La quarantaine, synonyme de déduction pour frais de bureau à domicile?

Par EY Canada

Organisation de services professionnels multidisciplinaires

7 minutes de lecture 15 déc. 2020

Si vous faites maintenant du télétravail, vos coûts supplémentaires seront-ils déductibles?

De David Robertson et Laura Jochimski, EY Cabinet d’avocats

Si vous engagez des dépenses supplémentaires parce que vous êtes obligé de faire du télétravail pendant la pandémie de COVID-19, pourrez-vous déduire les montants en cause aux fins de l’impôt sur le revenu? Les frais de bureau — comme le loyer, l’électricité et la papeterie — engagés par les employeurs sont des dépenses d’entreprise déductibles. Ainsi, compte tenu de l’isolement physique obligeant des milliers d’employés à télétravailler, ces employés ne devraient-ils pas eux aussi pouvoir déduire ces dépenses?

En bref, les employés peuvent-ils déduire de leur impôt sur le revenu le coût d’un nouveau bureau ou d’une nouvelle chaise? Non. Qu’en est-il d’une partie de leur loyer? Peut-être. Le gouvernement instaurera-t-il de nouvelles règles de manière à permettre expressément les déductions des dépenses d’employé, comme celles pour l’achat de bureaux ou d’écrans d’ordinateur supplémentaires et le loyer, pendant la pandémie de COVID-19? Nous devrons attendre pour le savoir.

Le paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») renferme une règle générale selon laquelle, à moins qu’une dépense ne soit expressément prévue à l’article 8, elle n’est pas déductible dans le calcul du revenu d’emploi de l’employé.

Le paragraphe 8(1) énumère les circonstances limitées très précises dans lesquelles des dépenses peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’emploi d’une personne. En ce qui concerne les frais de bureau à domicile, les sous-alinéas 8(1)i)(ii) et (iii) permettent à un employé de déduire le loyer de bureau ainsi que le coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l’exercice des fonctions de son emploi.

Concrètement, ces sous-alinéas ont été interprétés comme permettant la déduction d’une somme raisonnable au titre du loyer (somme proportionnelle à l’espace de la maison consacré au travail) et des fournitures qui sont consommables — comme les stylos, le papier et d’autres articles. Si l’employé est propriétaire de son domicile, néanmoins, aucune disposition ne permet la déduction des intérêts hypothécaires.

Cela dit, même en ce qui concerne les dépenses qui relèvent des sous-alinéas 8(1)i)(ii) ou (iii), il existe d’autres restrictions.

D’une part, l’obligation de l’employé d’acquitter personnellement le loyer de bureau ou les fournitures doit être expressément prévue dans son contrat d’emploi. Pour établir cette obligation et avant de pouvoir déduire la dépense, l’employé doit demander à son employeur de signer et de lui remettre le formulaire T2200, Déclaration des conditions de travail.

D’autre part, dès qu’une dépense comme une facture d’électricité ou le loyer remplit les critères du paragraphe 8(1), d’autres règles restrictives sont prévues au paragraphe 8(13). En particulier, pour qu’une dépense admissible soit déductible, l’espace de travail doit : a) constituer le lieu où l’employé accomplit principalement les fonctions de son emploi, ou b) être utilisé par l’employé exclusivement aux fins de tirer un revenu d’emploi et être utilisé pour rencontrer des clients ou d’autres personnes de façon régulière et continue dans le cours normal de l’exécution des fonctions de son emploi.

Étant donné qu’un grand nombre d’employés sont à présent tenus par leur employeur de faire du télétravail et respectent la demande du gouvernement d’observer la quarantaine et d’éviter les contacts physiques avec les autres, la question est de savoir si les réunions et conférences téléphoniques virtuelles peuvent faire en sorte que le bureau à domicile d’un employé soit considéré comme un lieu où l’employé rencontre régulièrement des clients (souvenez-vous que le bureau à domicile doit être utilisé « exclusivement » aux fins de tirer un revenu de l’emploi). Par le passé, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a adopté la position que les réunions et les conférences téléphoniques tenues virtuellement ou par Skype ne constituaient pas des rencontres.

Vu la rapidité à laquelle la pandémie actuelle fait évoluer le lieu du travail, nous présumons que ce ne sera qu’une question de temps avant que la Cour canadienne de l’impôt soit appelée à se prononcer.

En ce qui concerne la question de savoir si l’espace de travail est ou non le lieu où l’employé « accomplit principalement » les fonctions de son emploi, aucune ligne directrice n’indique comment l’accomplissement de ces fonctions est mesuré, et on ignore si une courte période (p. ex., un ou deux mois) de travail à domicile obligatoire serait admissible, ou si l’accomplissement des fonctions doit être évalué sur une base annuelle.

Étant donné que de plus en plus d’employeurs se tournent vers un système de réservation de bureau où les employés n’ont plus d’espace attribué dans les bureaux de l’employeur — et on pourrait, un jour donné, compter finalement plus d’employés que d’espaces de travail disponibles — de nombreux employés font déjà du télétravail, au moins à temps partiel. En conséquence, même si le travail à domicile est mesuré sur une base annuelle, compte tenu de la capacité croissante de faire du télétravail, de plus en plus d’employés travailleront plus de 50 % du temps à partir de leur domicile plutôt que dans les bureaux de leur employeur.

Si un employé peut déduire une dépense dans le calcul de son revenu imposable aux fins de l’impôt, il existe également un allégement de taxe sur les produits et services / taxe de vente harmonisée (« TPS/TVH ») correspondant. Plus précisément, l’article 253 de la Loi sur la taxe d’accise prévoit, pour certains employés, un remboursement de la TPS/TVH payée sur des dépenses qui sont déductibles dans le calcul du revenu de l’employé tiré d’un emploi en vertu de la LIR.

Autre approche possible : allocation pour frais de bureau à domicile versée par l’employeur

Au lieu de demander à un employé d’engager les frais de bureau à domicile comme condition d’emploi, certains employeurs préfèrent verser une allocation à leurs employés qui sont tenus de faire du télétravail de manière à couvrir les coûts additionnels engagés par ces derniers.

Cette solution comporte un certain nombre d’avantages.

D’abord, l’employeur peut déduire cette allocation dans le calcul de son revenu imposable pour autant que le montant est raisonnable.

Par ailleurs, à condition que l’allocation soit versée pour couvrir des articles qui sont assujettis à la TPS/TVH (comme les frais de téléphone et d’Internet, ou les fournitures de bureau) et non des articles non taxables (comme le loyer), l’employeur peut recouvrer une partie de l’allocation sous forme de crédit de taxe sur les intrants (si les activités de l’employeur consistent à vendre des produits et services assujettis à la TPS/TVH).

Par exemple, si une allocation de 100 $ est versée à un employé domicilié en Ontario pour des fournitures de bureau, l’employeur pourrait avoir droit à un crédit de taxe sur les intrants de 11,50 $ pour ce qui est de la TVH notionnelle incluse dans l’allocation (100 $ x 13/113). Ainsi, l’allocation de 100 $ ne coûterait en réalité à l’employeur que 88,50 $.

Avec la pandémie, il sera intéressant de voir si l’ARC, le ministère fédéral des Finances et le gouvernement du Canada prennent des mesures pour aider les employés dont les frais de bureau à domicile ne sont pas remboursés, en élargissant ou en assouplissant les règles actuelles en matière de déductibilité des dépenses d’employé ou la façon dont elles sont appliquées. En attendant, voici les points à retenir.

Cinq principaux éléments à prendre en considération dans la situation actuelle

  1. Les règles permettent la déduction de certains frais de bureau à domicile si votre contrat d’emploi vous oblige à faire du télétravail et que vous « accomplissez principalement » vos fonctions d’emploi à votre domicile. Par le passé, l’ARC a déclaré que « principalement » correspondait à un seuil de 50 %, mais elle n’a pas précisé s’il s’agissait de 50 % d’une année (soit 6 mois) ou si une courte période pendant laquelle vous êtes tenus de faire du télétravail à temps plein remplirait les conditions, comme dans le cas de l’actuelle pandémie.
  2. Les déductions en vertu des règles actuelles de l’article 8 de la Loi de l’impôt sur le revenu sont limitées. Le coût d’articles comme le mobilier et le matériel informatique ne peut être déduit (ni amorti, même en partie). Par contre, les éléments qui sont consommables — dont les fournitures de bureau, les appels interurbains, les factures de chauffage, et la partie du loyer relative à votre bureau à domicile — peuvent être déduits s’ils constituent une condition de votre emploi et que votre employeur en atteste et vous remet le formulaire T2200.
  3. Absence de double déduction. Vous ne pouvez pas bénéficier d’une déduction si votre employeur couvre déjà ces dépenses, soit en vous remboursant directement, soit en vous versant une allocation raisonnable.
  4. Gardez une trace de vos dépenses. Avoir une trace documentaire des dépenses est essentiel pour prouver qu’elles ont été engagées. C’est vrai selon les règles actuelles, et cela le restera si le gouvernement instaure de nouvelles règles permettant la déduction des frais de bureau à domicile dans le cas précis de la COVID-19. Quoi qu’il en soit, soyez diligent et conservez tous les reçus associés à la période pendant laquelle vous devez faire du télétravail.
  5. Demandez à votre employeur de remplir le formulaire (T2200) de l’ARC qui est requis pour déduire les frais de bureau à domicile.

Pour en savoir plus sur EY Cabinet d’avocats, veuillez consulter le site eylaw.ca.

La présente publication ne fournit que des renseignements sommaires, à jour à la date de publication seulement et à des fins d’information générale uniquement. Elle ne doit pas être considérée comme exhaustive et ne peut remplacer des conseils professionnels. Avant d’agir relativement aux questions abordées, communiquez avec EY ou un autre conseiller professionnel pour en discuter dans le cadre de votre situation personnelle. Nous déclinons toute responsabilité à l’égard des pertes ou dommages subis à la suite de l’utilisation des renseignements contenus dans la présente publication.

Résumé

Avec la pandémie, il sera intéressant de voir si l’Agence du revenu du Canada, le ministère fédéral des Finances et le gouvernement du Canada prennent des mesures pour aider les employés dont les frais de bureau à domicile ne sont pas remboursés, en élargissant ou en assouplissant les règles actuelles en matière de déductibilité des dépenses d’employé ou la façon dont elles sont appliquées.

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