7 min de temps de lecture 14 mars 2022
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Directeur des opérations : comment vous assurer que votre organisation est toujours le bon endroit pour vos collaborateurs ?

Par Philippe Dulou

Associé, Consulting, Supply Chain & Operations Leader, France

Philippe a 30 ans d’expérience professionnelle en amélioration de la performance des opérations, depuis la formulation stratégique jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle.

7 min de temps de lecture 14 mars 2022

Afin de retenir les talents et favoriser la transformation de leur entreprise, les directeurs des opérations (COO) doivent définir de nouvelles modalités de travail avec leurs collaborateurs, dont les aspirations évoluent.

En résumé :
  • Les collaborateurs d'aujourd'hui envoient un message aux directeurs des opérations : ne pas se contenter de donner un emploi, mais également comprendre leurs motivations, leur apporter des compétences et répondre à leurs aspirations.
  • Les directeurs des opérations sont confrontés à une pression intense pour réduire les coûts et augmenter la productivité, tout en affrontant des marchés perturbés.
  • En répondant aux aspirations des collaborateurs et en adoptant une approche fondée sur l’ensemble de l'écosystème des talents, il est possible de créer un équilibre gagnant entre satisfaction professionnelle, productivité et agilité.

Les opérations à l’échelle mondiale sont profondément perturbées par un faisceau de facteurs externes, affectant en même temps les collaborateurs. Ainsi, un nouveau type de collaborateur est en train d'émerger, plus mobile, avec ses propres aspirations professionnelles. Simultanément, de nouvelles approches telles que l'automatisation et les services managés peuvent permettre la création d'un écosystème de talents qui correspond à ces nouvelles méthodes de travail. Cela peut empêcher ce que le New York Times a appelé le phénomène de « grande démission », tout en stimulant une augmentation significative de la productivité des collaborateurs.

Le facteur humain est largement reconnu comme un élément clé de la transformation. Dans l'étude d'EY réalisée en 2021, The CEO Imperative, 68 % des PDG ont identifié les problématiques liées aux collaborateurs telles que les besoins en talents, l’évolution des compétences et les enjeux culturels comme le principal facteur de transformation de leur entreprise. La transformation des équipes se révèle être le moteur du changement pour la transformation de l’entreprise.

Cet article est le troisième de la série COO Imperative Series - des aperçus conçus pour fournir des réponses et des pistes de réflexion afin d'aider les COO à redéfinir l'avenir. Le premier article explorait le parcours directeur des opérations dans sa transformation post COVID-19. Le deuxième article traite des défis spécifiques à relever pour assurer des opérations résilientes et durables. Nous explorons ici l'émergence et la gestion de cette nouvelle main-d'œuvre.

Se préparer à un nouveau type de main-d'œuvre

Chaque entreprise possède un environnement de travail unique. Mais, en règle générale, les fonctions dans le périmètre du directeur des opérations (production, supply chain, achats, engineering, voire administration et service client) ont souvent été ouvertes à une large base de candidats avec des expériences bien définies. Bon nombre de ces postes sont liés à un lieu ou à un secteur particulier, ce qui réduit la mobilité professionnelle.

Ces dynamiques ont placé le directeur des opérations traditionnel en position forte pour définir ses propres conditions de recrutement. En raison de la nécessité de recruter à grande échelle, la gestion des collaborateurs est souvent gérée de manière très structurée – voire rigide – avec des fiches de postes, des rémunérations fixes et une culture de commandement et de contrôle.

En tant que directeur des opérations, il est important de repenser cette relation, car les tendances fondamentales actuelles remodèlent profondément le monde du travail traditionnel :

  1. La main-d'œuvre traditionnelle vieillit et quitte progressivement le marché. Ce phénomène crée des attritions fortes dans les industries à forte dimension opérationnelle. Par exemple, 97% des dirigeants d'entreprises industrielles américaines s'inquiètent de la perte imminente des connaissances opérationnelles et techniques. Le départ de ces collaborateurs crée les conditions de nouvelles modalités de travail.
  2. La prochaine génération recherche de nouveaux objectifs de carrière. Les collaborateurs entrants ont des aspirations différentes de leurs aînés. Selon l'étude d'EY menée en 2019, The Millennial Economy, 58 % des nouveaux collaborateurs estiment qu'ils sont plus entrepreneuriaux que les générations précédentes et moins d'un tiers ont l'intention de rester dans une seule entreprise. Il s'agit d'une main-d'œuvre qui doit être comprise, et non commandée.
  3. La volatilité croissante des activités – autant côté clients que côté fournisseurs - pose des problèmes de gestion de la main-d'œuvre. Elle montre par ailleurs la difficulté d’avoir à supporter des coûts fixes élevés. De plus en plus, les directeurs des opérations cherchent à réduire la rigidité de ces coûts fixes, tout en maintenant et développant la productivité et la qualité de vie des collaborateurs.
  4. L’entreprise est de plus en plus dépendante des collaborateurs qualifiés dans le domaine numérique. L'Internet des objets (IoT) est en train de « recâbler » les usines, les robots peuplent les entrepôts et les algorithmes d'IA pénètrent le back-office. Dans une récente enquête d'EY, Reinventing the supply chain for an autonomous future, seuls 44 % des répondants ont déclaré que leurs collaborateurs étaient préparés à l'évolution numérique. Les directeurs des opérations doivent rivaliser avec les grands acteurs de la tech, les start-ups à la pointe de la technologie et leurs propres directeurs informatiques pour la chasse aux talents numériques rares. Mais le directeur des opérations a aussi un défi particulier à relever. Il faut certes des data scientists, mais aussi des data scientists qui comprennent le « business », c’est-à-dire les systèmes propres à l’automobile, aux opérations spécifiques dans la distribution, l’énergie, etc. Ces spécialités ne sont pas enseignées dans les cours d'informatique - elles doivent être apprises sur le terrain.
  5. Il y a un besoin croissant de managers. Le directeur des opérations est souvent le plus grand "employeur" de l'entreprise, avec parfois des dizaines de milliers de collaborateurs. Cela nécessite des gestionnaires de talents qui puissent répondre aux nouveaux besoins des collaborateurs.

Ces tendances signifient que le directeur des opérations doit repenser la relation de son organisation avec ses collaborateurs et restructurer l’environnement de travail en conséquence.

  • Étude de cas : une société minière renforce ses compétences en matière de main-d'œuvre

    Le développement durable devient une préoccupation centrale des directeurs des opérations, et une société minière internationale a décidé de devenir la référence du secteur dans ce domaine. Elle a créé un "centre de formation à l'excellence environnementale" auquel tous les collaborateurs - au bureau ou sur les sites miniers - sont tenus d’aller. Le centre n'enseigne pas seulement des compétences en matière de conformité, il élargit également le sujet au développement durable en mobilisant les collaborateurs autour de ces enjeux.

Tout comme un monde en pleine transformation a créé des défis pour le directeur des opérations, il a également fourni de nouvelles solutions pour y faire face.

  • La robotique et l'intelligence artificielle créent des opportunités d'automatisation dans de larges segments de la population active. En plus de réduire les coûts, l'automatisation peut accélérer les opérations et générer des données précieuses à analyser.
  • Les technologies de travail hybrides permettent une main-d'œuvre plus flexible, que ce soit pour les collaborateurs réguliers travaillant à domicile ou pour les collaborateurs externes. Cela peut devenir une nécessité : selon une étude d'EY auprès d’un large panel d’entreprises, 2021 Work Reimagined Employee Survey, plus de la moitié (54 %) des employés sondés envisageraient de démissionner s'ils n'avaient pas accès à un environnement de travail flexible.
  • La pénurie chronique de talents que nous connaissons aujourd'hui a entraîné une augmentation des investissements dans la montée en compétences et la reconversion. Selon une étude du Forum économique mondial, environ 40 % des collaborateurs envisageront une reconversion au cours des toutes prochaines années.
  • Les plateformes numériques ont permis une nouvelle génération d'externalisation, permettant aux prestataires de fournir des services managés hautement personnalisés, tels que la fabrication flexible, l'analyse des données ou la gestion opérationnelle de la supply chain.
  • Les entreprises peuvent dans certains cas se rapprocher pour mutualiser les talents et les compétences, en ayant une vision plus ouverte de leur écosystème et en ouvrant de nouvelles perspectives à leurs collaborateurs.

Ainsi, au lieu d'une structure rigide et unique, ces options permettent de créer des environnements de travail variés, adaptés aux compétences et aux aspirations des collaborateurs.

  • Étude de cas : étendre la formation numérique à la main-d'œuvre du secteur industriel

    Une entreprise industrielle internationale proposait une formation numérique pour ses employés de bureau, mais aucune pour ses ouvriers. Sous la direction du COO, des modules d'apprentissage en matière d'analyse statistique, de pilotage numérique et d'Internet des objets ont été dispensés à la main-d'œuvre opérationnelle, en utilisant ses propres collaborateurs pour accélérer la transition numérique de l'entreprise.

Le nouvel état d'esprit rééquilibrage de la relation directeur des opérations-collaborateur

Nous sommes maintenant en plein dans l’ère de « la grande démission ». En effet, les collaborateurs les plus jeunes ne trouvent pas les opportunités qu'ils veulent, les collaborateurs-parents ont de plus en plus de difficultés à travailler (par exemple car ils ont du mal à accéder aux services de garde d’enfants), et les collaborateurs prêts à s’engager recherchent vraiment un sens à leur travail. Pour couronner le tout, les directeurs des opérations sont confrontés à une pression intense pour réduire les coûts et augmenter la productivité, le tout sur des marchés de plus en plus volatils.

Les anciennes approches de relation employeur-employé fonctionnent de moins en moins. Il est nécessaire de développer un nouvel équilibre mutuellement bénéfique avec ses collaborateurs pour faciliter leur satisfaction, sans négliger la productivité et en élaborant un modèle de talent agile.

Voici cinq mesures concrètes permettant de passer à un nouveau modèle de gestion des équipes, qui encourage la rétention des talents et favorise la transformation des organisations.

1. Adopter un nouvel état d'esprit, en veillant à ce que l'expérience collaborateur soit centrée sur le client

Segmentez vos effectifs en populations cibles en fonction des niveaux de compétence, des besoins en mobilité et des objectifs de carrière. Vendez pour l'ensemble l'expérience collaborateur, et non pas seulement la rémunération. Réarticulez la communication, les modalités d'emploi, la politique de rémunération et les objectifs en fonction des attentes spécifiques de chaque groupe de collaborateurs.

2. Associer de nouveaux types de collaborateurs aux nouvelles méthodes de travail – créer un écosystème de talents

Ne pas se contenter d'offrir des offres d'emploi : exploiter les nouvelles technologies pour créer des environnements de travail variés qui correspondent aux besoins du collaborateur. Pour les tâches hautement répétitives et à faible valeur ajoutée, l'automatisation peut être la solution. Une montée en compétence très rapide peut permettre de remplir des postes rares à haute valeur ajoutée. Au lieu d'un seul standard, vous gérerez une mosaïque de types d'emploi qui mettent en valeur chacun des collaborateurs.

3. Si vous ne pouvez pas être le leader en terme de rémunération, devenez le leader sur le plan de l'aspiration professionnelle

Vous ne pouvez pas gagner la guerre des talents seulement en dépensant systématiquement plus que vos concurrents. Les meilleurs collaborateurs sont attirés par le respect mutuel avec leurs collègues, un environnement de travail qui leur permet de faire de leur mieux, en donnant un sens à leur travail au sein de l’organisation. Ralliez à vous les talents en répondant à leurs aspirations.

4. Développer une main-d'œuvre plus résiliente et plus agile pour traverser des périodes plus volatiles

La pandémie a montré la capacité et le désir des collaborateurs de travailler à distance. Vous pouvez également capitaliser sur les travailleurs indépendants, la sous-traitance et les environnements de travail hybrides pour en faire un avantage concurrentiel en matière de talents. Ces structures permettent également de variabiliser le coût des employés - une flexibilité importante en période d'incertitude.

5. Aller chercher les talents dont vous avez besoin en dehors de l'entreprise

L’évolution vers des environnements de travail hybrides, associés à de nouvelles plateformes technologiques, permet d'exploiter un large écosystème de talents. Les activités spécifiques (fabrication flexible, analyse des données, conformité réglementaire, etc.) peuvent désormais être gérées par des prestataires externes sous forme de « managed services ».

 

  • Étude de cas : mobiliser des talents rares en dehors de l'entreprise

    Une agence mondiale de médias et de publicité générait des téraoctets de données clients qu'il était essentiel de sécuriser. Au lieu d'essayer de recruter des cyber-talents extrêmement rares, le directeur des opérations a choisi de confier la protection de ces données à un tiers, ce qui lui a permis d’optimiser ses coûts, de renforcer la sécurité et de permettre à ses collaborateurs de se consacrer aux activités cœurs de l'entreprise.

La main d'œuvre peut changer la donne d'un point de vue opérationnel

L'émergence d'une nouvelle main-d'œuvre va bien au-delà des aspects liés au recrutement, à la rétention ou même à la « grande démission ». L’objectif ultime devrait être une augmentation radicale de la productivité et de l’attractivité de votre entreprise sur son marché.

A titre d’exemple, le nouveau collaborateur peut gérer un ensemble de processus automatisés pouvant personnaliser les commandes en quelques minutes à une fraction du coût. Une équipe d'experts en IA prévoit la demande avec une précision sans précédent. Les techniciens d'entrepôts automatisés gèrent l'inventaire pour concrètement optimiser les coûts et les risques. Ce n’est plus de l’amélioration continue, ce sont des changements radicaux dans votre domaine d'activité.

En résumé, le besoin immédiat est d'adopter de nouvelles façons de travailler pour arrêter la « grande démission », tout en répondant aux exigences du marché. Mais la plus grande récompense est un capital humain augmenté au cœur de votre entreprise. Dans ce cas, vous positionnez votre organisation à des niveaux sans précédent de productivité et d'engagement.

Ce qu'il faut retenir

Les directeurs des opérations sont confrontés à une révolution et à une « grande démission » de leur main-d'œuvre. Ils doivent impérativement trouver un nouvel équilibre qui tienne compte des talents et des aspirations de leurs collaborateurs, afin de créer un environnement qui maximise le niveau d'engagement. Pour ce faire, il est nécessaire de passer de simples « emplois » à de nouvelles modalités de travail adaptées aux besoins et compétences individuels de chacun des collaborateurs. Cela génèrera une amélioration radicale de la mobilisation des collaborateurs, de l’avantage concurrentiel et, en fin de compte, permettra de mener à bien la transformation nécessaire de l’entreprise.

A propos de cet article

Par Philippe Dulou

Associé, Consulting, Supply Chain & Operations Leader, France

Philippe a 30 ans d’expérience professionnelle en amélioration de la performance des opérations, depuis la formulation stratégique jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle.