Les FinTechs, ou entreprises de technologies financières, proposent depuis plusieurs années des innovations pour le secteur bancaire qui viennent révolutionner les modèles opérationnels via des leviers digitaux, en parallèle des RegTechs, axées sur les régulations. Plus que de simples startups, elles font depuis peu l’objet d’investissements massifs de la part des banques elles-mêmes, comme en témoigne l’annonce en début d’année d’une grande banque américaine dont l’intention est d’investir plus de 12 milliards de dollars pour la seule année 2022.
Les FinTechs comme source de diversification des activités bancaires
La prise de participation des banques dans les FinTechs s’explique tout d’abord par une volonté d’ajouter toujours plus de diversité à leurs portefeuilles d’investissements. Bien que les investissements à des stades très jeunes de développement soient risqués, certaines entreprises sont aujourd’hui arrivées à un stade de maturité avancé et proposent des solutions déjà largement adoptées par les consommateurs et les banques de détail elles-mêmes – comme le paiement mobile par exemple.
En plus d’étoffer les portefeuilles d’investissements, certaines Fintechs développent des concepts qui pourront par la suite faire l’objet d’acquisitions par les banques elles-mêmes, afin de diversifier leurs activités. L’ouverture au marché des cryptoactifs fait notamment partie des priorités observées, d’autant plus que les récentes publications de la CSSF en matière d’actifs virtuels témoignent de la maturité de ce segment.
Ce type d’opération pourrait bien, à l’avenir, s’avérer être un atout majeur pour les banques traditionnelles, car cette diversité d’activités permet de renforcer la résilience de leur modèle économique. Certains acteurs de la place Luxembourgeoise l’ont bien compris en se regroupant pour échanger et stimuler l’innovation. La prise de participation et l’implication de certaines banques permet également de renvoyer un message fort à ses clients. Les nouvelles générations de clients ont des attentes nettement plus affirmées sur le caractère digital de leur banque que les générations précédentes, et la fidélité de la clientèle a tendance à s’éroder.
Proposer de nouveaux services pour capter de nouveaux clients et garder les clients actuels est donc capital, et le recours aux services proposés par les FinTechs peut être une solution efficace pour améliorer l’image de la banque. De surcroit, l’abondance de l’offre et la facilité avec laquelle il est possible de changer de banque doit pousser ces dernières à se doter d’atouts techniques majeurs pour renforcer leurs parts de marché et leur compétitivité dans un secteur devenu très concurrentiel.
La dernière consumer banking survey1 d’EY indique en effet qu’en 2021, ce sont déjà 19% des consommateurs européens qui utilisaient les services d’une néobanque, 37% d’entre eux avaient entre 18 et 34 ans.
L’étude montre également que les consommateurs d’aujourd’hui ne s'attendent plus à ce que seule leur banque réponde à l’ensemble de leurs besoins financiers. Les attentes vont vers la convergence de plusieurs offres, intégrées, et personnalisées.
Un potentiel d’efficacité opérationnelle
Les applications ne sont toutefois pas exclusivement intéressantes du point de vue du client. Sur le plan opérationnel, les banques luxembourgeoises déploient des efforts considérables pour digitaliser et automatiser les processus afin de limiter les tâches répétitives à faible valeur ajoutée et renforcer la robustesse des données. Cela se traduit par une véritable chasse aux travaux encore effectués manuellement, ce que les FinTechs se proposent volontiers de résoudre en proposant une plateforme de développement Low-Code (environnement de développement possédant une interface graphique pour l’utilisateur) dédiée aux métiers de la finance. Outre les objectifs liés au soin apportés aux processus, et bien que les coûts d’implémentation soient parfois un frein, il s’agit également de rendre la banque plus agile de sorte à limiter les coûts par l’automatisation – l’efficacité opérationnelle restant l’un des enjeux principaux.
Certaines FinTechs sont complètement intégrées dans le paysage bancaire en obtenant une licence bancaire, leur permettant d’opérer sur le sol Luxembourgeois. Bon nombre d’entre elles proposent leurs solutions directement aux clients des banques en s’attaquant à un service précis où les établissements classiques sont moins compétitifs.
Le potentiel opérationnel est d’autant plus important sur les solutions techniques très structurantes telles que les DLT (Distributed Ledger Technology), où les applications sont nombreuses et combinables entre elles. A l’heure où l’exécution des transactions se doivent d’être toujours plus rapides et fiables, l’intégrité des données constitue aujourd’hui un challenge majeur. Les DLT peuvent par exemple révolutionner les modes de règlement des titres en fiabilisant les données (intégrité), en automatisant les conditions de transaction (efficacité opérationnelle) et en proposant une lecture fiable en temps réel de l’activité.
La banque attire peu les talents disruptifs
Les FinTechs constituent également une formidable façon d’attirer des talents que le secteur bancaire n’arrivait jusque-là pas à attirer. Une faible proportion des profils tels que des développeurs ou des talents créatifs souhaite s’orienter vers les institutions traditionnelles, le rapport au travail ou encore l’agilité des outils et des process étant encore très différents de ceux que l’on retrouve chez les startups du secteur financier.
S’inspirant des géants de la Silicon Valley, certaines cassent les codes traditionnels de l’entreprise et laissent une plus grande part d’autonomie au salarié, favorisant une dynamique d’innovation propre à ces structures
Là encore, des alliances stratégiques peuvent être bénéfiques au secteur bancaire, afin d’attirer au plus proche des acteurs institutionnels les talents qui permettront de libérer leur potentiel d’innovation.
Un écosystème dont la banque doit prendre soin
En somme, les FinTechs sont une source d’opportunités pour les banques tant dans les possibilités d’investissements qu’elles offrent que par les solutions techniques innovantes qu’elles proposent au secteur. L’alliance de ces deux types d’entreprises constitue un effort stratégique nécessaire pour suivre l’enchainement de révolutions digitales et la pérennité du modèle opérationnel de la banque au sens traditionnel du terme.
La CSSF a d’ailleurs récemment publié son Livre Blanc sur les DLT, qui confirme la dynamique actuelle du monde financier. Un point d’attention particulier doit cependant être noté, car bon nombre de concepts innovants n’ont jamais vu le jour en raison d’une situation financière précaire, ou encore une réponse insuffisante des modèles d’affaires aux exigences réglementaires en vigueur.
En ce sens, il est d’intérêt pour les banques de prendre soin de cet écosystème en continuant d’investir et de s’investir afin de favoriser l’émergence de nouveaux concepts dont elles pourront se munir pour faire évoluer leurs modèles d’affaires, sous peine de voir leur compétitivité chuter.
Il est d’intérêt également pour les FinTechs de se doter de partenaires forts, qui les accompagneront pour pérenniser leurs activités et se doter de la structure nécessaire pour créer de la valeur ajoutée non seulement aux investisseurs et aux consommateurs, mais également au monde bancaire.
[1] EY 2021 NextWave Global Consumer Banking Survey, www.ey.com