Le fait d’avoir eu une expérience en Corporate avant d’entrer chez EY m’a aidé à mieux appréhender les problématiques clients mais aussi permis d’appliquer une méthodologie robuste.
Tu es resté plus de cinq ans chez EY. Que retiens-tu de ton expérience au bureau de Nantes ?
J’ai été particulièrement marqué par la dynamique qui prévalait alors, en lien avec la forte montée en puissance du conseil. La taille du bureau favorisait une certaine proximité et la création de liens entre les différents métiers, que je percevais moins lorsque je venais en mission à Paris.
Je garde aussi un excellent souvenir des Journées détente, de super moments de rencontres et de convivialité qui avaient lieu une fois par an dans des lieux très sympathiques et permettaient une vraie proximité avec les autres lignes de métiers, et les associés. Elles nous permettaient d’échanger, de prendre le temps dans un cadre différent. J’y ai rencontré des personnes avec lesquelles je ne travaillais pas au quotidien et avec qui je suis encore en contact dix ans après.
Tu as rejoint le groupe Eram en 2013, il y a près de dix ans. Le groupe Eram, c’est une entreprise familiale créée en 1927 qui commercialise dix marques de mode accessibles dans les domaines de l'habillement, de la chaussure et des accessoires. Quel est l’ADN de cette entreprise ?
Eram est effectivement un groupe 100% familial. La troisième génération est aux commandes et la quatrième est déjà active dans l’entreprise. C’est par ailleurs un des premiers employeurs privés du Maine-et-Loire. La Famille Biotteau est animée par des valeurs profondément humaines, ce qui se ressent dans l’entreprise. Ils ont développé un projet tourné vers les hommes et les femmes, et vers la mode responsable. Ce ne sont pas que des mots, c’est une chance pour nous tous.
Ce groupe a réussi à traverser les époques et les changements qu’a connu le secteur de la mode, secteur très complexe. C’était à la base un groupe industriel qui, dans les années 80, a su s’orienter vers le commerce. Aujourd’hui, tout l’enjeu réside dans un développement qui soit durable. Cette évolution est incarnée par le programme Change for Good.
Je pense que notre ADN repose sur le triptyque suivant : être à la fois simples, ouverts et responsables.
Tu as commencé en tant que directeur du contrôle de gestion et de l’audit interne du groupe Eram pour ensuite prendre la direction générale de la Manufacture 49. Tu es aussi directeur industriel du groupe. Quelles responsabilités assumes-tu ?
J’ai intégré le groupe, pour développer le contrôle de gestion, service créé par mon prédécesseur, et mettre en place l’audit interne. Mon patron de l’époque m’a fait confiance, et cette première expérience dans le Groupe s’est très bien passée. J’ai ensuite pris la direction de la Manufacture 49, la M49, en 2018. La M49 est une société qui regroupe ce qui reste des activités industrielles historiques du groupe, l’entreprise ayant compté jusqu’à dix usines. Lorsqu’il a fallu fermer certaines usines pour s’adapter aux changements de stratégie, le groupe a choisi de reconvertir l’activité sur d’autres métiers, sans aucun licenciement. C’est un mouvement qui a pris 30 ans.
Aujourd’hui, ma mission consiste à pérenniser l’activité industrielle restante autour d’une des activités historiques du groupe, à savoir la fabrication de chaussures en France, et à développer des relais de croissance.
Nous avons notamment lancé la marque SESSILE qui propose des sneakers réparables, recyclables et entièrement fabriquées en France avec une production en circuit court et un impact carbone très limité, probablement le plus faible du marché. Nous avons aussi développé une activité de reconditionnement de chaussures avec un process breveté qui permet de donner une seconde vie aux chaussures et de passer d’une économie de l’usage à une économie de la fonctionnalité. Enfin, nous réparons des produits défectueux, revendus à moitié prix dans certains magasins Eram et Bocage, ainsi que le site claquettesmarket.com. Autrefois, ces produits étaient jetés. Quel progrès !
En tant que directeur industriel, je suis également en charge de l’activité R&D, du laboratoire interne de tests mécaniques, et de la veille relative aux matières que nous voulons plus responsables.
Le groupe Eram a reçu le Prix de l’entreprise familiale lors de la cérémonie du Prix de l’Entrepreneur 2022 organisée par EY. Est-ce que cette récompense a changé des choses pour le groupe ?
Nous opérons dans un secteur difficile, au sein duquel la confiance des partenaires financiers n’est pas facile à obtenir puis à conserver. Lorsque nous avons été contraints de restructurer nos activités, entre 2017 et 2019, EY nous a accompagnés. J’ai pu apprécier le professionnalisme des équipes en étant côté client. Cette restructuration s’est faite dans un contexte de grande confiance et de transparence avec les équipes EY.
En 2019, nous sommes sortis de cette période difficile pour enchainer sur la crise sanitaire du COVID qui a beaucoup impacté notre activité, nos produits étant considérés comme «non-essentiels » par le gouvernement lors des confinements. Nous avons pu repartir en 2021 et je considère que le Prix EY de l’entrepreneur a mis en lumière cette sortie de crise et, en quelque sorte, récompensé la vision stratégique humaniste et responsable de la famille Biotteau. C’est une belle forme de reconnaissance.
La durabilité est aujourd’hui au cœur des préoccupations des salariés, des consommateurs et de nombreuses parties prenantes. Comment le programme Change for Good du groupe Eram répond-il à leurs attentes ?
Quand nous avons lancé le programme Change for Good, il était orienté exclusivement sur nos actions en matière de développement durable. Depuis 2019, ce programme s’est enrichi, pour devenir le plan stratégique de tout le Groupe Eram comprenant cinq piliers : clients, collaborateurs, citoyens, actionnaires, groupe… Cela permet de croiser les objectifs, puisqu’il ne s’agit pas de faire du résultat sans prendre en compte notre impact environnemental, ni de partir dans des projets très vertueux mais sans avenir commercial. Il structure l’approche du marché, du client et plus globalement du fonctionnement de l’entreprise. Nous ne faisons pas du greenwashing.
A titre d’exemple, nous avons développé notre propre méthodologie de notation environnementale de nos produits en nous appuyant sur des référentiels publics pour répondre aux objectifs fixés par Change for Good, notamment réduire de 30% notre empreinte carbone d’ici 2030.
Je l’applique aussi d’un point de vue industriel sur mon périmètre avec la marque de baskets écoresponsable SESSILE. Quand nous avons lancé ce modèle de baskets, nous avons cherché à créer un projet porteur de sens, avec un produit réparable – nous avons fait breveter notre système de réparation - et recyclable. On ne cherche pas à vendre le plus possible et à avoir des clients qui achètent, consomment puis jettent. L’approche circulaire peut être complexe à mettre en œuvre et à expliquer aux clients mais ces efforts en valent la peine.
Avez-vous d’autres priorités en 2023 ?
Nous avons des objectifs ambitieux, mais je mettrais l’accent, en ce qui concerne mon activité, sur la pérennisation du métier de chausseur, ce qui passe par la préservation de l’outil industriel. Cela reste un vrai challenge.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Ce n’est pas un événement particulier. J’ai la chance de vivre une expérience professionnelle positive depuis cinq ans.
Nous étions un atelier de production de chaussures captif des marques du groupe Eram. Aujourd’hui, nous sommes engagés dans une modernisation d’une partie du processus de fabrication (robotisation), et nous développons de nouveaux métiers. Nous avons intégré de nouvelles compétences et fait évoluer la palette de métiers au sein de l’activité industrielle. Nous avons lancé des nouvelles activités, certes encore petites, mais pleines de sens. Nous cherchons à faire pivoter une activité historique pour l’adapter à nos enjeux d’aujourd’hui.
Quel conseil donnerais-tu aux jeunes consultant(e)s ?
Je suis passé d’un poste avec une fonction plutôt régalienne (maîtrise des coûts, des risques…) à une fonction plus entrepreneuriale, plus exploratoire. J’essaie de chercher en premier lieu les raisons de dire oui, plutôt que de commencer par dire non. C’est ce qui, selon moi, permet de desserrer le carcan, de saisir de nouvelles opportunités et d’aller chercher le succès.