Qu’elles concernent le secteur public ou privé, les fusions répondent autant à des enjeux stratégiques qu’à la recherche d’efficacité opérationnelle.
Il existe de très nombreuses raisons pouvant conduire à la fusion de deux entités et bien souvent des motivations sous-jacentes parfois peu explicites. Les motivations sont différentes entre le secteur public et le secteur privé : ainsi, le choix de fusionner deux entités sera lié à une recherche de compétitivité dans le secteur privé alors que dans le secteur public, il s’agira de répondre à une priorité ou un objectif politique.
En premier lieu, la fusion est une réponse à des enjeux stratégiques dans le privé et le public
Dans le secteur privé, la fusion vise généralement à consolider ou à accélérer un positionnement stratégique. Elle peut viser à se repositionner ou à renforcer sa présence sur un marché, tout en soutenant une croissance ciblée sur un ou plusieurs segments. Dans une logique d’amélioration de la compétitivité, la fusion répond à des enjeux variés : acquisition de nouvelles compétences, intégration de technologies innovantes, expansion géographique, diversification de l’offre, renforcement du portefeuille client ou encore exploitation d’opportunités de ventes croisées (cross-selling).
Par exemple, en 2021, la création de Stellantis, leader mondial des solutions de mobilité durable et innovante, issue de la fusion entre le Groupe PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA), a permis d’élargir leur présence géographique (FCA en Amérique et PSA en Europe), de diversifier leurs marques et d’accélérer l’électrification de leurs véhicules grâce à des capacités de R&D renforcées.
Dans le secteur public, la fusion est souvent justifiée par l’évolution des objectifs et des priorités politiques. Elle peut permettre d’atteindre une taille critique, de mutualiser des expertises, de simplifier des démarches pour l’usager ou encore de renforcer la présence ou la cohérence d’un territoire.
Plusieurs exemples récents illustrent ces perspectives à l’instar de la création en 2020 de l’Office français de la biodiversité (OFB), fruit de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cette fusion a visé à « accélérer la lutte pour la préservation du vivant et renforcer les actions en faveur de la biodiversité »3. Un autre exemple intéressant est la création en 2022 de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) issue de la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) qui avait pour ambition de consolider et de renforcer la régulation des médias et du numérique : « loin d’être une simple juxtaposition de compétences, l’ARCOM […] incarnera ainsi le nouveau modèle de la régulation audiovisuelle et numérique.4 »
En complément, la fusion permet aussi de répondre à des enjeux d’efficacité opérationnelle dans le privé et le public
Dans le secteur privé, les fusions offrent aux entreprises l’opportunité de rationaliser leurs opérations, en réduisant les inefficacités et en améliorant leur performance globale. Par exemple, dans les domaines des achats et de la supply chain, elles permettent de négocier de meilleures conditions financières, d’optimiser la gestion des stocks et de renforcer les réseaux logistiques. De plus, la mutualisation des ressources humaines issues des deux entités favorise une meilleure valorisation des talents, en exploitant des compétences complémentaires et en simplifiant les structures pour gagner en efficacité. Enfin, l’intégration des systèmes d’information et des technologies numériques joue un rôle clé, en réduisant les coûts et en optimisant les processus opérationnels, aussi bien au niveau des fonctions front-office que back-office.
Plusieurs exemples illustrent les enjeux d’efficacité recherchés par les entreprises lors des fusions et acquisitions. Par exemple, la fusion d’Essilor et Luxottica en 2018 visait à réaliser jusqu’à 300 millions d’euros de synergies de coûts annuelles5, notamment grâce à l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement, des économies sur les frais généraux et administratifs, ainsi qu’à une gestion intégrée des achats pour améliorer l’efficacité des approvisionnements. De même, l’acquisition de Bombardier Transportation par Alstom en 2021 ambitionnait des synergies annuelles de 400 millions d’euros d’ici 20256, notamment via des économies d’échelle : rationalisation des processus d’achat, optimisation de l’empreinte industrielle mondiale et mutualisation des efforts en R&D pour accélérer l’innovation technologique.
Dans le secteur public, les fusions d’organismes sont aussi souvent motivées par la recherche d’une meilleure efficience dans l’exécution des politiques publiques. La mutualisation des coûts permet de réduire le poids des dépenses de fonctionnement tout en optimisant l’utilisation des ressources. La consolidation des budgets et la mutualisation des ressources humaines peut également simplifier et rendre l’organisation plus cohérente. Par ailleurs, le rapprochement de dispositifs destinés à des publics similaires permet de simplifier les démarches pour les usagers et d’offrir un service plus harmonisé, dans une logique de guichet unique. Cette approche s’applique tant aux fonctions support, comme les systèmes d’information, qu’au front office, tel que l’accueil ou l’information, où la mutualisation limite les doublons et fluidifie le parcours des usagers.
Les exemples de fusions dans le secteur public sont nombreux. En 2008, la création de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), issue du regroupement de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique, bien qu’elle ne concerne pas un opérateur public, s’inscrit dans la même logique. Elle visait non seulement à améliorer le service rendu aux usagers, mais aussi à « réaliser des économies grâce notamment à la suppression des doublons sur les fonctions supports7. » En 2010, la création de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) illustre une démarche similaire en regroupant les compétences et moyens de deux agences8 « au service d’une lecture plus globale et transversale des questions sanitaires9. » Enfin, plus récemment la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) constitue un autre exemple emblématique avec le regroupement de plusieurs services de l’État pour « améliorer la coordination de l’action de l’Etat et de ses établissements publics nationaux au profit des collectivités territoriales. » […] « en regroupant tout ou partie de leurs missions10. »