9 avr. 2021
Réseaux électriques : qu’apporte la révolution numérique ?

Réseaux électriques : qu’apporte la révolution numérique ?

Par Clément Delfini

Associé, Consulting, Power & Utilities, France

Associé au sein des équipes Energy & Utilities d’EY, Clément accompagne la transformation des entreprises de l’énergie.

9 avr. 2021

Le secteur de l’énergie soumis au double impératif de transition énergétique et de transformation numérique est en mutation profonde. Découvrez comment la digitalisation de la gestion d’actifs est un des leviers pour porter ces transformations.

En résumé
  • La digitalisation des actifs est un nouvel atout dans la manche des gestionnaires de réseau.
  • Une multitude de technologies de maturité hétérogène concerne l’ensemble de la chaîne de l’acheminement de l’énergie.
  • Différents facteurs clés et conditions de succès sont à considérer pour mettre en œuvre ces nouvelles pratiques et technologies de façon pérenne

Cette étude aborde les enjeux de deux grandes révolutions, numériques et énergétiques, auxquelles font face les gestionnaires de réseaux énergétiques. A ces révolutions, s’ajoutent des conditions d’exploitation de plus en plus complexes et des actifs physiques vieillissant, constituant un enjeu de plus en plus prépondérant dans leurs missions opérationnelles et leur capitalisation.

L’évolution des procédés dans la gestion d’actifs par la mue digitale se trouve, à juste titre, être un levier clé pour répondre à la transition énergétique. A cet effet, l’étude propose une analyse des transformations apportées par la digitalisation et les opportunités qu’elle provoque. Elle livre notamment, les différents facteurs clés et conditions de succès à considérer pour mettre en œuvre la bonne stratégie de digitalisation des réseaux.

Le réseau électrique, soumis au double impératif de transition énergétique et de transformation numérique
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Partie 1

Le réseau électrique, soumis au double impératif de transition énergétique et de transformation numérique

Des fondements historiques et économiques remis en cause.

Deux grandes révolutions sont à l’œuvre aujourd’hui au cœur du système énergétique : la révolution numérique et la révolution - plutôt que la transition - énergétique. Le secteur de l’énergie, au croisement de ces deux mutations profondes, voit ses fondements historiques et économiques complètement remis en cause.

La transition énergétique a certes déjà été bien amorcée avec le progrès des énergies renouvelables et la décentralisation d’une partie de la production. Les gestionnaires de réseau ont à ce titre joué un rôle crucial pour atteindre ces premiers succès. Mais nous sommes à l’aube de changements bien plus importants qui devraient entraîner l’intensification du développement des nouvelles énergies, l’évolution du parc nucléaire, le développement de l’autoconsommation et l’accroissement des interconnexions indispensables aux énergies renouvelables mais aussi l’évolution des usages.

Ce remodelage du paysage électrique soulève de nombreux défis pour les gestionnaires de réseau, tant en termes de stratégies, d’usages, que de technologies.

A court et moyen terme, il rend plus délicat la gestion de l’équilibre offre-demande par les acteurs du métier de l’exploitation des réseaux.

A long terme, le développement de ces réseaux nécessite de planifier de lourds investissements malgré de fortes contraintes budgétaires, dans un contexte sociétal plutôt défavorable aux grands projets d’infrastructures.

A ces défis, s’ajoute celui posé par le vieillissement des ouvrages datant de l’après-guerre. La maîtrise de la durée de vie et de la performance des actifs, devient de plus en plus critique. En particulier, dans un environnement en profonde transformation et soumis au durcissement des contraintes financières et environnementales.

Parallèlement, les ruptures technologiques dans le domaine des capteurs, des télécoms et des outils de traitement des données ouvrent de nouveaux horizons, en permettant notamment d’avoir accès à une visibilité nouvelle et une connaissance du réseau encore jamais imaginée. Ces nouvelles technologies ouvrent aux gestionnaires la possibilité d’exploiter tout le potentiel de leur système actuel. Une avancée qui pourrait également éviter la construction de nouveaux ouvrages, de moins en moins acceptés par la population. 

La digitalisation de la gestion des actifs, un nouvel atout dans la manche des gestionnaires de réseau
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Partie 2

La digitalisation de la gestion des actifs, un nouvel atout dans la manche des gestionnaires de réseau

Le digital, un levier clé pour répondre à la transition énergétique.

Par leur rôle stratégique et leur poids dans la capitalisation des entreprises, les actifs des réseaux électriques sont au cœur de ces transformations et le degré d’optimisation de leur gestion devient un facteur clé de succès pour porter la transition énergétique et digitale. Avec plusieurs centaines de milliers de kilomètres de lignes, des milliers de postes électriques disséminés sur le territoire et parfois difficiles d’accès, ils représentent une part majeure de la capitalisation des gestionnaires de réseau. La maîtrise économique et technique de ces actifs est un enjeu majeur qui s’acquiert au travers d’une approche d’évolution holistique devant permettre de :

  • Maintenir un niveau de sécurité acceptable afin d’atténuer le risque d’interruptions de services
  • Garantir une disponibilité et une durée de vie des actifs optimales
  • Assurer une rentabilité et maximiser la performance des actifs
  • Optimiser leur maintenance et la prise de décision d’investissements ou désinvestissements en capital
  • Réduire le poids du coût de la propriété dans leur cycle de vie
  • Protéger les actifs physiques de toute forme d’agression

L’évolution des procédés dans la gestion des actifs par la mue digitale, est un levier clé pour répondre à la transition énergétique. En effet, la transition numérique offre de nouveaux horizons à la gestion des actifs par un accès démultiplié à des données jusqu’alors méconnues, et par la diffusion massive d’intelligence. En particulier, les nouvelles technologies sont l’opportunité de développer une gestion plus dynamique des infrastructures et de se réinterroger sur l’organisation de l’exploitation de ces actifs. Parmi ces opportunités technologiques, on compte notamment la recherche des gains de performance dans la maintenance, l’ingénierie et l’exploitation ; une meilleure orchestration des tâches, un repositionnement au profit d’activités à plus forte valeur ajoutée ; la fluidification des processus, ou encore, l’optimisation des relations avec les parties prenantes.

Couplé à ces nouvelles technologies, la gestion d’actifs pourra répondre aux enjeux de la transition énergétique au travers notamment de :

  • La mise en place d’outils avancés pour mesurer, contrôler et piloter la performance du réseau en temps réel
  • Un accroissement de la visibilité sur les flux d’énergie, les charges et les raccordements au niveau de la distribution
  • Le déploiement des capteurs sur l’ensemble du réseau afin de contrôler les énergies renouvelables décentralisées
  • La compréhension, la maîtrise et l’intégration des impacts des énergies renouvelables décentralisées et des véhicules électriques sur le réseau
  • L’implémentation et l’intégration de séries de modèles de planification du réseau avancés et de méthodes d’évaluation de service énergies renouvelables décentralisées
  • Le développement facilité des plateformes afin d’obtenir des prestations flexibles pour l’exploitation du système le plus rentable
  • Le développement de réseaux d’informations numériques pour les clients et les fournisseurs ainsi que les plateformes numériques afin de traiter les demandes des clients, les connexions et les installations

Dans la pratique, les données les plus essentielles à la gestion des actifs concernent la connaissance du patrimoine et de son comportement à différents stades de service donnés. Elles permettent de définir l’équilibre optimal entre entretien et renouvellement de l’actif, selon des critères d’optimisation eux-mêmes fondés sur des exigences de sécurité, de qualité de service et de maîtrise des coûts.

Des technologies qui adressent l’ensemble de la chaîne de valeur
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Partie 3

Des technologies qui adressent l’ensemble de la chaîne de valeur

Le digital, une révolution qui touche l’ensemble de la chaîne de l’acheminement de l’énergie.

Que l’on parle du mot valise « Smart Grid » ou que l’on envisage cette révolution sous l’angle de l’excellence opérationnelle, cette transformation n’est pas un simple passage de l’ombre à la lumière.

Il s’agit d’une évolution profonde qui vient toucher en premier lieu les actifs les plus sensibles, avant de se décliner de manière plus industrielle au reste des infrastructures. Comme l’avait été en son temps (au siècle dernier) la télé-opération des ouvrages.

Cette (r)évolution concerne l’ensemble de la chaîne de l’acheminement de l’énergie, du poste jusqu’au compteur, permettant au travers de différentes technologies de Coordonner, Anticiper, Maintenir et Projeter les actifs. 

Elle permet de transformer l’infrastructure physique en véritable objet connecté et laisse imaginer un champ infini d’applications.

Mais si les cas d’usage sont nombreux, encore faut-il réussir le pari de l’intégration de ces technologies numériques et de l’exploitation des données collectées. Ces nouvelles fonctionnalités sont un moyen pour atteindre des objectifs métiers. Elles impliquent le basculement d’un modèle expérimental vers son industrialisation, ce qui est loin d’être systématique, le modèle bloquant souvent au stade du Proof Of Concept.

Il s’agit donc d’opérer les bons choix technologiques pour mettre en œuvre les « business cases » les plus prometteurs. De nombreux critères sont à considérer :

Etablir une stratégie de digitalisation des réseaux
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Partie 4

Etablir une stratégie de digitalisation des réseaux

Stratégie, opérationnel et technologie : identifier des conditions de succès

De nombreuses entreprises, soucieuses d’être à la pointe de l’excellence technologique et opérationnelle, ont lancé de nombreux projets d’implémentation, mais sans nécessairement s’inscrire dans un schéma stratégique plus global de stratégie de digitalisation des actifs. Une évolution qui a souvent donné lieu à une juxtaposition de projets et une surcharge des processus opérationnels mis en place, dans des organisations par ailleurs souvent très décentralisées.

Dans ce difficile exercice d’identifier, tester, s’approprier et mettre en œuvre des nouvelles technologies, différents facteurs clés et conditions de succès sont à considérer :

Au niveau stratégique

  • Aligner la gestion des actifs aux objectifs de l’entreprise (nouveaux business models, services, voix des clients, actionnaires, employés) et des autres directions (achats, direction financière, Direction des Systèmes d’Informations, etc.)
  • Définir la stratégie d’investissement du parc des actifs physiques (faire évoluer l’existant, remplacer les actifs en effectuant de nouveaux investissements, attendre et maintenir en condition opérationnelle)
  • Adapter l’organisation aux nouveaux enjeux (nouveaux métiers, adaptation des processus, formation, conduite du changement)
  • Assurer une vision durable sur le ROI (Return On Investment) escompté
  • Effectuer des choix en phase avec le réglementaire et le légal

Au niveau tactique et opérationnel

  • Effectuer des partenariats pour accéder à des technologies innovantes tout en garantissant leur industrialisation
  • S’assurer de la bonne compatibilité et intégration des technologies avec l’existant
  • Sélectionner les outils et leur intégration (niveau de dépendance avec la technologie)
  • Mettre en œuvre des MVP (Minimum Valuable Product) pour un apport immédiat et limiter les risques
  • Assurer une chaîne complète de l’exploitation de la donnée (intégration avec l’existant, disponibilité de la donnée, conformité avec la réglementation)
  • Accompagner le changement

Au niveau technologique

  • Tendre vers des actifs de plus en plus communicants et numérisés
  • Uniformiser les technologies
  • S’assurer de la bonne compétence et maîtrise des technologies
  • Choisir des solutions scalables
  • Permettre l’évolutivité des solutions pour l’ensemble du réseau
  • Mesurer l’impact sur la sécurité et la confidentialité des données
L’inspection par drone – un exemple de digitalisation de la gestion d’actifs
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Partie 5

L’inspection par drone – un exemple de digitalisation de la gestion d’actifs

Un intérêt grandissant malgré des verrous réglementaires, technologiques et économiques qui restent à lever.

Les nouvelles technologies telles que les drones offrent de nouvelles opportunités pour les entreprises du secteur de l’énergie notamment pour la surveillance, l’inspection, le câblage des lignes électriques ou encore la cartographie des réseaux.

Les gestionnaires de réseau étudient leur potentiel pour entretenir et surveiller les infrastructures industrielles de façon complémentaire aux hélicoptères, et moderniser les métiers au service d’une gestion des actifs plus performante. La mise en œuvre d’une telle technologie, en particulier dans le cadre de la maintenance, peut contribuer à rapprocher les gestionnaires des objectifs liés aux incitations financières et ainsi générer des économies.

Toutefois, le choix d’une technologie doit tenir compte des besoins spécifiques de l’activité et de la typologie du réseau du gestionnaire. Les technologies disponibles sont en effet très variées, tout comme leurs avantages et leurs inconvénients. Par ailleurs, la réglementation concernant l’utilisation des drones qui se dessine à l’échelon européen et les contraintes qui en découlent, doivent impérativement être considérées.

Game of Drones

Les gestionnaires de réseau supervisent les opérations de maintenance préventive. Parmi elles, l’inspection du réseau aérien occupe une place majeure du dispositif et nécessite en particulier, le recours à des hélicoptères. L’utilisation de drones, associée à la récolte et au traitement des données peut offrir une alternative pertinente et transformer les activités aériennes de maintenance de façon significative, notamment au travers des points suivants :

  • Précision et fiabilité accrues des données acquises : technologie de capture numérique
  • Sécurité de l’environnement de travail : affranchissement d’une présence humaine en hauteur et à proximité d’un ouvrage sous tension
  • Surveillance des ouvrages difficiles d’accès : dimensions et maniabilité du drone facilitant l’accès à ces zones 
  • Diminution des moyens logistiques à mettre en œuvre et des coûts d’exploitation à l’aune de l’utilisation de l’hélicoptère

 

Historiquement, les drones définis comme étant des aéronefs sans pilote à bord et télécommandés à distance, ont été développés à des fins militaires. Aujourd’hui, les efforts de recherche et développement ainsi que les progrès technologiques, ont permis de révolutionner les performances de ces aéronefs mais aussi des capteurs qu’ils peuvent embarquer. Ces engins s’ouvrent alors à diverses applications professionnelles telles que l’inspection de sites industriels, la surveillance d’ouvrages d’art ou encore l’activité agricole.

De façon générale, la sophistication et la diversité des modèles et systèmes de drone, laissent imaginer de multiples utilisations dans des conditions de plus en plus variées. Cela n’est pas sans conséquence sur le marché du drone civil, en pleine expansion dans le monde, et dont la valeur atteint 5,6 milliards de dollars en 2020 (5,03 Mrd USD en 2021) selon la répartition géographique suivante (Statista) :

  • Amériques : 66,9 %
  • Europe : 12,3 %
  • Asie-Pacifique : 15,3 %
  • Reste du monde : 5,4 %

A l’échelle de la France, les constructeurs et exploitants français ont connu une croissance de 900 % sur la période 2012-2017. Ils comptent également un volume d’affaires de 200 millions d’euros en 2017 par ailleurs estimé à 700 millions d’euros en 2020 (Erdyn). Le volet constructeur de la filière est dominé par le groupe Parrot, leader européen, suivi de Delair Tech. Le fabricant chinois DJI (Da-Jiang Innovation), reste toutefois de loin le leader incontesté des fabricants de drones tous publics en prenant la main sur 70 à 80 % des parts de marché (Les Echos).

Depuis peu, les gestionnaires de réseau témoignent d’un intérêt grandissant pour cette technologie bien que des verrous réglementaires, technologiques et économiques restent à lever. L’utilisation d’un drone multirotors comme « œil déporté » pour l’inspection des ouvrages est maintenant à un stade industriel dans certains GRT, comme RTE. Elle nécessite cependant le déplacement des équipes sur place. L’inspection de réseaux aériens exige des drones capables de réaliser des vols sur de longues distances, embarquant des technologies complexes et nécessitant des capacités d’emport significatives.

Ces caractéristiques impliquent des aménagements pour le survol de tiers, les vols hors vue de longues distances ou encore, la protection des données liées à la capture d’images. D’un point de vue technologique, outre les capacités d’autonomie et d’emport du drone, les principaux défis à relever portent sur :

  • Le niveau de performance des capteurs pour permettre la bonne exploitation des données issues des campagnes d’inspection ;
  • L’organisation de la chaîne de traitement de la donnée ;
  • Le niveau d’intelligence embarquée ;
  • La maitrise et la capacité à s’adapter aux exigences réglementaires.

Enfin, l’état du marché actuel morcelé en une grande diversité de métiers pose également un défi. En effet, pour assurer une meilleure pénétration du marché, la filière nécessite une consolidation et réorganisation de ses compétences.  

Panorama concurrentiel des acteurs de l’écosystème 

Les acteurs du marché de l’inspection automatique par drone se positionnent à différents niveaux de la chaîne de valeur. L’émergence de cas d’usage et d’applications variées, a poussé les fabricants de drone à s’adapter au marché en s’orientant vers la fourniture de services plus complets pour y répondre. D’autres acteurs, non-fabricants, se positionnent en tant que fournisseurs de service. Ces entreprises font du drone un service à part entière, avec une offre à valeur ajoutée sur l’acquisition et le traitement de la donnée.

Exemple : mise en œuvre de l’inspection automatique des lignes chez RTE

Le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité est à pied d’œuvre pour faire du drone, un allié de taille dans la maintenance de son réseau dans les années à venir. RTE est chargé d’exploiter et de maintenir chaque année, 100 000 km de lignes aériennes. Le développement des technologies comme les drones, les capteurs et les algorithmes de machine learning, constitue donc à cet égard une véritable opportunité. L’utilisation du drone doit permettre - entre autres - de réduire le risque humain, de fournir une analyse structurée et de qualité afin d’effectuer un diagnostic précis des lignes électriques, et ainsi organiser les futurs plans de maintenance et d’investissement de l’entreprise.

EY accompagne le programme Gestion des Actifs de RTE à la fois dans ses orientations techniques et son pilotage, dont les travaux sur l’automatisation de l’inspection du réseau aérien. Le fondement de ce projet, en phase de recherche et développement, repose sur une équation à trois paramètres :

  • Le vecteur ;
  • La captation des données d’intérêt (i.e. les défauts présents sur le réseau) ;
  • La chaîne de traitement des données captées.

Au regard de ces trois paramètres, l’appréciation des caractéristiques du réseau aérien de RTE doit tenir compte de sa longueur, de sa typologie ainsi que de la nature des défauts pouvant l’affecter. A ce titre, l’enjeu de surveillance porte sur 100 000 km de larges lignes aériennes (subséquemment à leur niveau de tension) et dont les défauts recensés peuvent atteindre des tailles millimétriques. Le besoin de RTE se traduit alors par :

  • Un vecteur longue élongation de grande autonomie, ayant une capacité d’emport de charge utile conséquente et une vitesse adaptée à la captation de défauts ;
  • Des capteurs permettant de capter automatiquement des défauts millimétriques et l’ensemble des constituants de la ligne en un passage du vecteur ;
  • La détection automatique des défauts à partir de ces images captées.

L’analyse des solutions existantes de surveillance automatique du réseau, a été menée en amont et tout au long du projet. Elle a montré qu’aucune solution fonctionnelle clé en main intégrant ces briques, n’était proposée sur le marché. Cette analyse du paysage industriel, s’est appuyée sur une étude théorique et un concours d’inspection automatique organisé par RTE, faisant appel aux acteurs du marché. Le challenge a consisté en une inspection d’une portion de ligne aérienne contenant un défaut connu de RTE, avec pour objectif son identification conforme aux attentes de RTE.

L’état du marché étant lacunaire vis-à-vis du besoin de RTE, une démarche expérimentale a alors été initiée pour y répondre. Elle s’est articulée autour des trois macro-briques technologiques précitées - vecteur, capteur, détection de défauts - en vue de tester et enrichir la solution globale, avant toute décision d’industrialisation. Elle s’est notamment construite en tenant compte du contexte, des enjeux et du niveau de maturité de chacune de ces briques technologiques.

Alors que les technologies progressent à grande vitesse et que la chaîne de valeur ne cesse de se complexifier, le choix d’une telle stratégie industrielle ne peut reposer seul sur le gestionnaire de réseau. Il nécessite un écosystème de partenaires pour à la fois jouir des meilleures solutions disponibles ou sans équivalent sur le marché, mais aussi les orchestrer grâce à une véritable gestion de projet, de la genèse des idées à leur mise en œuvre.  Dans ce contexte, RTE a pu notamment s’entourer du partenaire CNIM Air Space, pour développer un démonstrateur de drone dirigeable sur-mesure, le Diridrone.

Ce concentré d’innovation pèse 150 kg et mesure 14,5 m de long. Il a été conçu afin de survoler les lignes aériennes de RTE de façon automatique, avec une capacité d’emport de 10 kg de charge utile composée :

  • De capteurs photos afin de détecter automatiquement des anomalies matérielles visibles ;
  • De capteurs thermographiques infrarouges afin de détecter automatiquement des points chauds ;
  • D’un LIDAR permettant de modéliser les ouvrages et leur environnement en 3D.

Les développements se sont réalisés en étroite collaboration avec la Direction de l’Aviation Civile (DGAC) afin que le vecteur puisse s’intégrer dans l’espace aérien et respecter la règlementation en vigueur.

De façon générale, les trois macro-briques ont été traitées de concert, chacune clairement définie par un périmètre de développements basés sur des sprints, puis validés par des expérimentations concrètes. Le travail itératif réalisé sur ces briques, a mené les différents acteurs du projet à effectuer des essais grandeur nature en fin d’année 2020. Ils ont notamment permis de valider avec succès :

  • La mise en œuvre opérationnelle du Diridrone
  • La capacité d’acquisition des données d’une charge utile composée d’un double capteur photo et doté d’un système d’asservissement sur la position des câbles

Cette première mondiale a ainsi permis de démontrer la faisabilité technique d’une solution globale. Toutefois, l’horizon industriel demeure encore lointain. Au-delà des perspectives réglementaires, la chaîne de traitement des données, la télécommunication ou encore la mise en œuvre opérationnelle, sont autant de maillons de la chaîne de valeur qui restent encore à construire.

Benoit Calmet, pilote du domaine AIRMI (Automatisation de l’Inspection du Réseau et Moyens d’Intervention), nous précise les facteurs clés de succès et les ambitions de l’inspection automatique au sein de RTE :

  • Témoignage client

    Benoit Calmet

    Pilote du domaine Automatisation de l’Inspection du Réseau et Moyens d’Intervention (AIRMI)

    Direction de la R&D – Programme Gestion des Actifs

     

    Quels sont les facteurs clés pour mettre en œuvre l’inspection automatique du réseau aérien ?

    Bien que nous soyons parvenus à concevoir un prototype répondant à tous les enjeux du projet (drone longue élongation, système de captation automatique de données et algorithmes de détection des anomalies), il reste encore du chemin à parcourir pour l’industrialisation. Nous comptons pour cela sur un travail d’équipe qui a déjà fait ses preuves jusqu’à présent, regroupant différentes compétences spécialisées de RTE mais aussi sur l’accompagnement de nos partenaires, comme EY dans la gestion de projet.  L’axe de travail le plus dimensionnant pour la suite est probablement le volet réglementaire pour obtenir les autorisations nécessaires d’un point de vue aéronautique.

    Quelles sont les étapes suivantes de ce projet ?

    Maintenant que le concept est démontré, un grand travail d’amélioration et de fiabilisation est à mener sur l’ensemble des systèmes pour les rendre industriels, avec l’aide de nos partenaires sur le sujet. Il faut également poursuivre les échanges avec l’autorité réglementaire aéronautique et apporter tous les niveaux de sécurité nécessaires à l’obtention des autorisations.

    Quels sont les autres sujets investigués dans votre domaine ?

    RTE s’est lancé il y a quelques années dans une démarche de modernisation des moyens aériens. L’idée est de réfléchir à l’avenir des opérations que nous allons réaliser par drone. A ce titre nous travaillons sur une méthode d’inspection automatique des lignes électriques par drone, mais ce n’est pas le seul sujet instruit en R&D pour la modernisation des inspections, nous travaillons également sur les drones sous-marins et le service qu’ils peuvent apporter en matière de relevés sur le tracé des câbles sous-marins (raccordements de parc éoliens par ex). De plus les postes électriques très nombreux chez RTE font eux aussi l’objet d’investigations par robots terrestres cette-fois.

Ce qu'il faut retenir

Le réseau électrique est soumis à un double impératif d’évolution liée à la transition énergétique et la transformation numérique. La gestion des actifs porte une part prépondérante dans cette transformation avec l’opportunité de mettre en œuvre de nombreuses technologies. Cette transformation doit s’orchestrer au travers d’un plan d’évolution technique, organisationnel, humain et économique pour en tirer le meilleur parti.

A propos de cet article

Par Clément Delfini

Associé, Consulting, Power & Utilities, France

Associé au sein des équipes Energy & Utilities d’EY, Clément accompagne la transformation des entreprises de l’énergie.