Comment cette initiative a-t-elle été accueillie par les entreprises mécènes ? Leurs véhicules philanthropiques ont-ils été associés aux réflexions sur ces démarches ? Quelles conséquences à long terme peut-on attendre de cette loi sur le secteur de la philanthropie ? Nous avons posé la question à un panel de 230 fondations et fonds de dotation créés par des entreprises françaises.
Les graphiques présentés ici sont extraits de l’enquête réalisée pour le Panorama des fondations et des fonds de dotation créés par les entreprises mécènes 2020, réalisé en partenariat avec Les Entreprises pour la Cité. Ils s’appuient sur les résultats d’un questionnaire administré en ligne auprès de 230 structures philanthropiques entre les mois de février et d’avril 2020.
L’avis d’expert de Joël Fusil, Directeur Associé, Responsable du département ESS
En modifiant le Code civil, la loi PACTE a cristallisé une attente déjà en germe dans la société depuis de nombreuses années, celle de voir les entreprises se saisir davantage du bien commun. Largement globalisées, les entreprises sont en effet de plus en plus considérées comme des acteurs capables d’avoir une influence sur les habitudes de consommation et ainsi de contribuer à limiter le réchauffement climatique, accompagner l’évolution rapide des sociétés, etc.
En réponse à cette pression sociétale, les entreprises multiplient les engagements et offrent une place toujours plus grande à la RSE jusqu’à se doter d’une raison d’être capable d’imprimer sa marque dans les plans opérationnels. Et le mécénat ? Quelle place lui sera-t-il réservé dans ce nouveau dispositif ?
Si la réponse n’est pas écrite, nous pensons que les entreprises pourraient décider d’accorder un rôle plus stratégique au mécénat à l’avenir en alignant les missions de leur véhicule philanthropique sur la raison d’être de l’entreprise. Une décision qui permettrait de démultiplier l’impact des actions menées et servir au mieux la raison d’être, à la fois dans le champ lucratif et dans le champ non lucratif. Si cette évolution venait à se confirmer, ce serait une petite révolution, car le mécénat avait jusqu’à présent surtout reflété l’engagement personnel des dirigeants.
Nous sommes probablement encore aux balbutiements d’un mouvement de transformation beaucoup plus large, dont la crise sanitaire continue d’être le révélateur. Une transformation qui nécessite certes un travail de réflexion collectif sur les garde-fous à associer à ces nouveaux modes de collaboration, mais qui ouvre aussi de nouvelles perspectives pour les véhicules philanthropiques.
L’avis d’expert d’Alicia Izard, Directrice mécénat & investissements citoyens, Les entreprises pour la Cité
La loi PACTE, et en particulier ses mesures concernant « la place de l’entreprise dans la société », marque un tournant important dans l’économie française. Alors que depuis plusieurs années déjà, les grandes entreprises étaient sommées de publier les informations sociétales relatives à leurs activités, cette loi est venue renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux par toutes les sociétés, quelles que soient leur taille, leur secteur d’activité ou encore leur statut, en modifiant notamment les articles 1833 et 1835 du Code civil.
Un an après, les nouvelles dispositions prévues par la loi pour les plus volontaires, dont celle de se doter d’une raison d’être ou d’acquérir la qualité de société à mission, ont déjà séduit de nombreuses entreprises. Si ces démarches peuvent être associées – souvent à tort – à des pratiques de mission washing, elles se révèlent particulièrement structurantes pour les dirigeants et les collaborateurs de l’entreprise : elles permettent d’amorcer une réflexion de long-terme en interne sur ses impacts, elles imposent de formaliser des engagements clairs, de les évaluer et de les partager avec les parties-prenantes de l’organisation.
Ce nouveau paradigme constitue une opportunité pour les fondations de renforcer leur rôle stratégique auprès de leur entreprise fondatrice et au service des causes d’intérêt général qu’elles soutiennent. Car si les défis actuels consistent à s’ancrer dans la réalité du terrain, à pallier l’urgence tout en voyant long terme à s’inscrire dans une démarche de progrès et à interroger en permanence les impacts recherchés, alors nos mécènes ont bel et bien une longueur d’avance.
Principaux enseignements
La réflexion a été initiée dans ¾ des grandes entreprises interrogées.
L’entreprise fondatrice a-t-elle entrepris une réflexion sur son rôle à la suite de la promulgation de la Loi Pacte ?