10 mars 2021
L’identité numérique, un outil majeur de développement économique et de transformation publique

L’identité numérique, un outil majeur de développement économique et de transformation publique

Par Jérôme Fabry

Associé, EY-Parthenon, Secteur public et Education, France

Jérôme est expert de la modernisation de l’action publique et accompagne opérateurs publics ou privés dans leurs prises de décisions stratégiques.

10 mars 2021

L’identité numérique est un objet hybride, à la fois serpent de mer et enjeu majeur de simplification et de sécurisation des échanges économiques et administratifs. 

En résumé
  • De nombreuses initiatives ont fleuri à l’étranger
  • L’identité numérique peut être un vecteur important de développement économique.
  • La maturité de ce marché sera notamment assurée par la massification de la CNI électronique, dont la délivrance pourra encourager les citoyens à souscrire à des solutions d’identité numérique. 

L’identité numérique est un objet hybride, à la fois serpent de mer et enjeu majeur de simplification et de sécurisation des échanges économiques et administratifs.

Le sujet est en effet ancien. Défini par l’Union européenne qui règlemente l’identification numérique et les services de confiance pour les transactions électroniques (eIDAS), il s’est matérialisé en France depuis 2015 par les initiatives France Connect qui permettent de s’authentifier en ligne aux services publics grâce à des identifiants à niveau eIDAS « faible », comme ceux des impôts ou de l’assurance maladie. L’identité numérique est aujourd’hui à un carrefour : pour être déployée auprès des citoyens et des entreprises et permettre d’accéder à une gamme plus large de services, elle nécessite d’apporter de meilleures garanties de sécurité à un niveau eIDAS au moins « substantiel ». En garantissant les systèmes d’identification des citoyens, l’État peut à la fois soutenir le développement des usages numériques pour ses entreprises et ses citoyens, protéger la souveraineté nationale de la donnée et mieux lutter contre la fraude.

Identité numérique : les initiatives à l’étranger

C’est pourquoi de nombreuses initiatives ont fleuri à l’étranger avec la mise en œuvre de différentes solutions d’identité numérique permettant d’accéder à des bouquets de services à la fois publics et privés qui facilitent l’accès à des dossiers médicaux, l’accès physique à des lieux sécurisés, le paiement de montants élevés ou l’accès à des comptes personnels (ex : assurance maladie ou retraite). C’est d’ailleurs souvent la réglementation bancaire qui accélère le besoin d’authentification et qui a encouragé les acteurs bancaires et des télécommunications à développer des solutions d’identité numérique, comme ce fut le cas au Danemark ou en Belgique. 

En garantissant les systèmes d’identification des citoyens, l’État peut à la fois soutenir le développement des usages numériques, protéger la souveraineté nationale de la donnée et mieux lutter contre la fraude.
Jérôme Fabry,
Associé France EY-Parthenon, secteur public et éducation

Un marché encore naissant en France

Aujourd’hui, l’identité numérique peut être un vecteur important de développement économique. En effet, elle garantit la sécurité des échanges dématérialisés et favorise le développement de divers services privés, comme les services dans les domaines bancaires, de l’assurance ou des télécommunications, qui sont beaucoup plus souvent utilisés que les services publics.

Le marché français de l’identité numérique, notamment financé par les fournisseurs de services privés, est encore naissant, la gratuité de l’usage étant une condition sine qua non du développement des usages. Il devrait toutefois évoluer de 3m€ en 2023 jusqu’à 257 m€ à l’horizon 2030.

La maturité de ce marché sera notamment assurée par la massification de la CNI électronique, dont la délivrance pourra encourager les citoyens à souscrire à des solutions d’identité numérique, mais aussi par une cannibalisation progressive du processus d’enrôlement à distance des entreprises. 

Marché français de l’identité numérique

257m€

à l’horizon 2030

Ces dernières pourront désormais s’appuyer sur une solution d’identité numérique beaucoup moins chère que les processus traditionnels de KYC. Grâce aux solutions d’identité numérique, les coûts pour un acteur bancaire, par exemple, pourraient être réduits de 12,5€ à 2€ par an et par usager !

L’identité numérique est également assise sur un écosystème technologique national dynamique, alliant des groupes et startups qui soutiennent cette croissance. Des champions nationaux, tels que Orange ou Ariadnext, ont un potentiel de développement en France important.

Cependant la levée des incertitudes sur le périmètre d’action de la solution étatique d’identité numérique, l’ancienne Alicem, permettrait de sécuriser leur modèle économique. La création de FranceConnect+ permettra aussi de créer un environnement propice au développement des différentes solutions privées qui sont encore, pour leur majorité, en cours de qualification auprès de l’ANSSI. 

Face à la concurrence des GAFAM, se différencier par la sécurité et la souveraineté

Une offre d’identité numérique compétitive au niveau international nécessite en outre d’avoir des preuves de concept à l’échelle d’un pays. C’est justement ce que les GAFAM ou encore le duo Mastercard & Samsung s’efforcent de réaliser en lançant des offres mondiales s’appuyant sur leur réseau de clients déjà massif et en proposant une expérience ultra simplifiée.

Face à cette concurrence de poids, les entreprises françaises ont besoin d’être encouragées au niveau national par une clarification du rôle de l’État en tant que fournisseur d’identité et d’être soutenues à l’export grâce à la promotion d’un modèle français qui fait de la sécurité et de la souveraineté de la donnée un facteur de différentiation majeur.

L’identité numérique, un levier de transformation publique

En outre, l’identité numérique est un levier important de transformation publique. En partant des usages potentiels des citoyens, elle pousse les administrations à construire de nouveaux dispositifs centrés sur leurs besoins.

En effet, garantir 100% de procédures dématérialisées pour atteindre les objectifs du Président de la République nécessite de développer les usages publics en sécurisant les échanges entre les administrations et les citoyens. Les dispositifs actuels ont permis le développement d’applications qui fonctionnent (ex : impôts.gouv.fr), mais le potentiel est encore gigantesque, sur des procédures publiques usuelles (ex : inscrire un enfant à la crèche, consulter un relevé de carrière pour la retraite, déclarer un déménagement), ainsi que sur celles qui restent très sensibles (ex : vote en ligne, passer un examen dématérialisé, renouveler un titre d’identité, déclarer une naissance) et qui nécessitent un niveau de sécurité eIDAS « élevé ».

Concilier puissance publique et entreprises privée pour créer l’identité numérique à la française

Cependant, la mise en œuvre réelle et rapide de l’identité numérique en France soulève d’importantes questions de souveraineté de la donnée et de la vie privée des Français.

Protéger les données des Français nécessite assurément une solution dans laquelle l’État doit être la pierre angulaire, mais dans laquelle il ne peut agir seul s’il ne veut pas concurrencer le secteur privé.

C’est pourquoi un modèle hybride, organisé autour de la puissance publique en premier rang et en associant les entreprises privées dans un second rang, peut à la fois garantir la protection régalienne des citoyens et le développement d’un projet économique.

Il est indispensable que ce modèle économique et organisationnel puisse être accéléré en 2021, l’occasion unique de mettre en œuvre à la fois un « État qui protège » et un « État qui libère » est aujourd’hui à saisir !

  • Belgique : la naissance d'un acteur européen

    La Belgique est aujourd’hui l’un des modèles de l’identité numérique en Europe. Avec le lancement en 2004 de la carte eID et le déploiement massif du lecteur à carte, il a été possible d’offrir un canal d’identification numérique aux services publics pour l’ensemble de la population dès 2009.

    Le lancement de Itsme en 2017 a ensuite permis de dériver la carte eID sur les smartphones et de fournir un accès aux services publics, mais aussi à une myriade de services privés, qui ne cessent par ailleurs d’augmenter. Développé par un consortium privé rassemblant les grandes banques et les opérateurs téléphoniques, Itsme compte 2,6 M d’utilisateurs en moins de trois ans et engrange environ 100 000 nouveaux utilisateurs par mois.

    Itsme compte devenir un leader européen de l’identité numérique. Dès qu’elle aura convaincu deux Belges sur trois de s’identifier en ligne, l’application vise une intégration avec les objets connectés pour offrir une expérience d’identification simple et sûre pour les usages du quotidien, comme démarrer sa voiture avec son smartphone !

Ce qu'il faut retenir

L’identité numérique s’est matérialisée en France depuis 2015 par les initiatives France Connect.

L’identité numérique est aujourd’hui à un carrefour : pour être déployée auprès des citoyens et des entreprises et permettre d’accéder à une gamme plus large de services, elle nécessite d’apporter de meilleures garanties de sécurité à un niveau eIDAS au moins « substantiel ».

En garantissant les systèmes d’identification des citoyens, l’État peut à la fois soutenir le développement des usages numériques pour ses entreprises et ses citoyens, protéger la souveraineté nationale de la donnée et mieux lutter contre la fraude.

A propos de cet article

Par Jérôme Fabry

Associé, EY-Parthenon, Secteur public et Education, France

Jérôme est expert de la modernisation de l’action publique et accompagne opérateurs publics ou privés dans leurs prises de décisions stratégiques.