III. Des DRH qui tentent d’innover pour s’adapter
Avec une recrudescente du nombre de salariés en arrêt maladie fin 2022 (47% de salariés absents en 2022 et un taux d’absentéisme qui a augmenté de 21% entre 2019 et 2022¹), des difficultés à recruter et à fidéliser (hausse de 24 % des démissions au premier trimestre 2023 par rapport à 2019²), les DRH recherchent de plus en plus de dispositifs innovants et attractifs pour les collaborateurs.
L’une des priorités des RH ces 3 dernières années fut le retour des salariés au bureau.
Ainsi, nous avons vu émerger le « smart working » afin de faciliter le travail hybride. Néanmoins, cette stratégie présente encore des limites. Les entreprises peinent toujours à faire revenir leurs salariés, faute d’avoir su réinventer la fonction même du bureau d’entreprise et instauré un management adapté.
En effet, si certains salariés ont souffert du télétravail pendant la pandémie du Covid 19 par manque de contact humain, ils souffrent tout autant de revenir dans des « flexoffice » où ils tentent, tant bien que mal, de retrouver un semblant d’interaction sociale. Les RH doivent redoubler d’effort pour regagner le cœur de leurs salariés en réinventant la vie de bureaux, favorisant les interactions et les moments d’intelligence partagée.
Par ailleurs, que les employeurs soient philosophiquement pour ou contre, la donne a clairement changé et tous doivent considérer le télétravail, en ces temps de pénurie de talents et alors que le rapport de forces s’est inversé en faveur des salariés, comme un facteur d’attractivité et de compétitivité, un peu comme les 35h l’ont été au début des années 2000. Le télétravail est devenu une partie de la marque employeur des entreprises, notamment vis-à-vis d’une jeunesse en quête d’autonomie.
Cette immixtion du télétravail dans le quotidien des salariés oblige donc les entreprises à repenser les différents temps de vie et à poser un regard inédit sur l’équilibre vie professionnelle - vie personnelle.
Reste que le développement du télétravail, anarchique au printemps 2020 mais négocié depuis, engendre une nette dichotomie entre TPE et grands groupes, mais aussi entre cols blancs et cols bleus. Des inégalités qu’il convient, quand c’est possible, de compenser pour tous ceux qui ne peuvent pas en bénéficier. D’où les réflexions plus ou moins structurées autour du développement de cursus d’e-formations pour des ouvriers en travail posté, d’organisation différenciée du travail (à l’image de la semaine de 4 jours), de temps redonné (à travers les congés respiration), …
Certaines entreprises comme Paypal ou Morning ont ainsi commencé à offrir un moment de pause à leur salariés, dénommé aussi « congé respiration » ou « sabbatical », pour leur permettre de se ressourcer, de mener un projet personnel ou de réfléchir à leur avenir.
D’autres ont proposé la semaine de 4 jours telles que Welcome to the Jungle ou Elmy mais aussi des TPE telle que PIMPANT ou des milieux plus conservateurs tels que les études notariales. Ces aménagements de temps de travail ont pris de l’ampleur début 2023 avec la crise du carburant, permettant de fidéliser les collaborateurs tout en limitant les déplacements de ces derniers, au bénéfice de l’empreinte carbone des individus sur l’environnement.
Au-delà de ces initiatives lancées par les DRH pour développer leur marque employeur et faire évoluer leur organisation du travail, l’environnement professionnel actuel nécessite que les responsables soient plus authentiques, empathiques et adaptatifs, Ces trois impératifs représentent une nouvelle demande de leadership, plus « humain ».
Même si les DRH tentent d’accompagner les responsables pour devenir plus « humain », les approches habituelles des RH n’abordent que très peu les obstacles qui freinent les responsables ; c’est-à-dire leurs propres émotions telles que le doute, la peur, les incertitudes.
Les entreprises qui ont réussi ce tour de force ont, pour certaines, adopté le leadership inversé. Théorisé par Robert K. Greenleaf dans les années 1970, le leadership inversé a des racines ancrées dans les mouvements de démocratie et d’autonomie au sein des organisations. Celui-ci déplace le pouvoir des sommets hiérarchiques vers la base de l’organigramme. Il offre aux employés la possibilité d’occuper temporairement des postes de leadership, de participer à la prise de décision et de contribuer de manière significative à la direction de l’entreprise. Il favorise non seulement la créativité et l’autonomie, mais il nourrit aussi le développement des compétences et l’épanouissement professionnel. Dans un contexte de changement perpétuel, cette nouvelle forme d’organisation est également une première réponse à la réduction des résistances aux changements.
Les DRH ont su également développer de nouvelles avancées en matière sociale, tout particulièrement dans le domaine de la santé, avec, par exemple, le congé menstruel ou encore en mettant en place des dispositifs d’accompagnement en cas de perte ou interruption de grossesse.
Ainsi, on pourra noter que le 1 octobre 2023 entre en vigueur le nouvel accord sur la parentalité signé par Safran avec les quatre organisations syndicales (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO). Dans les principales avancées à retenir dans cet accord il y a entre autres un effort d’aménagement du temps de travail en amont et en aval de la naissance. Mais aussi une indemnisation à 100 % du salaire pendant des congés parentalité, c'est-à-dire de maternité, de paternité, d'adoption et d'accueil d'enfant. Safran a également souhaité mieux accompagner les parcours PMA et les interruptions spontanées de grossesse pour les deux parents. Concrètement, chaque parent engagé dans un parcours PMA aura le droit à des congés supplémentaires pour être présents aux sept examens obligatoires ainsi qu'aux actes médicaux spécifiques à cette procédure. Enfin, autre avancée notoire concernant les fausses couches entre la 14e et 22e semaines d'aménorrhée, les mères comme les pères auront le droit à une semaine de congé.
Tous ces exemples permettent de mettre en lumière l’inventivité dont peuvent faire preuve les RH en matière d’organisation du travail et d’octroi de congés. Mais cette liste est loin d’être exhaustive et peut être enrichie de nombreuses autres initiatives. La flexibilité offerte par le droit du travail dans la négociation collective permet aux partenaires sociaux de créer un régime d’organisation du travail totalement adapté à la réalité des besoins de l’entreprise et aux souhaits des collaborateurs.