4 minute read 21 Dec 2022
Les grandes tendances et préoccupations des banques à Luxembourg

Les grandes tendances et préoccupations des banques à Luxembourg

Authors
Dorian Rigaud

EY Luxembourg Partner, Banking and Capital Markets Leader

Focused on CFO services. Leading several IFRS, credit risk and finance optimization projects. Statutory and consolidated audit of banks in Luxembourg (IFRS and Lux GAAP).

Alexandre Walhin

Assurance Senior Manager

4 minute read 21 Dec 2022

En dépit des évolutions substantielles qui impactent le secteur financier luxembourgeois et mondial, les institutions bancaires doivent garder le cap sur leurs priorités stratégiques. En sus des considérations climatiques et de la concurrence des nouveaux entrants, depuis ces derniers mois, le secteur bancaire fait face à de nouveaux défis que sont les implications du conflit russo-ukrainien, un environnement de taux d’intérêts agité et des marchés financiers bousculés alors que les conséquences de la pandémie de Covid-19 sont toujours une réalité pour les travailleurs et l’économie du pays. 

Les transformations en termes de technologies, d’attentes des clients et de ressources humaines ainsi que les changements macro-économiques et les nouvelles réglementations sont en train de restructurer le secteur bancaire. Cela insuffle un vent de fraicheur qui donne l’opportunité aux directions bancaires de se démarquer.

Afin de réimaginer le futur et saisir les opportunités pour les mener à la croissance, les banques doivent se concentrer sur la transformation de leurs opérations, avec un sens clair du parcours à réaliser, en plaçant l’humain au centre de leur organisation, en tirant profit des nouvelles technologies et en soutenant l'innovation à grande échelle. Les dirigeants des institutions bancaires ont besoin d’agilité pour réaliser et piloter ces changements. Le succès émanera d’une exécution équilibrée entre la réalisation d’initiatives à court terme, tout en travaillant sur des stratégies de transformation et de croissance qui offriront de la valeur à long terme. 

L’expérience client au cœur de la transformation digitale

D’après un sondage réalisé parmi un échantillon de professionnels du secteur bancaire en octobre 2022 lors de l’Annual Banking Conference d’EY Luxembourg, 23% des répondants estimaient que la transformation digitale reste l’une des principales priorités du plan d’action immédiat de leurs organisations, malgré les tumultes actuels. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la majorité des banques ont remarquablement bien performé et ceci est dû en grande partie à la mise en place et au développement des canaux numériques. Elles ont eu l’opportunité de pérenniser, voire d’accélérer, ce virage numérique, en s'appuyant sur des relations renforcées avec leurs clientèles de détail, de banque privée et d’entreprises.

Amener les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises à adopter les services bancaires en ligne n’est pas chose aisée. Cependant force est de constater que la tendance a changé et les banques ont maintenant l’opportunité rare de rendre la conversion plus permanente via une stratégie multicanal. Cela nécessite néanmoins de repenser profondément le modèle relationnel, en développant de nouveaux outils permettant aux chargés de clientèle d'accompagner les clients à distance, tout en offrant une expérience plus personnalisée.

L’enquête EY Future Consumer Index1 a révélé que 59 % des clients utilisent davantage les paiements sans contact depuis la pandémie, tandis que 54 % utilisent des applications pour smartphone pour effectuer des transactions et gérer leurs activités bancaires. Bien que ces augmentations soient notables, elles ont révélé pour certaines banques que leurs capacités numériques n'étaient pas aussi avancées qu'elles auraient pu le penser, et que la course au développement optimal de la numérisation au service du client est encore longue.

L’un des exemples d’optimisation opérationnelle permise par la numérisation est l’automatisation des approbations de crédit pour les prêts de faible valeur, en extrayant les données pertinentes des fichiers d'informations-clients-de façon automatisée. L'utilisation d'analyses avancées permet également aux banques de mieux évaluer l'impact de l'évolution des conditions du marché sur les risques de crédit des clients et de fournir des informations plus précises sur les secteurs susceptibles d'être les plus touchés par le ralentissement économique.

Cet investissement stratégique dans la numérisation du parcours client va aider les banques établies à construire une proposition gagnante qui s'appuie sur la technologie et la confiance. Exploiter le changement permettra également de récolter les bénéfices nets d'une organisation numérique plus efficace à un moment où les pressions sur les coûts sont au premier plan de l'agenda des dirigeants et des conseils d’administration.

Préoccupation autour du risque climatique et environnemental et opportunités pour les banques

Comme l'a partagé l'audience de professionnels du secteur bancaire lors de la dernière Annual Banking Conference EY, environ 20% des participants estiment que les préoccupations concernant le risque climatique et environnemental sont une priorité majeure à l'agenda des établissements de crédit au Luxembourg. Cependant, seuls 15% des sondés considèrent que leurs banques sont pleinement opérationnelles, ou proches de l’être, pour faire face à ces enjeux, alors que 52% estiment que leur organisation doit encore réaliser des efforts organisationnels et opérationnels pour s’adapter aux nouvelles exigences réglementaires.

En effet, les banques sont actuellement confrontées à un dilemme complexe lié au financement d'entreprises émettrices de carbone, allant à l’encontre des objectifs de décarbonation de l'économie. Il est clair que la nécessité de décarboner l'économie mondiale peut se heurter à un désir de plus de sécurité énergétique. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose – et bien qu'il puisse y avoir une augmentation à court terme de la production d'électricité à partir de combustibles fossiles, cela devrait accélérer la mise en place d'énergies alternatives dans de nombreux pays à plus long terme.

Il est important pour les banques de cartographier les évolutions du marché de l'énergie et son impact sur leurs clients, leurs engagements en matière de financement durable et les plans de déploiement. Les inquiétudes concernant l'approvisionnement en pétrole et en gaz ne constituent qu'une partie du tableau : le prix de l'uranium a plus que doublé depuis l'année dernière alors que l'on s'attend à ce que davantage de centrales nucléaires soient construites, et le prix du lithium, utilisé dans les batteries des véhicules électriques, a quadruplé au cours des 12 derniers mois.

D'une part, cela mène à des pressions pour les pays et les entreprises qui cherchent à effectuer la transition ; d'autre part, cela crée des opportunités pour les banques d'accélérer le déploiement de la finance durable en participant activement à son financement.

Pour parvenir à atteindre les objectifs réglementaires ainsi que ceux d’une stratégie commerciale en ligne avec les enjeux futurs, il faut une compréhension plus approfondie des voies de transition à un niveau granulaire. L’objectif étant de se conformer aux différentes attentes légales et de répondre aux besoins des clients par la proposition de services adéquats, tout en investissant dans les outils numériques indispensables à la mise en conformité avec les exigences réglementaires – qui va nécessiter l’utilisation et l’exploitation d’un nombre considérable de données.

Le niveau de provisionnement des crédits en ces temps incertains

Les niveaux de provisionnement des crédits enregistrés à la suite de la pandémie de Covid-19 ont en grande partie été extournés, tant les effets de cette crise n’ont pas causé de pertes de crédits telles qu’attendues. La plupart des banques ont même connu des résultats records dans un environnement inédit. Toutefois, l’année 2022 présente de nouveaux challenges pour les banques du pays et malgré l'avantage de la hausse des taux d'intérêt, qui profitera au revenu net d'intérêt, la performance des banques sera vraisemblablement entravée par les effets plus larges de l'inflation et du ralentissement de la croissance économique, incluant possiblement un environnement de récession potentielle.

Les conditions extraordinaires qui ont soutenu les revenus élevés des banques ne seront pas maintenues et les perspectives économiques qui tendent à se détériorer ces derniers mois vont obliger les banques à gérer une augmentation des actifs non performants et prévoir le provisionnement de pertes de crédits attendues, intégrant les évolutions macro-économiques et les spécificités du marché Luxembourgeois. 

En effet, 70% des répondants au sondage réalisé lors de l’Annual Banking Conference EY d’octobre 2022 s’attendent à un plus haut taux de provisionnement sur leur portefeuille de crédits au 31 décembre 2022 par rapport aux deux exercices précédents (alors que 27% estiment qu’il restera stable). En outre, il est déjà plus que probable que pour l’année 2023, les clients subiront une pression accrue sur leurs liquidités.

Les banques entrent dans un nouvel environnement opérationnel. Et bien que certains aspects leur soient favorables comme des taux d’intérêts plus élevés (les actifs étant réévalués plus rapidement que les passifs), elles font face à des vents contraires plus importants tel que le ralentissement de la croissance économique, fortement corrélé à la demande de crédit, des prévisions de ralentissement de la croissance du PIB luxembourgeois et d’éventuels problèmes d'échéance de la dette, car le financement actuel de la dette devrait être refinancé dans un environnement de taux plus élevés.

Dans cet environnement incertain, les banques - tout en maintenant leurs investissements dans les outils numériques - doivent continuer de soutenir leur clientèle de détail et d’entreprises qui font face à de nombreux défis impactant leur situation financière tel la hausse des couts de l’énergie, le niveau d’inflation, le ralentissement de la croissance économique, etc.

Il est inévitable que ces considérations se traduiront par un taux de provisionnement des crédits accordés à la clientèle professionnelle et de détail plus important au 31 décembre 2022 par rapport aux deux dernières années. Et au rythme des évolutions considérables qui ont eu lieu en 2022, il semble pour le moment difficile de prévoir les évènements et challenges qui attendent les banques et leurs clients pour l’année 2023.

1EY Future Consumer Index, November 2022

Cet article a été publié dans l'AGEFI. 

Summary

Afin de réimaginer le futur et saisir les opportunités pour les mener à la croissance, les banques doivent se concentrer sur la transformation de leurs opérations, avec un sens clair du parcours à réaliser, en plaçant l’humain au centre de leur organisation, en tirant profit des nouvelles technologies et en soutenant l'innovation à grande échelle.

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Dorian Rigaud

EY Luxembourg Partner, Banking and Capital Markets Leader

Focused on CFO services. Leading several IFRS, credit risk and finance optimization projects. Statutory and consolidated audit of banks in Luxembourg (IFRS and Lux GAAP).

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