Les modèles d'exploitation hôtelière constituent le cadre structurel dans lequel les hôtels sont exploités et définissent les relations entre propriétaires, exploitants et autres parties prenantes. Ces modèles sont au cœur de l'industrie hôtelière, car ils ont un impact significatif sur l'efficacité, la rentabilité et la compétitivité des opérations hôtelières. Au cours des dernières décennies, les modèles d'exploitation ont évolué pour répondre aux demandes changeantes du marché et aux préférences des consommateurs. Les modèles traditionnels ont été reconsidérés et des approches innovantes, telles que les modèles hybrides, ont été développées pour répondre aux exigences dynamiques du marché.
Contrat de bail fixe
Dans le modèle de bail fixe (bail traditionnel ou bail à ferme), les propriétaires louent la propriété sur le long terme (généralement sur 20 ans) à un locataire/fermier qui exploite l'hôtel. Par le biais de ce contrat, le propriétaire transfère donc le droit d'usage du bien au locataire/fermier qui s’oblige essentiellement à verser régulièrement des loyers. Ce modèle garantit des flux de trésorerie stables sous la forme de loyers ou de redevances, indépendamment des performances opérationnelles de l'hôtel. De plus, il ne requiert que peu de connaissances du secteur pour le propriétaire. Une augmentation de la valeur du bien immobilier grâce à des revenus locatifs garantis à long terme est probable, tandis que les risques immédiats restent limités en contrepartie d'un rendement plus faible. Les investissements en FF&E (Furniture, Fixtures & Equipment) sont généralement à la charge de l'exploitant. Selon les dispositions légales applicables en Suisse, le propriétaire reste responsable de l’entretien et des réparations du bien immobilier, en fonction de la qualification du contrat (contrat de bail traditionnel ou bail à ferme). Afin d'éviter les discussions sur la nature et l'étendue de cette obligation, il est conseillé de définir explicitement et précisément l'étendue de l'obligation d'entretien du locataire/fermier avant de conclure le contrat.
D'un point de vue juridique, ce modèle « classique » présente l'avantage d’une réglementation clairement définie et étayée par la jurisprudence, de sorte que les risques potentiels sont généralement prévisibles. Chaque partie dispose également de droits (notamment de résiliation) en cas de violation du contrat, ce qui offre une sécurité accrue pour les deux parties.
Bail hybride/variable
En raison des fermetures ordonnées par les autorités et de la paralysie du tourisme international, l'industrie hôtelière a été particulièrement touchée par la pandémie liée au COVID-19. De nombreux exploitants ayant conclu un bail fixe ont vu leur chiffre d'affaires diminuer rapidement, tandis qu'ils devaient continuer à payer des loyers fixes élevés. Alors que certains hôtels ont été contraints de cesser leurs activités, d'autres ont pu, d’entente avec leurs bailleurs, transformer leurs baux fixes en modèles hybrides plus flexibles. Ces baux hybrides, qui avaient déjà pris de l'ampleur avant la pandémie, combinent un loyer de base fixe - souvent un loyer minimum - et une composante de loyer variable liée à la performance. Ce loyer variable représente généralement un pourcentage des revenus dépassant un montant minimum fixé.
Dans le cadre de cet arrangement contractuel, les propriétaires partagent le risque opérationnel et le bénéfice d'exploitation avec les exploitants hôteliers, tout en réduisant leur risque en fixant un loyer minimum, lequel est généralement inférieur à celui d'un contrat de bail traditionnel. En cas de développement commercial réussi, le potentiel de rendement du bien s’avérera plus élevé que dans le cadre d'un contrat de bail fixe. Nous constatons que les hôteliers ayant pu renégocier leurs contrats pendant la pandémie bénéficient aujourd'hui souvent d'une forte performance opérationnelle, optimisant ainsi le rendement pour le propriétaire.
Une prudence particulière s'impose toutefois lors de la négociation des clauses de calcul de la part de loyer variable. Les désaccords sur les modèles de partage des revenus, les principes comptables et les rapports financiers peuvent entraîner des conflits, surtout si les performances opérationnelles ne répondent pas aux attentes. Simultanément, la divulgation de ces informations peut s'avérer délicate pour le locataire qui souhaite préserver la confidentialité de certaines données opérationnelles ou financières sensibles. Par conséquent, le bail doit prévoir des règles claires sur le calcul, la divulgation et la composition du chiffre d'affaires, y compris le niveau de transparence des transactions financières, afin d'éviter les litiges.
Contrat de gestion hôtelière (CGH)
Dans un contrat de gestion hôtelière (CGH), aussi appelé Hotel Management Agreement, le propriétaire (ou le locataire) confie la gestion de l'hôtel à un exploitant externe et le rémunère en lui versant une part des recettes. La rémunération se compose typiquement d'une commission de base (basic fee) de 2 à 4% du chiffre d'affaires de l'hôtel, d'une commission d'incitation (incentive fee) de 8 à 15% du résultat brut et d'une commission de marketing (marketing fee) de 1 à 2% du chiffre d'affaires.
L'exploitant prend en charge l'ensemble de la gestion de l’établissement, le contrat définissant, outre la rémunération, les normes d'exploitation, les stratégies de marketing et les objectifs financiers de l'hôtel. Une garantie de résultat minimum à charge de l’exploitant est souvent convenue, afin de minimiser le risque pour le propriétaire. Alors que l'exploitant est responsable de la gestion courante, y compris la gestion des ressources humaines, la comptabilité, le marketing et le service à la clientèle, le propriétaire demeure responsable de l'entretien de l'immeuble et du financement de l'exploitation. Les investissements en mobilier, installations et aménagements (FF&E) sont à la charge du propriétaire, respectivement du locataire, en fonction des termes du contrat.
Cette structure permet aux propriétaires d'hôtels de bénéficier de l'expertise de l'exploitant tout en gardant le contrôle de l'établissement. Cependant, une coopération étroite et un suivi régulier de l'exploitation par le propriétaire sont nécessaires, car une gestion peu optimale pourrait affecter la valeur de l’immeuble sur le long terme. Les différends concernant l'atteinte de ldu niveau de performance attendue peuvent également donner lieu à des discussions complexes. Contrairement aux deux modèles précédents, un CGH n'est pas un contrat expressément régi par le Code suisse des obligations, mais un contrat innommé qui contient notamment des éléments du mandat. Par conséquent, un soin particulier doit être apporté à la réglementation des droits et obligations de chaque partie et des conséquences d'éventuels manquements, afin d'éviter des difficultés en lien avec l'exécution ou la résiliation du contrat.
Contrat de franchise
Dans un contrat de franchise hôtelière, le propriétaire de l'hôtel (le franchisé) acquiert le droit d'utiliser une marque établie et son concept commercial dans le cadre de l’exploitation de son hôtel. En vertu de cet accord, le franchisé paie généralement d’une part une redevance unique et d’autre part des redevances continues, qui sont souvent calculées en pourcentage des ventes.
Le donneur de franchise fournit au franchisé un soutien complet, y compris des formations, des stratégies marketing, des normes opérationnelles, un accès aux bonnes pratiques et aux recommandations liées à la marque. Cela permet au franchisé de bénéficier de la notoriété et de la réputation de la marque, tout en ayant la flexibilité de gérer l'hôtel dans le respect de critères prédéfinis Le franchisé reste responsable de la gestion quotidienne de l'hôtel, y compris la gestion des ressources humaines, la comptabilité et le service à la clientèle, tandis que le donneur de franchise supervise l’utilisation de la marque et le concept global.
Il est important de noter que non seulement le propriétaire, mais aussi le locataire ou l'exploitant ont la possibilité de conclure un contrat de franchise pour exploiter l'hôtel sous une marque donnée (voir Opérateurs en marque blanche ou White Label Operators). Dans ce cas, il faut d'abord s'assurer que le contrat de base ne contient aucune restriction à cet égard, respectivement n’interdit pas un changement de concept ou de marque pour le complexe hôtelier. De plus, les questions contractuelles liées à l'utilisation de la marque, de l'image de marque et de la propriété intellectuelle doivent être soigneusement négociées à l'avance, notamment en ce qui concerne les conséquences de la fin du contrat, car le « rebranding » d'un hôtel implique souvent des coûts importants.
Opérateurs en marque blanche (White Label Operators)
Les opérateurs en marque blanche ou White Label Operators (WLO) sont devenus de plus en plus importants ces dernières années. Cette évolution est due à la demande croissante de modèles d'exploitation flexibles, ainsi qu'à la nécessité d'optimiser les coûts d'exploitation et d'augmenter la rentabilité dans un marché concurrentiel, tout en minimisant les risques. Les opérateurs en marque blanche agissent en tant qu'opérateurs indépendants (sur le modèle CGH ou en tant que locataires/fermiers classiques) et gèrent des hôtels pour le compte de propriétaires ou de locataires sans utiliser leur propre marque. Ils utilisent plutôt la marque existante ou celle d'un donneur de franchise pour offrir des services complets et des solutions de gestion.
Les contrats White Label se caractérisent par un alignement étroit avec les objectifs des propriétaires. Lors du choix d'une soft brand, la flexibilité est généralement plus élevée qu'avec une hard brand. De plus, le modèle permet d'accéder à des marques internationales - qui souvent ne signent pas de bail elles-mêmes - via un tiers agissant en tant que locataire exploitant. Les marques hôtelières investissent de plus en plus dans de tels arrangements et, dans certains cas, offrent des avantages tels que des contrats flexibles et une participation dans l'entreprise pour une période déterminée. Par rapport aux contrats de gestion traditionnels avec des marques internationales, qui ont des durées allant jusqu'à 20 ans, les contrats White Label sont souvent conclus pour 5 à 10 ans et incluent des clauses de résiliation favorables au propriétaire. Cela facilite le changement d'opérateur en cas de vente de l’immeuble et ouvre un plus large vivier d'investisseurs potentiels, ce qui augmente l'attractivité du bien dans une transaction. Dans le cas d'un opérateur en marque blanche qui s’engage dans le cadre d’un contrat de bail fixe, la durée du contrat de bail et de franchise sont en principe liées.
À notre avis, le principal avantage de la diversification des modèles d’exploitation hôtelière réside dans la répartition des risques au sein d'un marché potentiellement en évolution rapide. Du point de vue de l’investisseur, cela implique cependant de gérer plusieurs types de contrats différents, dont les droits et obligations peuvent varier considérablement d'une entreprise à l'autre, et nécessite donc davantage de ressources internes.