Arrete semestriel ifrs et actualite reporting

Arrêté semestriel IFRS et Actualité reporting de durabilité

Côté IFRS, la transposition progressive des règles modèle OCDE Pilier 2 est susceptible d’affecter, dès le 30 juin 2023, les comptes IFRS des groupes français faisant part des juridictions de l’OCDE s’étant engagées à les appliquer. Côté reporting de durabilité, en décembre 2019, la Commission européenne publiait son Pacte vert (« Green deal ») pour l’Europe, fixant l’ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.


Arrêté semestriel IFRS :

  • Impact de la mise en œuvre des règles modèle OCDE Pilier 2 sur les comptes IFRS au 30 juin 2023
  • Réforme des retraites en France
  • Nouveaux textes IFRS d’application obligatoire en 2023

Actualité reporting de durabilité :

  • Taxonomie verte UE
  • Corporate sustainability reporting directive (CSRD)
  • Normes européennes de reporting de durabilité
  • Nouvelles priorités EFRAG
  • International Sustainability Standards Board
  • Norme d’assurance sur le reporting de durabilité

Points d’actualité :

Impact de la mise en œuvre des règles modèle OCDE Pilier 2 sur les comptes IFRS au 30 juin 2023

La transposition progressive des règles modèle OCDE Pilier 2 relatives à la mise en œuvre d’un impôt minimum mondial (Pilier 2) pour les groupes réalisant un chiffre d’affaires consolidé supérieur ou égal à 750 M€ a commencé dans les 137 juridictions de l’OCDE s’étant engagées à les appliquer.

Elle est susceptible d’affecter, dès le 30 juin 2023, les comptes IFRS des groupes français qui sont implantés dans une juridiction ayant transposé ces règles dans leur fiscalité locale, au plus tard à la date de publication de ces comptes.

A la date de cet article, les juridictions ayant déjà fait cette transposition sont encore peu nombreuses mais le calendrier va s’accélérer au second semestre, en vue d’une entrée en vigueur prévue à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Impacts sur les comptes 2023

Comptabilisation

L’IASB a publié le 23 mai dernier un amendement « International Tax Reform—Pillar Two Model Rules » à la norme IAS 12 concernant la comptabilisation des impôts sur le résultat. Cet amendement accorde une exception obligatoire à l’application d’IAS 12 aux effets fiscaux différés de ces nouvelles règles.

Toutefois, cet amendement ne peut pas être appliqué par les entreprises de l’Union européenne tant qu’il n’a pas été homologué. Cette homologation n’est pas prévue avant octobre 2023.

En attendant, il existe cependant un consensus au sein de la profession comptable et avec les régulateurs pour accepter que les groupes concernés adoptent une politique comptable consistant à ne pas comptabiliser d’impôts différés au cas particulier des impôts sur le résultat associés à Pilier 2, au regard des incertitudes relatives à la mise en œuvre d’IAS 12, décrites dans la Base des Conclusions de l’amendement, et pour éviter de devoir à nouveau changer de méthode une fois l’amendement d’application obligatoire.

Informations en annexe

Dans les comptes semestriels

En application d’IAS 1 et d’IAS 8, le traitement comptable retenu doit être décrit en annexe ainsi que, le cas échéant, toute autre information disponible nécessaire à la compréhension des enjeux Pilier 2 pour l’entreprise (même si les enjeux sont estimés être non significatifs, cette information seule étant par elle-même déjà pertinente).

Dans les comptes annuels

L’amendement fixe pour objectif de permettre aux lecteurs des états financiers d’être capables d’apprécier les enjeux de cette réforme fiscale d’envergure pour le groupe, même si l’information quantifiée disponible est imparfaite (en précisant dans ce cas ses limites). Des exemples d’informations qualitatives et quantitatives qui pourraient remplir cet objectif sont fournis dans l’amendement. Il est possible de donner l’information quantitative sous forme de fourchettes.

Selon les bases des conclusions de l’amendement publié, on s’attend à ce que des estimations soient disponibles, compte tenu de la date d’entrée en vigueur des législations Pilier 2.

S’agissant d’information quantifiée, il s’agit de donner un ordre de grandeur de ce qu’aurait représenté l’enjeu lié au complément d’imposition Pilier 2 sur la base des résultats 2023 (et non de faire des projections des montants à payer au titre des résultats futurs).

L’absence d’information quantifiée ou une mention selon laquelle elle n’est pas encore disponible à la date de publication des comptes annuels 2023 (i.e. au cours du premier trimestre 2024) pourrait susciter des interrogations sur la sincérité d’une telle déclaration (et/ou, c’est selon, sur l’organisation du groupe en question), d’autant que les groupes devront comptabiliser dès les premiers comptes 2024 (trimestriels ou semestriels) une estimation de la charge Pilier 2 (voir-dessous).

Impacts sur les comptes 2024

Même si les premières déclarations Pilier 2 ne seront faites qu’en 2026, les règles modèles devraient entrer en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Les groupes devront en conséquence comptabiliser, dès les premiers comptes 2024 (trimestriels ou semestriels), une estimation de la charge Pilier 2 qui devra être payée en 2026.

L’amendement d’IAS 12 demande d’ailleurs spécifiquement d’indiquer le montant de la charge d’impôt comptabilisée au titre des règles Pilier 2 dès l’entrée en vigueur des dispositions fiscales prises en application de ces règles.

Informations hors des comptes

A noter : en application du Règlement UE Abus de marché, si aucune information n’était fournie en annexe sur l’exposition du groupe à une taxation supplémentaire en application des règles Pilier 2, l’entreprise ne pourrait a priori communiquer aucune information à l’occasion de la présentation de ses résultats ou des conférences analystes.

Réforme des retraites en France

La réforme des retraites a été promulguée le 14 avril 2023.

En application d’IAS 19, elle est considérée comme une modification de régime (et non comme une révision des hypothèses actuarielles), dont les conséquences doivent être comptabilisées immédiatement en résultat au cours du premier semestre 2023.

Le report de l’âge légal de la retraite et l’accélération de l’augmentation des durées de cotisation peuvent avoir des impacts différents, selon les faits et circonstances propres à chaque entreprise :

  • Impact sur les régimes de pré-retraite : le report de l’âge légal pourrait conduire à allonger la durée de « portage » par l’entreprise des salariés bénéficiant du dispositif, entraînant une augmentation du coût ultime pour l’employeur. Toutefois, les conditions d’éligibilité de ces plans (salariés proches de la retraite) et l’entrée en vigueur progressive des mesures de la réforme des retraites devrait en limiter l’impact.
  • Impact sur les indemnités de départ à la retraite :
    • Lorsque l’ancienneté prise en compte pour le calcul de ces indemnités est plafonnée (par exemple, les 20 dernières années de carrière), le report de l’âge légal conduit à retarder le début de la période d’acquisition des droits et se traduit par une réduction des passifs comptabilisés à la date de la réforme, entraînant un gain au compte de résultat.
    • En l’absence de plafonnement de l’ancienneté prise en compte pour le calcul des indemnités, l’impact de la réforme devrait être limité, résultant de l’augmentation des droits estimés au départ en retraite avec l’ancienneté et de l’augmentation des salaires en fin de carrière, effets compensés par une durée d’actualisation plus importante, avec un impact net, à la hausse ou à la baisse, potentiellement marginal.

On rappelle, toutefois, que certaines catégories de salariés ne sont pas concernées par la réforme (notamment les générations nées après 1973 et entrées tard sur le marché du travail). Ainsi le report de l’âge légal de la retraite peut n’avoir aucune conséquence lorsque les hypothèses de départ à la retraite prenaient d’ores et déjà en compte une date de départ égale ou postérieure à 64 ans et une durée de cotisation de 43 ans.

La réforme est également susceptible d’avoir des conséquences, a priori limitées, sur d’autres catégories d’avantages, comme les médailles du travail.

L’annexe aux comptes semestriels devrait inclure toute information utile pour comprendre les impacts de la réforme sur les comptes présentés, le cas échéant, par catégorie d’avantages.

Nouveaux texte IFRS d’application obligatoire en 2023

Hormis la norme IFRS 17 et ses amendements, applicables à la comptabilisation des contrats d’assurance chez les assureurs, il n’y a que trois nouveaux textes IFRS d’application obligatoire en 2023 :

  • Un amendement de la norme IAS 12 supprimant l’exception de comptabilisation initiale des impôts différés, lorsque la comptabilisation initiale d’une transaction donne naissance à des différences taxables et déductibles de même montant (par exemple les contrats de location ou les provisions pour démantèlement et remise en état) ;
  • Un amendement de la norme IAS 1 relatif aux Informations à fournir sur les méthodes comptables ; et
  • Un amendement de la norme IAS 8 clarifiant la différence entre une estimation comptable et une méthode comptable.

Nous commentons brièvement les deux derniers textes ci-dessous.

Donner une information pertinente sur les méthodes comptables

L’amendement d’IAS 1 remplace l’obligation de décrire les « principales méthodes comptables » par une obligation de fournir des informations pertinentes sur les méthodes comptables de l’entité. Une information sur les méthodes comptables est pertinente si, lorsqu’elle est prise en considération conjointement avec d’autres informations dans les états financiers, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle influence les décisions des principaux utilisateurs des états financiers.

Sont ainsi présumées pertinentes des informations concernant des méthodes comptables, lorsqu’elles concernent des transactions ou événements jugés quantitativement ou qualitativement (par nature) significatifs et que :

  • L’entreprise a changé de méthode comptable au cours de la période ; ou
  • L’entreprise a choisi une méthode comptable parmi plusieurs options offertes par les normes ; ou 
  • L’entreprise a défini une méthode comptable conformément à IAS 8 en l’absence de norme IFRS directement applicable ; ou
  • L’application de la méthode comptable fait largement appel au jugement ou à des hypothèses : dans ce cas, l’entreprise doit aussi fournir une information détaillée en application des paragraphes 122 (principaux jugements) et/ou 125 (principales sources d’estimations) d’IAS 1 plutôt qu’une description des principes généraux de la norme (par exemple, comment l’entité a alloué la rémunération totale des contrats de vente aux différentes obligations de performance qu’elle a identifiées et comment elle a déterminé le mode de comptabilisation du chiffre d’affaires correspondant, à la place d’une description générale des principes d’IFRS 15) ; ou
  • L’information est nécessaire à la compréhension d’un traitement comptable complexe.

L’amendement souligne aussi que :

  • Une information spécifique relative à la manière dont une entreprise a appliqué les principes généraux à ses transactions et circonstances particulières est plus utile qu’une information générique ou qui ne fait que reproduire ou résumer les normes IFRS ;
  • La fourniture d’informations non pertinentes ne doit pas avoir pour effet de nuire à la lisibilité des informations pertinentes. 

Même si aucune information n’est fournie concernant une méthode comptable, les autres obligations d’informations énoncées dans les normes doivent, malgré tout, être respectées (par exemple, même si l’entreprise ne fournit pas une description des principes de comptabilisation des immobilisations incorporelles faute d’information particulière à signaler, elle doit néanmoins fournir le détail des immobilisations incorporelles significatives).

Méthode comptable ou estimation comptable ?

Jusqu’à cet amendement, la norme IAS 8 définissait les « méthodes comptables » comme « les principes, bases, conventions, règles et pratiques spécifiques appliqués par une entité lors de l’établissement et de la présentation de ses états financiers » mais sans pour autant définir les « estimations comptables ».

La référence dans cette définition à des « conventions, règles et pratiques », combinée à l’absence de définition des estimations comptables, rendait parfois difficile la distinction entre les changements de méthode et les changements d’estimations, alors même que les premiers sont comptabilisés rétrospectivement, tandis que les seconds sont comptabilisés prospectivement.

Désormais, IAS 8 définit les estimations comptables comme étant « des montants des états financiers qui comportent une incertitude d’évaluation », c’est-à-dire des montants qui ne sont pas directement observables et nécessitent d’être estimés pour pouvoir appliquer une méthode comptable. La valeur nette de réalisation des stocks, la charge d’amortissement d’une immobilisation corporelle, la juste valeur d’un actif ou d’un passif en application d’IFRS 13, le montant d’une provision pour garantie ou le montant des pertes de crédit attendues sont des exemples d’estimations comptables.

Un changement de technique d’évaluation ou un changement dans une donnée utilisée (« input ») dans la technique d’évaluation (par exemple le taux de volatilité utilisé dans un modèle d’évaluation d’option) est un changement d’estimation et non un changement de méthode (sauf s’il s’agit de corriger une erreur).

Propositions d’amendements aux normes IFRS 9 et IFRS 7

L’IASB a publié le 21 mars 2023 un exposé-sondage relatif à des propositions d’amendements des normes IFRS 9 et IFRS 7. Ces propositions sont encore soumises à commentaires jusqu’au 19 juillet 2023.

L’exposé-sondage précise essentiellement les conditions dans lesquelles une indexation ESG ne remettrait pas en cause une comptabilisation au coût amorti des instruments de dette (prêts / obligations) chez les porteurs de ces instruments. Plus généralement, les critères d’analyse proposés s’appliqueraient à tous les cas où les flux attendus dépendent de l’occurrence de certaines conditions / circonstances prévues au contrat.

Au-delà de ce point, il faut, à notre avis, aussi souligner les points suivants :

  • L’exposé-sondage introduit explicitement dans IFRS 9 un principe de comptabilisation des actifs et des passifs financiers en date de règlement (« settlement date ») de la transaction. Il en découlerait notamment deux conséquences :
    • Les paiements en transit (émis ou à recevoir) ne pourront plus être comptabilisés avant prélèvement ou encaissement au plus tard à la date de clôture. Par exemple, les paiements par carte bancaire en transit ou les chèques remis à l’encaissement et crédités à la banque postérieurement à la date de clôture devraient être exclus des comptes de trésorerie à la clôture.
    • Tout en confirmant les conclusions proposées par l’IFRIC dans son projet de décision de juin 2022 (non ratifiées par l’IASB en l’attente de cet exposé-sondage), cette disposition offrirait aux entreprises la possibilité de se prévaloir de la date d’entrée en vigueur et des modalités de transition qui seront précisées lors de la finalisation de l’amendement (plutôt que d’avoir à appliquer dès que possible une décision IFRIC).

L’exposé-sondage prévoit aussi une obligation de fournir des informations supplémentaires dans les notes annexes pour tous les instruments, actifs et passifs financiers, incluant des clauses qui modifient les flux attendus en fonction de conditions / contingences. Ces informations pourraient représenter des travaux importants de recensement et d’analyse chez beaucoup de groupes.

Les travaux induits par ces changements, s’ils venaient à être confirmés, devront être anticipés.

Reporting de durabilité

L’actualité en matière de reporting de durabilité est particulièrement riche en cette fin de premier semestre 2023.

Union européenne

En décembre 2019, la Commission européenne publiait son Pacte vert (« Green deal ») pour l’Europe, fixant l’ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Depuis cette date, la Commission déploie une intense activité juridique pour mettre en place deux outils au service de cette ambition : la Taxonomie verte et la Corporate sustainability reporting directive (CSRD).

Ces derniers mois, cette activité a également été fortement influencée par l’annonce par la Commission européenne, mi-mars 2023, d’un objectif d’alléger de 25 % les obligations de reporting qui pèsent sur les entreprises de l’Union européenne (parmi lesquelles celles liées au reporting durabilité).

Taxonomie verte UE

Le règlement UE n°2020/852 de juin 2020 établit un système de classification commun à l’Union européenne (la « Taxonomie ») permettant d’identifier les activités économiques considérées comme durables.

En application de son article 8, les grandes entreprises déjà soumises à la directive Non financial reporting directive (NFRD)1 doivent publier trois indicateurs relatifs à leurs activités économiques pouvant être considérées comme durables sur le plan environnemental : la part de leur chiffre d’affaires, de leurs dépenses d’investissements et de leurs dépenses d’exploitation.

Le règlement identifie six objectifs environnementaux :

  • Deux objectifs liés au climat : l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique ; et
  • Quatre objectifs environnementaux : l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction de la pollution et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. 

Pour son application, le Règlement Taxonomie doit faire l’objet d’actes délégués, qui constituent une forme de décrets d’application ne nécessitant pas de transposition par les États membres.

Une activité économique est considérée comme « éligible » si elle est incluse dans la liste des activités figurant dans les actes délégués. Il s’agit des activités sélectionnées par la Commission européenne en fonction de leur capacité à apporter une contribution substantielle à chaque objectif environnemental. Cette liste fait l’objet de révisions périodiques.

Une activité éligible ne respecte néanmoins pas automatiquement les critères techniques permettant de considérer qu’elle est « alignée » avec l’un de ces six objectifs. Pour cela, il faut qu’elle respecte les critères techniques spécifiques permettant de justifier qu’elle :

  • Contribue substantiellement à l’atteinte d’un objectif ;
  • Ne nuise à aucun des cinq autres objectifs (critère « Do not significantly harm ») ; et
  • Respecte des garanties minimales en matière de droits de l’homme, de lutte contre la corruption et l’évasion fiscale et de juste concurrence.

En 2021, des premiers actes délégués ont défini les critères techniques d’alignement pour les deux premiers objectifs environnementaux liés au climat. Les entreprises concernées ont commencé à publier les indicateurs associés à leurs activités éligibles dès 2022 (au titre de l’exercice 2021) puis, en 2023 (au titre de l’exercice 2022), les indicateurs relatifs à la part « alignée » de leurs activités éligibles.

Initialement attendu en 2022, le projet d’acte délégué concernant les activités économiques et les critères techniques de sélection pour les quatre autres objectifs environnementaux n’a finalement été publié par la Commission européenne que le 5 avril 2023. En même temps, la Commission a également publié un second projet d’acte délégué modifiant les actes délégués climat de 2021 pour introduire des activités économiques supplémentaires et des modifications dans la description et les critères techniques de sélection des activités économiques existantes.

Après la production d’énergie au gaz et le nucléaire l’an passé, feraient notamment leur entrée dans les activités éligibles pour l’atténuation du changement climatique la fabrication d’avions et de composants pour le transport routier et ferroviaire, ainsi que le transport aérien et, pour les activités éligibles à l’adaptation au changement climatique, le génie civil et les services de conseil et logiciels relatifs à la gestion des risques physiques climatiques.

Après une consultation publique de quatre semaines qui s’est achevée début mai, ces actes délégués ont été adoptés par la Commission européenne et publiés le 13 juin dernier.

Leur adoption définitive n’interviendra qu’à l’issue d’une période d’examen par le Parlement européen et le Conseil au plus tard d’ici 4 mois.

Ces actes délégués fixent les nouvelles échéances de publication des indicateurs comme suit :

  • En 2024 (au titre de l’exercice 2023) :
    • Part des indicateurs éligibles et alignés avec les deux objectifs liés au climat selon les nouveaux critères techniques (sauf pour les nouvelles activités, pour lesquelles seule l’éligibilité est requise) ; et
    • Part des indicateurs éligibles avec les quatre autres objectifs environnementaux.
  • En 2025 (au titre de l’exercice 2024) :
    • Part des indicateurs éligibles et alignés avec les six objectifs environnementaux.

Corporate sustainability reporting directive (CSRD)

Le renforcement des exigences de reporting de durabilité des sociétés est un élément clé du Pacte vert pour l’Europe. C’est pourquoi l’Union européenne a adopté, mi-décembre 2022, la Corporate sustainability reporting directive (CSRD) avec les objectifs suivants :

  • Harmoniser le reporting de durabilité des entreprises, en se fondant sur des normes de reporting européennes (les ESRS) ;
  • Améliorer la qualité des informations publiées :
    • En plaçant le reporting de durabilité sous la responsabilité de la gouvernance de l’entreprise comme pour l’information financière ; et
    • En imposant de faire vérifier ce nouveau reporting par le commissaire aux comptes (ou un tiers indépendant), dans le cadre d’une assurance d’abord limitée, puis raisonnable dans quelques années.
  • Et faciliter l’accès à ces informations, en :
    • Alignant la période et le périmètre de reporting sur ceux en vigueur pour les états financiers ;
    • Localisant les informations publiées dans une section dédiée du rapport de gestion ; et
    • En les numérisant au format European single electronic format (ESEF), comme les informations financières, et en les rendant disponibles sur l’European single access point (ESAP).

La CSRD entrera progressivement en vigueur à compter des exercices ouverts à partir du 1er janvier 2024 pour les entreprises déjà soumises à la Directive NFRD :

Il faut noter que la CSRD élargit aussi le champ d’application initial du règlement Taxonomie dès l’exercice 2025.

Elle doit encore être transposée par les États membres. En France, cette transposition est attendue à la fin de l’année 2023.

Normes européennes de reporting de durabilité (ESRS)

La Commission européenne a mandaté l’EFRAG — le groupe consultatif européen sur l’information financière — pour la préparation des normes ESRS.

Entre juin 2021 et avril 2022, l’EFRAG a travaillé à la préparation des premiers projets de normes ESR, dites « transversales » qui ont été publiées pour consultation le 30 avril 2022 et soumises à une période de commentaires de cent jours. A la suite de cette consultation, l’EFRAG a soumis le 22 novembre 2022 un jeu de 12 projets d’ESRS révisées à la Commission européenne (disponibles sur le site de l’EFRAG : First Set of draft ESRS — EFRAG).

ey normes de reporting

Prises dans leur ensemble, ces projets de normes prévoyaient la publication dès 2025 (au titre de l’exercice 2024), pour les premières entreprises concernées, d’environ un millier de données qualitatives ou quantitatives, dont :

  • Environ un tiers de manière obligatoire (les informations générales requises par ESRS 2, les informations concernant le climat requises par ESRS E1 et une partie des informations concernant la main-d’œuvre de l’entreprise requises par ESRS S1).
  • Le reste, selon l’application du test de la double matérialité (financière et d’impact).

En réponse aux commentaires reçus au cours de la consultation publique sur les projets publiés en mars 2022, les projets d’ESRS révisées soumis à la Commission en novembre introduisaient, par ailleurs, des modalités de transition particulières (« phase-in ») pour faciliter leur première application, concernant notamment les points suivants :

  • La première année d’application :
    • Les informations comparatives ne sont pas obligatoires ;
    • Aucune information relative à l’impact financier attendu concernant les risques physiques et de transition liés au changement climatique (E1).
  • Les trois premières années d’application :          
    • Les informations relatives à leur chaîne de valeur peuvent ne pas être fournies en cas d’indisponibilité de ces informations, même en interne ;
    • Les informations relatives à l’impact financier attendu concernant la Pollution (E2), l’Eau et les ressources marines (E3), la Biodiversité (E4) et l’Utilisation des ressources et l’économie circulaire (E5) peuvent n’être fournies que sur une base qualitative.

Avant de devenir applicables, les ESRS doivent être adoptées par un acte délégué.

Attendu début avril 2023, le projet d’acte délégué adoptant ce premier jeu de normes ESRS vient en fait tout juste d’être publié, le 9 juin 2023 (European sustainability reporting standards — first set (europa.eu)).

Ce retard s’explique par d’intenses discussions, au cours des derniers mois, sur le défi que représente pour les entreprises la mise en place à si courte échéance d’un nouveau reporting et sur l’objectif assigné, mi-mars 2023, par la Commission d’alléger de 25 % la charge de reporting des entreprises de l’Union européenne.

Soumis à une période de consultation de quatre semaines (jusqu’au 7 juillet 2023), ce projet doit être adopté au plus tard le 31 août 2023 par la Commission européenne, pour respecter le calendrier prévu pour l’entrée en vigueur de la CSRD.

Ce projet propose des allègements importants par rapport aux 12 projets de normes ESRS soumises par l’EFRAG à la Commission européenne en novembre 2022, dont les principaux concernent les points suivants :

  • Application générale du principe de double-matérialité (sauf aux informations générales requises par ESRS 2), y compris aux informations requises par la norme sur le Climat (ESRS E1) et aux informations de la norme sur la Main-d’œuvre propre qui étaient obligatoires dans les projets de normes ESRS soumis à la Commission en novembre 2022 ;
  • Entrée en vigueur progressive (« phase-in ») : en plus de ce que prévoyait déjà les projets de normes ESRS révisées soumis par l’EFRAG en novembre 2022 :

- Pour les entreprises de moins de 750 salariés :

Report d’un an pour fournir les informations requises par la norme S1 (Propre main d’œuvre) et pour les informations relatives aux émissions de gaz à effet de serre de Scope 3.

Report de deux ans pour les normes E4 (Biodiversité), S2 (Main-d’œuvre dans la chaîne de valeur), S3 (Communautés affectées) et S4 (Consommateurs et utilisateurs finaux).

- Pour toutes les entreprises : report d’un an pour

Certaines informations requises par les normes S1 (Propre main-d’œuvre) notamment concernant la protection sociale, les personnes en situation de handicap et l’équilibre vie professionnelle / vie privée ; et

Toutes les informations (y compris qualitatives) relatives à l’impact financier attendu concernant la Pollution (E2), l’Eau et les ressources marines (E3), la Biodiversité (E4) et l’Utilisation des ressources et l’économie circulaire (E5).

  • Non divulgation d’informations jugées « sensibles » : un principe général en ce sens a été explicitement ajouté à la norme ESRS 1.
  • Certaines informations obligatoires deviennent facultatives, par exemple : le plan de transition biodiversité et les indicateurs quantitatifs concernant les non employés.

Un certain nombre de modifications ont également été proposées aux projets de normes EFRS, aux fins de rendre leurs exigences en matière d’information ESG convergentes avec les projets de normes IFRS et de favoriser l’interopérabilité des deux référentiels de reporting.

Nouvelles priorités EFRAG

Avant l’annonce, mi-mars 2023, par la Commission européenne de son nouvel objectif d’alléger de 25 % les obligations de reporting des entreprises de l’Union européenne, il était prévu de compléter le premier jeu de normes ESRS par huit normes sectorielles et les normes concernant les PME d’ici au 30 juin 2024, suivies de 31 autres au cours des deux années suivantes.

A la demande de la Commission, l’EFRAG a modifié ses priorités pour donner la priorité à l’assistance des entreprises pour l’application des 12 premières normes ESRS.

En conséquence :

  • La moitié du staff de l’EFRAG a été réaffectée à la production de guides d’application concernant, pour commencer :
    • L’application du principe de double matérialité ; 
    • L’application des normes ESRS à la chaîne de valeur ; et
    • La liste exhaustive des informations listées par les 12 premières normes en format Excel. 

Ces aides devraient être publiées au cours de l’été.

  • L’EFRAG va mettre en place une procédure pour traiter les questions d’application des ESRS soumises par les parties prenantes :
    • Selon les cas, les questions pourraient donner lieu à des réponses de doctrine ou juridiques, voire aboutir à des amendements limités des normes existantes.
    • Un portail de questions / réponses devrait également être ouvert sur le site de l’EFRAG.
  • Seules trois normes sectorielles (Industrie minière, Charbon et carrières et Gaz & pétrole) seront publiées dans un premier temps, a priori à l’automne. Les normes Transport routier et Agriculture sont, par ailleurs, parvenues à un stade avancé d’élaboration.
  • Les deux normes concernant les PME entrant dans le champ d’application de la CSRD, à titre obligatoire ou volontaire, devraient également être publiées d’ici à la fin de l’année 2023.

Enfin, l’EFRAG lance un projet en vue de formuler des propositions concrètes pour renforcer la connexion entre le reporting de durabilité et les états financiers IFRS. Un groupe consultatif (le Connectivity advisory panel) sur le sujet a été mis en place pour épauler ce projet qui sera mené par le Financial reporting technical expert group (FRTEG), en concertation avec le Sustainability reporting technical expert group (SRTEG).

International Sustainability Standards Board

Créé peu après la COP26, l’International sustainability standards board (ISSB) est chargé de produire les normes internationales de reporting de durabilité (les IFRS Sustainability reporting standards), sous l’égide de la Fondation IFRS, et selon le même due process que celui suivi par l’IASB pour les normes IFRS.

L’ISSB prévoit de publier ses deux premières normes de durabilité d’ici à la fin du mois de juin :

  • IFRS S1, General requirements for disclosure of sustainability-related financial information; et
  • IFRS S2, Climate-related disclosures. 

L’ISSB avait reçu plus de 700 lettres de commentaires en réponse à la publication des projets de ces deux normes en mars 2022.

Tout comme les ESRS, les normes IFRS de reporting de durabilité devraient comporter un certain nombre de modalités de transition (« transitional reliefs ») pour en faciliter la première application. En avril dernier, l’ISSB avait, par ailleurs, annoncé vouloir renforcer ces mesures pour permettre aux entreprises de donner la priorité à la fourniture d’informations relatives aux risques climatiques.

L’ISSB a par ailleurs lancé deux consultations au début du mois de mai 2023 :

  • Une consultation sur les priorités de son programme de travail des deux prochaines années, dans laquelle elle liste quatre nouveaux projets, dont trois normes thématiques (Biodiversité, Capital humain et Droits de l’homme) et un projet transversal sur le reporting intégré. Cette consultation est ouverte jusqu’au 1er septembre 2023.
  • Une consultation sur la méthode proposée pour l’amélioration de l’applicabilité des normes du SASB à l’échelle internationale, et la mise à jour de la taxonomie des normes du SASB. Cette consultation est ouverte jusqu’au 9 août 2023.

Enfin, l’ISSB a lancé un appel à candidatures pour la création un groupe d’experts sur la première application des normes IFRS S1 et IFRS S2 (Transition Implementation Group (TIG) on Internationial Financial Reporting Standards (IFRS) S1 and S2).

Et la SEC ?

Le 21 mars 2022, la SEC a publié un projet de réglementation de quelques 500 pages complétant les informations exigées des sociétés cotées aux États-Unis sur les aspects climat (« Rules to enhance and standardize climate-related disclosures for investors »).

Depuis, ce projet n’a toujours pas été finalisé. La SEC travaillerait également sur un autre projet de réglementation, concernant l’enrichissement des informations relatives à la gestion du capital humain (« Human capital management »).

La finalisation de ces projets et le calendrier restent cependant pour l’instant incertains.

Norme d’assurance sur le reporting de durabilité

Afin de garantir la qualité du reporting de durabilité, la CSRD exige qu’il soit soumis au contrôle des commissaires aux comptes (ou d’un tiers indépendant) dans le cadre d’une assurance d’abord limitée dès 2024, puis raisonnable.

Afin de garantir des pratiques d’assurance uniformes dans l’ensemble de l’Union européenne, la Commission devra adopter, par voie d’actes délégués, des normes d’assurance limitée avant le 1er octobre 2026, puis raisonnable avant le 1er octobre 2028. D’ici là, les États membres peuvent appliquer des normes ou exigences nationales. En France, un avis technique est en cours d’élaboration par la CNCC et le H3C et devrait donner lieu à une norme applicable dès 2024.

La vérification des informations de durabilité est pour l’instant le plus souvent réalisée sous l’égide de la norme ISAE 3 000 (Revised) — « Assurance engagements other than audits or reviews of historical financial information ». Reconnaissant la nécessité d’une norme d’assurance spécifique pour la vérification du reporting de durabilité, l’International auditing and assurance standards board (IAASB) travaille depuis septembre 2022 à l’élaboration d’une norme internationale ISSA 5 000 General requirements for sustainability assurance engagements, précisant de manière autonome à la fois les diligences nécessaires à l’expression d’une assurance limitée et celles nécessaires à une assurance raisonnable.

Le projet de norme sera examiné par l’IAASB du 21 au 28 juin 2023. Un exposé-sondage est attendu d’ici à la mi-juillet, pour être soumis à une consultation publique de six mois jusqu’en décembre 2023. La norme définitive devrait être publiée au second semestre 2024, à temps pour une entrée en vigueur en 2025, alignée avec les premiers reportings de durabilité établis selon les normes ESRS.


Ce qu'il faut retenir

Du côté de l’arrêté semestriel IFRS, à la date de cet article, les juridictions ayant déjà fait cette transposition sont encore peu nombreuses mais le calendrier va s’accélérer au second semestre, en vue d’une entrée en vigueur prévue à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Tandis que du côté de l’actualité CSRD, ces derniers mois, l’activité juridique a également été fortement influencée par l’annonce de la Commission européenne, mi-mars 2023, d’un objectif d’alléger de 25 % les obligations de reporting qui pèsent sur les entreprises de l’Union européenne (parmi lesquelles celles liées au reporting durabilité).

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