A portrait  photograph of  Ivan Mariblanca Flinch
Au sein d’une organisation, chacun peut contribuer à un numérique plus responsable.

Ivan Mariblanca Flinch

Ivan Mariblanca Flinch est le fondateur de Canopé, une start-up suisse qui mesure l’empreinte environnementale du système informatique des organisations, implémente une stratégie numérique durable tout en formant les collaborateurs/-trices, et qui audite les organisations pour obtenir le label « Numérique Responsable ». Outre Canopé, Ivan est co-responsable du comité scientifique de l'Institut du Numérique Responsable Suisse, qui promeut l'informatique durable et éthique à travers la Suisse. Avant de fonder Canopé, Ivan a travaillé dans l'industrie du tabac, du pétrole et de l'hélicoptère. Il est titulaire de diplômes d'ingénieur de l'École Nationale Supérieure d'Ingénieurs de Limoges et de l'Université de Manchester.

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Le 8 mars 2022

Ivan Mariblanca Flinch, fondateur de Canopé, nous explique comment le numérique contribue à l’empreinte économique et environnementale des entreprises et comment il aide les organisations publiques et privées à adopter de bonnes pratiques pour un numérique plus sobre et responsable.
Quel est l'événement déclencheur qui vous a fait prendre conscience de l'impact des équipements électroniques sur l’empreinte économique, environnementale et sociale d'une entreprise ?

C‘était il y a deux ans et demi en regardant un reportage sur les conditions de fabrication des équipements électroniques, plus précisément sur l’extraction de minerai en Afrique et en Chine. C’est là que j’ai réalisé quel était l’impact humain de la réalité numérique telle que nous la connaissons. Je me suis par la suite intéressé aux impacts économiques et environnementaux.

Ce qui m’a particulièrement interpellé, c’est que nous, la “génération climat”, nous sommes celle qui paradoxalement consomme le plus de données sur internet et renouvelle ses équipements électroniques le plus fréquemment. Nous sommes à la fois la solution et le problème. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose à faire.

Quel est le plus gros problème auquel les entreprises sont confrontées concernant l’empreinte de leur numérique et comment abordez-vous la question avec elles ?

Le problème majeur, c’est que les entreprises sont encore rarement conscientes de l’empreinte de leur numérique. Aujourd’hui on parle du plastique, des énergies fossiles, du transport, du chauffage et toutes les entreprises, toutes les organisations publiques et privées font des efforts dans ce sens. On n’en est pas encore là en ce qui concerne l’empreinte des systèmes d’information, du Cloud, etc.

Quand on parle d’empreinte du numérique, il y a non seulement l’émission de gaz à effet de serre à considérer, mais aussi toutes les ressources naturelles utilisées. La fabrication des équipements représente entre 60 et 80 % de leur empreinte environnementale finale. À titre d’exemple, la fabrication d’un smartphone de 200 g nécessite 183 kg de ressources naturelles. Il en va de même pour les ordinateurs, écrans et autres. Une fois le produit acheté, la plus grande part de son empreinte a déjà été occasionnée. 

Notre génération, la 'génération climat', est à la fois la solution et le problème. Il y a quelque chose à faire.
Ivan Mariblanca Flinch
Fondateur de Canopé
183 kg de ressources naturelles sont nécessaires à la fabrication d’un smartphone de 200 g.
Ivan Mariblanca Flinch
Fondateur de Canopé
Quels aspects de l'impact des équipements électroniques d'une entreprise, analysez-vous pour déterminer son empreinte écologique ?

Lors de nos audits, nous passons en revue les équipements individuels, les équipements collectifs, la conservation des données ou encore la pratique du télétravail dans l’entreprise. Nous constatons une « obésité informatique » généralisée. Dans certaines entreprises, jusqu’à un tiers du matériel informatique est superflu et jusqu’à un quart de la consommation d’électricité pourrait être évitée. Le potentiel d’économies est considérable.

Quelles mesures les entreprises peuvent-elles prendre pour réduire l'impact numérique, et quel est l'impact de ces mesures sur la stratégie numérique ?

Il existe de bonnes pratiques très simples à mettre en place dans les entreprises. Nous en proposons plus de 120. Le premier réflexe est d’étendre la durée de vie des équipements. Si une nouvelle acquisition est nécessaire, alors il s’agit de se poser les bonnes questions : est-ce que je peux acheter du reconditionné, ou éventuellement louer l’équipement en question ? De plus en plus d’entreprises optent pour la location qui présente l’avantage de reporter la responsabilité environnementale sur le fournisseur. En ce qui concerne la conservation de données, on peut privilégier les centres de données qui utilisent des énergies renouvelables, essayer de limiter la quantité de données que l’on génère. Un autre exemple d’action concrète est la réduction du poids de la page internet de l’entreprise. Plus celle-ci est légère en termes de données, plus elle se charge vite, plus faible est son empreinte environnementale et mieux elle est référencée dans les moteurs de recherche. L’entreprise à tout à y gagner.

Il existe de bonnes pratiques très simples à mettre en place dans les entreprises pour réduire l’impact de leur numérique.
Ivan Mariblanca Flinch
Fondateur de Canopé

L’idée, c’est de mettre la sobriété numérique au centre de toutes les décisions de digitalisation. Cela consiste principalement à se poser une question fondamentale, à savoir : est-ce que le produit que l’on va acheter, hardware ou software, sera utile, utilisable, utilisé et réutilisable. Les études montrent qu’aujourd’hui en Europe 25 % des logiciels achetés par les entreprises ne sont jamais utilisés. Parmi ceux qui le sont, plus de 70 % sont sous-utilisés. La discrépance entre les besoins réels et les achats est frappante.

Quelles tendances en matière de GreenIT observez-vous sur le marché suisse ?

J’ai envie de dire qu’en Suisse, nous sommes plutôt « verts » dans le GreenIT, c’est-à-dire pas encore tout à fait mûres. Par rapport à la France où le domaine se développe énormément, où les premières lois et les premiers engagements des grands groupes arrivent, la Suisse est encore en peu en retard. Mais chez nous aussi, le sujet gagne en importance, notamment en Suisse romande où plusieurs villes et organisations publiques et privées s’engagent pour un numérique responsable. Canopé a également été approchée par des villes et cantons alémaniques, des banques, de grands acteurs industriels. Je n’ai aucun doute qu’avec sa capacité d’innovation, la Suisse rattrape rapidement ses voisins. Imaginez qu’une start-up suisse arrive à faire du Bitcoin en utilisant 90 fois moins d’électricité, à créer une intelligence artificielle plus éthique, ou à recycler les composants électroniques de manière plus efficace, par exemple à mieux en extraire l’or. Il y a là des pistes très prometteuses à explorer.

Canopé mesure, forme et audite les organisations pour une sobriété numérique, notamment à travers l’obtention du label « Numérique Responsable ». En quoi consiste ce label et que doivent accomplir les entreprises pour le recevoir ?

Pour obtenir le label « Numérique Responsable » qui existe en France, en Suisse et en Belgique, une organisation doit passer par différentes étapes. Premièrement, il faut un engagement clair de la direction, concrétisé par la mise en place d’un plan d’action concret qui permette de réduire les coûts économiques et environnementaux du système d’information de l’entreprise. Ensuite, sensibiliser et former son personnel à la problématique et le rendre attentif au fait que, dans une organisation, chacun peut contribuer à son échelle à un numérique plus responsable. Enfin, il s’agit de mesurer l’empreinte environnementale de son système d’information.

Quelle est votre vision pour l'avenir de Canopé ?

Notre objectif pour l’année prochaine est de rester le leader suisse de la mesure d’empreinte, de la formation et de l’audit en matière de sobriété numérique. D’ici trois à quatre ans, nous voulons contribuer à mettre en place cet écosystème de sobriété numérique à plus large échelle, nous aspirons à devenir le référant européen en la matière.

Si vous pouviez voir le monde à travers les yeux d'une personnalité connue, qui choisiriez-vous ?

Albert Einstein. Non pas pour ses qualités scientifiques, mais pour son éloge de l’imagination qui selon lui est encore plus puissante que la connaissance. Je considère qu’il va nous falloir énormément de créativité et d’imagination pour surmonter les défis qui s’annoncent et je nous en sens capables en tant que société, d’autant plus dans un pays comme la Suisse qui encourage l’innovation et les start-ups. 

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