Cartes sur table avec Cartamundi

L’Ambassadeur Belge du Family Business Award of Excellence 2020 explique sa vision et ses projets d’avenir.

En 2020, Cartamundi figurait à la septième place sur la liste des vainqueurs du titre annuel « Family Business Awards of Excellence^® ». À la veille de l’édition 2022 – celle de 2021 n’a pas eu lieu en raison de la pandémie –, nous nous sommes entretenus virtuellement avec trois protagonistes clés de cette entreprise familiale, à savoir Stefaan Merckx (CEO), Jean-Louis de Cartier de Marchienne (président) et Frederic de Somer (directeur général).

Cartamundi peut être fière du long chemin qu’elle a parcouru en remportant le « Family Business Award of Excellence ». Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce succès ?

Jean-Louis de Cartier : « Cartamundi, telle que nous la connaissons à ce jour, a été fondée il y a 52 ans par les familles de Somer et de Cartier de Marchienne. Les deux familles produisaient alors des cartes à jouer à Turnhout depuis 200 ans lorsqu’elles ont décidé d’unir leurs forces. Cette coentreprise avant la lettre s’est avérée une initiative fantastique et un signal fort envoyé au monde extérieur, dont le succès s’explique sans doute aussi par la décision des deux familles de confier la gestion à une société externe. À cette époque, externaliser la gestion d’une entreprise familiale détenue à 50 % par chacune des familles était loin d’être habituel. Pourtant, ce mode de gestion demeure à ce jour encore la clé de notre réussite. C’est en effet de cette manière que le groupe d’actionnaires engagés, comptant des représentants talentueux des deux familles, a pu soutenir la gestion externe, lui permettant à son tour de se consolider dans tous les domaines (diversité, couverture géographique, etc.). Voilà comment Cartamundi, petite entreprise belge, est aujourd’hui devenue le leader mondial du marché des cartes à jouer et des jeux de société. »

Outre son conseil d’administration solide et sa direction infaillible, Cartamundi peut également compter sur un autre atout important : son personnel.

Frederic de Somer : « Absolument ! À ses débuts en 1970, Cartamundi n’avait pas de personnel. Aujourd’hui, l’entreprise compte 3.000 collaborateurs dans le monde entier, tous avec l’esprit d’entreprise chevillé au corps. Cartamundi est une entreprise qui offre sa chance à chacun : depuis les cadres supérieurs jusque dans les ateliers de production en passant par les cadres moyens. Et c’est ce qui fait la différence ! Afin d’encourager la continuité de cet engagement et de cet esprit d’équipe, nous avons mis au point un programme baptisé "Un Groupe, Une Équipe", par l’intermédiaire du comité exécutif. Notre actuel CEO, Stefaan Merckx, a lui aussi dirigé ce programme qu’il a continué de façonner dès le premier jour de sa nomination. Le but est d’amener toutes les divisions et tous les pays dans le monde à ne faire qu’"Un Groupe, Une Équipe" et à partager cet engouement. »

Cartamundi est en pleine transition dans son processus de numérisation de l’univers du jeu. Elle a également saisi un certain nombre d’opportunités durant la pandémie, en dépit des nombreuses restrictions imposées. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Frederic de Somer : « Le coronavirus n’est pas la première crise que nous traversons. Nous avons connu d’autres années difficiles tout au long de notre histoire, qui nous ont contraints à ne ménager aucun effort pour revenir au top. Nous devons ce succès à notre modèle de gouvernance 50/50, combiné à la performance de notre équipe de cadres supérieurs et à la force et la persévérance de tous nos collaborateurs. Tous ces facteurs nous ont permis de surmonter chaque crise assez rapidement. Y compris la récente pandémie, dans la cadre de laquelle nous sommes, par exemple, parvenus à embrayer rapidement sur la production de masques buccaux de haute qualité via Medimundi, un consortium dont nous assumons la direction opérationnelle. Nous ressentions le besoin, dans l’intérêt de la société, de contribuer à la santé publique.

Même durant la crise du Covid-19, nous avons constaté que nos jeux physiques continuaient à bien fonctionner, malgré la montée du numérique. La demande a même augmenté. Cela prouve que les gens ressentent le besoin d’être ensemble et de jouer ensemble ou, pour reprendre les termes de notre objectif, de "partager la magie de jouer ensemble". En outre, alors que les prévisions montrent une progression des jeux numériques, les jeux physiques continuent eux aussi à gagner en popularité. »

Sur votre site web, vous parlez de vous en disant « la marque que vous aimez sans le savoir », alors que vos jeux de société sont légendaires...

Jean-Louis de Cartier : « Oui, c’est vrai ! Lorsque nous avons racheté les usines Hasbro aux États-Unis et en Irlande en 2015, nous avons immédiatement doublé nos ventes. Par "Hasbro", nous entendons les jeux de société comme Monopoly, Cluedo, Trivial Pursuit, Risk, etc. Les jeux de société représentent toujours une part importante de nos recettes à l’heure actuelle et nous sommes, de loin, le leader mondial sur ce marché. Nous avons progressivement élargi notre secteur traditionnel (cartes à jouer et jeux de société) au volet numérique. L’année 2013 fut une année importante en ce sens où elle fut marquée par la création de Cartamundi Digital à la suite d’une acquisition ciblée. À ce jour, nous poursuivons résolument dans cette voie, en mettant au point plusieurs nouveaux produits révolutionnaires. Ceci témoigne de l’une de nos plus grandes qualités chez Cartamundi : même si nous occupons la place de leader mondial sur le marché des jeux de société traditionnels et des cartes à jouer depuis de nombreuses années, notre ouverture d’esprit et notre force intellectuelle nous permettent de développer de nouveaux produits et d’élargir notre gamme, comme Medimundi et toute l’offre numérique. Cartamundi trouve l’essence même de son ADN dans la combinaison d’un patrimoine familial et d’une gestion externalisée à des professionnels. Cette structure permet à ces deux aspects de se remettre constamment en question de manière constructive et de stimuler l’esprit d’entreprise à tous les niveaux. »

Revenons un instant sur la conjonction du « meilleur des deux mondes », à savoir le « traditionnel combiné au numérique », chez Cartamundi. Pourquoi surfez-vous sur la vague du numérique ? Et quelles sont vos ambitions sur ce marché ?

Stefaan Merckx : « Notre vision est la suivante : les consommateurs sont continuellement stimulés par un large éventail de solutions de divertissement. Comme indiqué précédemment, nous nous concentrons sur notre objectif "partager la magie de jouer ensemble" en mettant l’accent sur la cohésion. Durant la pandémie, nous avons constaté que les gens ressentaient un besoin de "lien social" et qu’ils souhaitaient vivre ces moments à travers des jeux à la fois traditionnels et numériques. Le désir de partager des émotions positives avec autrui est inhérent à la nature humaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que les émotions constituent le fil conducteur de notre histoire. Même pendant la crise sanitaire, nous nous sommes rendu compte que le numérique n’avait pas pris le dessus sur le physique : en effet, la demande de jeux physiques, tout comme celle de jeux numériques, a connu une croissance vertigineuse pendant toute la durée de la crise. Mais ce qui nous semble crucial, c’est d’offrir une expérience unique de la marque. Nous sommes en train de mener des tests aux États-Unis. Nous proposons des versions numériques de jeux de société physiques, comme Hearts ou Rummy, et nous entremêlons les expériences de marque physiques et numériques, en ajoutant par exemple des codes QR sur les cartes à jouer qui renvoient à une version unique de la carte à jouer en ligne. Le consommateur ne perçoit plus la différence puisqu’il ne s’agit plus que d’une seule et même expérience de la marque, pour ainsi dire. Outre les versions numériques des cartes à jouer, nous avons également lancé une seconde plateforme sur le thème de "l’engagement des fans". Cette nouvelle plateforme, baptisée "Hro" (prononcer "hir-(ˌ)ō"), comprend la distribution de cartes numériques et physiques, combinant la technologie blockchain et la présence en magasin. Au travers de cette plateforme, nous nous tournons vers d’autres marques de divertissement et recherchons des exemples de Hro dans le monde du e-sport, du sport ordinaire, de l’industrie cinématographique, de la bande dessinée, etc. Nous lions des partenariats dans le monde entier avec des sociétés comme Warner Bros. afin de mettre au point des expériences de NFT¹ numériques uniques (jeux ou apps d’imagination) et aussi de vivre aussi ces expériences dans le monde réel. Le fait que l’univers des jeux de société et jeux de cartes soit en train de devenir un sous-segment du monde plus vaste du divertissement, dans lequel nous avons trouvé une niche basée sur la gamification, constitue un atout unique pour Cartamundi. Et c’est sur ce thème que nous souhaitons mettre encore plus l’accent à l’avenir. »

Pour quelle raison Cartamundi souhaite-t-elle s’imposer dans l’univers du numérique ?

Stefaan Merckx : « Pour nous, le numérique, c’est ‘juste’ une technologie. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est d’offrir au consommateur une expérience de la marque aussi unique que possible. Le grand avantage du numérique, c’est qu’il offre un spectre quasiment infini de nouvelles expériences de la marque, grâce auxquelles nous essayons de répondre aux besoins (en tant que joueurs sociaux, collectionneurs, etc.) de nos consommateurs.

Enfin, comment voyez-vous l’avenir de Cartamundi ?

Jean-Louis de Cartier : « Dans le contexte du FB Award of Excellence, je voudrais dire que nous nous engageons à construire notre avenir en tant qu’entreprise familiale. Nous travaillons dur pour passer le flambeau à la génération suivante dans le souci de garantir la continuité de Cartamundi. Notre mission consiste à transmettre une entreprise saine à la génération suivante, avec une vision et un objectif, mais par-dessus tout avec le désir de préserver cet esprit d’entreprise ancré au plus profond de nos gênes. »