La gestion des risques financiers, pilier du secteur bancaire, est une composante essentielle de toute opération bancaire. Dans un centre financier dynamique comme le Luxembourg, les risques sont omniprésents, et leur gestion judicieuse est cruciale pour assurer la stabilité et la viabilité à long terme des institutions financières.
Face à ces divers risques, comme les défauts de crédit, les fluctuations du marché, la liquidité, ou encore les défaillances opérationnelles, les banques ont développé des stratégies sophistiquées pour les atténuer. Ces méthodes incluent des techniques de couverture, telles que l’utilisation d’options ou de contrats à terme, l’évaluation de la solvabilité des clients, la surveillance des portefeuilles de prêts, le maintien de ratios de liquidité adéquats, et l’implémentation de contrôles rigoureux pour prévenir les défaillances opérationnelles.
Les fonctions de planification et d'analyse financière (FP&A) sont, dans ce contexte complexe, un soutien vital pour les Chief Risk Officers (CRO) et les Chief Financial Officers (CFO). Des capacités de FP&A robustes aident les banques à naviguer à travers les défis en fournissant des analyses précises et en guidant la prise de décision stratégique.
Les tests de résistance, également appelés stress tests, sont un outil précieux du FP&A et occupent une place prépondérante dans le paysage de la gestion des risques bancaires. Renforcés à la suite de la crise financière de 2008, ces exercices visent à évaluer la capacité des banques à résister à des scénarios économiques et financiers adverses - de conditions économiques légèrement défavorables à des simulations de récession.
Au-delà des exigences réglementaires, la mise en œuvre de tests de résistance a une finalité profondément stratégique. Conçus pour mettre en lumière la robustesse des banques face à des chocs financiers, ils permettent d’évaluer la capacité des établissements à maintenir des niveaux de capital adéquats dans des conditions de marché difficiles. Ainsi, les banques peuvent identifier les vulnérabilités potentielles dans leurs bilans, que ce soit en matière de liquidités, de concentration des crédits, voire d’exposition à des marchés particuliers.
Une étude publiée par la Banque centrale européenne en 2022 soulignait d’ailleurs l’importance de ces tests pour les établissements financiers. Toutefois, malgré leur importance indéniable sur la préparation et la réactivité des banques face aux crises, les stress tests ne sont pas exempts de critiques. Il est en effet difficile de maintenir ces tests pertinents face à l’évolution rapide du paysage financier, par exemple lorsqu’il s’agit d’intégrer les risques liés aux changements climatiques ou aux innovations technologiques dans ces simulations.
L’évolution du paysage bancaire, marqué par l’accélération technologique, exige une transformation profonde des méthodes traditionnelles de planification et d’analyse financière. Comme mentionné dans un précédent article paru en juin 2023, les exercices budgétaires qui étaient auparavant annuels, puis trimestriels, sont devenus des requêtes mensuelles. Les armes à disposition de équipes n’ont toutefois pas suivi ces évolutions de délais et ne permettent que trop rarement de manipuler correctement les quantités de données toujours plus significatives, dans des délais toujours plus courts.
Historiquement manuelles et consommatrices de temps, ces méthodes sont devenues inadéquates face à la nécessité d’une prise de décision rapide et éclairée. Pour se distinguer de la concurrence accrue, et notamment de la part des fintechs et banques en ligne, les banques «traditionnelles» se doivent d’évoluer. L’automatisation et l’adoption de systèmes de gestion financière sophistiqués sont désormais des impératifs stratégiques, non seulement pour optimiser les opérations de FP&A, mais également pour libérer les ressources humaines afin de leur permettre de se concentrer sur des analyses plus complexes et stratégiques.
Au cœur de cette transformation, se trouvent l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique.
Au-delà de l’automatisation des processus, ces technologies offrent des capacités d’analyse de données avancées, permettant aux banques de déceler des tendances et des modèles qui auraient été impossibles à discerner via des méthodes traditionnelles. Dans un futur très proche, les modèles prédictifs basés sur l’IA, par exemple, pourront comparer d’immenses volumes de transactions et de données comportementales pour prévoir les tendances du marché, les flux de trésorerie, ou même les risques de crédit, permettant ainsi aux dirigeants de gérer proactivement les actifs et les passifs des banques.
Cependant, tirer parti des avancées technologiques telles que l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique nécessite bien plus qu’un simple investissement en technologie. Cela demande par exemple un changement dans le capital humain. Les banques sont désormais confrontées au besoin de recruter des talents dotés de compétences en science des données, en analyse avancée, et en intelligence artificielle. Ces compétences sont nécessaires non seulement au niveau de la gestion des énormes volumes de données générées, mais aussi et surtout pour l’interprétation de ces informations. Même si une grande partie de l’analyse des données peut être automatisée, il est crucial d’avoir en interne des experts capables de comprendre et d’interpréter les résultats produits par l’IA. Ces professionnels doivent être capables de poser les bonnes questions, d’identifier les véritables indicateurs de performance, et de communiquer efficacement les insights extraits des données à la direction et ainsi permettre des prises de décisions informées.
En outre, les banques doivent reconnaître que la compétitivité va au-delà du recrutement de nouveaux talents dotés d’expertise en technologie et en données. Il est tout aussi important qu’elles poursuivent leur investissement dans le développement professionnel continu de leurs employés actuels, en leur proposant des programmes de formation qui couvrent les dernières tendances et technologies de l’industrie financière. Cela comprend évidemment l’éducation sur l’intelligence artificielle, mais aussi des sujets tels que la cybersécurité, l’analyse de données, ou encore les réglementations émergentes. Parallèlement, il est important que les directions financières continuent à encourager l’évolution des mentalités, en passant d’une approche principalement axée sur les aspects comptables et financiers traditionnels à une perspective incluant davantage de gestion des risques, favorisant ainsi une compréhension plus profonde des défis et des opportunités liés aux risques.
En cultivant un environnement d’apprentissage et d’adaptation, les banques s’assurent ainsi que leur personnel est équipé pour jouer un rôle actif dans la conduite de l’innovation. Cela implique également le développement d’une culture qui favorise et valorise la curiosité intellectuelle face aux défis que présente l’évolution de l’industrie bancaire. En évoluant avec l’industrie et en préparant leur personnel à faire de même, les banques renforcent leur image à la fois auprès des acteurs du marché de la finance et, en agissant suffisamment tôt, en tant que pionniers de la transformation. Cette stratégie d’investissement en matière de recrutement de talents et de culture du développement des compétences est essentielle pour rester compétitif dans un secteur de plus en plus challengé par les attentes croissantes des clients quant à l’innovation.
Une question essentielle se pose donc : privilégier le développement interne de technologies, ou se tourner vers des fournisseurs externes ? En effet, l’adoption des nouvelles technologies, et notamment de l’IA, soulève des enjeux critiques en matière de sécurité et de confidentialité des données.
Face à la complexité de l’intégration de certaines technologies, certaines banques envisagent de tirer profit des outils disponibles sur le marché auprès de fournisseurs de technologie. Ces collaborations peuvent offrir des avantages en termes de coûts et de rapidité de mise sur le marché. Toutefois, pour conserver la confiance de leurs clients, les banques doivent également se conformer aux réglementations strictes concernant la protection des données, ce qui requiert des investissements conséquents en cybersécurité et en gouvernance des données avec leurs fournisseurs.
A contrario, d’autres acteurs de l’industrie bancaire s’orientent vers le développement de technologies en interne, impliquant notamment des investissements en temps et en coût de développement plus conséquents, mais privilégiant ainsi le contrôle de leurs informations et la sécurité de leurs données.
L’évolution vers des pratiques de FP&A plus modernes nécessite donc une approche allant au-delà de la technologie. La modernisation du FP&A implique à la fois une refonte des processus et des stratégies, ainsi qu’un renforcement des compétences, en mettant l’accent sur la sécurité des données, la conformité, et le respect du cadre réglementaire. Afin de rester compétitives, les banques et leurs dirigeants se tournent progressivement vers un pilotage quotidien des coûts et des équipes. Dans un centre financier comme le Luxembourg, les banques doivent donc continuer à s’adapter aux technologies disruptives. Pour conserver son rôle d’outil d’aide à la décision, il est primordial que le FP&A demeure agile et capitalise sur la révolution technologique actuelle, s’assurant ainsi que les institutions financières participent activement à la transformation du secteur financier.