5 min de temps de lecture 31 mars 2022
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Un deuxième souffle pour l’attractivité de la France

Par Eric Fourel

Président d'EY en France

Éric œuvre pour l’intégration de son expertise au cœur de la réalité économique.

5 min de temps de lecture 31 mars 2022

La France garde une belle position en terme d’attractivité économique auprès des investisseurs internationaux toutefois le déficit commercial est au plus haut.

Deux pistes pour trouver un 2ème souffle d’attractivité.

En résumé :

  • La France garde une belle position en terme d’attractivité économique grâce à ; des réformes mises en place, un travail de séduction auprès investisseurs internationaux et des dispositifs de soutien à l’économie.
  • L’envers de la médaille existe bel et bien, en 2021, jamais le déficit commercial n’a atteint de tels sommets avec 84,7 milliards.
  • Deux pistes pour trouver le 2ème souffle de l’attractivité : la politique d’accompagnement de la transition climatique et la compétitivité coût des entreprises.

Au plan de l’attractivité économique de la France, sans aucune contestation possible, le quinquennat qui s’achève aura été au rendez-vous de la révolution promise. Le bilan des investissements internationaux en France publié le 14 mars dernier par Business France, mais aussi le baromètre Amcham Bain rendu public en février 2022 et les baromètres EY de ces dernières années, en attestent : jamais la France n’a été aussi accueillante pour les investisseurs.

La pertinence des réformes mises en œuvre compte évidemment pour beaucoup dans ce regain d’attractivité. Citons les principales d’entre-elles qui touchent directement les entreprises elles-mêmes : simplification du droit des licenciements et de la représentation collective des salariés, alignement progressif du taux de l’impôt sur les sociétés sur la moyenne de l’OCDE, baisse des impôts dits de production. De toute évidence, les moyens mobilisés au service d’une politique de l’offre ont été considérables.

Tout aussi marquante a été l’œuvre de séduction déployée auprès des dirigeants économiques. L’évènement « Choose France », sur fond de galerie des batailles à Versailles, où le Président assure lui-même la promotion de la destination France, a marqué d’une forte empreinte les imaginaires. Comme ont été absolument plébiscités les dispositifs de soutien à l’économie tels que l’activité partielle mis en place au cœur de la crise Covid ou ceux tournés vers le temps d’après avec France Relance ou France 2030.

Bref, tout serait si bien bordé en matière d’attractivité que l’on se demande s’il est encore besoin de s’en préoccuper au-delà d’assurer la maintenance d’une rhétorique bien huilée.

Et pourtant, l’envers de la médaille existe bel et bien : en 2021, le déficit commercial a atteint un nouveau sommet à 84,7 milliards d’euros, dont les trois-quarts hors facture énergétique. Surtout, les parts de marché de la France sont de nouveau à la baisse pour passer en dessous de la barre des 3,5% en volume du commerce mondial alors que celles de l’Allemagne restent stables, autour de 7,5%, et que l’excédent de notre voisin reste proche de 180 milliards.

En définitive, le capital d’estime que la France a largement recouvré auprès des investisseurs doit s’accompagner désormais d’une restauration de ses positions sur la scène du commerce international. Problème : les équilibres de la compétitivité internationale sont multifactoriels et n’évoluent sensiblement que par des politiques de long terme. Pour réussir à infléchir la baisse structurelle de l’industrie manufacturière dans notre PIB (aujourd’hui autour de 10%) et renforcer le retour des investissements industriels qui s’esquisse en leur donnant davantage de volume, les pistes pour les cinq années à venir sont largement identifiées même si difficiles à mettre en œuvre :

  • L’accompagnement de la transition climatique pour en faire un étendard de notre attractivité et de notre compétitivité ;
  • La compétitivité-coût des entreprises, et notamment la continuation de l’allègement des prélèvements obligatoires pesant sur elles comparativement à nos principaux concurrents ;
  • Le soutien renforcé à l’innovation et à la différenciation technologique du « made in France » ;
  • L’investissement dans les filières du futur (santé, quantique, mobilité, énergie, …) ;
  • La formation des compétences et leur adaptabilité dans un environnement constamment mouvant.

Deux d’entre-elles nous semblent devoir faire l’objet d’un questionnement prioritaire.

La transition climatique, d’abord. L’engagement des entreprises a pris une dimension inattendue sous l’impulsion de l’opinion publique qui rejoint celle des consommateurs ! Les nouvelles régulations, comme la taxonomie européenne et le surenchérissement du coût des énergies fossiles agissent comme de puissants accélérateurs de cette transformation. En la matière, on se réjouit évidemment d’avoir en France une électricité peu carbonée, carte maîtresse de notre attractivité future. Arbitrant entre toutes les difficultés d’appréciation technique du sujet qui divisent les experts, l’Etat devrait avant tout se concentrer sur la définition du bon mix énergétique pour le long terme et la construction des infrastructures qui faciliteront à la fois la production et la distribution d’énergies décarbonées dont les entreprises et les citoyens ont besoin sur le plan industriel et celui des mobilités. S’agissant des investissements à réaliser par les entreprises elles-mêmes pour leur propre transition, le plan France Relance a prévu une enveloppe de 30 milliards sous forme d’aides diverses qu’il convient de solliciter par le biais de guichets multiples ouverts par les différents opérateurs publics. On peut raisonnablement se demander s’il ne serait pas plus efficace de mettre en place un système plus simple et généralisé d’amortissement fiscal accéléré des équipements utiles à la décarbonation. C’est d’ailleurs la voie qui est proposée aux Etats-Unis par le plan Biden.

Enfin, il convient d’être particulièrement vigilant sur les dispositifs mis en place au niveau européen dans le cadre du plan « Fit for 55 ». Vouloir placer l’Union Européenne à l’avant-garde de la lutte pour la préservation de la planète relève d’une vision stratégique particulièrement mobilisatrice et protéger les frontières de l’Europe d’un dumping environnemental est son corollaire naturel. Le texte du projet de directive relative à l’instauration d’un ajustement carbone aux frontières publié le 15 mars 2022 présente toutefois, paradoxalement, le risque d’entraîner une nouvelle vague de désindustrialisation de l’Europe. Le mécanisme complexe proposé devrait certes mettre à équivalence de « coût environnemental » les importations des matériaux et produits visés par le projet de directive par rapport à ces mêmes biens originaires de l’Union. Mais l’immense majorité des biens transformés n’entrent pas dans le champ du projet. Il pourra donc être plus profitable pour des entreprises peu scrupuleuses, toutes choses étant égales, de les produire à l’extérieur de l’Union à partir de matières premières chargées en carbone et d’importer les biens une fois transformés plutôt que d’importer la matière première en vue d’une transformation dans l’Union. A ne pas y prendre garde, cette directive pourrait donc peser sur l’industrialisation de l’Europe en favorisant la production en dehors de l’Union des biens d’équipements intermédiaires.

S’agissant de la compétitivité-coût, la baisse de 10 milliards des impôts de production sur les deux dernières années a été une véritable bouffée d’oxygène pour les entreprises qui a directement amélioré leur marge opérationnelle. Combinée avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, cette mesure a contribué à rétablir en France une fiscalité d’ensemble pesant sur les entreprises au niveau de la moyenne supérieure des grands pays de l’OCDE. Un écart négatif de compétitivité subsiste néanmoins et les prélèvements obligatoires supportés par les entreprises sont encore loin de constituer un avantage concurrentiel en faveur de la France. Dans ce contexte, il apparaît logique que des voix nombreuses s’expriment pour poursuivre la diminution des impôts dits de production, et en particulier la CET résiduelle, qui pèse à la fois sur l’outil productif et la valeur ajoutée générée en France. Pourtant, dans un ordre des priorités qui serait arbitré purement au service du « made in France », l’abaissement des charges sociales pourrait être un champ d’action plus efficace pour l’avenir. En effet, le poids des charges sociales pesant sur la masse salariale est globalement le même en France et en Allemagne, environ 13,5% du PIB. Mais le poids des charges patronales est supérieur en France de plus de 3% à celui de l’Allemagne tandis que les charges salariales y sont inférieures. Surtout, en incluant la CSG et la contribution sociale sur le chiffre d’affaires, la charge du financement des dépenses sociales représente en France 24% du PIB alors qu’elle est à moins de 15% en Allemagne. L’instauration, puis la conversion en 2019 du CICE en baisse de charges, ont été d’excellentes mesures qui ont certainement contribué à l’amélioration de l’emploi le moins qualifié. Cependant, l’urgence s’est depuis déplacée : l’augmentation des emplois à contenu technologique dans l’industrie et ailleurs, la digitalisation accrue du travail qui facilite la délocalisation des emplois en cols blancs, mais aussi la pression inflationniste sur les salaires militent pour reprendre une politique volontariste de baisse des charges sociales combinée avec un transfert vers l’impôt du financement de notre couverture sociale, en même temps que ses mécanismes en seraient revisités pour davantage de rationalisation. L’idée n’est évidemment pas nouvelle mais elle semble avoir été occultée dans la campagne présidentielle.

En définitive, nous vivons une époque absolument incroyable où le défi écologique comme l’instabilité géopolitique rebattent les cartes de l’attractivité économique de manière encore plus vertigineuse que ne l’a fait la numérisation enclenchée depuis le début des années 2000. Ce monde économique qui se redessine à grande vitesse offre de superbes opportunités à la France. A condition de savoir trouver le deuxième souffle de notre transformation.

Ce qu'il faut retenir

La France garde une belle position en terme d’attractivité économique grâce à des réformes mises en place, un travail de séduction auprès investisseurs internationaux et des dispositifs de soutien à l’économie.

L’envers de la médaille existe bel et bien, en 2021, jamais le déficit commercial n’a atteint de tels sommets avec 84,7 milliards.

Le capital d’estime que la France a recouvré auprès des investisseurs ne se traduit pas concrètement en une restauration de ses positions sur la scène du commerce international.

La prise de conscience d’une nécessaire réindustrialisation de la France nécessite de faire des choix qui génèreront d’importants volumes de production et pas seulement un nombre conséquent de projets

pour accélérer le mouvement de retour des investissements industriels qui s’esquisse.

Deux pistes nous semblent devoir faire l’objet d’un nouveau questionnement prioritaire :

  • La politique d’accompagnement de la transition climatique ;
  • La compétitivité coût des entreprises.

En définitive, nous vivons une époque absolument incroyable où le défi écologique comme l’instabilité géopolitique rabattent les cartes de l’attractivité économique de manière encore plus vertigineuse que ne l’a fait la numérisation enclenchée depuis le début des années 2000. Ce monde économique qui se redessine à grande vitesse offre de superbes opportunités à la France. A condition de savoir trouver le deuxième souffle de notre transformation. 

A propos de cet article

Par Eric Fourel

Président d'EY en France

Éric œuvre pour l’intégration de son expertise au cœur de la réalité économique.