Cette déviation est évaluée jour par jour et par système d’équipes. Si l’écart reste dans la marge de 10 % chaque jour ouvrable du mois, l’exonération classique peut être appliquée. Des écarts supérieurs à 10 % sont tolérés uniquement s’ils résultent de circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur (maladie, accident, etc.).
Intervention législative : régime alternatif (variante “bis”)
Pour répondre aux besoins des entreprises confrontées à des variations de volume (condition d’ampleur), la loi du 12 mai 2024 a introduit un régime alternatif (article 275/5, §1/1 et §3/1 du CIR 92). Cette variante offre davantage de flexibilité, mais réduit proportionnellement le montant de l’exonération.
Ce régime permet de s’affranchir de la condition de « même ampleur » en appliquant un facteur correctif qui diminue l’exonération en fonction de l’écart de volume entre les équipes. Le calcul s’effectue en quatre étapes :
- Déterminer le montant maximal de l’exonération (22,8 % en travail d’équipe ou 25 % en régime continu des rémunérations imposables) ;
- Mesurer quotidiennement l’écart de volume entre les équipes ;
- Calculer le facteur correctif mensuel : somme des écarts ÷ somme des volumes totaux ;
- Réduire l’exonération plafonnée par ce facteur.
Ce régime est optionnel et s’applique aux rémunérations payées ou attribuées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2026.
Ce qui ne change pas
- Le régime classique reste en vigueur ;
- Toutes les autres conditions restent d’application : prime d’équipe, même contenu du travail, etc. ;
- Le régime alternatif exige toujours que les travailleurs effectuent au moins un tiers de leur temps de travail en équipes ;
- Une équipe de nuit peut être considérée comme une troisième équipe ou comme travail de nuit selon le régime applicable.
Temporalité et rétroactivité
- Le régime alternatif est rétroactif au 1er janvier 2021 ;
- Les corrections pour 2024 sont possibles jusqu’à fin août 2025 via des déclarations positives (codes 74 pour le travail en équipes, 53 pour le régime continu) ;
- Le régime “bis” prend fin le 31 décembre 2026, en attendant une réforme plus large.
Points d’attention pratiques
L’application tant du régime classique que du régime alternatif en matière de dispense de versement du précompte professionnel entraîne plusieurs implications pratiques importantes pour les entreprises. Celles-ci nécessitent un suivi rigoureux et une organisation interne claire.
Traitement de la paie
Le calcul du montant de la dispense, en particulier dans le cadre du régime alternatif, requiert une analyse mensuelle des structures d’équipes et de leur taille. Cela signifie que le responsable de la paie d’une entreprise doit disposer à temps des pourcentages d’écart corrects par système d’équipes. Ces pourcentages doivent être intégrés dans la déclaration négative au plus tard au milieu du mois suivant la période de rémunération (mois X+1). Un traitement tardif peut entraîner des intérêts de retard. Des corrections restent possibles au mois X+2, mais elles comportent des risques.
Structures d’équipes multiples
Dans les entreprises comptant plusieurs sites ou départements, plusieurs structures d’équipes peuvent coexister. Par exemple : l’équipe AA dans le centre de distribution X et l’équipe BA dans le centre Y. Bien que ces équipes travaillent simultanément, leur contenu peut différer. Cela nécessite une approche distincte par système d’équipes. Les collaborateurs qui changent d’équipe doivent être affectés correctement, et les pourcentages d’écart peuvent varier selon le site.
Liste nominative
La liste nominative, établie chaque mois et résumant la dispense appliquée, doit être élargie ou, à tout le moins, étayée en interne. Elle doit inclure non seulement l’ensemble des travailleurs concernés, mais aussi les pourcentages d’écart appliqués ainsi que la méthode de calcul du facteur correctif. Ces éléments sont indispensables pour garantir la cohérence entre la déclaration et le calcul sous-jacent, et pour assurer la transparence en cas de contrôle.
Choix du régime
La circulaire permet aux entreprises de choisir chaque mois entre le régime classique et la variante alternative « bis ». Il n’est toutefois pas clair si ce choix doit être formalisé, par exemple via une décision interne ou une notification à l’administration fiscale (ce qui ne semble pas être le cas à ce jour, notamment en l’absence de code distinct). Il n’est pas non plus entièrement clair si le choix s’applique par mois et par système d’équipes, ou à l’ensemble de l’entreprise (voir également la circulaire publiée fin décembre 2024). Cela peut entraîner des divergences d’interprétation et de l’incertitude dans l’application.
Travailleurs intérimaires
Pour les intérimaires, l’agence d’intérim est assimilée à l’entreprise où le travailleur est effectivement occupé. Dans le régime alternatif, cela signifie que l’agence doit recevoir, pour chaque intérimaire, chaque jour et par équipe, des informations fournies par l’entreprise cliente sur le volume de travail et les écarts. Cela alourdit considérablement la charge administrative et peut avoir un impact sur le coût total de l’emploi. Les accords existants entre l’agence et le client devront certainement être revus.
Remarques
- L’alternative offre une sécurité juridique, mais alourdit la charge administrative.
- Le facteur correctif peut réduire considérablement l’avantage.
- La rétroactivité présente des opportunités mais aussi des risques, y compris pour les années déjà contrôlées.
Conclusion
L’introduction d’un régime alternatif et d’une tolérance de 10 % représente une avancée vers davantage de clarté. Toutefois, leur mise en œuvre nécessite un suivi rigoureux. Le choix de l’alternative doit être mûrement réfléchi, en tenant compte de la structure des équipes, de la capacité administrative et de l’impact fiscal. Une application réfléchie est essentielle pour éviter les erreurs et les sanctions. Nos équipes d’experts sont prêtes à valider l’application de manière structurée et à analyser quel régime serait le plus adapté à votre entreprise.