- Stabilité et attractivité : les banques de détail estiment que la place économique suisse est stable et attrayante, même si elle est confrontée à des défis ; plus de deux tiers (69 %) d’entre elles s’attendent en effet à ce que les marges continuent de baisser à long terme.
- Innovations technologiques : huit banques de détail sur dix (81 %) pensent que des technologies innovantes vont renforcer la concurrence à moyen terme. À cet égard, les effets des technologies innovantes telles que l’IA sont surestimés à court terme, mais pourraient influer sur la création de valeur à long terme.
- Responsabilité sociale : les banques de détail suisses reconnaissent l’importance de la confiance et de la responsabilité régionale, notamment en matière de durabilité, mais elles sont confrontées à des défis en ce qui concerne la mise en œuvre. Pour plus de la moitié (57 %) des instituts ayant participé à l’étude, la durabilité n’apporte aucune plus-value économique matérielle.
- Banque de détail et conseil : le modèle d’affaires éprouvé de la banque de détail reste performant, mais les banques doivent se montrer vigilantes ; elles doivent moderniser leurs approches de conseil et les centrer davantage sur la clientèle si elles veulent garder leur statut de banque principale de confiance. Dans ce contexte, les connaissances financières de base (« financial literacy ») de la clientèle gagnent en importance. Les clients exigent en outre une intégration parfaitement fluide des canaux, et les succursales bancaires garderont leur raison d’être dans le futur.
- Recrutement et développement du personnel : compte tenu des changements démographiques et de la pénurie de personnel qualifié, il est d’une importance capitale pour les banques d’attirer et de conserver des talents en leur offrant un travail porteur de sens et des possibilités de développement.
Zurich, 19 septembre 2024. Avec plus de CHF 1000 milliards de crédits hypothécaires, environ 22 millions de cartes de débit et de crédit émises, ainsi que plus de 160 millions de paiements par carte et plus de 12 millions de retraits en espèces par mois, la banque de détail est d’une importance cruciale pour l’économie suisse. En collaboration avec l’Université de Saint-Gall, le cabinet d’audit et de conseil EY a publié une étude résumant les opinions de 33 banques de détail sur dix thèses essentielles concernant la banque de détail en 2035. Cette étude présente les principaux défis et opportunités de la branche. Andreas Blumer, Chairman d’EY Suisse et coauteur, déclare à propos de l’étude : « Nous sommes heureux que toutes les banques de détail d’importance en Suisse aient de nouveau participé à notre étude. Il en ressort que la banque de détail suisse est solide et en capacité de s’adapter. Même si elles ne s’attendent à aucun véritable bouleversement à moyen terme, les banques restent vigilantes, et ce, à juste titre. Il serait en effet dangereux pour elles de se reposer sur leurs lauriers compte tenu de la pression constante sur les marges, de l’incertitude qui plane autour de l’impact à moyen terme des technologies innovantes, de la pénurie de personnel qualifié ou des pressions sociales et réglementaires croissantes. »
À long terme, les marges continueront à se réduire dans la banque de détail
Dans le contexte des tensions géopolitiques, la place économique suisse est toujours considérée comme stable et attrayante dans le futur. Pourtant, plus de deux tiers (69 %) des banques de détail interrogées confirment la thèse d’une érosion progressive des marges, alimentée par l’environnement des taux d’intérêt, les attentes croissantes de la clientèle et une concurrence de plus en plus vive, notamment due aux nouvelles technologies et plateformes. Malgré l’influence croissante de nouveaux prestataires et d’autres défis, la branche garde néanmoins son calme. Les banques misent en l’occurrence sur des caractéristiques essentielles de la banque de détail, telles que la fidélisation de la clientèle et la qualité du conseil. Markus Schmid, professeur à l’Institut suisse pour les banques et la finance de l’Université de Saint-Gall et coauteur de l’étude, livre son point de vue : « Maintenir des revenus stables dans le domaine des opérations d’intérêts, cœur de métier des banques de détail, en augmentant les volumes pourrait s’avérer un modèle dépassé. Et dans les activités de placement, qui sont d’une grande importance stratégique, les marges pourraient encore baisser sans être compensées par des volumes supplémentaires. »
Des technologies innovantes renforcent la concurrence
Les effets des technologies innovantes sur la concurrence sont évalués de manière variable, mais globalement considérés comme surestimés. Le haut niveau d’approbation des participants à l’étude (81 %) résulte du fait que les concurrents sont tous dans le même bateau. Chaque banque s’intéresse aux technologies nouvelles. En revanche, d’après l’étude, les véritables innovations, avec des implications significatives sur la création de valeur, sont rares. À terme, l’intelligence artificielle (IA) ou l’informatique quantique pourrait toutefois changer la donne dans certains domaines. Les entreprises FinTech et BigTech sont considérées comme des catalyseurs d’innovations et comme l’incarnation du « convenience », mais pas comme des concurrentes directes – du moins tant qu’elles ne prennent pas le contrôle de l’interface client. S’agissant des multinationales technologiques, les personnes interrogées partent du principe qu’en raison de sa petite taille, le marché suisse est (encore) trop peu intéressant. Les obstacles réglementaires propres au pays compliquent également l’accès au marché.
La pression sociale et réglementaire sur les banques de détail reste élevée
La confiance est le bien le plus précieux des banques. L’image qu’elles donnent d’elles-mêmes est donc déterminante. En raison de leur rôle central dans l’économie et compte tenu des défis sociaux et réglementaires, la quasi-totalité (88 %) des instituts financiers interrogés indiquent que la pression sociale et réglementaire demeure élevée. La société attend une action régionale, et la responsabilité sociale est un sujet important pour les banques, même si sa mise en œuvre reste plutôt floue, notamment dans le domaine de la durabilité. Les salaires des managers et la rémunération équitable des dépôts demeurent des questions sensibles. En outre, l’évolution démographique, véritable mégatendance, préoccupera encore longtemps les banques.
La réglementation est évaluée de manière ambivalente. Les banques voient dans la législation un label de qualité qui allie les attentes sociétales et de politique économique à des exigences opérationnelles et qui sert donc les intérêts de la place financière et des différents instituts. Pour autant, une réglementation disproportionnée et les implications en termes de coûts d’une telle pratique font l’objet de critiques, particulièrement à la suite de la reprise de Credit Suisse par UBS.
La durabilité n’apporte aucune plus-value économique aux banques
Tout le monde s’accorde à dire que les initiatives en faveur de la durabilité sont devenues la norme et que la durabilité ne constitue un facteur de différenciation que lorsqu’elle peut être mise en évidence au niveau régional. Selon 57 % des banques interrogées, un besoin important et persistant de la clientèle, des revenus potentiels significatifs et la plus-value économique qui en découle font ici largement défaut. A contrario, les risques de réputation augmentent en raison des contraintes réglementaires accrues et des attentes sociétales. Les banques se sentent parfois de plus en plus contraintes de jouer un rôle de « policier de la durabilité » et estiment qu’elles n’ont pas à faire de la politique climatique avec l’argent de leurs clients. Deux tiers des banques ayant participé à l’étude (66 %) considèrent que leur plus grand défi est l’établissement des rapports en matière de durabilité, qui, d’après elles, manqueraient de surcroît cruellement de pertinence.
La banque de détail traditionnelle reste un modèle d’affaires performant
De manière générale, les banques de détail restent l’interlocuteur privilégié pour le financement, l’épargne et les placements. Il y aura toujours une demande pour ces services. Deux tiers (63 %) des banques interrogées voient les modèles d’affaires traditionnels comme un gage de succès. Un avis que ne partage pas un institut sur quatre (25 %). Les entretiens avec les experts le révèlent : ce qui compte, c’est moins le modèle d’affaires en soi que la façon dont il est décliné et développé. Roman Sandmeier, Partner chez EY Suisse, responsable de l’étude et coauteur, insiste : « Le fait de se concentrer sur les activités traditionnelles ne dispense pas la branche de s’adapter en permanence. » Ainsi, une certaine agilité est requise par rapport aux développements macroéconomiques, à la diversification des revenus, au positionnement dans l’écosystème financier, à la gestion des coûts et à l’orientation client.
De nouvelles approches de conseil sont nécessaires
La banque de détail est considérée comme solide et fiable, mais elle a besoin d’un souffle nouveau dans les approches de conseil. Les instituts interrogés prônent majoritairement (81 %) l’adoption de nouvelles approches de conseil. Les banques de détail doivent aborder la clientèle de façon plus proactive, exploiter plus activement les événements de la vie, en les identifiant en temps utile à l’aide des données dont elles disposent. Elles doivent accompagner les clients tout au long du cycle de vie dans le but de devenir leur banque principale de confiance. Pour ce faire, le conseil doit offrir au client une valeur ajoutée plus globale. L’échange personnel, dans un esprit de confiance, demeure déterminant. L’IA n’y changera rien pour l’instant, mais elle assistera les conseillers bancaires en arrière-plan et rendra les processus plus efficaces. Roman Sandmeier précise : « Par comparaison avec d’autres secteurs, il y a encore matière à amélioration, notamment en ce qui concerne l’utilisation et l’analyse des données client, un trésor qui reste encore à exploiter. Il est notoire que toutes les banques souhaitent depuis des années développer le conseil à la clientèle et le centrer davantage sur le client. La question est donc plutôt de savoir pourquoi elles n’y sont pas parvenues jusqu’à présent. »
Les banques de détail doivent-elles devenir des prestataires de services financiers intégrés ?
Le besoin d’un conseil est confirmé, en particulier dans le cadre de l’extension de l’offre bancaire tout au long des phases et des événements de la vie. La planification financière est souvent citée comme la base de ce conseil. La mise en adéquation de l’offre avec les besoins est parfois difficile, car les clients doivent d’abord être informés – les connaissances financières de base nécessaires (« financial literacy ») font défaut. Une gamme de services encore plus complète, au-delà de l’offre bancaire élargie, complique toutefois le conseil et les processus. Une bonne moitié des participants à l’étude (53 %) voit leur futur dans un rôle de prestataire de services financiers intégrés. Un tiers environ (31%) considèrent ce concept d’un œil critique. Les entretiens ont révélé que la réponse à la question dépend en premier lieu de l’intégration ou non de prestations d’assurance. Un coup d’œil du côté des assurances suscite en effet un certain scepticisme à l’égard de la bancassurance : les échecs du passé, la complexité de l’activité, la réglementation et la retenue dans les coopérations font hésiter les banques de détail.
Des attentes élevées en termes d’expérience client entraînent une augmentation des coûts
Les attentes de la clientèle vis-à-vis des interactions avec les banques sont élevées. Les clients attendent des banques le même confort que celui dont ils bénéficient dans d’autres domaines de la vie quotidienne, ainsi qu’une disponibilité permanente sur tous les canaux, si possible sans interruptions, mais avec de l’interopérabilité. Ils ne conçoivent pas que l’on puisse, lors d’un changement de canal (d’un canal en ligne vers un conseiller bancaire, p. ex.), leur reposer les mêmes questions. Pour autant, satisfaire tous les souhaits des clients coûte cher, notamment en raison d’infrastructures informatiques obsolètes et complexes. La bonne nouvelle pour les clients : les succursales conservent leur grande importance en tant que canal et sont essentielles pour acquérir une part de marché élevée dans les régions. Le mode d’utilisation des succursales va encore être optimisé. Cette thèse a obtenu le niveau d’approbation le plus élevé. Presque toutes les banques interrogées (91 %) font un parallèle entre les attentes élevées en termes d’expérience client et la hausse des coûts.
Les niveaux de création de valeur vont être de plus en plus différents
Incontestablement, il est nécessaire de revoir les processus et la conception des chaînes de création de valeur. Toutefois, les banques n’aiment pas céder leurs propres activités à des tiers. Certes, elles pourraient envisager de le faire pour certaines activités, mais la peur de la perte de contrôle et des risques est grande et le potentiel de réduction des coûts, souvent trop faible. De plus, l’interface client n’est pas négociable. La situation confortable dans laquelle se trouvent les banques de détail ne les incite guère à agir de manière générale. Si une externalisation devait tout de même s’avérer nécessaire à l’avenir (en raison d’une pénurie de personnel qualifié ou pour réduire les coûts, p. ex.), elle devra être préparée avec beaucoup de minutie, car de nombreuses interfaces devront être créées. Deux tiers (66 %) des instituts financiers interrogés s’accordent à dire que les niveaux de création de valeur des banques de détail vont être de plus en plus différents.
Les profils actuels des collaborateurs ne répondent pas suffisamment aux exigences futures.
Dans le cadre du recrutement de collaborateurs appropriés, les banques sont confrontées au défi d’adapter les profils de poste existants aux exigences futures. Près de deux tiers (60 %) des banques de détail ayant participé à l’étude le confirment. En revanche, près de 24% d’entre elles réfutent cette affirmation. Une réorientation des rôles professionnels s’impose, surtout dans les domaines techniques. La formation continue des collaborateurs plus âgés ainsi que la formation et le développement des jeunes salariés sont essentiels. Les changements démographiques aggraveront encore la pénurie de personnel qualifié à l’avenir. Afin de garder leur attrait pour les talents, les banques doivent en outre offrir à leurs collaboratrices et collaborateurs un travail qui a du sens ainsi que de bonnes possibilités de développement, en combinaison avec des modèles de temps de travail flexibles.
Quelle est la probabilité d’assister à des changements disruptifs ?
Pour terminer et pour revenir sur les dix thèses de l’étude, les auteurs ont cherché à déterminer dans quelle mesure les banques ayant participé à l’étude s’attendent à des changements disruptifs. À moyen terme, la probabilité que de tels changements surviennent est jugée faible, avec une valeur moyenne à 17 %. Sans surprise, elle est considérée comme plus élevée à long terme. Ici, la valeur moyenne s’inscrit à 45 %. Néanmoins, à partir de quand un développement ne relève-t-il plus de l’évolution, mais de la disruption ? Markus Schmid, professeur à l’Institut suisse pour les banques et la finance de l’Université de Saint-Gall et coauteur de l’étude, résume la question comme suit : « La Suisse reste, pour la banque de détail, une oasis de bien-être pour (presque) tout le monde. Malgré leur évolution erratique, les marges disposent toujours d’une zone de déformation confortable. Les instituts ne prévoient toujours aucun changement tectonique dans l’environnement concurrentiel, en tout cas pas à moyen terme. » La banque de détail existera encore dans dix ans, cela semble également évident pour eux. Cela étant, les participants s’accordent fondamentalement sur le fait que beaucoup de choses bougent et que les banques doivent, de leur côté, rester en mouvement pour pouvoir réagir de manière flexible aux changements, voire y contribuer elles-mêmes.
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