10 min de temps de lecture 24 mai 2020

Baromètre EY-ULI d’attractivité des quartiers d’affaires mondiaux

Par Marc Lhermitte

Associé, EY Consulting

#FDI | #Europe | #globaleconomics | #creativeindustries | #innovation | #geopolitics | #publicprivate

10 min de temps de lecture 24 mai 2020

Le baromètre EY-Urban Land Institute (ULI) d’attractivité des quartiers d’affaires est la seule étude internationale qui évalue et compare les plus grands quartiers d’affaires mondiaux. Elle recouvre 21 quartiers d’affaires sélectionnés par les équipes EY et ULI, en s’assurant que chaque région économique mondiale soit représentée.

    Depuis 2017, le baromètre réalisé par EY et ULI mesure la performance et les transformations des quartiers d’affaires mondiaux. Au-delà des mises à jour statistiques, cette édition 2020 met l’accent sur les changements que les quartiers d'affaires ont dû entreprendre pour rester compétitifs et devenir plus attractifs pour les clients, les talents et les entreprises.

    Cette édition paraît en pleine crise du COVID-19, qui, en quelques semaines, a changé les perspectives sanitaires et économiques de millions de personnes, directement ou indirectement, et a bouleversé la manière dont nous vivons, interagissons et travaillons.

    Avant le confinement, les 21 quartiers d’affaires du Baromètre d’attractivité EY-ULI étaient le lieu de travail de 4,5 millions de personnes. Des dizaines de millions d’autres y vivaient ou s’y rendaient pour des entretiens d’embauche, des visites de clientèle, des achats, des sorties et activités de loisirs ou traversaient simplement les rues de ces quartiers verticaux inspirants et iconiques.

    Au total, ils recouvrent presque 100 millions de mètres carrés d’espace de bureaux et accueillent 79 sièges sociaux d’entreprises du Fortune 500, ainsi qu’une large part de leurs fournisseurs de services, cabinets de conseil et d’audit, banques et assurances, agences de publicités et médias. Bien qu’ils emploient 4,5% de la population active de leur aire métropolitaine en moyenne (277 millions de personnes au total), ce sont les géants indisputés du monde du travail.  

    La crise a également mis en lumière l’importance des échanges humains, de l’environnement urbain et de son animation, que les quartiers d’affaires devront cultiver.

    Marc Lhermitte

    Associé, Consulting, Responsable du programme Attractivité, France

     

    Au 15 avril, 14 des 21 quartiers d’affaires étudiés se situaient dans des villes ayant mis en place des mesures de confinement total comme Londres, New York ou Paris. Ces 14 quartiers d’affaires – lieu de travail de 3,5 millions d’employés – étaient alors à moitié vides, les salariés des entreprises s’y trouvant étant priés de rester confinés à leur domicile, pour des raisons de sécurité et de santé publiques, et devant, de fait, réorganiser leur manière de travailler afin de trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Par ailleurs, dans les 7 quartiers d’affaires restants, qui emploient 21% des 4,5 millions de salariés, des restrictions ont aussi été en vigueur, perturbant la libre-circulation et la vie professionnelle.

    Les quartiers d’affaires internationaux menaient une course déterminante pour attirer les talents, les entreprises et les capitaux avant que la crise du COVID-19 ne débute. Cette compétition se poursuivra, mais obéira sans doute à de nouvelles règles.

    A l’heure actuelle, personne ne peut se prononcer sur la date de retour des salariés au sein des quartiers d’affaires. Les conditions d’un retour progressif à la normale restent encore inconnues. Ce qui semble certain, c’est que les mesures de distanciation sociale et professionnelle se poursuivront pour quelques mois et les précautions sanitaires pour plusieurs années.

    Au-delà de la crise du COVID-19, les quartiers d’affaires internationaux devront s’adapter à une nouvelle forme de « normalité ». La santé et le bien-être deviendront primordiales dans les espaces de bureaux et les lieux publics. Cela aura un impact profond sur le modèle économique et financier du secteur immobilier. La pression pour réduire les coûts ainsi que l’adoption rapide de solutions technologiques et la généralisation du télétravail changeront également les caractéristiques de l’offre immobilière pour les entreprises.

    Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions sur le potentiel impact à long-terme de la crise, il est évident que les villes et les quartiers seront touchés à des degrés divers, que ce soit en matière de santé, de qualité de vie et de sécurité. Dans les lieux les plus denses et les plus actifs en termes d’interaction sociale, l’impact de la crise sera probablement plus marqué et plus durable. La crise a également mis en lumière l’importance des échanges humains, de l’environnement urbain et de son animation, que les quartiers d’affaires devront cultiver.

    Nous sommes donc confiants sur le fait que les facteurs d’attractivité des quartiers d’affaires mondiaux resteront les mêmes. Les entreprises internationales, qui représentent la majeure partie des quartiers d’affaires internationaux, auront à nouveau besoin d’organiser des réunions de travail, de conduire des projets stratégiques, d’accueillir des clients et des partenaires business.

    L’étude se concentre sur cinq observations, issues d’une analyse détaillée des entretiens que nous avons menés, des tendances à long-terme que nous observons depuis 2017 et des leçons tirées des premiers mois de l’année 2020.

    La troisième partie de l’étude fournit une analyse détaillée des tendances, montrant, ainsi, comment chacun des quartiers d’affaires étudiés performe sur les cinq grands facteurs d’attractivité.

    (Chapter breaker)
    1

    Partie 1

    Métropoles occidentales

    Les quartiers d'affaires affirment leur leadership.

    Malgré le contexte incertain du Brexit, le quartier de la City à Londres se maintient en haut du classement (Index EY-ULI à 58,9 contre 61,5 dans l’étude 2017). Il bénéficie du réseau universitaire de la métropole, ainsi que des activités financières et de services propres à la City. Canary Wharf, en cinquième position, profite également d’un environnement urbain mixte dans lequel il y a davantage de résidents (16 000 personnes y vivent) ainsi que de nouvelles infrastructures de loisirs par rapport à 2017.

    New York Midtown (57.5) et Tokyo Marunouchi (54.7) se maintiennent en deuxième et troisième places respectivement. Cela est dû à de bons fondamentaux comme la présence de sièges sociaux d’entreprises du Fortune 500 (10 à Midtown et 18 à Marunouchi) ainsi qu’à un vivier de talents de hauts-niveaux : 59% de la population de Tokyo possède un diplôme de l’enseignement supérieur ; 48% à New-York.

    Paris La Défense

    4ème

    quartier d’affaires mondial concentrant le plus de sièges sociaux internationaux

    Paris La Défense se place en quatrième position grâce à une forte concentration de sièges sociaux internationaux (Fortune 500, SBF 120 et cabinets d’affaires). Le niveau élevé d’investissement en R&D des entreprises (3,6% du PIB métropolitain) permet au quartier d’affaires de se placer en première position européenne pour le climat d’affaires, devant la City de Londres.

    La compétition entre les quartiers d’affaires s’intensifie. L’écart du classement EY-ULI s’est réduit de 55.5 en 2017 à 49.5 en 2020. Cela est particulièrement vrai pour le top cinq du classement, puisque les scores de Londres et Midtown baissent tandis que ceux de Marunouchi, Paris La Défense et Canary Wharf progressent. En lien avec l’incertitude entourant le Brexit, l’index EY-ULI de la City est de 58.9 comparé à 61.5 dans la première édition de cette étude. En conséquence, les compétiteurs de La City de Londres gagnent du terrain. Il est encore trop tôt pour déterminer la manière dont le haut du classement sera impacté par la crise sanitaire du COVID-19, mais il est évident que, pour chacun, les évolutions dépendront de la durée du confinement et du contexte économique national et local.

    (Chapter breaker)
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    Partie 2

    Métropoles asiatiques

    Une dynamique de croissance et un renforcement de leur compétitivité.

    Les plus grands quartiers d’affaires étudiés parmi les métropoles asiatiques ont bénéficié d’une amélioration de leur capacité à attirer et retenir les talents. La part de diplômés de l’enseignement supérieur atteint 37% à Pékin (plus 18 points par rapport à 2017), 33% à Hong Kong (plus trois points), 30% à Shanghai (plus 11 points) et 26% à Mumbai (plus sept points).

    Le quartier d’affaires de Pékin témoigne d’une forte progression quant à la performance de son offre immobilière. Son score a augmenté de presque cinq points par rapport au rapport 2017, grâce à son stock croissant d’espaces de bureau (4,3 millions de m²), qui accueille dorénavant huit sièges sociaux du Fortune 500 et offre 850 000 m² d’espaces commerciaux.

    Dans tous les quartiers d’affaires asiatiques, les réseaux de transports s’améliorent : Shanghai est premier dans l’Index Cities in Motion de l’IESE (mesure du temps de transport vers son lieu de travail, mobilités douces, étendue du réseau de transports en communs, nombre de stations, réseau de trains à grandes vitesses, etc.) juste devant Pékin.

    (Chapter breaker)
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    Partie 3

    Cinq observations

    basées sur les transformations de long terme des quartiers d’affaires.

    1. La concentration des talents, le climat d’affaires et la connectivité resteront les atouts structurants des quartiers d’affaires

    L’accès aux compétences est d’une importance primordiale : 84% des professionnels interrogés considèrent que la capacité à attirer et retenir les talents est un facteur très important dans les choix de localisation des activités économiques des entreprises, contre 70% en 2017.

    Ce critère d’attractivité est également lié à la qualité de l’environnement urbain, que 40% des répondants considèrent comme primordiale et qui contribue à attirer les talents.

    De plus, pour les entreprises, la capacité à bâtir des connexions au sein des écosystèmes du quartier d’affaires est cruciale : 57% des professionnels interrogés estiment que la proximité des marchés, clients et partenaires au sein du quartier d’affaires est un facteur d’attractivité majeur (en hausse de 11 points par rapport à 2017).

    Être implanté au sein d’un quartier d’affaires qui rayonne au niveau local et mondial est estimé comme très important par 40% des répondants. Les entreprises recherchent ce rayonnement tant pour attirer les talents que pour la reconnaissance que permet cette localisation aux yeux des clients et partenaires.au

    Une offre immobilière adaptée et innovante est également primordiale pour 14% des répondants. Pour les entreprises, les espaces de bureaux permettent d’attirer les talents. Beaucoup considèrent que des espaces de bureaux modernes et flexibles sont un prérequis des quartiers d’affaires et ne le citent pas en tant que critère déterminant.

    2. Prioriser les considérations environnementales est devenu
    et sera une obligation pour attirer talents et usagers

    En 2020, la prise de conscience environnementale a largement progressé parmi les professionnels et experts interrogés. L’impératif d’agir sur la gestion de l’environnement devient urgente et les attentes d’exemplarité sur le sujet grandissent, en particulier chez les jeunes professionnels. La course pour les talents étant cruciale, leurs exigences sont une priorité pour que les quartiers d’affaires attirent occupants et consommateurs.

    Pour 86% des répondants, cet enjeu majeur commence par la présence d’un réseau de transport multimodal et durable, premier moteur d’une bonne performance environnementale. Les répondants citent ensuite le management efficace des ressources (eau, énergie) à hauteur de 66% et la végétalisation du quartier (46%).

    3.  Les transformations des modes de travail et l’attention portée à la santé et au bien-être pourraient exercer une pression sur les perspectives économiques des quartiers d’affaires

    La crise du COVID-19 a stimulé l'adoption rapide de nouvelles technologies. Les premières statistiques montrent que le télétravail pourrait augmenter de 30% par rapport au niveau pré-Covid. De nouvelles formes de collaboration et de travail pourraient s’installer durablement.

    Dans le contexte de la crise sanitaire du COVID-19, les entreprises sont amenées à contribuer au financement de mesures d’urgences ainsi que d’atténuation et de résilience pour faire face à la crise et relancer leurs activités. Les quartiers d’affaires auront à faire face à la fois à une baisse de revenus, en même temps qu’à l’obligation croissante de proposer des espaces de travail innovants et sains, dotés d’espaces collaboratifs, tout en assurant une certaine distanciation sociale.

    Parmi les professionnels interrogés, 26% considèrent que la compétitivité-coût est un facteur très important de l’attractivité des quartiers d’affaires, comparé à 35% en 2017.

    La demande soutenue pour des espaces de travail de qualité et respectueux de l’environnement couplée au nombre limité de nouveaux projets de développement urbains ont alimenté la hausse des loyers.

    A ce jour, les entreprises semblent absorber cette hausse des loyers dans la mesure où elles peuvent mettre en place des stratégies d’optimisation de leurs coûts immobiliers. En modifiant leurs usages autour d’espaces plus collaboratifs, partagés et ouverts, les entreprises réussissent en effet à réduire leurs besoins en surfaces immobilières. Il faudra voir quel sera l'impact de la crise sur les besoins des entreprises en matière d'espace et de coûts, tant à court qu'à long terme.

    4. Les nouveaux risques mondiaux auxquels les villes et quartiers d’affaires font face appellent à bâtir des stratégies de résilience communes

    Les parties prenantes des quartiers d’affaires, publiques et privées, vont être amenées à développer de nouvelles stratégies de résilience, de manière collaborative et à une plus large échelle géographique et technologique. De leur point de vue, c’est une condition clé pour répondre efficacement aux challenges de la décennie qui s’ouvre, en incluant les enjeux politiques, les aléas climatiques ou encore les risques sanitaires comme les pandémies.

    A Hafen City, Hambourg

    77%

    d’un projet pilote de smart living et de développement durable est financé par le secteur privé soit 10 Md€ sur la période 2003-2025

    Dans certains quartiers d’affaires étudiés, les développeurs, en lien avec les cabinets d’architecture et d’ingénierie, sont à la pointe des efforts déployés pour une ville plus « intelligente et sécurisante » (smart and safe city) et fournissent des solutions technologiques et environnementales adaptées. Ailleurs, les usagers sont régulièrement associés aux stratégies de positionnement des quartiers d’affaires et à l’organisation d’évènements qui contribuent à l’animation locale.

    A plus long terme, le développement de solutions immobilières tenant compte de l’enjeu sanitaire (en incluant les systèmes de ventilation, de filtration d’air et de nettoyage) ainsi que la capacité de prévention des acteurs et d’adaptation des équipements, seront de plus en plus important.

    5. A long-terme, les quartiers d’affaires doivent devenir de nouvelles destinations urbaines inclusives, au-delà d’une simple concentration d’espaces de bureaux

    D’après les experts interrogés, les quartiers d’affaires s’efforcent de réinventer l’expérience de leurs usagers. Cette tendance était déjà présente dans les conclusions du rapport de 2017 et s’est largement accentuée depuis. En plus d’infrastructures de transport plus performantes, ce qui est la caractéristique clé du quartier d’affaires de demain pour 64% des répondants, davantage de mixité d’usages (40%) et de services pour les employés (29%) sont également importants.

    Dans un environnement qui se caractérise généralement par une part importante de gratte-ciels, cela suscite de nouvelles approches innovantes, afin de bâtir des communautés verticales par exemple. Dans cette dynamique, les surfaces commerciales sont de plus en plus souvent considérées comme des aménités et des espaces de vie, pour des activités qui ne génèrent pas forcément de revenus en tant que tels, mais permettent de connecter les usagers et développer la vie de quartier. 

    L’accent doit également être mis sur la santé et le bien-être (28%) ainsi que le développement de logements (27%), ce qui fournit encore davantage de potentiel pour les projets développés en mixité d’usage.

    • Méthodologie

      Les 21 quartiers d’affaires étudiés ont été sélectionnés à partir des caractéristiques suivantes :

      • La présence dans une métropole du Top 100 des métropoles les plus peuplées au monde ;
      • La présence d’importantes surfaces de bureaux (plus de 800 000 m²) ;
      • La présence d’un centre d’emplois important à l’échelle métropolitaine ;
      • Une concentration d’activités tertiaires supérieures et de fonctions de commandement, synonyme notamment de la présence de sièges de grandes entreprises ;
      • Des formes urbaines spécifiques (densité et verticalité).

      Le classement général des quartiers d’affaires est établi en tenant compte de la performance relative de chaque quartier d’affaires sur la base de 46 indicateurs séparés autour de cinq critères :

      • Capacité à attirer et fidéliser les talents ;
      • Proximité des marchés, clients et partenaires ;
      • Qualité de l’environnement urbain ;
      • Rayonnement local et mondial ;
      • Offre immobilière adaptée et innovante.

      Le classement final est obtenu en calculant pour chaque quartier d’affaires un score moyen, en appliquant une pondération au score obtenu dans chaque critère d’attractivité. Cette pondération reflète l’importance du critère, déterminée en prenant la part de répondants de l’enquête en ligne qui juge ledit critère « très important ».

      L'étude a été menée par les équipes de EY et ULI. Elle a été commandée par Paris La Défense en coopération avec le GBD Innovation Club.

    Ce qu'il faut retenir

    Le baromètre EY-Urban Land Institute (ULI) d’attractivité des quartiers d’affaires est la seule étude internationale qui évalue et compare les plus grands quartiers d’affaires mondiaux. Elle recouvre 21 quartiers d’affaires sélectionnés par les équipes EY et ULI, en s’assurant que chaque région économique mondiale soit représentée.

    A propos de cet article

    Par Marc Lhermitte

    Associé, EY Consulting

    #FDI | #Europe | #globaleconomics | #creativeindustries | #innovation | #geopolitics | #publicprivate