Une photographie de portrait de Patrick Thévoz
Les scénarios du futur sont très divergents.

Patrick Thévoz

Cofondateur et CEO de Flyability, le spécialiste des drones d’intérieur à usage professionnel, des appareils qui visent à accroître l’efficacité tout en améliorant la sécurité des collaborateurs lors de l’inspection des sites industriels. Sous la direction de Patrick Thévoz, Flyability est passé de deux à plus de 80 salariés, et a su convaincre plus de 450 clients. Avant de fonder Flyability, Patrick Thévoz était consultant en stratégie spécialisé dans le lancement de produits pour le secteur des sciences de la vie. Il est ingénieur diplômé de l’EPFL.

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17 May 2021

Alors que nous sortons de la phase aiguë de la crise du COVID-19, notre voyage vers la nouvelle normalité commence. EY a demandé à divers leaders d’opinion et dirigeants de faire le point sur leur situation et de partager leurs idées sur les étapes à venir. Patrick Thévoz, cofondateur et CEO de Flyability, parle des scénarios possibles pour le développement futur de l’économie.
Vous souvenez-vous du moment précis où la crise du COVID-19 a affecté votre entreprise pour la première fois ?

Je me souviens de deux moments en particulier : fin février, on a commencé à s’inquiéter pour nos fournisseurs chinois, avant de trouver des solutions hors de Chine, en voyant le virus comme problème comme essentiellement asiatique. On a sous-estimé la vitesse à laquelle le problème allait arriver chez nous. Deuxième moment, juste avant notre week-end annuel au ski, prévu le 13 mars et que nous pensions maintenir jusqu’à la veille : la crise sanitaire. Du jour au lendemain, plus personne n’a mis les pieds au bureau. Nous avons dû faire face au double problème de la crise sanitaire et économique, qu’en tant qu’employeur on doit gérer de front, sachant que l’entrepreneur a la responsabilité de sauvegarder l’activité et de protéger la santé de ses collaborateurs.

Comment décririez-vous l’environnement qui nous entoure actuellement ? Est-ce que la peur, l’inconnu, règnent toujours ?

La peur est un sentiment très personnel. Je pense que les craintes sanitaires sont derrière nous, surtout en Suisse, « l’endroit le plus sûr du monde », tant sur le plan économique que social. En revanche, les scénarios sont très divergents pour l’évolution future de l’économie : y aura-t-il un impact sur de multiples années, avec un effet boule de neige sur l’emploi, une longue récession, ou à l’inverse, après quatre mois à la maison, tout le monde reviendra-t-il au travail comme si de rien n’était ? Déjà, en tant que start-up, nous devons faire face à beaucoup d’incertitudes, mais là nous ne pouvons exclure aucun scénario. Au niveau de l’économie, c’est le long terme qui est inquiétant. Je ne crains pas particulièrement une deuxième vague de contamination.

Et qu’est-ce que vous pensez de l’application SwissCovid ?

En tant qu’ingénieur EPFL, je pense que l’appli de traçage a été extrêmement bien réalisée, avec toute la sécurité possible pour les données, mais elle arrive peut-être trop tard et il faudrait inciter davantage les gens à la télécharger. J’ai peur qu’elle reste un peu anecdotique.

Quels étaient les défis auxquels vous étiez le moins préparé ?

Personnellement, ce que je redoute le plus, ce sont les effets psychologiques à moyen terme sur les collaborateurs. Ils ont très bien tenu sous l’effet de l’urgence et de la panique mais je crains que certains ne s’effondrent dans quelques semaines. Après avoir augmenté progressivement le nombre de personnes autorisées à venir travailler au bureau, nous ne voulons forcer personne. Aujourd’hui, tout le monde peut revenir en prévenant mais certains préféreront rester chez eux. Nous essayons de passer d’un monde où le bureau était la norme à celui où le télétravail deviendrait la nouvelle norme, sachant que cela peut avoir des effets pernicieux avec des salariés qui fonctionneraient comme des consultants et une « ubérisation de la workforce ». En outre, nous avons investi dans des bureaux magnifiques avec terrasse et vue sur le lac. Nous avons intégré quelques nouveaux venus pendant le confinement, et l’assimilation de la culture d’entreprise ne se fait pas aussi bien à distance.

Attention aux effets psychologiques à moyen terme sur les collaborateurs.
Patrick Thévoz
Cofondateur et CEO de Flyability
Qu’avez-vous fait pour préserver ou renforcer votre résilience personnelle ? Comment le confinement a-t-il changé votre propre façon de travailler ?

Confiné à Lausanne dans un deux-pièces avec ma compagne, elle aussi en télétravail avec des conférences téléphoniques, j’ai d’abord été plutôt directif avec nos collaborateurs pour bien fixer les règles. J’ai voulu donner l’exemple. Mon cofondateur, Adrien, favorise davantage la créativité des collaborateurs, alors que je suis plus encadrant, et cet équilibre fonctionne vraiment très bien. Par ailleurs, travailler à la maison, c’est manger mieux, faire plus de sport, être moins stressé parce qu’on n’est pas sans cesse interrompu.

Qu’est-ce qui vous manque le plus de l’ère d’avant la crise ?

Pour les gens très internationaux comme nous, c’est angoissant de se dire qu’on ne peut pas sortir du pays. À court terme, on s’en accommode très bien mais c’est anxiogène, quand on est explorateur dans l’âme, de ne pas pouvoir passer les frontières.

Si votre outil de vidéoconférence disposait d’une fonction “machine à remonter le temps” : quel message clé renverriez-vous à votre moi de 2019 ?

Nous savions tous que la situation ne durerait pas et qu’il deviendrait plus difficile de lever des fonds, par exemple. Nous nous attendions plutôt une crise économique. Mais je ne me laisserais pas spécialement de message, ou alors un message d’encouragement : « allez, tu peux y arriver ».

On dit que chaque crise est une opportunité : êtes-vous d’accord ?

Oui, le monde a changé. La manière de faire du marketing a complètement basculé : plus de foires commerciales, les gens acceptaient mal les appels téléphoniques parce qu’ils étaient chez eux, mais en même temps les articles longs et les webinaires ont très bien marché, puisque ces formes de communication avec les clients ont été dix fois plus suivies que d’habitude. Notre offre visait déjà à améliorer la sécurité des travailleurs tout en réduisant les coûts avec des moyens robotiques notamment, et nous répondons donc à des besoins qui sont encore plus d’actualité qu’avant la crise. Simplement, les projets avec certains clients vont prendre plus de temps. Nous espérons quand même enregistrer une petite croissance sur l’exercice 2020.

La manière de faire du marketing a complètement basculé.
Patrick Thévoz
Cofondateur et CEO de Flyability

Comment décririez-vous la « nouvelle normalité » ?

Je dirai que nous ne l’avons pas encore découverte. Mais ce n’est pas ce qui nous a permis d’arriver là où nous sommes qui sera notre moteur de croissance dans le futur. Quant à mes trois conseils, je dirai :
1. Rien n’est acquis, il faut se réinventer sans cesse.
2. S’adapter très vite et en permanence aux nouveaux défis.
3. Savoir remettre les choses fondamentalement en question, et c’est quelque chose qu’il faudra garder.

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