4 minute read 16 Sep 2020
ESG et société de gestion private equity: Par où commencer?

ESG et société de gestion private equity: Par où commencer?

By Renaud Breyer

EY Luxembourg Partner, Sustainability Leader

ACCA. 22 years at EY. Consulting services for CFO. Passionate about sustainability.

4 minute read 16 Sep 2020
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Les gestionnaires de fonds de private equity ou capital-investissement intègrent de plus en plus les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur stratégie. 

L'
objectif est de prendre en compte tous les critères de création de valeur, notamment les critères intangibles, non financiers. Ces critères sont synonymes de création de valeur à long terme et la crise de Covid 19 a confirmé ce constat. Les critères ESG constituent l’essence de l’analyse extra-financière et s’intègrent tant au niveau du management des sociétés de gestion ou des General Partners (GPs), et donc à la politique d’investissement, de gestion des risques, de leur rémunération et de reporting, qu’au management de celui des sociétés en portefeuille.  Plusieurs raisons encouragent les GPs dans cette démarche.

Les investisseurs sont plus exigeants et demandent plus de transparence. En effet, non seulement les investisseurs sont focalisés sur le rendement et les risques, mais sont aussi de plus en plus regardants sur l’impact qu’ont leurs investissements.  La dernière enquête d’EY[1] réalisée auprès d’investisseurs institutionnels confirme une tendance des entreprises à œuvrer pour l’amélioration de la planète, ces valeurs influençant d’ailleurs leurs décisions d’investissement. Les informations ESG n'ont donc jamais été aussi importantes pour 98% des investisseurs interrogés.

Par ailleurs, l’Union européenne, avec le support de sa Task Force dédiée au Climate-related Financial Disclosures et l’appui du Technical Expert Group on Sustainable Finance, dévoile un agenda réglementaire ambitieux visant à imposer une certaine trajectoire carbone de l’économie. En découlent des règlements qui couvrent notamment la transparence et la classification des produits. Par exemple, le règlement européen sur la taxonomie de juin 2020 facilite la compréhension des investisseurs sur les activités considérées comme environnementalement et socialement durables. L’absence de langage commun sur ce qu’est une activité durable était un frein à l’orientation des flux financiers vers des activités économiques durables.

La crise du Covid 19 a aussi confirmé les attentes des parties prenantes et l’Union européenne à accélérer la mise en œuvre de son plan d’action pour une finance durable.

N’oublions pas que les critères ESG constituent une source d’opportunités visant à améliorer la solidité et la résilience de l’industrie du capital-investissement.

Définir les ambitions de la démarche ESG : une étape fondamentale

Les impératifs d’une démarche ESG dépendent de l’ambition d’une société de gestion. Nous constatons que très souvent une simple question est posée : comment appréhender mon approche ESG?  

A la question de savoir ce que signifie concrètement l’intégration des critères ESG, nombreuses sont les réponses proposées par plusieurs études menées sur le sujet, y incluse une analyse récente d’EY[2] :

  • Une démarche vers l'excellence opérationnelle consistant à utiliser les méthodes déjà en place pour atteindre les résultats escomptés en les enrichissant et en les actualisant sous l'angle de la durabilité (par exemple, cela inclut l'introduction de clauses sur la durabilité environnementale et sociale dans le processus de sélection et de gestion des sociétés en portefeuille, ou l'intégration des critères ESG dans les processus de gestion des risques) ;
  • Une approche intégrée au cœur du métier de gestionnaire d’actifs, une façon holistique de « penser » une société de gestion et son approche en matière de création de valeur ;
  • Un levier de créativité privilégiant l'innovation sociale.

Cependant, force est de constater que ces concepts diffèrent considérablement tant sur le plan de leur définition que sur leur exécution. Et, bien qu'exercés avec succès par certains gestionnaires d’actifs, ils n’ont pas nécessairement la même résonnance auprès des LPs.

De la levée des fonds à la cession des sociétés en portefeuille : Quelle stratégie ESG adopter ?

Une forte mobilisation sur les enjeux extra-financiers implique, pour les gestionnaires de fonds, une meilleure appréciation des risques liés aux considérations extra-financières. Ces enjeux ESG se situent principalement, pour la société de gestion, au niveau des participations détenues en portefeuille. Pour le moment, les règlements européens et les médias sont plutôt focalisés sur les questions environnementales. Cependant, les aspects sociaux et de gouvernance ne doivent pas être omis car ils contribuent aussi à la valeur intangible d’une entreprise. Non seulement l’approche doit être exhaustive, mais elle doit être intégrée également à la stratégie du GP.

Certains GPs décident d’être leaders en matière d’environnement durable et souhaite en faire un critère de différentiation. Cela passe, notamment, par l’intégration des critères ESG dans l’intégralité de leurs cycles d’investissements en créant un écosystème ESG autour de leurs sociétés en portefeuille, et donc de s’ériger en véritable leader ESG.  Cette intégration commence dès les due diligences (sections dédiées dans la data room, paragraphes distincts dans les private placement memorandum et signature de side letters intégrant des clauses ESG alignées sur les demandes des LPs) puis s’étend au suivi de la performance tout au long de la détention des sociétés investies jusqu’à la cession. L’intégration des critères ESG à la cession se matérialise par exemple par la présentation aux futurs actionnaires, de l’état d’avancée de l’implémentation de la stratégie ESG définie en amont afin de mettre en exergue les actions concrètes réalisées dans ce domaine tout au long de la période de détention. 

A contrario, d’autres GPs adoptent une stratégie purement destinée à se conformer aux règles en vigueur. Cette stratégie correspond à une option à minima - risquée sur le long terme mais peu coûteuse - qui permet de répondre à certains besoins immédiats des LPs. A mi-chemin, se trouvent les GPs qui ont la volonté de se conformer au mieux aux exigences ESG réglementaires et sociétales, et d’en anticiper certaines évolutions, qui sont transparents sur leurs activités et qui ont partialement adopté leurs procédures, comme par exemple la sélection des investissements.

Les sociétés de gestion peuvent faire référence à plusieurs référentiels afin de définir leur stratégie, et via notamment :

  • La feuille de route pour une durabilité intégrée du Pacte mondial des Nations Unies. Cette feuille de route fournit un guide qui a pour but d’intégrer la durabilité dans la stratégie, les opérations et la culture d'entreprise ;
  • Le guide Sustainability Incorporated, du groupe de réflexion anglais SustainAbility. Ce référentiel définit cinq éléments essentiels à l'intégration, tels que la compréhension du business model, l'accent mis sur les sujets de matérialité, l'inclusion de la durabilité dans la conception des services, le développement d’un état d’esprit ESG et d’un reporting intégré, ainsi que l'analyse des aspects de la culture d'entreprise qui peuvent être des moteurs utiles en matière de durabilité.

Savoir lequel de ces référentiels (ou d'autres) choisir et comment entamer la transition vers une intégration réussie des ESG au sein de la société de gestion et de son portefeuille d’actifs peut être fastidieux et doit impliquer l’équipe dirigeante de la société de gestion ainsi que des experts.

Quand durabilité rime avec cohérence et crédibilité

Force est de constater que le capital investissement peut jouer un rôle de premier plan pour conduire à une économie plus durable et résiliente. Qu’une société de gestion se lance dans le processus de définition d'une stratégie d’investissement socialement responsable pour la première fois ou qu’elle se concentre sur une meilleure intégration des critères ESG dans une stratégie existante, il est important pour les GPs de:

  • Définir une ambition qui apporte un avantage concurrentiel ;
  • S’assurer de l’alignement de cette ambition avec le marché et les attentes des investisseurs ;
  • Instaurer un dialogue avec les parties prenantes ;
  • Déterminer les différents enjeux opérationnels de la mise en œuvre de cette ambition. Dans ce contexte, la définition d’une matérialité des risques environnementaux et sociaux est indispensable ;
  • Intégrer les ESG au cœur du plan de transformation des sociétés investies ;
  • Procéder à une phase pilote d’intégration des ESG dans le cycle d’investissement, comme préconisé par les PRI particulièrement pour les GPs moins matures en la matière ;
  • Définir une approche pour changer l’organisation (formation des équipes, changement des procédures, etc.).

 

[1] EY Climate Change and Sustainability Services (CCaSS) - Fifth global institutional investors survey - July 2020 - https://assets.ey.com/content/dam/ey-sites/ey-com/en_gl/topics/assurance/assurance-pdfs/ey-global-institutional-investor-survey-2020.pdf
[2]  https://www.ey.com/en_gl/assurance/how-an-integrated-sustainability-strategy-can-help-you-stand-out

Summary

Une prise de considération croissante des critères ESG dans le quotidien des GPs requiert vision, discipline, pragmatisme et cohérence dans le choix et l’exécution d’une stratégie, afin de garantir la crédibilité de la démarche et d’en tirer les dividendes. Le choix d’une stratégie d’intégration des ESG dans la politique d’investissement et de gestion demeure avec les GPs tout en étant fortement dictée par des forces sociétales et règlementaires qui se renforceront incontestablement au cours des prochaines années.

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