Modern glass building with impressive reflection of the blue sky in the city

Entretien avec Daniel Häcki (AXA Investment Managers)


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Daniel Häcki, Head Transaction Management, sur la baisse des taux d'intérêt, les réglementations ESG et les changements politiques locaux.

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En bref

  • Stabilité du marché : Le marché immobilier suisse montre sa stabilité grâce à des fondamentaux solides malgré les incertitudes mondiales.
  • Changement ESG : Les exigences ESG transforment les stratégies d'investissement. La durabilité devient centrale pour la gestion des investissements et des risques.
  • Avantages des segments : Les logements résidentiels gagnent en attractivité, tandis que le secteur des bureaux se distingue par des avantages stratégiques en matière d'emplacement.

Le marché immobilier suisse est fortement influencé par la baisse des taux d'intérêt, les réglementations ESG et les changements politiques locaux. Les biens résidentiels gagnent en attractivité, tandis que le secteur des bureaux se distingue par des avantages stratégiques en matière d'emplacement. Au cours des 12 à 24 prochains mois, il sera passionnant d'observer l'évolution de l'offre et des attentes en matière de prix.

Financial district with business woman in Paris
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Chapitre 1

Développement actuel du marché

Le marché immobilier suisse est considéré comme une valeur refuge grâce à une économie stable, un système de retraite solide et un franc fort.

« Le retour de la pénurie d'investissements entraîne une hausse significative des prix des biens immobiliers suisses », a déclaré l’Union Suisse des Propriétaires Fonciers, un portail spécialisé pour les investisseurs institutionnels en immobilier, en décembre 2024. La combinaison de la baisse des taux d'intérêt, d'une offre limitée et d'une pression croissante sur le capital a redynamisé le marché des transactions en Suisse, après une période de prudence.

1.1. Comment évaluez-vous la situation actuelle du marché ? Partagez-vous l'avis selon lequel la baisse des taux, l'offre limitée et la pression sur le capital entraînent une hausse des prix ?

D.H. : Le marché immobilier suisse est actuellement influencé par une série de facteurs tels que la baisse des taux d'intérêt, l'offre limitée et une forte pression sur le capital, qui contribuent à la hausse des prix. Cette évolution est exacerbée par des événements géopolitiques, tels que la guerre commerciale et les droits de douane imposés par les États-Unis, ainsi que par des défis politiques locaux, notamment en matière de protection des locataires et des initiatives qui en découlent.

Contrairement au monde volatil du trading, caractérisé par des mouvements de prix rapides, le marché immobilier se distingue par un développement stable et à long terme. En particulier, le marché immobilier suisse bénéficie de son rôle de valeur refuge, grâce à une économie suisse stable, un système de prévoyance robuste et un franc suisse fort – des fondamentaux solides qui soutiennent un développement durable du marché. Un autre aspect particulier de la Suisse est son marché largement fermé, marqué par une offre limitée et des conditions locales spécifiques. Par conséquent, les fluctuations observées sur le marché des obligations ont un impact direct limité sur le marché immobilier. Tous ces facteurs laissent supposer que les défis à venir n'affecteront le marché que de manière périphérique et qu'il ne devrait pas y avoir de perturbations substantielles à long terme. Cependant, au niveau des biens individuels, comme dans d'autres classes d'actifs, il peut y avoir des « gagnants » et des « perdants ».

1.2. Quel rôle jouent actuellement les facteurs réglementaires sur le marché ?

Dans certains domaines, les exigences réglementaires connaissent actuellement un changement de paradigme, notamment avec l'introduction d'indicateurs ESG1, comme par exemple, des indicateurs environnementaux pour les fonds immobiliers selon l'AMAS2. Les directives d'investissement pour les véhicules régulés par la FINMA3 en sont un autre exemple. Afin de commercialiser un produit qualifié de « durable », le régulateur peut désormais exiger des structures soumises à sa surveillance la définition d'indicateurs ESG et, selon le scope, la définition d'objectifs intermédiaires en matière de réduction des émissions de CO2. Cela représente un défi considérable, car cela soulève également la question des conséquences du non-respect de ces objectifs intermédiaires, par exemple si le réseau de chaleur dans la région XY n'est pas opérationnel en 2027 mais seulement en 2030, influençant ainsi le résultat par des facteurs exogènes.

Ce changement réglementaire est complexe à appréhender pour de nombreux acteurs, car il est difficilement concevable, par exemple, de mentionner dans le prospectus d'un fonds des objectifs de rendement minimum spécifiques qui pourraient entraîner des conséquences négatives en cas de non-respect. Cependant, les indicateurs ESG, tels que les émissions de CO2 par surface de référence énergétique, gagnent en pertinence et doivent être de plus en plus pris en compte dans les investissements. Alors que les aspects ESG étaient souvent perçus par certains acteurs du marché comme de simples outils marketing, beaucoup reconnaissent désormais leur importance pour la gestion des risques. De nombreux acteurs ne sont pas encore pleinement conscients de cette complexité croissante des différents indicateurs, ce qui entraînera inévitablement des changements dans le financement et, par conséquent, dans les stratégies d'achat et de vente.

a. Comment les critères ESG et les risques climatiques influencent-ils aujourd'hui l'évaluation et la position stratégique des investissements immobiliers chez AXA IM ?

« Le monde n'est plus assurable » – face à ce constat, AXA IM a déjà mis en place une politique ESG il y a plusieurs années, car il a été reconnu tôt que les risques environnementaux et climatiques influencent également l'assurabilité des biens immobiliers. Dans des zones à risque comme la Floride, des événements tels que des inondations montrent que les compagnies d'assurance deviennent plus prudentes. Dans ce contexte, nous nous efforçons de préparer au mieux les biens immobiliers pour les défis futurs afin de garantir la valorisation et l’exploitabilité à long terme. L'orientation stratégique des biens immobiliers joue un rôle central, en tenant compte de nombreux facteurs supplémentaires tels que la protection des monuments et les plans d'infrastructure existants. A titre d’exemple, un bien situé dans une rue qui ne sera raccordée au réseau de chauffage à distance que dans 25 ans aura un profil de risque ESG complètement différent de celui d'un bien déjà raccordé. Cette orientation stratégique dans l'évaluation est essentielle pour une gestion des risques durable dans le secteur immobilier.

b. Comment les propriétaires et les investisseurs gèrent-ils les exigences réglementaires dynamiques et les défis techniques liés à la décarbonisation des biens existants, notamment en ce qui concerne la planification réaliste des investissements CAPEX et la gestion des risques ?

Les défis actuels dans le secteur immobilier, en particulier dans le secteur des bureaux, sont fortement influencés par les exigences croissantes en matière de durabilité et de normes énergétiques. Les grandes entreprises exigent de plus en plus des bâtiments conformes à leurs normes environnementales, tandis que les petites entreprises (PME) ont généralement des exigences moins strictes. De nombreux propriétaires pensent qu'une fois qu'une trajectoire de réduction d’émissions a été définie, toutes les exigences sont satisfaites. Cependant, dans la pratique, il apparaît que le passage à une technologie plus écologique, comme les pompes à chaleur air-eau, peut présenter certains défis. Nous observons souvent cela dans les acquisitions immobilières. De plus, la trajectoire de réduction d’émissions nécessite au moins un an pour atteindre une consommation optimisée, ce qui signifie que la réduction d’émissions n’est souvent effective que plus tard que prévu. Dans certains pays, les réglementations sont même plus strictes, et il n'est plus autorisé de louer un bien s'il dispose encore d'une chaudière à mazout. Par conséquent, un changement de mentalité est nécessaire : le sujet n'est pas simplement lié au marketing, mais constitue un aspect essentiel dans la gestion des risques.

Un autre problème réside dans la mauvaise évaluation des coûts d’investissement (CAPEX) et des délais pour de tels ajustements. Ces adaptations prennent souvent plus de temps que prévu pour être entièrement mises en œuvre. De nombreux acteurs du marché réalisent aujourd’hui que les ajustements réglementaires et techniques en cours sont des « moving targets ». Cette situation dynamique est souvent sous-estimée et pourrait poser des défis à certains investisseurs à l'avenir. Tout comme une prime d'assurance a un prix, les mesures ESG ont également un coût.

1.3. Quelles évolutions et dynamiques observez-vous actuellement ? Existe-t-il des segments (par exemple, résidentiel, bureaux, commerce, logistique) particulièrement touchés ?

Résidentiel

L’on constate que les acteurs du marché mondial reconnaissent de plus en plus le potentiel de la classe d'actifs « résidentiel ». En effet, au sein d'un bien résidentiel, une diversification supplémentaire est obtenue, car dix appartements correspondent à dix locataires différents. Cela offre à la fois stabilité et diversification au sein de cette classe d'actifs. En Suisse, la tendance n'est pas nouvelle, car le marché locatif est traditionnellement dominé par les biens résidentiels. De plus, les actifs que nous gérons en Suisse se composent d'environ 60 % de biens résidentiels, tandis que le reste provient de propriétés commerciales.

Secteur des bureaux

Bien que le secteur des bureaux ait perdu la faveur des investisseurs au fil des années, aucun taux de vacance significatif n'est observé. Au contraire, l’attention se porte de plus en plus sur la localisation de ces biens immobiliers. Les bureaux situés dans des emplacements de premier choix, en particulier à proximité des gares, restent très demandés. Cette connectivité entraîne des différences significatives dans les prix des loyers. Par exemple, la zone autour de la gare de Zurich-Hardbrücke affiche un niveau de loyer différent de celui de la zone du Technopark ou du Hardturm, bien que ces zones ne soient parfois qu'à 10-15 minutes à pied l'une de l'autre. En Suisse, la distance de marche et la proximité des transports publics sont déterminantes, tandis que ces distances jouent un rôle moins important dans des métropoles plus grandes comme Paris ou Londres, où elles ont moins d'impact direct sur les prix des loyers.

Logistique, sciences de la vie et centres de données

Le secteur logistique représente en Suisse une niche relativement petite par rapport à d'autres marchés européens et est fortement dominé par des bâtiments à locataire unique ou hébergement des utilisateurs finaux. Cette dépendance présente un risque élevé en cas de difficultés économiques des locataires, ce qui relativise l'engouement pour les biens logistiques. Un exemple illustratif est la crise du COVID-19, où les fournisseurs de l'industrie automobile ont pratiquement cessé leurs activités, entraînant d'importantes pertes de loyer pour les propriétaires hébergeant des entreprises actives dans de ce secteur. Nous sommes également actifs dans le marché des propriétés logistiques en Suisse et avons une équipe mondiale dirigée par Thomas Karmann. Les segments des sciences de la vie et des centres de données sont perçus internationalement comme des opportunités d'investissement attrayantes, mais ils présentent un profil de risque différencié en raison de leur spécialisation claire. Notre plateforme de centres de données « Data4 » a été vendue avec succès en 2023, tandis que nous couvrons le secteur des sciences de la vie grâce aux spécialistes de notre société de participation « Kadans Science Partner ». En Suisse, ces segments jouent encore un rôle secondaire, bien qu'un effet marketing soit observé.

Dans l'ensemble, il est à noter qu'aucun « perdant » clair n'est identifiable dans les différents segments en Suisse.

Businesswoman looking out window in meeting room
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Chapitre 2

Perspectives pour les 12 à 24 mois à venir

Des prix d'offre élevés et peu de transactions : une disparité due aux écarts bid-ask. La disponibilité du capital et les réglementations ESG influencent le marché.

2.1. Comment expliquez-vous la disparité entre un volume d'offre élevé et un faible nombre de transactions conclues dans le contexte actuel du marché ?

En regardant le volume des transactions, je ne peux m'empêcher de sourire, car la situation est souvent mal comprise. Ce n'est pas le volume des offres qui a diminué en Suisse l'année dernière, mais plutôt le nombre de transactions conclues. Une raison majeure est l'augmentation de l'écart entre les prix de l'offre et de la demande – c'est-à-dire la différence entre la volonté de payer et les attentes des vendeurs en termes de prix. De nombreux propriétaires immobiliers ont maintenu leurs attentes de prix élevées, que le marché n'est plus en mesure de soutenir. Cette forme d'illiquidité est souvent sous-estimée, à mon avis.

Cela vaut également pour le marché coté : les ventes de grands terrains, comme un site d'une valeur de 100 millions, ne se font pas du jour au lendemain et nécessitent du temps. Nous avons été très actifs sur le marché, mais nous avons conclu moins de transactions, car les attentes des vendeurs ne correspondaient souvent pas à notre appétit.

Une idée reçue fréquente est de comparer les prix actuels avec les prix élevés d'autrefois, notamment durant la période de taux bas il y a 3-4 ans. Par exemple, une communauté d'héritiers s'attend souvent au prix qui leur avait été proposé par un promoteur à l'époque, bien que la situation du marché ait changé depuis.

De nombreux propriétaires immobiliers suisses ne sont pas contraints de vendre et préfèrent attendre. En raison de l'accès de plus en plus difficile au financement, lié à des de réglementations telles que Bâle III, il apparaît également que certains acteurs du marché adoptent des approches d'évaluation très optimistes, souvent juste pour prolonger les financements existants.

Au cours des derniers mois, nous avons reçu plus de 400 opportunités d'investissement d'une valeur de plus de 11 milliards de francs, un volume qui correspond à la moyenne des cinq à six dernières années. Même si le nombre de transactions conclues était plus faible, le volume des transactions en soi n'a donc pas nécessairement diminué. L'offre et la demande ne se sont tout simplement pas encore alignées.

2.2. Qu'est-ce qui, selon vous, constituerait une année de transactions réussie en 2025, et comment évaluez-vous le volume actuel par rapport à la période pré-pandémique ?

Une bonne année de transactions en 2025 serait principalement marquée par une plus grande sécurité, car l'incertitude est souvent un frein à l’investissement. Je pense que le volume sera comparable à celui de la période pré-pandémique. Nous suivons en permanence les opportunités que nous recevons et avons observé un volume annuel compris entre 20 et 24 milliards en Suisse. Même pendant la pandémie, nous avons réalisé des transactions, bien que les visites se soient avérées plus difficiles. Notre configuration mondiale s'est révélée extrêmement avantageuse. En Italie, par exemple, nous avons pu acheter un grand portefeuille logistique, car nos collègues italiens ont pu le visiter, tandis que d'autres acteurs du marché ne pouvaient pas entrer en Italie en raison de la pandémie. Cela a été un succès remarquable.

a. Les visites virtuelles ont-elles joué un rôle pendant la pandémie, et quelle est votre position à cet égard dans le secteur immobilier ?

Oui, les visites virtuelles sont devenues un sujet pertinent. Nous utilisons dans d'autres domaines des technologies comme les drones pour inspecter de vastes forêts, dans les pays nordiques, par exemple. Des prises de vue par drone à l'évaluation précise de la qualité du bois sur place - c'est très intéressant. Cependant, dans le domaine de l'immobilier, il reste essentiel d'être physiquement présent pour examiner et acheter un bien.

2.3. Quels facteurs (par exemple, évolution des taux d'intérêt, incertitude économique, réglementations ESG) pourraient accélérer ou freiner l'activité sur le marché ?

La situation actuelle du marché immobilier est influencée par plusieurs facteurs qui peuvent à la fois accélérer et freiner l'activité. Un aspect décisif est la disponibilité du capital : nous sommes actuellement dans une situation inhabituelle où le capital propre est à la fois beaucoup plus facile à obtenir et à des conditions plus avantageuses que le capital étranger, ce qui, en théorie, ne fait pas beaucoup de sens. De nombreux véhicules d'investissement lèvent d'importantes sommes de capital propre, parfois même bien au-delà des besoins initialement définis.

Un autre facteur d'influence est le taux directeur de la Banque nationale suisse (BNS), qui sert souvent d'étiquette de prix pour l'argent, mais il est tout aussi important de savoir combien de capital est réellement disponible et où les flux se dirigent. Cela n'est pas encore pleinement compris par de nombreux acteurs du marché. Les baisses rapides des taux ont cependant un effet très accélérateur dans l'ensemble.

L’activité est également freinée en ce moment par des incertitudes politiques relativement élevées en Suisse, en lien avec d’éventuelles interventions dans le droit du bail, ainsi que par des procédures et exigences bureaucratiques souvent décriées. Cela étant, les fondamentaux économiques restent bons, peut-être à l'exception du franc suisse fort.

Les réglementations ESG contribuent également à l'activité sur le marché. D'une part, de nombreux biens « non-conformes aux objectifs ESG » sont proposés sur le marché depuis plus de deux ans sous le prétexte de rationalisation des portefeuilles – ce qui a un effet accélérateur. D'autre part, cela peut également entraîner l'illiquidité déjà discutée ou des réductions de prix plus importantes pour les vendeurs, ce qui constitue un frein.

Un facteur important qui favorise l'activité sur le marché immobilier suisse, mais aussi la stabilité appréciée par beaucoup d’acteurs, est le système de prévoyance basé sur le capital, qui devrait continuer à entraîner un besoin d'investissement constant dans le secteur immobilier à long terme. Cette continuité entraîne une faible volatilité, ce qui signifie que nous n'avons pas connu de « chocs immobiliers » depuis les années 90.

2.4. Existe-t-il des groupes d'acheteurs ou d'investisseurs (par exemple, investisseurs institutionnels, family offices, investisseurs étrangers) qui sont particulièrement actifs ou pourraient le devenir ?

Nous observons qu'au cours des 24 derniers mois, de nombreux investisseurs institutionnels ont été actifs du côté des ventes. Certains ont dû ajuster leurs quotas, rembourser des dettes, ou ont fait face à des appels de marge. Depuis, le vent a légèrement tourné. De nombreux d’acteurs institutionnels ont, comme mentionné précédemment, levé beaucoup de capital en 2025, qui doit désormais être investi. Notre organisation, qui affiche un besoin d'investissement constant, est principalement active du côté des achats. Du côté des ventes, nous vendons principalement de petits immeubles allant jusqu'à CHF 10 millions dans le cadre d'optimisations d’efficacité. Ces propriétés, qui ne correspondent plus à notre stratégie, sont souvent prisées par des investisseurs privés (particuliers ou petites entreprises) qui ont généralement un fort attachement à l'emplacement du bien. Nous y obtenons également de très bons succès.

Lors de l’achat, nous examinons les biens immobiliers dont le volume d’investissement est d’environ EUR 15 millions par bien immobilier individuel dans toute la Suisse (zone cible : communes d’au moins 10’000 habitants). Cependant, nous préférons faire des acquisitions ou des projets beaucoup plus importants, car nous y voyons des gains d’efficacité.

country road passing through mountains
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Chapitre 3

Rétrospective : Qualifications du marché des transactions immobilières suisses des dernières années

Le marché immobilier suisse est resté stable, influencé par les critères ESG, les taux d'intérêt et les changements de modèles de travail liés à la pandémie.

3.1. Comment qualifier l'évolution du marché des transactions immobilières suisses au cours des cinq dernières années ? Quels facteurs l'ont particulièrement influencé, et quels tournants marquants et évolutions déterminent la situation actuelle du marché et continuent d'agir ?

Au cours des cinq dernières années, le marché des transactions immobilières suisses s'est montré relativement stable, en particulier par rapport aux marchés internationaux, qui ont connu des fluctuations beaucoup plus importantes. Alors qu’aux États-Unis, par exemple, les biens s’échangeaient à des prix beaucoup plus bas, les transactions en Suisse ont largement échappé aux fluctuations extrêmes des prix. Cependant, certains segments ont été plus touchés que d'autres, en particulier le secteur des bureaux, qui a enregistré de légers reculs et dont les rendements sont devenus plus attractifs en raison des mouvements du marché.

Les facteurs déterminants incluent notamment les exigences ESG ainsi que les incertitudes géopolitiques et locales, comme déjà mentionné. L'inflation a également joué un rôle, mais a d'abord été moins perçue que les variations de taux – un tournant central qui a façonné le marché immobilier suisse durant cette période. Les taux d'intérêt en hausse ont été largement perçus par le grand public et ont marqué le début d'une phase de changement qui a touché tous les secteurs du marché. Parallèlement, la pandémie de COVID-19 a agi comme un catalyseur pour des réorientations structurelles – en particulier dans le secteur des bureaux avec l’évolution du télétravail. L'établissement croissant de modèles de travail hybrides a modifié la structure de la demande : les entreprises doivent aujourd'hui rendre leurs espaces de bureau suffisamment attrayants pour inciter les employés à revenir au bureau. Dans ce contexte, l'emplacement prend encore plus d'importance – alors que Zurich et Genève sont considérées comme des centres de bureaux de premier plan, le marché dans des villes comme Bâle se révèle nettement plus difficile, avec des différences parfois importantes au niveau de la demande en fonction des zones.

Dans l'ensemble, l'adaptation continue aux nouveaux modèles de travail modifie durablement les conditions du marché. La tendance à long terme vers plus de flexibilité et moins de présence physique au travail est considérée comme un changement durable. Les entreprises se trouvent ainsi confrontées à la nécessité de trouver un équilibre entre le travail à distance et la présence physique au bureau – en particulier pour favoriser la culture d'équipe et permettre un apprentissage informel pour les nouveaux entrants, souvent absent dans un environnement entièrement virtuel. La promotion d'équipes dynamiques et soudées reste un défi majeur qui continuera d’influencer le marché dans les années à venir.

Davos, Aerial view of Lake Davos in summer, Switzerland
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Chapitre 4

Défis en matière de transactions

Une communication transparente et une préparation minutieuse sont cruciales pour le succès des transactions, même dans des conditions instables.

4.1. Quels facteurs représentent actuellement les plus grands défis pour les transactions immobilières, tant sur le plan du marché que du processus traditionnel ?

Du côté du marché, les conditions de financement constituent un défi significatif, même si elles sont moins pertinentes pour certains acteurs qui travaillent avec peu de capital étranger. Un challenge beaucoup plus important réside dans l'évaluation des biens immobiliers, car il arrive souvent que des évaluations anciennes ou inexactes soient utilisées comme référence, ce qui complique la détermination du prix entre les parties. Cela devient problématique lorsque les vendeurs ont des attentes de prix basées sur des chiffres obsolètes qui ne correspondent plus à la dynamique actuelle du marché. Du côté du processus transactionnel, la préparation et la réalisation insuffisantes de vérifications en matière de due diligence constituent un sujet central. Des documents erronés, tels que des états locatifs incorrects, entraînent des incertitudes et des renégociations potentielles des prix. L'importance d'une préparation minutieuse et son impact sur le résultat de la transaction sont souvent sous-estimés.

4.2. Comment parvenez-vous à imposer des réductions de prix fondées sur des résultats de due diligence ou les évolutions du marché – par exemple, les ajustements des taux d'intérêt – lors des négociations, et dans quels cas observe-t-on des différences entre les classes d'actifs ou les régions ?

Le marché suisse est petit, et il est probable que les mêmes acteurs se rencontrent à plusieurs reprises. En fonction des résultats de notre due diligence et si nous considérons qu’ils justifient un ajustement du prix, nous recherchons un dialogue transparent avec la partie adverse ou ses conseillers. Par exemple, si l’état locatif du vendeur a été incorrectement multiplié alors qu’il s’agit de loyers trimestriels, nous communiquons cela de manière ouverte et immédiate, plutôt que d'attendre jusqu'à peu avant la date de signature pour déduire le montant correspondant du prix d'achat proposé. Si ce dialogue ouvert est mené de manière professionnelle en amont, la plupart des parties reconnaissent la nécessité d'éventuels ajustements de prix.

Un autre exemple : nous étions en négociation avec des investisseurs privés très professionnels lorsque la BNS a fortement augmenté les taux d'intérêt. Dans ce cas, nous avons cherché à discuter, vérifié l'impact de l'ajustement des taux, effectué une correction de prix dans l'offre et expliqué le résultat de manière transparente. Le prix corrigé était compréhensible, et l'accord a ainsi pu être conclu avec succès malgré cette modification.

a. Quelle est l'importance d’un mode de communication clair et transparente dans la phase actuelle du marché pour mener à bien des transactions malgré des conditions volatiles ?

Dans la phase actuelle du marché, les négociations se sont certes un peu allongées, mais cela n'a pas nécessairement conduit à un plus grand nombre d’échecs transactionnels. Je peux donner comme exemple une transaction avec un family office à la fin de l'année dernière. Le family office prévoyait une restructuration et souhaitait conclure la transaction d'ici la fin de l'année. Grâce à une communication claire et transparente sur les attentes de prix et le déroulement du processus, les attentes en matière de rendement et de prix des deux parties ont pu être clarifiées tôt, ce qui a facilité la conclusion réussie de la transaction. Cette approche souligne l'importance de la clarté et de l'ouverture d’esprit dans le processus de négociation, permettant aux deux parties d'utiliser efficacement leurs ressources.

b. Avez-vous constaté plus de désistements de la part d’acheteurs ou de vendeurs potentiels ou une augmentation des ajustements des conditions contractuelles ?

Il y a eu peu d'abandons de transactions durant la phase de négociation contractuelle. À ce stade, les conditions et exigences devraient être fondamentalement claires. Plus une transaction est bien préparée, moins il devrait y avoir de points à « discuter » dans les contrats. En plus des clauses établies, ce sont souvent les résultats des vérifications de due diligence qui doivent encore être intégrés. Un prix équitable est généralement associé à une répartition symétrique des risques. Si un vendeur veut le « beurre et l'argent du beurre », il est alors plus difficile de trouver un terrain d'entente.

Trees Installation On A Skyscraper Of New York City, USA
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Chapitre 5

Environnement de marché et paysage concurrentiel

La concurrence entre les investisseurs reste dynamique : les acteurs internationaux renforcent la liquidité et offrent des opportunités de rendement dans des segments moins demandés.

Environnement de marché et paysage concurrentiel

5.1. Comment percevez-vous actuellement la concurrence entre investisseurs institutionnels, notamment en ce qui concerne les stratégies de vente et le réalisme des prix sur le marché ?

La concurrence entre investisseurs institutionnels est variée.  Il existe bien entendu des relations établies entre certains acteurs du marché sur certains segments. En général, le marché est cependant très diversifié et soumis à des mouvements cycliques. Par exemple, au cours des dernières années, de nombreuses compagnies d'assurance ont vendu des actifs afin de répondre aux exigences du marché des capitaux ou d’optimiser leur coût de capital. Cette phase a été marquée par des ventes à des prix logiques et justifiables portant souvent sur des actifs de haute qualité. A l’inverse, de nombreux fonds ont affiché des valorisations élevées avec d’importantes niveaux d’endettement, dans le but de vendre des actifs moins attrayants – une combinaison qui réussit rarement.

a. Existe-t-il encore de véritables enchères ou est-ce que les négociations bilatérales dominent ?

Nous participons encore à des négociations bilatérales, car nous sommes perçus comme un partenaire très fiable et professionnel, capable de mener un achat rapidement et efficacement. Du côté des ventes, nous devons en tant que gestionnaires d'actifs générer une certaine concurrence, similaire à un processus d'appel d’offre. Actuellement, les échanges directs entre acteurs du marché ont de nouveau légèrement augmenté, parce que certains détenteurs de portefeuille souhaitent optimiser leurs actifs par le biais de swaps (par exemple, selon l’affectation ou les régions). Cependant, de tels swaps réussissent très rarement, car les intérêts des parties sont souvent difficiles à concilier.

b. Le comportement des investisseurs a-t-il changé de manière significative en ce qui concerne leur appétit pour le risque ou leurs attentes en matière de rendement ?

Le comportement des investisseurs a changé dans le contexte actuel du marché, dans la mesure où beaucoup d’entre eux ajustent ou ont ajusté leurs allocations stratégiques et tactiques. Les investisseurs institutionnels s'efforcent continuellement d'optimiser les indicateurs de leur portefeuille, par exemple en ce qui concerne les parts résidentielles ou de bureaux, tout en minimisant les risques liés aux énergies fossiles. En tant que gestionnaire multi-actifs, nous avons également profité des mouvements du marché mondial au cours des dernières années pour générer des rendements attrayants pour nos investisseurs dans d'autres classes d'actifs, comme la dette immobilière privée. Il existe à nouveau des « alternatives » à l'immobilier direct, ce qui fait que notre appétit a été ajusté en fonction du risque. Cependant, comme déjà mentionné, le marché immobilier suisse est relativement lent dans l’ajustement des prix et, à mon avis, s'oriente encore trop peu vers les marchés de capitaux.

5.2 Comment évolue le rôle des investisseurs étrangers sur le marché immobilier suisse, notamment en ce qui concerne le profil de risque, la focalisation sur les sites et leur importance pour la liquidité du marché ?

Les investisseurs étrangers continuent de jouer un rôle important sur le marché immobilier suisse, en particulier dans les secteurs moins attrayants ou moins demandés par les investisseurs locaux, tels que l'immobilier commercial dans les emplacements de niveau B et C. De tels investissements offrent souvent des rendements attractifs et un potentiel de création de valeur à long terme (« value-add »). Ces acteurs internationaux contribuent à la liquidité et soutiennent ainsi la stabilité du marché, ce qui fait qu'un renforcement de la Lex Koller ne semble pas judicieux sous cet angle. Une dévaluation dans ces segments serait inévitable et si l'on considère que de nombreuses PME en Suisse mettent leurs biens immobiliers en gage afin d’obtenir des crédits d'exploitation, cela pourrait avoir de graves conséquences sur le paysage des PME en Suisse. Pour les acteurs étrangers, la stabilité économique est intéressante, mais la couverture du risque de change reste un défi pour un grand nombre d’entre eux, compte tenu des rendements relativement faibles en Suisse.

5.3 Comment les flux de capitaux internationaux et les évolutions géopolitiques influencent-ils le marché suisse ?

Les flux de capitaux internationaux et les développements géopolitiques exercent une influence continue sur le marché suisse. De nombreux investisseurs étrangers doivent tenir compte du taux de change et des risques qui y sont liés, influençant considérablement leurs décisions d'investissement. L'environnement financier, en particulier l'inflation et les coûts de refinancement, joue un rôle décisif dans leurs ajustements de risque. La Suisse étant une économie de petite taille (mais efficace), de tels mouvements internationaux peuvent avoir un impact significatif sur la manière dont les investissements sont réalisés. Pour les investisseurs opérant à l'échelle mondiale, l'un des grands « inconvénients » de la Suisse est que le marché est petit et très compétitif. Chez AXA IM, nous avons le luxe d'avoir une équipe locale compétente sur place, mais les autres grands investisseurs ne peuvent pas concentrer leurs volumes d'investissement sur la Suisse. Les opportunités du marché local ont souvent un trop faible volume au regard des sommes importantes investies sur la scène internationale.

Looking directly up at the skyline of the financial district in central London
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Chapitre 6

Perspectives quant au processus transactionnel : Buy Side vs. Sell Side

Une préparation minutieuse et des attentes réalistes en matière de prix sont essentielles dans les transactions - les critères ESG gagnent en importance.

6.1. Quels « obstacles » rencontrez-vous le plus souvent dans le processus de transaction du côté (i) acheteur et (ii) vendeur ?

Du côté vendeur, des attentes de prix irréalistes peuvent compliquer l'ensemble du processus et entraîner des opérations inefficaces ou des retards. Il est donc crucial d'avoir des évaluations réalistes dès le départ et de procéder à une planification stratégique précise. Tant du côté acheteur que vendeur, la préparation de la transaction constitue le plus grand défi pour éviter des surprises et des retards.

Un autre point important qui concerne également les deux parties est le choix des bons conseillers. Par exemple, un avocat spécialisé dans les transactions immobilières peut grandement simplifier le processus – contrairement à un avocat généraliste qui couvre de nombreux aspects pour la partie adverse, mais qui manque d'expérience spécifique dans le domaine des transactions.

Un aspect supplémentaire de la préparation de la transaction est la prise en compte des critères ESG. Les investisseurs du côté acheteur ont besoin de plus en plus d'informations à ce sujet pour répondre à leurs exigences croissantes. Les données ESG ou les certificats peuvent améliorer la position de marché d'un actif et le rendre plus attractifs, maximisant ainsi le prix. Chez AXA IM, nous travaillons à la fois avec des experts internes et des consultants externes sur la stratégie, l’évaluation et la mise en œuvre des critères ESG.

En résumé, une préparation minutieuse est essentielle tant du côté de l’acheteur que du vendeur. Il est préférable d'investir suffisamment de temps dans la préparation dès le départ plutôt que de devoir reporter des échéances ou d’être confrontés à des résultats de due diligence inattendus, ce qui peut avoir un impact négatif sur l'ensemble du processus.

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Chapitre 7

Stratégie de transaction, prospection et objectifs d'AXA IM

Les transactions efficaces reposent sur une planification stratégique : les opportunités de changement de zonage sont considérées comme plutôt limitées en raison de l'environnement politique local.

Exécution des transactions : défis et processus de décision

7.1. Combien de transactions avez-vous conclues ces dernières années, et quels défis avez-vous rencontrés ?

Au cours des six dernières années, nous avons réalisé chez AXA IM Suisse plus de 200 transactions pour une valeur supérieure à CHF 6,8 milliards. Chaque transaction a ses propres particularités et défis. Nous avons souvent été confrontés à des structures de transaction complexes, en particulier dans les marchés compétitifs. En résumé, plus l'environnement est compétitif, plus la structure de l’affaire devient complexe. L'un des défis a été que certaines transactions ont échouées à cause de rulings fiscaux qui ne pouvaient pas être appliqués du côté vendeur. Une bonne préparation est ainsi essentielle pour que le processus se déroule sans heurts pour les acheteurs et les vendeurs. L'expérience montre également qu'enfin de compte, les « asset deals aboutissent souvent au meilleur rapport qualité-prix.

7.2. Existe-t-il des structures de transactions que vous n'envisagez pas, et comment gérez-vous les transactions de type Sale & Lease Back ?

Nous excluons généralement les participations minoritaires, sinon nous sommes ouverts à tout. Les transactions de type Sale & Lease Back sont devenues plus rares ces derniers temps, mais pourraient regagner en importance en tant que moyen de financement alternatif. Nous les trouvons intéressantes, mais la qualité du locataire et les caractéristiques du bien (spécifiques à la zone et au bâtiment) sont bien sûr essentielles, notamment la capacité à accueillir plusieurs locataires et les possibilités de réaffectation. Souvent, les conseillers, comme des experts fiscaux, sont impliqués dans de telles transactions, en particulier pour les PME. Dans le cadre d’une transmission d’entreprise ou d’un management buy-out, il arrive par exemple que les employés n'aient pas les moyens de racheter l'ensemble de l'entreprise, y compris le bien immobilier. Nous pouvons alors proposer d’acquérir le bien et libérer des fonds pour faciliter la transmission.

7.3. Comment est structuré votre processus transactionnel et à quelle vitesse pouvez-vous prendre des décisions ?

Notre processus est conçu pour être efficace. Chaque transaction est traitée par une équipe d'experts en transactions, gestion d'actifs et développement & construction. Des comités d'investissement locaux et globaux se réunissent chaque semaine, ce qui nous permet de prendre des décisions rapidement. Si tout se déroule sans accroc et que les données sont bien préparées, une procédure accélérée nous permets de conclure une transaction en trois semaines. Nous gérons presque tout en interne (y compris notre propre département juridique et fiscal), ce qui nous confère une agilité supplémentaire. Toutes nos équipes travaillent ensemble et nous avons un plan d'affaires défini en commun pour chaque actif.

Identification d'opportunités intéressantes

7.4. Comment identifiez-vous actuellement des opportunités d'investissement prometteuses, et quel rôle jouent les réseaux, les courtiers ou les appels d'offres structurés par rapport aux années précédentes ?

Nous recevons de nombreuses opportunités, également grâce à une gestion active de notre réseau. Nos employés jouent un rôle clé dans l'entretien de contacts intersectoriels, et cela porte ses fruits. Bien que la majorité des transactions proviennent de courtiers, de consultants et d'avocats, l'engagement stratégique de nos propres employés (réseaux personnels) peut également permettre de meilleurs résultats pour certains biens. Nous avons également expérimenté des canaux de sourcing. Cependant, les vendeurs immobiliers ne constituent souvent pas encore un public très actif sur les réseaux sociaux. Le réseau personnel construit au fil des ans et notre réputation en tant que partenaire fiable et professionnel sont des facteurs clés.

Exécution des transactions : défis et processus décisionnels ; critères et défis stratégiques pour les projets de réaffectation et d'investissement

7.5. Quels critères spécifiques évaluez-vous lors de la sélection de biens pour des projets de reconversion, et comment prenez-vous en compte des facteurs tels que le potentiel de construction, le droit public (zonage) et les aspects de durabilité dans votre prise de décision ?

Notre approche se concentre moins sur des types spécifiques de biens immobiliers, mais plutôt sur la question de savoir si une affaire est globalement bien pensée ou attrayante. Nous examinons principalement ce que nous pouvons faire d'un bien et vérifions les possibilités de construction et d’utilisation. La reconversion en logements a été particulièrement réussie ces dernières années, et nous avons plusieurs projets en cours dans des villes comme Bâle, Berne et Genève. Les critères centraux sont l'emplacement et le potentiel d'un bâtiment : qu'il s'agisse d'un immeuble de bureaux, d'un hôtel ou d'un bien commercial, il doit être polyvalent. Les possibilités constructives, y compris en lien avec la zone et l’affectation sont également importantes. La matière utilisée lors de la construction de l’immeuble joue également un rôle dans la prise de décision, car nous souhaitons préserver la substance autant que possible, dans l’esprit d’une économie circulaire. Si un bâtiment est mal conçu, par exemple un immeuble logistique en béton massif sur plusieurs étages et donc difficilement convertible, nous avons davantage tendance à hésiter.

7.6. Comment évaluez-vous la possibilité d'acquérir des biens fortement amortis, de les rénover et de les valoriser, notamment en ce qui concerne les objectifs de durabilité et l'orientation stratégique ?

Cela est tout à fait envisageable, à condition que certaines conditions soient remplies. De tels biens doivent contribuer positivement à nos objectifs stratégiques à moyen ou long terme, notamment en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le rendement du capital. Par exemple, si des objectifs intermédiaires sont définis pour réduire les émissions du portefeuille d'un certain pourcentage, l'impact de chaque acquisition doit également être analysé. Si un bien ne permet pas une production de chaleur économiquement neutre en CO2 en raison d'une infrastructure manquante dans la région (par exemple, pas de raccordement prévu au réseau de chauffage à distance), cela constitue généralement un critère d'exclusion. Les exigences financières et les aspects de durabilité doivent être intégrés de manière réfléchie dans la stratégie d'investissement. De telles mesures doivent être prises en compte dans la détermination du prix et nécessitent une planification et une mise en œuvre minutieuses pour servir les objectifs globaux à long terme. Malheureusement, je ne vois pas souvent de tels biens fortement amortis sur le marché.

7.7. Comment évaluez-vous les opportunités et les défis liés aux futurs changements de zones, notamment en ce qui concerne les conditions politiques locales et les exigences supplémentaires possibles telles que le logement d’utilité publique ?

 Les opportunités de changement de zone à l'avenir sont considérées comme plutôt limitées, même si elles seraient extrêmement utiles à de nombreux endroits. Une flexibilisation des règles applicables en matière d’aménagement du territoire pourrait aider à créer plus de logements, mais cela suscite souvent de la résistance. Le plus grand risque réside dans l'environnement politique local, où des communes ou des groupes d'intérêt avancent des exigences politiques supplémentaires qui ne sont pas prévues par la loi. Je n'ai rien contre la création de logements d’utilité publique ou similaires, tant que les conditions sont claires et égales pour tous. Cependant, à mon avis, il existe souvent un certain arbitraire et beaucoup de choses sont imprévisibles pour les propriétaires. Des sujets tels que le montant de la taxe sur la plus-value lors du déclassement ou du changement de zones, la part éventuelle de logements d’utilité publique sur des terrains soumis à un plan d'aménagement, le montant des loyers pour les logements d’utilité publique, et bien d'autres facteurs influencent la décision d'investissement. Nous devons investir de manière responsable les fonds de prévoyance qui nous sont confiés et être en mesure de verser à nos assurés une pension adéquate chaque mois lors de leur retraite. Si les exigences sont trop élevées et que l'issue d'un projet de construction ne peut pas être évaluée à l'avance, aucun logement supplémentaire ne sera créé.

J'espère que nous pourrons bientôt reprendre un dialogue constructif sur la création de logements. Il serait souhaitable pour nous en tant que société de revenir à la sécurité juridique éprouvée en Suisse et ainsi garantir une meilleure prévisibilité.

Nous vous remercions pour cet entretien.


Real Estate Spotlight 2025

Le marché immobilier suisse est actuellement marqué par la baisse des taux d'intérêt et une attention croissante portée aux critères ESG. En 2025, les signes de reprise économique sont particulièrement forts dans le secteur hôtelier. Cependant, des défis critiques persistent dans l'évaluation précise des bâtiments cotés et dans la gestion des questions juridiques et fiscales complexes.

Modern glass building with impressive reflection of the blue sky in the city

Résumé

Le marché immobilier suisse est stable grâce à des fondamentaux solides, malgré les incertitudes mondiales. Les logements résidentiels sont de plus en plus attractifs, tandis que le secteur des bureaux profite de localisations stratégiques. Les stratégies d'investissement changent avec les exigences ESG, mettant l'accent sur la durabilité et la gestion des risques. Réglementations et incertitudes politiques influencent le marché, notamment pour la décarbonisation des bâtiments existants. Les investisseurs internationaux et institutionnels restent clés, tandis que l'immobilier logistique est une niche. Le marché est peu volatil grâce à un système de retraite bien capitalisé. Défis en prix et transactions nécessitent une communication claire et une stratégie définie.

Remerciements

Nous remercions Annabell Nachbaur MRICS et Marc Fischer pour leurs précieuses contributions à cet article.


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