4 minutes de lecture 19 mars 2024

Générations en dialogue : L'entreprise familiale belge en transition

Par EY Belgique

Organisation de services professionnels et multidisciplinaires

Contributeurs
4 minutes de lecture 19 mars 2024

Les experts soulignent l'importance des conversations ouvertes et de la gouvernance efficace pour une croissance durable et continue.

En bref :

  • Les entreprises familiales en Belgique soulignent l'importance d'une communication ouverte sur des sujets sensibles pour une gestion d'entreprise réussie.
  • Les experts mettent en avant la nécessité d'un équilibre entre émotion et rationalité, essentiel pour une gouvernance efficace dans les entreprises familiales.
  • L'établissement d'une charte familiale favorise non seulement l'établissement de règles, mais encourage également un dialogue entre les générations.

Aborder les sujets sensibles n'est pas dans la nature des Belges. Pourtant, c'est un exercice essentiel dans les entreprises familiales, selon les experts. Ces sujets peuvent concerner, par exemple, ce que la nouvelle génération souhaite changer et ce que l'ancienne souhaite conserver.

“On peut faire de la gouvernance d'entreprise dans une société familiale, mais s'il n'y a pas de cohésion au sein de la famille, tout cela ne sert à rien”, prévient d’emblée Philippe Haspeslagh. “Ce tissu social est nécessaire: des membres de la famille qui se respectent mutuellement et qui aiment être ensemble. La gouvernance est surtout là pour séparer l'émotion de la raison.” L'ancien doyen de la Vlerick Business School parle en connaissance de cause: jusqu'en 2021, il était président de l'entreprise familiale de légumes surgelés Ardo.

L'émotionnel et le rationnel sont le yin et le yang des entreprises familiales.
Eric Van Hoof
EY Belgique Family Business Leader

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“L'émotionnel et le rationnel sont le yin et le yang des entreprises familiales”, prolonge Eric Van Hoof, spécialiste des entreprises familiales chez EY. “Ils s’opposent et ont des dynamiques différentes. Dans certaines entreprises familiales, l'interférence des membres de la famille dans l'entreprise est plus importante, simplement parce que les uns sont plus ouverts à la gestion externe que les autres. En outre, lors de la communication au sein de la famille et avec le monde extérieur, il faut toujours tenir compte de ce double aspect émotionnel et rationnel.”

Liesbeth De Ridder compare ce difficile équilibre à la famille royale britannique. “D’une certaine façon, elle est en quelque sorte une entreprise, the Firm”, déclare la secrétaire générale de GUBERNA, le centre de connaissances sur la gouvernance d'entreprise. “Comme l'a dit un jour le prince Harry à propos de sa grand-mère, la reine Élisabeth II, She's my boss. Il y a le premier de cordée, qui est le signataire, et un second qui peut se sentir un peu lésé. Sans oublier les épouses, qui ne font pas toujours ce qu'on attend d'elles. Dans le même temps, pour le monde extérieur, la famille est une entité stable et sécurisante. Dans une entreprise familiale, c'est pareil. Les clients ont toujours connu le grand-père, ou vu le CEO se promener dans l'atelier lorsqu'il était enfant. Il y a un sentiment d'appartenance.”

Une évaluation du fonctionnement du conseil d'administration peut être utile, mais je constate une réticence à cet égard dans les entreprises familiales.
Liesbeth De Ridder
secrétaire générale du centre de gouvernance des entreprises familiales GUBERNA

Anticiper les problèmes

C'est ce qui distingue les entreprises familiales, confirme Philippe Haspeslagh. “L'engagement des membres de la famille, une perspective claire à long terme et une relation personnelle stable avec les employés et les clients sont des éléments positifs. En revanche, des émotions trop vives et des désaccords familiaux peuvent conduire à des divergences de vues entre les actionnaires. Et à mesure que les générations se succèdent, on peut observer une certaine lenteur dans les décisions et une réticence à remettre les choses en question.”

C’est précisément la raison pour laquelle il convient d'avoir une bonne gouvernance, tant au sein de l'entreprise que dans la famille. Liesbeth De Ridder observe que l'on y prête davantage d'attention aujourd'hui qu'il y a 10 ans, même s'il reste un long chemin à parcourir. “Les plus sages sont ceux qui anticipent les problèmes potentiels. Par exemple, ils font appel à temps à des administrateurs externes compétents.”

Elle insiste néanmoins sur l'importance accrue accordée à la gouvernance familiale: “Souvent, le pater familias de l’entreprise estime que la formation est bonne pour la génération suivante, mais qu'elle n'est pas nécessaire pour la génération actuelle. Alors qu'elle est au moins aussi intéressante et pertinente pour ce groupe de personnes! En outre, une évaluation du fonctionnement du conseil d'administration actuel peut s'avérer très utile, mais je constate une réticence à cet égard.”

La prochaine génération peut se montrer enthousiaste et nourrir de grands projets, mais que se passe-t-il si la génération en place ne veut pas bouger? “De nombreux successeurs doivent vivre longtemps dans une situation similaire à celle du prince Charles”, observe Philippe Haspeslagh. “Heureusement, il y a aussi des chefs d'entreprise avisés qui parviennent à s'effacer.”

La jeune génération n'exprime pas toujours ce qu'elle apprécie du passé et ce qu'elle souhaite en conserver.
Philippe Haspeslagh
FBN Belgium et Vlerick Business School

Constitution familiale

Selon Eric Van Hoof, deux tendances contribuent à la prise de conscience que le tour de la jeune génération est venu. “La première est celle des concepts ESG de durabilité, d'impact social et de gouvernance d'entreprise. Des concepts que la génération plus âgée ne maîtrise peut-être pas aussi bien. Il en va de même pour la numérisation. Pensez à l'évolution extrêmement rapide des communications, et notamment des médias sociaux.”

Dans la pratique, il y a toujours une raison de commencer à réfléchir à la professionnalisation et à la gouvernance familiale, note-t-il. “Il peut s'agir d'une situation difficile, comme un décès ou un accident. Mais la discussion peut aussi s'ouvrir simplement parce qu'on en parle davantage, par exemple grâce à notre « Family Business Award of Excellence® ». En outre, les baby-boomers arrivent en fin de parcours professionnel. C'est un élément déclencheur potentiel qui gagnera en importance dans les cinq prochaines années.”

Un bon exemple de gouvernance familiale est la rédaction d'une charte familiale. Une sorte de “constitution” qui précise les conditions d'accès à l'entreprise. “Il faut bien sûr élaborer des règles, mais c'est aussi utile pour apprendre à parler de choses délicates, ce qui n'est pas nécessairement dans la nature des Belges”, note Liesbeth De Ridder.

Philippe Haspeslagh reconnaît la dimension cruciale de ces conversations. “Lors d'une transition entre générations, il faut savoir ce qu'il faut préserver des racines de l'entreprise, de ses valeurs et de sa vision, et ce qu'il faut changer. Je pense que la génération plus âgée a parfois peur que la jeune génération veuille tout changer trop rapidement. Les jeunes, en retour, n'expriment pas toujours ce qu'ils apprécient du passé et ce qu'ils veulent en conserver. Ils devraient en parler davantage les uns avec les autres. La génération plus âgée pourrait alors lâcher prise plus facilement.”

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Résumé

Dans les entreprises familiales belges, les conversations délicates sont évitées, mais les experts soulignent leur importance. Philippe Haspeslagh et Eric Van Hoof mettent en avant l'équilibre entre émotion et rationalité, tandis que Liesbeth De Ridder souligne les défis de la gouvernance familiale. La rédaction d'une charte familiale favorise non seulement l'établissement de règles, mais aussi un dialogue ouvert sur le maintien et le changement. Cependant, savoir faire la part des choses entre appréciation du passé et ambitions futures demeure un exercice crucial entre les générations.

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