permettant de cerner là où la croissance est possible et de repérer les éventuels partenaires ou les cibles d’acquisition.

De cette analyse peut se dégager un esprit de « coopétition » amenant deux concurrents traditionnels à unir leurs efforts pour pallier leurs lacunes sur le plan commercial, des produits ou de la technologie, ce qui peut s’avérer bénéfique pour l’un et l’autre. Actuellement, 97 % des dirigeants croient possible ce type de partenariat avec des concurrents, 56 % d’entre eux indiquant que de tels partenariats seraient surtout motivés par la nécessité de surmonter certains obstacles traditionnels, comme les besoins en capitaux, les exigences réglementaires et l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement. Par ailleurs, 43 % d’entre eux soutiennent être disposés à établir de tels partenariats en vue d’accéder à de nouveaux marchés.

Concurrents

97 %

des dirigeants croient possible ce type de partenariat avec des concurrents.

Les entreprises de premier plan peuvent créer de la valeur au‑delà des frontières organisationnelles en établissant une marque qui inspire confiance et séduit leurs partenaires. Elles évoluent de façon à devenir le pivot de tout un écosystème, qu’elles gèrent activement, favorisant la collaboration et l’innovation collaborative avec leurs partenaires.

Quelles mesures les dirigeants peuvent-ils prendre pour tirer parti de la disruption et éviter de se faire mettre en échec? Les entreprises peuvent :

  • miser sur l’analytique dynamique en temps réel aux fins de la planification stratégique, de façon à mieux prédire la disruption;
  • se doter d’un répertoire de stratégies pour stimuler le rendement de tous les types de partenariats et de transactions;
  • revoir leurs processus critiques afin de maximiser la valeur tirée de leur écosystème;

Élargir l’équipe de décideurs.

L’exécution d’une stratégie plus efficace repose sur la participation d’un plus grand nombre d’intervenants aux compétences diversifiées. C’est au chef de la direction et au chef de la stratégie qu’il incombe traditionnellement d’élaborer la stratégie. Les dirigeants indiquent toutefois que s’ajoutent à leur équipe un chef de la croissance, un chef de la transformation et un chef du développement durable. Cela peut être révélateur du rythme auquel les changements se succèdent et de l’importance des mesures non financières, comme les facteurs liés à l’environnement et à la réglementation, dans la détermination de la valeur de marché d’une entreprise.

Or, la conversion au numérique constituant un facteur concurrentiel déterminant dans tous les secteurs, il n’est pas étonnant que le chef de la technologie intervienne davantage dans l’élaboration de la stratégie, 72 % des dirigeants sondés indiquant que, dans leur entreprise, le chef de la technologie ou le chef de l’information joue un rôle de moyenne ou de grande importance dans l’élaboration de la stratégie.

En outre, 75 % des dirigeants indiquent que le conseil d’administration exerce une influence notable sur l’élaboration de la stratégie, un pourcentage qui passe à 81 % dans les entreprises très performantes. Le sondage révèle que bon nombre d’entreprises préfèrent que les administrateurs possèdent une expérience pratique des marchés adjacents à titre d’exploitant ou encore des questions d’ordre réglementaire ou fiscal.

Quelles mesures les hauts dirigeants peuvent‑ils prendre de nos jours dans un monde où la réussite passe par le recours à des compétences plus vastes? Les entreprises doivent :

  • créer de nouveaux postes de hauts dirigeants pour être en mesure de servir un bassin diversifié de parties prenantes;
  • accorder à ces dirigeants un poids réel dans l’élaboration de la stratégie;

Progresser à la vitesse de la pensée.

Trop peu d’entreprises peuvent s’adapter à des circonstances qui évoluent rapidement. Désormais, l’exécution de la stratégie repose sur la capacité de l’entreprise de s’adapter et de progresser au rythme auquel évolue cette stratégie. En effet, 40 % des dirigeants le reconnaissent et indiquent qu’ils prévoient mettre en œuvre des pratiques agiles, se doter d’une culture de l’innovation et conclure des transactions moins organiques au cours des trois prochaines années.

Les entreprises reconnaissent également que, pour progresser au même rythme que leur stratégie, elles doivent modifier des processus de base. En fait, 67 % des dirigeants affirment qu’ils doivent revoir intégralement le processus d’affectation des capitaux, tandis que 63 % croient nécessaire de modifier le processus budgétaire. Les entreprises pourraient être amenées à évaluer les possibilités internes et externes qui s’offrent à elles, en s’appuyant sur un cadre cohérent qui repose sur des données et qui est harmonisé avec leurs objectifs stratégiques.

Quelles mesures les hauts dirigeants peuvent‑ils prendre pour favoriser une gestion plus efficace de l’écosystème? Les entreprises doivent :

  • intégrer une composante d’agilité à leur ADN organisationnel, de façon à accroître leur capacité d’adaptation;
  • procéder à la refonte du processus d’affectation des capitaux de manière à accélérer le redéploiement des capitaux;
  • bonifier le processus d’affectation des capitaux par l’analytique dynamique. 

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Conclusion

Pour conserver un avantage concurrentiel, les entreprises peuvent redéfinir leurs objectifs en se concentrant sur un groupe élargi de parties prenantes, en déterminant la source des menaces qui les guettent sur le plan concurrentiel et en collaborant – même avec des concurrents – afin d’établir un écosystème qui bonifie la valeur. Elles pourraient également devoir apporter des ajustements aux processus internes de base et s’adjoindre les services d’une équipe élargie de dirigeants (et d’administrateurs) afin d’élaborer leur stratégie et d’en superviser la mise en œuvre.

Huit mesures clés pour réinventer et réaliser la stratégie organisationnelle à long terme :

  1. Comprendre l’ensemble de son écosystème afin de livrer concurrence et d’innover efficacement
  2. Mettre l’accent sur le rendement total pour les parties prenantes, et non pas seulement sur le rendement pour les actionnaires, en vue de bonifier la valeur de l’entreprise
  3. Réaliser des analyses dynamiques en temps réel aux fins de la planification stratégique, afin de mieux prévenir la disruption
  4. Intégrer une composante d’agilité à l’ADN organisationnel, de façon à accroître la capacité d’adaptation de l’entreprise
  5. se doter d’un répertoire de stratégies pour stimuler le rendement de tous les types de partenariats et de transactions;
  6. Revoir les processus clés (gestion du risque, contrôle interne, processus juridiques, conformité) afin de rehausser la valeur de l’écosystème
  7. Assurer la cohérence de la stratégie numérique et de la stratégie d’entreprise pour en libérer le plein potentiel
  8. Procéder à la refonte du processus d’affectation des capitaux pour accélérer le redéploiement des capitaux

Nous tenons à remercier Ghassan Khoury, Sumedha Agarwal, Bhargav Shankar et Ranjan Rath, d’EY‑Parthenon, d’être les principaux contributeurs au présent article et d’en être les coauteurs.

Résumé

Le sondage EY Realizing Strategy sur l’évolution du processus d’élaboration de la stratégie, qui a été mené auprès de 1 000 hauts dirigeants, notamment des chefs de la direction et des chefs des finances, révèle comment les entreprises modifient la façon dont elles élaborent et exécutent leur stratégie.

À propos de cet article

Par Juan Uro

Principal, EY‑Parthenon, Stratégie et transactions, Ernst & Young s.r.l./S.E.N.C.R.L.

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