Les énergies renouvelables, enjeu de sécurité énergétique

Auteurs
Alexis Gazzo

Associé, Climate Change & Sustainability leader, France

Aider les entreprises et les gouvernements à s'engager dans des stratégies à faible émission de carbone. Créer et protéger la valeur à long terme pour les clients.

Jean-Gabriel Robert

Senior Manager, EY Climate Change & Sustainability Services

Ingénieur de formation, consultant spécialisé dans les domaines de la transition énergétique et écologique (TEE).

5 min de temps de lecture 16 déc. 2022

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RECAI 60 : L’accélération du développement et du raccordement des capacités de production d’énergie renouvelable devient une nécessité au niveau international pour répondre à la hausse de la demande en électricité résultant des plans de décarbonation de nos sociétés.

En résumé :

  • La production d'énergie renouvelable est devenue plus urgente dans un contexte de flambée des prix du gaz, de tensions géopolitiques, de pénurie de la chaîne d'approvisionnement et de phénomènes météorologiques extrêmes.
  • Les ressources énergétiques distribuées (DER) et les réseaux intelligents seront essentiels pour sécuriser les approvisionnements énergétiques mondiaux et faire en sorte que le monde atteigne un niveau net zéro d'ici 2050.

La fin de l’abondance énergétique

S’il se veut rassurant quant au risque de délestage, le dernier rapport d’analyse des perspectives pour le système électrique publié par le gestionnaire de transports RTE mi-novembre 2022 indique que la situation reste sous grande vigilance, notamment au regard du niveau de disponibilité du parc nucléaire. Bien qu’ayant augmenté la première semaine de décembre pour atteindre une capacité de plus de 37GW, ce dernier reste en deçà des niveaux observés à la même période les années précédentes (plus de 45GW en 2020 et plus de 40GW en 2021).

Cette tension sur le système électrique, couplée à une envolée des prix de marché depuis désormais plus d’un an, est susceptible de s’accentuer dans les prochaines années au regard de la hausse annoncée des besoins en électricité résultant du développement de nouveaux usages (véhicule électrique, électrification de procédés industriels, etc.). Dès aujourd’hui, il est donc important de garantir durablement la sécurité d’approvisionnement du pays en électricité. En ce sens, les énergies renouvelables représentent la principale source d’électricité bas carbone et compétitive pouvant être déployée massivement sur le territoire à horizon 2030-2035.

Actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables vise à répondre à l‘enjeu de sécurité énergétique, notamment en réduisant les délais administratifs associés au développement de ces projets, en libérant du foncier permettant le déploiement à grande échelle de ces projets, et en favorisant un meilleur partage de la valeur générée par les énergies renouvelables dans le but de favoriser l’acceptation de ces projets partout en France.

Des énergies renouvelables devenues une manne financière pour l’Etat

L’augmentation des prix de gros de l’électricité (+ 300% entre janvier 2021 et octobre 2022), nous amène à jeter un regard nouveau sur le rapport coût-bénéfice des énergies renouvelables. L’émergence de ces filières a par le passé représenté un coût net pour les finances de l’Etat (atteignant un maximum de 5,8 milliards d’euros au titre de l’année 2020), reflétant le fait que le coût unitaire moyen du soutien accordé par l’Etat (en €/MWh) était plus élevé que la valeur de l’électricité produite (par rapport à la valeur de marché de celle-ci aux mêmes périodes de production).

Cette situation s’est inversée du fait de l’envolée des prix de marché qui sont depuis septembre 2021 bien supérieurs en moyenne au coût unitaire moyen du soutien accordé par l’Etat au MWh d’électricité renouvelable produite. Dans les conditions actuelles de prix de gros, la CRE prévoit que toutes les filières d’énergies renouvelables en métropole continentale représenteront des recettes pour le budget de l’Etat, pour une contribution cumulée de 30,9 Md€ au titre de 2022 et 2023 (dont 25 Md€ pour les seules filières solaire et éolienne). La filière éolienne terrestre devrait être un contributeur majeur de cette recette, à hauteur de 21,7Md€. A ce rythme, l’ensemble des charges encourues par l’Etat via la mise en place des mécanismes encadrant la rémunération de l’électricité renouvelable depuis près de 20 ans auront été remboursées d’ici 2024 ou 2025. Les recettes complémentaires générées par le parc renouvelable viendront alors renforcer le « retour sur investissement » de l’Etat concernant sa politique de soutien à l’émergence des énergies renouvelables.

Ces éléments soulignent l’importance du Projet de Loi sur l’Accélération des énergies renouvelables : au-delà de contribuer à la sécurité énergétique nationale, chaque nouveau MW raccordé au réseau est aujourd’hui un contributeur aux recettes de l’Etat. Ces recettes contribuent au financement du bouclier tarifaire aujourd’hui et pourraient être utilisées pour financer d’autres pans de la transition climatique demain.

L’essor annoncé des PPA dans ce nouvel environnement

Ce changement de paradigme n’est pas sans conséquence sur les stratégies de commercialisation retenues par les producteurs d’électricité renouvelable. Un nombre croissant de producteurs sont ainsi tentés par le fait d’accroitre la valeur de vente de l’électricité, notamment via des contrats de gré à gré avec des consommateurs finaux (Corporate PPA ou cPPA)

Près de 1GW de cPPA ont ainsi été annoncés à ce stade sur les 11 premiers mois de 2022, soit plus du double du précédent record observé en 2021. Ce chiffre ne capture probablement que la part émergée d’une tendance beaucoup plus importante, de nombreux contrats étant en discussions en cette fin d’année.

Cette dynamique forte devrait s’accroitre dans les prochaines années notamment avec l’annonce, faite par le Gouvernement, de la mise en place d’un fonds de garantie dédié aux cPPA contractualisés avec des acteurs industriels ou encore avec la proposition, portée par le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, d’ouvrir ce type de contrat aux collectivités territoriales.

Un enjeu de souveraineté énergétique et industrielle

L’accélération des énergies renouvelables en France et en Europe ouvre également des perspectives sur le plan industriel.

A titre d’exemple, l’essor du marché du solaire PV – qui devrait représenter une demande de plus de 60 à 80GW/an à horizon 2030 au niveau européen contre 25,9GW en 2021 – place aujourd’hui l’Europe dans une situation de dépendance vis-à-vis des importations, et en premier lieu en provenance de la Chine qui domine aujourd’hui l’ensemble des étapes de la chaine de valeur du silicium à plus de 85%.

Face à cette domination, plusieurs initiatives visant une relocalisation de la chaine de valeur ont été remarquées. L’Inde met ainsi en place une politique de développement industriel du solaire visant à produire jusqu’à 65 GW/an de modules PV d’ici 2030. Aux Etats-Unis, l’Inflation Reduction Act met en place un arsenal de mesures incitatives – notamment via des crédits d’impôts à l’investissement et à la production d’équipements de la transition énergétique - avec un objectif de relocaliser une capacité intégrée de 50 GW/an d’ici 2030.

Tous les regards sont désormais tournés vers l’Europe. Celle-ci a lancé officiellement le 9 décembre 2022 l’Alliance européenne de l’industrie photovoltaïque, sur le même modèle que celui mis en place pour les batteries.

Renforcement de la valorisation de la performance environnementale et sociale des équipements, orientation des flux de capitaux vers les équipements manufacturés en Europe, soutien à la production industrielle… Il reste désormais aux pouvoirs publics à définir les moyens à mettre en œuvre pour accompagner ce possible redéploiement industriel.

La dernière édition du RECAI – disponible ici – vous propose une mise en perspective internationale sur les enjeux de transition énergétique.

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Notre rapport vous propose une mise en perspective internationale sur les enjeux de transition énergétique

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Ce qu'il faut retenir

Ce numéro du RECAI explore les enjeux de déploiement massif d’énergies renouvelables pour assurer la résilience de nos systèmes énergétiques .

A propos de cet article

Auteurs
Alexis Gazzo

Associé, Climate Change & Sustainability leader, France

Aider les entreprises et les gouvernements à s'engager dans des stratégies à faible émission de carbone. Créer et protéger la valeur à long terme pour les clients.

Jean-Gabriel Robert

Senior Manager, EY Climate Change & Sustainability Services

Ingénieur de formation, consultant spécialisé dans les domaines de la transition énergétique et écologique (TEE).