5 min de temps de lecture 30 sept. 2021
Accélérer la transformation environnementale et sociétale

La crise Covid : une opportunité unique pour accélérer la transformation environnementale et sociétale de notre économie

Par Eric Fourel

Président d'EY en France

Éric œuvre pour l’intégration de son expertise au cœur de la réalité économique.

5 min de temps de lecture 30 sept. 2021

La période de crise que nous avons transversé ne constituerait-elle pas une opportunité pour accélérer notre mutation vers un modèle plus responsable ?

En résumé :

  • La crise Covid s’est greffée à une remise en cause du modèle néolibéral déjà existante.
  • Cette période a permis de démontrer notre agilité, notre mobilisation et notre capacité à nous réinventer.
  • La transformation environnementale ne réussira que si toutes les parties prenantes se sentent embarquées dans cette ambition.

La période de sidération collective que nous avons traversée en 2020 a fait place au sentiment plus insidieux de devoir apprendre à vivre dans une incertitude sanitaire prolongée.

Après le plongeon de 8 % en 2020 engendré par le premier confinement, notre économie fait preuve d’une remarquable résilience et ce, pas uniquement grâce aux plans massifs de soutien mis en place. La croissance en 2021 que l’on anticipe désormais plus forte que prévue (environ 6 %), est une illustration de la confiance que les ménages et les entreprises nourrissent en l’avenir. Mais est-ce pour autant l’aspiration d’un retour au monde d’avant qui transparaît à travers ces indicateurs ? 

 

 "La crise Covid s’est greffée sur une remise en cause déjà largement à l’œuvre depuis plusieurs années du modèle néolibéral qui régissait le monde économique depuis la fin des années 70."

 

Plusieurs événements marquants ont jalonné cette défiance vis-à-vis d’un capitalisme au service du seul profit pour l’actionnaire. On peut citer pêle-mêle la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 sur le terrain des droits humains ou bien encore les Panama Papers en 2016 en matière de transparence financière. Beaucoup plus structurant, le danger vital que représente le réchauffement climatique pour les générations futures a fait l’objet d’une prise de conscience politique quasi universelle lors de la signature par 195 pays en 2015 de l’Accord de Paris sur le climat. En s’engageant à des contributions déterminées pour contenir le réchauffement d’ici 2100, les Etats reconnaissaient l’exigence d’une transformation majeure de nos économies vouées à la décarbonation.

Au moment du déclenchement de la crise Covid, les esprits étaient donc déjà préparés à l’idée d’une transformation environnementale et sociétale de nos modèles économiques, mais celle-ci semblait encore bien délicate à traduire dans les faits. Avec le rejet d’une fiscalité punitive sur les carburants, le mouvement des gilets jaunes en 2019 avait souligné l’inacceptabilité d’une transformation environnementale qui prendrait appui sur la seule augmentation, discriminatoire vis-à-vis des plus modestes, du prix des énergies fossiles. La transformation environnementale butait ainsi sur une impasse sociologique. Quant à l’appel à davantage de conscience sociétale, il se concrétisait essentiellement par l’adoption de la Loi Pacte en mai 2019, offrant aux entreprises un cadre d’évolution, essentiellement optionnel. Seule la transformation technologique s’engageait sur une trajectoire de pleine vitesse avec l’explosion du e-commerce, du big data et l’émergence de l’intelligence artificielle sur fond de déploiement progressif de la 5G.

Parce qu’elle est perçue, à tort ou à raison, comme la première grande crise de l’anthropocène, révélant le risque existentiel que fait peser sur l’humanité le courtermisme de notre activité, la crise Covid devrait en toute logique accentuer le consensus pour orienter résolument notre développement économique vers une création de valeur plus respectueuse de la planète et des enjeux sociétaux. Certains déséquilibres mis en évidence par la crise Covid sont criants comme par exemple les ruptures d’approvisionnement, d’abord sur des équipements médicaux aussi basiques que les masques, puis sur des productions comme les semi-conducteurs, indispensables pour actionner la transformation technologique. Ils sont autant d’illustrations des excès d’une mondialisation qui s’est exclusivement nourrie depuis 50 ans d’une course à la baisse du coût des facteurs de production.

Le désir de croissance que révèle ce vif retour, dès l’après confinement, de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises n’exprime pas pour autant un négationnisme du besoin de transformation. L’étude « C-Suite Challenge 2021 » récemment publiée par l’Institut de l’Entreprise montre notamment que la première préoccupation des dirigeants est de s’adapter aux changements de comportements des consommateurs et d’augmenter la durabilité de leurs produits et services. En France, les décideurs économiques sont d’ailleurs nettement plus offensifs que leurs homologues d’autres pays pour qui ces priorités sont moins prégnantes et se placent en tous cas loin derrière les nouvelles opportunités offertes par la data.

En définitive, croissance et transformation durable ne doivent pas se résoudre à devenir un oxymore.

Eric Fourel

Country Manager, France

En définitive, croissance et transformation durable ne doivent pas se résoudre à devenir un oxymore. L’impératif de transformation environnementale ne réussira que si nous sommes capables d’embarquer les masses populaires comme l’establishment financier dans une vaste ambition d’innovation technologique et de meilleure qualité de vie. Parce que la crise Covid a été à la fois une prise de conscience aiguë de notre vulnérabilité, une formidable démonstration de notre agilité à réinventer les modes de production et une mobilisation sans précédent de moyens financiers pour relancer l’économie, elle constitue une fenêtre unique pour accélérer notre mutation vers une civilisation plus responsable.

La publication le 14 juillet dernier du « paquet climat » de la Commission européenne et de son plan « Fit for 55 » pour atteindre une réduction de 55 % de nos émissions d’ici 2030, tout comme les autres réformes en matière de taxonomie verte, seront les aiguillons de cette transformation. Mais, aussi puissante soit-elle, la régulation ne suffira pas.

Le premier volet du 6ème rapport du GIEC publié le 9 août dernier nous rappelle que la trajectoire du réchauffement climatique s’emballe, avec un franchissement de la barre du 1,5 °C dès le début des années 2030 et une hausse possible à 2,9 °C d’ici 2100 si les réductions promises ne sont pas au rendez-vous. On y lit aussi que l’adaptation climatique aux changements de températures n’est pas linéaire et qu’il faudra plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires de neutralité carbone avant de renverser le phénomène d’acidification des océans et d’élévation du niveau des mers que notre ère industrielle a déclenché. Bref, la planète brûle sur l’autel de notre croissance passée et pas seulement au sens figuré. Alors, profitons des plans de relance et du changement de logiciel provoqués par la crise Covid pour prendre résolument notre part dans cette révolution sociétale que la situation climatique exige.

Ce qu'il faut retenir

La crise Covid se révèle être une véritable opportunité pour transformer notre société en prenant en compte plus rapidement le consensus déjà existant sur les enjeux environnementaux et sociétaux auquel nous faisons face.

Découvrez la tribune d’Eric Fourel, Président d’EY en France, parue dans la Revue T à l’occasion du EY T-DAY, événement dédié à la transformation des organisations. 

 

A propos de cet article

Par Eric Fourel

Président d'EY en France

Éric œuvre pour l’intégration de son expertise au cœur de la réalité économique.