4 minutes de lecture 20 avr. 2017
Drapeau canadien et gratte-ciel

Incidence de la réforme des politiques américaines sur les entreprises canadiennes

Par Fred O’Riordan

Leader national, Politique fiscale, EY Canada

Économiste chevronné. Administrateur fiscal. Professionnel de la fiscalité. Ardent défenseur de la préservation de la culture matérielle et de l’architecture canadiennes.

4 minutes de lecture 20 avr. 2017

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Quatre enjeux dont les conseils d’administration et les dirigeants canadiens devraient se préoccuper

Dire que le visage de la politique publique s’est transformé de façon spectaculaire au cours des derniers mois serait un euphémisme. Dans la foulée notamment de la montée du populisme aux États-Unis, l’heure n’est plus à la mondialisation et à la libéralisation du commerce, mais aux politiques plus protectionnistes, et le Canada doit composer avec l’instabilité qui en découle.

Alors que les entreprises canadiennes se heurtent à un climat d’incertitude jamais vu depuis des années, les priorités fiscales et budgétaires du gouvernement fédéral ne sont pas nécessairement au diapason du contexte actuel. Les dirigeants d’entreprise doivent prendre conscience des transformations qui se sont produites dans quatre domaines clés et des répercussions qu’elles pourraient avoir sur leurs activités.

1. Commerce international

Le gouvernement Trump a entamé son mandat en promettant de revoir les accords commerciaux existants et de s’opposer à la conclusion de nouveaux accords. Étant donné l’ampleur des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, une telle philosophie a le potentiel de couper l’herbe sous le pied des entreprises canadiennes dans tous les secteurs.

Depuis la signature en 1988 du premier Accord de libre-échange Canada–États-Unis, les différents gouvernements canadiens ont vigoureusement soutenu le libre-échange, y compris l’ALENA qui a suivi ainsi que le projet de Partenariat transpacifique (PTP) maintenant abandonné. Le Canada a aussi récemment signé l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

Le retrait des États-Unis du PTP pourrait forcer le Canada à tenter de conclure ses propres accords régionaux ou bilatéraux avec certains pays asiatiques, ce qui pourrait constituer un immense avantage pour bon nombre d’entreprises canadiennes.

Bien que les premiers signes laissent penser que le Mexique est la principale cible du gouvernement américain dans la renégociation de l’ALENA, l’incertitude plane. Le Canada ne peut se permettre de baisser la garde et doit se rappeler les différends l’ayant opposé aux États-Unis au sujet du bois d’œuvre, de la gestion de l’offre dans le secteur de l’agriculture, de la propriété intellectuelle et des limites de télédiffusion.

En matière de négociations commerciales, les détails sont d’une importance capitale. La réouverture de l’ALENA risque, à tout le moins, de créer un climat d’incertitude qui pourrait nuire au commerce et aux investissements bilatéraux.

2. Fiscalité

La réforme fiscale aux États-Unis est assurément une priorité stratégique, tant pour le Congrès que pour le président Trump.

Depuis quelques années, le Canada jouit d’un certain avantage par rapport aux États-Unis en matière de compétitivité des régimes d’imposition des sociétés. La position du Canada dans le G7 et son classement par l’OCDE à cet égard se sont améliorés pendant quelques années, mais ont récemment reculé, principalement en raison des hausses d’impôt dans certaines provinces, combinées aux baisses des taux d’imposition adoptées par d’autres pays.

Il est trop tôt pour savoir ce que contiendront les propositions finales du plan de réforme fiscale aux États-Unis. Une forte baisse du taux d’imposition américain sur les investissements aurait une incidence sur la production, les chaînes d’approvisionnement et les décisions d’investissement de nombreuses entreprises nord-américaines. En tout état de cause, le Canada pourrait facilement perdre son avantage au chapitre de l’imposition des sociétés.

3. Déréglementation

Le gouvernement Trump devrait annuler différents règlements sur les changements climatiques visant le secteur du charbon et celui du pétrole et du gaz. Le président a signé, durant les premiers mois de sa présidence, une série de décrets qui réorientent la politique américaine vers la déréglementation, dont un décret exigeant que pour chaque nouveau règlement pris, au moins deux règlements antérieurs soient annulés.

En 2015, le Canada et les États-Unis ont signé l’Accord de Paris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, s’engageant ainsi à atteindre des cibles nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le Canada a depuis pris des mesures pour établir une tarification nationale du carbone, de concert avec les provinces (par l’imposition d’une taxe sur le carbone ou d’un système de plafonnement et d’échange) et a convenu avec les États-Unis de réglementer les émissions de méthane. La Colombie-Britannique et l’Alberta ont instauré une taxe sur le carbone, tandis que l’Ontario et le Québec ont mis en place un système de plafonnement et d’échange. Les provinces ont aussi pris différents règlements, notamment sur les normes relatives aux énergies renouvelables.

Cette divergence de politique entre les deux pays pourrait encore affaiblir l’avantage concurrentiel des entreprises canadiennes en matière d’investissement international.

4. Immigration et sécurité frontalière

Même si, traditionnellement, le Canada et les États-Unis sont ouverts à l’immigration, le gouvernement Trump a annoncé des restrictions en matière d’immigration et d’admission de réfugiés.

Comme il l’avait promis pendant sa campagne électorale, le président Trump a signé en 2017 un décret visant l’érection d’un mur à la frontière sud des États-Unis. Bien entendu, il serait peu probable, à l’extrême, que les États-Unis construisent un mur le long de leur frontière nord avec le Canada, mais « la plus longue frontière non militarisée au monde » pourrait être renforcée par d’autres moyens qui pourraient avoir une incidence sur les relations commerciales.

Résumé

Le gouvernement Trump a réorienté la politique américaine de façon radicale, et les conseils d’administration et dirigeants canadiens doivent prendre conscience de l’incidence potentielle de cette réorientation sur leurs entreprises. Dans les domaines clés que sont le commerce international, la fiscalité, la déréglementation, ainsi que l’immigration et la sécurité frontalière, les répercussions pourraient toucher les entreprises de tous les secteurs à l’échelle du pays.

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Par Fred O’Riordan

Leader national, Politique fiscale, EY Canada

Économiste chevronné. Administrateur fiscal. Professionnel de la fiscalité. Ardent défenseur de la préservation de la culture matérielle et de l’architecture canadiennes.