4 minutes de lecture 28 avr. 2021

Comment la sécurité juridique peut être la clé de la reprise économique

Par Charles Carlier

EY Belgique Tax Partner

Passionné par l'entrepreneuriat, l’innovation et l’univers des taxes. Professionnel expérimenté et à l’écoute.

4 minutes de lecture 28 avr. 2021

Dans le climat d’incertitude dans lequel nous vivons depuis plus d’un an, dans une crise sanitaire dont les effets économiques les plus délétères restent sans doute malheureusement encore à venir, la confiance est un facteur à l’indispensable relance économique.

Afin d’entretenir, voire de renforcer cette confiance dans un contexte dans lequel les décisions à prendre sont très largement influencées par des circonstances mouvantes et des évènements imprévisibles, gouvernements et parlements doivent en particulier agir au bénéfice de la sécurité juridique.

S’agissant de législation fiscale, celle-ci peut tantôt être perçue comme un incitant à l’investissement, tantôt comme un frein aux initiatives entrepreneuriales. Dans ce domaine, la sécurité juridique associée aux actes des contribuables et leurs conséquences fiscales est d’autant plus importante si l’on souhaite soutenir la reprise économique, qui se traduira inévitablement par le besoin d’exploiter au mieux les incitants et de maîtriser les conséquences des opérations de réorganisation et de reprise d’activités drainant leur lot d’incertitudes sur le plan fiscal. 

La sécurité juridique en matière fiscale : état des lieux en regard de la pratique du ruling

Le cadre normatif belge offre aux contribuables un environnement juridique relativement sécurisé dès lors qu’il leur permet notamment d’écarter les éventuelles incertitudes entourant l’application de la loi fiscale à une opération déterminée en introduisant une demande de décision anticipée (un « ruling fiscal ») auprès du Service des Décisions Anticipées (le « SDA »).

Les principes directeurs associés aux décisions anticipées rendues par le SDA, service placé au sein du SPF Finance mais indépendant des autres Administrations générales, s’imposent à l’administration fiscale qui n’est en principe pas autorisée à les remettre en cause à l’occasion d’un contrôle fiscal.

Le « contrat » entre le contribuable et le SDA peut à priori se résumer comme suit : le premier introduit une demande dans laquelle il expose, en toute transparence, l’ensemble des circonstances pertinentes relatives à l’opération qu’il envisage de réaliser et obtient, de la part du second, la sécurité juridique quant au traitement fiscal qui sera réservé à cette opération. 

Eu égard à la complexité et volatilité de l’environnement fiscal belge et à l’impact de la fiscalité sur les projets des entreprises, la pratique du ruling « à la belge » est largement plébiscitée sur le plan domestique et à l’international.

Nous constatons cependant qu’en pratique, certains services de l’administration fiscale ne souscrivent pas toujours aux vues du SDA et tentent de contester le bien-fondé de décisions rendues, non pas tant en raison d’un éventuel non-respect du « contrat » par le contribuable (ce qui reste naturellement acceptable), mais bien quant à la légalité des positions prise par le SDA, alors que la sécurité juridique associée aux rulings est elle-même entérinée par la loi.

Notons pour mémoire qu’une telle « tendance » est également observée à l’égard d’autres actes posés par des autorités administratives indépendantes. On peut par exemple citer les avis délivrés par BESLPO dans le cadre de mesures fiscales tendant à promouvoir l’innovation et les activités de recherche et développement, qui sont de plus en plus fréquemment contestés par l’administration, nonobstant leur caractère contraignant consacré une fois encore par la loi.

Une réforme de la procédure de ruling ?

Le gouvernement souhaite pallier à ces divergences d’interprétation en réformant le statut du SDA en vue de l’intégrer au sein des Administrations générales. Selon le projet de réforme, les principes d’autonomie et d’indépendance du SDA ne seraient toutefois pas remis en cause.

Nous nous permettons d’en douter si en effet le SDA est placé sous l’autorité directe de l’Administration générale et perd de ce fait son autonomie fonctionnelle.

Fût-ce même le cas, il est indéniable que cette intégration changerait à tout le moins la perception que les contribuables pourraient avoir du SDA et rendrait très certainement la procédure d’obtention de décisions anticipées plus lourde et potentiellement moins transparente.

En ces temps incertains, nous pensons que le signal envoyé aux investisseurs par ce projet de réforme n’est à priori pas opportun en tant qu’il ne contribue pas à rassurer les différents acteurs économiques, dont le niveau de confiance sera clé pour relancer le dynamisme d’investissement.

C’est d’autant moins le cas que cette réforme, telle qu’envisagée à ce stade, se trompe selon nous de cible et ne permettra en aucune façon d’éviter le seul et véritable écueil inhérent à la procédure de ruling et sa mise en œuvre : le possible déséquilibre entre, d’une part, le souhait légitime de l’administration fiscale de vérifier que le « contrat » passé avec le contribuable via la décision prise est respecté et, d’autre part, la garantie du maintien de la sécurité juridique qui valorise cette décision au travers des tout aussi légitimes interprétations de la législation fiscale qu’elle contient.

La complexité de notre environnement fiscal, qui rend si précieuse la procédure de décision anticipée, est en effet amplifiée par l’imbrication de textes fiscaux souvent peu clairs et sujets à multiples interprétations. Les sources multiples et parfois contradictoires qui les entourent (circulaires, questions parlementaires, foires aux questions, etc.) n’apportent dès lors pas nécessairement la sécurité juridique requise.

Une réforme de la procédure de ruling ?

Le gouvernement souhaite pallier à ces divergences d’interprétation en réformant le statut du SDA en vue de l’intégrer au sein des Administrations générales. Selon le projet de réforme, les principes d’autonomie et d’indépendance du SDA ne seraient toutefois pas remis en cause.

Nous nous permettons d’en douter si en effet le SDA est placé sous l’autorité directe de l’Administration générale et perd de ce fait son autonomie fonctionnelle.

Fût-ce même le cas, il est indéniable que cette intégration changerait à tout le moins la perception que les contribuables pourraient avoir du SDA et rendrait très certainement la procédure d’obtention de décisions anticipées plus lourde et potentiellement moins transparente.

En ces temps incertains, nous pensons que le signal envoyé aux investisseurs par ce projet de réforme n’est à priori pas opportun en tant qu’il ne contribue pas à rassurer les différents acteurs économiques, dont le niveau de confiance sera clé pour relancer le dynamisme d’investissement.

C’est d’autant moins le cas que cette réforme, telle qu’envisagée à ce stade, se trompe selon nous de cible et ne permettra en aucune façon d’éviter le seul et véritable écueil inhérent à la procédure de ruling et sa mise en œuvre : le possible déséquilibre entre, d’une part, le souhait légitime de l’administration fiscale de vérifier que le « contrat » passé avec le contribuable via la décision prise est respecté et, d’autre part, la garantie du maintien de la sécurité juridique qui valorise cette décision au travers des tout aussi légitimes interprétations de la législation fiscale qu’elle contient.

La complexité de notre environnement fiscal, qui rend si précieuse la procédure de décision anticipée, est en effet amplifiée par l’imbrication de textes fiscaux souvent peu clairs et sujets à multiples interprétations. Les sources multiples et parfois contradictoires qui les entourent (circulaires, questions parlementaires, foires aux questions, etc.) n’apportent dès lors pas nécessairement la sécurité juridique requise.

En échange de législations désormais claires ?

S’il fallait donc considérer la nécessité de réduire la capacité potentielle du SDA à apporter cette sécurité juridique à posteriori via un mécanisme de ruling fiscal, il faudrait alors avant toute chose, voire en échange de cela, octroyer désormais aux textes légaux une clarté immédiate et sans ambiguïté.

À défaut probable de pouvoir le faire, il convient selon nous de maintenir en l’état ce qui fonctionne et qui favorise de ce fait, dans le domaine fiscal, cette sécurité juridique qui est plus que jamais essentielle à notre activité et compétitivité économique.

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Résumé

Pour maintenir et même renforcer la confiance dans un contexte où les décisions à prendre sont largement influencées par des circonstances changeantes et des événements imprévisibles, les gouvernements et les parlements doivent notamment agir en faveur de la sécurité juridique.

Dans ce domaine, la sécurité juridique liée aux actions des contribuables et à leurs conséquences fiscales est encore plus importante si l'on souhaite soutenir la reprise économique.

À propos de cet article

Par Charles Carlier

EY Belgique Tax Partner

Passionné par l'entrepreneuriat, l’innovation et l’univers des taxes. Professionnel expérimenté et à l’écoute.