Vue aérienne d'un échangeur autoroutier animé entouré de verdure et de bâtiments.

Actualité IFRS : incidences comptables des incertitudes macroéconomiques et comment se préparer à IFRS 18

Les multiples revirements de la politique douanière américaine depuis l'investiture du président Trump ont déclenché des incertitudes macroéonomiques majeures susceptibles de perturber significativement la demande, les chaînes d’approvisionnement ou les taux de change, d’inflation et d’intérêts à court, moyen et long terme. Les prochains comptes doivent s'efforcer de traduire au mieux ces incertitudes par une information transparente à la hauteur des enjeux. D'autre part, l'application rétrospective d'IFRS 18 à compter de 2027 va conduire à un changement majeur en matière de présentation des états financiers et des informations en annexe qui exige une préparation méthodique.


En résumé :

  • Effets des incertitudes macroéconomiques
  • Impacts comptables potentiels
  • IFRS 18 : un changement majeur pour la préparation des états financiers
  • Principes généraux
  • Classement des produits et charges et sous-totaux au compte de résultat
  • Présentation par nature ou par fonction du compte de résultat
  • Management-defined Performance Measures
  • Préparer la première application d’IFRS 18

Pour aller plus loin

RDV EY – clôture semestrielle au 30 juin 2025

A l’occasion de ce cycle de webcasts, nos experts EY vous proposent un éclairage des points majeurs de l’actualité comptable, réglementaire et fiscale pour vous permettre de mieux appréhender la préparation des comptes.

    Effets des incertitudes macroéconomiques

    L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a ouvert une période d’incertitudes pour l'économie mondiale déclenchée par la succession d’annonces en matière de droits de douane par les Etats-Unis et de leurs principaux partenaires parfois aussitôt suspendues et/ou modifiées. Ces annonces créent des incertitudes qui portent aussi bien sur le niveau des tarifs que sur la durée de leur application, l’existence de possibles exemptions ou exclusions, et sont susceptibles de perturber significativement la demande, les chaînes d’approvisionnement ou les taux de change, d’inflation et d’intérêts à court, moyen et long terme.
     

    D’ores et déjà, leurs effets sont observables sur le comportement des consommateurs, le commerce mondial ou les décisions stratégiques d’investissement.
     

    Selon certaines analyses macro-économiques, ces incertitudes pourraient amputer la croissance des deux prochaines années de plus de 1% aux Etats-Unis et de 0,5% dans le monde. Pour chaque entreprise, la sévérité des conséquences dépend de son modèle d’affaires et de l’organisation de ses flux logistiques.
     

    Evaluer les impacts sur l’activité future, et en conséquence ceux sur les comptes est un exercice complexe qui doit s’appuyer sur l’ensemble des informations disponibles en interne et des informations externes afin d’élaborer des hypothèses raisonnables et justifiables conduisant à la meilleure estimation, ni pessimiste ni optimiste, des effets attendus.
     

    Lorsque les utilisateurs des états financiers peuvent raisonnablement s’attendre à ce que les activités d’une entreprise soient affectées compte tenu du secteur dans lequel elle opère, de son modèle économique ou de ses communications publiques, et même si aucune dépréciation d’actifs ou aucun passif n’ont encore été comptabilisés, l’annexe des comptes doit inclure toute information nécessaire à la compréhension des enjeux pour l’entreprise, y compris dans des comptes intermédiaires. Ces informations peuvent inclure par exemple :

    • La sensibilité de la valeur comptable des actifs immobilisés susceptible d’être affectée par une variation raisonnablement possible d’hypothèses clés, en notant que, de telles variations pourraient être selon le contexte significativement plus importantes que celles considérées précédemment ;
    • La répartition géographique du chiffre d’affaires et des actifs immobilisés ;
    • Les informations relatives à l’existence et à la gestion des risques de crédit, de change, de taux d’intérêt, de liquidité et des autres risques de marché ; ou
    • Toute autre information supplémentaire nécessaire, en application d’IAS 1.
       

    Soulignons qu’une décision de sanction de l’AMF de juillet 2024 souligne l’importance en période d’incertitudes de veiller tout particulièrement à la cohérence des informations fournies au public (au sein des comptes ou, plus généralement, dans la communication financière) avec les informations disponibles en interne et au respect des obligations en matière de communication immédiate d’informations privilégiées en application du règlement UE Abus de Marché.

    IFRS 18 : un changement majeur pour la préparation des états financiers

    L’IASB a publié en avril 2024 la norme IFRS 18 Presentation and Disclosure in Financial Statements. Cette norme abroge la norme IAS 1 Presentation of financial statements.

    IFRS 18 vise à renforcer l’utilité des informations présentées par les entreprises dans leurs états financiers en réponse à une demande forte des utilisateurs. Il s’agit du changement normatif le plus important apporté à la présentation des états financiers depuis plus de 20 ans.

    La norme entre en vigueur rétrospectivement à compter des exercices ouverts à partir du 1er janvier 2027. Elle emportera un retraitement de toutes les périodes comparatives présentées. Une application anticipée est autorisée (sous réserve de l’homologation de la norme par l’Union européenne attendue d’ici fin 2025).

    IFRS 18 amende également :

    • La présentation du tableau des flux de trésorerie (« TFT ») selon IAS 7, en imposant notamment de prendre le résultat d’exploitation comme point de départ de la présentation des flux d’exploitation ; et
    • Les dispositions concernant la présentation de résultats par action autres que ceux calculés conformément aux dispositions d’IAS 33 en imposant des restrictions concernant les agrégats pouvant être utilisés au numérateur de ces mesures.

    Principes généraux

    La norme introduit deux grands principes dans la préparation des états financiers :

    • Rôle respectif des états de synthèse et des notes de l’annexe : les états de synthèse (en particulier le compte de résultat et bilan) doivent fournir au lecteur des états financiers un « executive summary » (la norme parle d’un « résumé structuré utile ») tandis que les notes annexes fournissent toute information pertinente pour comprendre les différents postes des états de synthèse. En conséquence, un poste ou un sous-total ne doit être présenté dans un état de synthèse qu’à la condition que cela soit nécessaire à la fourniture d’une vision d’ensemble résumée. Au cas particulier du compte de résultat par exemple, la mise en œuvre de ces principes doit par exemple s’attacher à communiquer d’emblée une information sur les principaux leviers de performance du groupe (par exemple, le coût des ventes ou les frais de R&D, cf. §B80 d’IFRS 18) et qui permette la comparaison avec ses pairs en France et à l’étranger.
    • Agrégation et désagrégation de l’information (voir en particulier les §B16 à B23 d’IFRS 18). Ces principes ont été introduits dans la norme en réponse à une granularité jugée insuffisante des informations présentées dans les états financiers (comme l’agrégation de montants matériels dans des postes « autres » nuisant à la lisibilité des états de synthèse et des annexes).

      Ces principes imposent généralement de :
      • Classer et regrouper les éléments en fonction de caractéristiques communes (et, a contrario, de ne pas regrouper les éléments qui ne partagent pas de caractéristique commune autre que celle d’être un actif, un passif, une charge ou un produit) ;
      • Ne pas obscurcir l’information pertinente ou en réduire la lisibilité par des agrégations (ou désagrégations) inappropriées ; et
      • Déterminer où un élément d’information doit être présenté dans les états financiers en tenant compte des rôles respectifs des états financiers primaires et des notes de l’annexe (cf. supra).

    Ces principes concernant la granularité des informations fournies s’accompagnent de dispositions relatives aux libellés des postes et sous-totaux qui doivent représenter le plus fidèlement possible les caractéristiques des éléments qu’ils contiennent (voir en particulier les §B24 à B26 d’IFRS 18).

    La chasse aux « autres »

    A titre d’exemple, IFRS 18 interdit de regrouper des éléments de nature dissimilaire au sein d’un même poste des états de synthèse ou des annexes et restreint l’utilisation d’un libellé « autres » aux seuls cas où il est impossible de retenir un libellé plus clair et sous réserve d’en expliciter le contenu.

    Classement des produits et charges et sous-totaux au compte de résultat

    IFRS 18 impose désormais aux entreprises de :

    • Classer les produits et les charges dans 3 nouvelles catégories : exploitation, investissement et financement, auxquelles s’ajoutent les lignes impôts sur le résultat et résultat des activités non-poursuivies (IFRS 5). La définition limitative des produits et charges classés dans les catégories investissement et financement conduira dans la plupart des cas à des modifications des niveaux de résultats intermédiaires présentés actuellement, notamment en ce qui concerne le résultat financier, le résultat d’exploitation devenant le classement par défaut.

    Ce serait trop simple…

    Malgré leurs dénominations identiques, les définitions des catégories exploitation, investissement et financement pour le classement des charges et produits sont différentes des définitions retenues par la norme IAS 7 pour la présentation du TFT. Par exemple, les produits de cession d’actifs immobilisés présentés dans la catégorie exploitation au compte de résultat continueront à être présentés lors de leur encaissement dans la catégorie investissement du TFT.

    • Présenter obligatoirement deux sous-totaux : le résultat d’exploitation (« operating profit ») et résultat avant le résultat financier et l’impôt sur les résultats (« profit before financing and income taxes »).

    Dans le cas général, les produits et charges présentés dans la catégorie investissement sont ceux liés :

    • Aux participations dans les coentreprises et les entreprises associées comptabilisées selon la méthode de la mise en équivalence ;
    • À la trésorerie ou aux équivalents de trésorerie ; et
    • Aux actifs qui génèrent un rendement de façon individuelle et largement indépendante des autres ressources de l’entreprise (e.g. des placements dans des instruments de capitaux propres ou des immeubles de placement).

    Les produits et charges présentés dans la catégorie financement sont ceux liés :

    • Aux passifs résultant de transactions ayant uniquement trait à l’obtention de financements (paragraphe 59(a) d’IFRS 18) ; et
    • Aux autres passifs lorsqu’il s’agit des (paragraphe 59(b) d’IFRS 18) : 
      • Produits et charges d’intérêts identifiés par application des normes IFRS (e.g. : charge d’intérêt sur un passif locatif IFRS 16) ;
      • Produits et charges liés aux variations des taux d’intérêt identifiées par application des normes IFRS (e.g. charge de désactualisation des provisions).

    IFRS 18 inclut également des dispositions spécifiques régissant le classement des écarts de change (voir en particulier les §B65 à B70 d’IFRS 18), des gains ou pertes sur instruments dérivés (voir en particulier les §B70 à B76 d’IFRS 18). Les dispositions d’IFRS 18 pourraient conduire à reclasser en exploitation des charges ou produits auparavant classés en résultat financier comme par exemple les écarts de change sur des dettes ou créances commerciales ou les variations de juste valeur des dérivés exclus d’une relation de couverture portant sur des achats ou des ventes.

    La fin de l’EBITDA ?

    Le résultat d'exploitation tel que présenté en application d’IFRS 18 pourrait être significativement différent du résultat d’exploitation tel qu’il est présenté actuellement, principalement du fait du reclassement en résultat d’exploitation de produits et charges présentés aujourd’hui en résultat financier (e.g. des gains et pertes de change) et, à l’inverse, du reclassement dans la catégorie investissement de certains produits en charges (e.g. tous les produits et charges liés aux entités mises en équivalence). Pour cette raison, il ne sera plus possible, sauf exception, de présenter un sous-total comme l’EBITDA au compte de résultat. Si une mesure d’EBITDA ajusté continuait à être utilisée dans la communication financière, elle constituerait une « Management-defined Performance Measure » (« MPM ») soumise aux nouvelles obligations d’informations à fournir en annexe (voir infra).

    Présentation par nature ou par fonction du compte de résultat

    IFRS 18 impose de déterminer parmi les différentes présentations des charges d’exploitation possibles (par nature, par fonction ou selon un modèle mixte) la présentation la plus pertinente pour mettre en évidence les principaux leviers de performance de l'entreprise. 

    Pour les entreprises qui présenteraient tout ou partie de leurs charges d'exploitation par fonction, la norme impose de :

    • Présenter séparément dans une note unique de l’annexe les montants suivants par nature :
      • Dotations aux amortissements des immobilisations corporelles
      • Dotations aux amortissements des immobilisations incorporelles
      • Dépréciations (et leur reprise le cas échéant) comptabilisées en application d’IAS 36,
      • Dépréciations de stocks (et leur reprise) et
      • Charges de personnel IAS 19 Employee benefits et IFRS 2 ;
    • Mentionner le montant inclus dans chaque poste présenté dans la catégorie operating du compte de résultat pour chacun de ces montants présentés séparément.

    Les montants à présenter ne sont pas nécessairement ceux comptabilisés en charges de la période et peuvent inclure des montants capitalisés dans le coût d’un actif, sous réserve de l'expliquer. 

    Management-defined Performance Measures (MPM)

    IFRS 18 impose de dédier une note de l’annexe pour expliquer les indicateurs alternatifs de performance lorsqu’ils correspondent à un sous-total de produits et de charges :

    • Utilisé par l’entreprise dans ses communications publiques en dehors des états financiers (e.g. rapport de gestion, communiqués de presse ou présentations aux analystes) ;
    • Pour communiquer le point de vue de la direction relatif à un aspect de la performance financière de l’entreprise appréciée dans son ensemble ; et
    • Qui ne fait pas partie de la liste limitative de sous-totaux figurant au paragraphe 118 de la norme, ou imposés par une autre norme IFRS.

    La dénomination de ces MPM doit refléter aussi fidèlement que possible leur composition et éviter tout risque de confusion si leur calcul tient compte d’ajustements spécifiques.

    Un indicateur de performance qui ne constitue pas un sous-total de produits et de charges (e.g. une mesure liée au bilan ou au tableau des flux de trésorerie comme la dette nette ou le free cashflow) ne répond pas à cette définition.

    La norme introduit une présomption qu’un sous-total de produits et de charges utilisé dans les communications publiques en dehors des états financiers constitue un MPM.

    MPM : quelles informations fournir ?

    Au sein d’une note dédiée en annexe, et pour chaque MPM, l’entreprise doit :

    • Définir et décrire le MPM de façon à donner une image fidèle de ses caractéristiques (le sens des termes utilisés peut notamment devoir être intégré dans cette description),
    • Justifier l’utilisation du MPM,
    • Expliquer son mode de calcul, et
    • Réconcilier le MPM avec l’agrégat des états financiers le plus directement comparable, en (i) décrivant chaque élément en réconciliation, (ii) détaillant l’effet fiscal et l’effet sur le résultat des intérêts minoritaires de chaque élément en réconciliation et (iii) décrivant les modalités de calcul de l’effet fiscal.

    Ces informations doivent également être fournies dans des comptes intermédiaires résumés.

    Préparer la première application d’IFRS 18

    La préparation de la première application de la norme nécessite la mise en place d’un projet structuré d’analyse de la présentation de l’ensemble des états financiers de synthèse (sans se limiter, donc, au compte de résultat et au TFT) et de préparation des notes annexes, appuyé par des analyses techniques spécifiques au cas particulier de chaque groupe sur la mise en œuvre des nouveaux exigences introduites par IFRS 18 particulièrement en matière de :

    • Résumé structuré utile et
    • Agrégation/désagrégation et libellé de l’information.

    L’application d’IFRS 18 va en effet bien au-delà d’un simple exercice de reformatage du compte de résultat et du tableau des flux de trésorerie et d’introduction d’une note dédiée de l’annexe consacrée à certains indicateurs non-GAAP (les MPM).

    En outre, elle peut nécessiter des ajustements des systèmes d’information (e.g. présentation des écarts de change).

    Compte tenu de l’application rétrospective de la norme, ces projets doivent être initiés sans tarder.

    Exemples de chantiers IFRS :18

    La projet d'IFRS 18 nécessite une analyse d'ensemble qui doit notamment conduire les entreprises à :

    • Se réinterroger sur la présentation de leurs charges d’exploitation (présentation par nature, fonction ou mixte),
    • Vérifier la pertinence des agrégations opérées dans les états de synthèse, y compris au bilan avec une attention particulière sur les postes « autres »,
    • Vérifier la qualité des libellés retenus pour les postes et sous-totaux des états de synthèse,
    • Exclure des états de synthèses les postes qui ne sont pas comptabilisés et/ou évalués conformément aux normes IFRS.

    Le chantier doit également inclure une réflexion sur le lien entre la communication financière et les comptes.

    Pour aller plus loin

    RDV EY – Spécial Nouvelle norme IFRS 18

    Nos experts EY vous proposent un éclairage des points majeurs de l’actualité comptable, réglementaire et fiscale. Regardez le webcast.

      Il ne doit pas être présumé que les pratiques actuelles pourront toutes être poursuivies inchangées une fois IFRS 18 entrée en vigueur. La première application de la norme doit également conduire à un réexamen critique de certaines pratiques e.g. :

      • La compensation de charges et produits, e.g. « autres produits et charges opérationnels » ;
      • La description de certains postes de charges comme «non-récurrents» alors qu’ils incluent des charges fréquemment encourues par les entreprises (e.g. des frais d’acquisition liés à des prises de contrôle pour une entreprise procédant régulièrement à des acquisitions, cf. Recommandations AMF 2024), les charges relatives à des paiements fondés sur des actions - stock-options, actions gratuites, augmentations de capital réservées aux salariés - qui sont comptabilisés sur une période pluriannuelle d’acquisition des droits et/ou reconduits chaque exercice), et la présentation d’un sous-total avant ces charges ;
      • La dénomination de certains éléments (e.g. désigner comme des « coûts de restructuration » des coûts encourus dans le cadre d’opérations ne modifiant pas de manière significative les activités ou la manière dont elles sont conduites à l’échelle du groupe). Ces questions trouveront également à s’appliquer aux MPM.

      Des changements importants sont également attendus s’agissant de la présentation et des informations à fournir au titre de la performance financière :

      • Le renforcement des informations fournies sur le « coût des ventes » lorsqu’une entreprise présente son compte de résultat par fonction. IFRS 18 clarifie que ce poste doit contenir a minima les montants comptabilisés dans le coût des stocks selon IAS 2. 
      • La disparition du résultat financier tel qu’il est présenté actuellement.
      • Les écarts de change et des gains ou pertes sur instruments dérivés faisant l’objet de dispositions spécifiques, une entreprise pourra devoir classer tout ou partie des produits et charges y afférents au sein du résultat d’exploitation.
      • La disparition de la plupart des postes avec les libellés « autres » ou des postes compensant des produits et des charges sans fondement normatif.