Randonneurs escaladant au coucher du soleil.

La fusion d’opérateurs, un accélérateur de la transformation publique

Les fusions d'opérateurs publics, malgré leurs défis, peuvent transformer les services aux usagers et optimiser l'efficience. Mais, comment ?

La rationalisation du paysage des opérateurs publics actuellement à l’œuvre pourrait se traduire par la fusion de nombreuses entités.

Le paysage des opérateurs publics s’inscrit depuis 15 ans dans une dynamique de rationalisation de leur nombre, à l’inverse de leurs crédits qui ont significativement augmenté

D’après le jaune budgétaire1, annexe au projet de Loi de finance, on compte aujourd’hui 438 opérateurs de l’Etat versus 649 en 2008, ce qui représente d’une réduction d’un tiers par rapport à 2008, et de 9% par rapport à 2020 avec un périmètre stable depuis 2023.

Ces opérateurs représentent 408 281 emplois sous plafond (ETPT) et bénéficient de financements publics à hauteur de 81 milliards d’euros, en augmentation de plus de 60 % en six ans. En 2019, les financements alloués aux opérateurs s’élevaient à 50,56 milliards d’euros.

Plusieurs réformes récentes ont ainsi fait évoluer le paysage des opérateurs publics à l’instar de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions qui a abouti à la création de nouvelles régions, engendrant par exemple la fusion de plusieurs agences régionales de santé (passant ainsi de 23 à 17) ou encore, récemment, la loi du 21 mai 2024 prévoyant la fusion au 1er janvier 2025 des activités de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Le périmètre des opérateurs publics est relativement flou, diversifié et complexe

Le périmètre des opérateurs est à la fois flou et complexe car la LOLF n’en propose pas de définition claire. Il englobe une grande diversité d’entités, qui se distinguent par leur taille, leur statut juridique, leurs sources de subventions publiques ainsi que leur importance relative, et par la variété de leurs missions. Les opérateurs de l’État interviennent dans un champ d’exécution qui couvre l’ensemble des politiques publiques relevant des domaines d’action de l’État.

On retrouve toutefois quelques typologies dominantes :

  • Statut juridique : 50,7 % des entités ont un statut d’EPE (établissement public administratif) et 32,9 % un statut d’EPST (établissement public à caractère scientifique et technologique), traduisant le nombre d’établissements d’enseignement supérieur.
  • Taille : une grande hétérogénéité, avec des effectifs allant de 5 à plus de 49 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT). À noter : 34 % des opérateurs comptent entre 9 et 249 ETPT.
  • Subventions publiques : Universités et assimilés concentrent 35 % des subventions publiques (12,3 milliards d’euros dans le PLF 2024 SCSP) et au total le top 5 des opérateurs ou catégories d’opérateurs représentent 58 %, 20,5 milliards d’euros en crédits de paiements dans le PLF 2024, soit 58 % des crédits de SCSP.
  • Politiques publiques : plus de 50 % de opérateurs mettent en œuvre une politique publique dans le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur (universités, écoles mais aussi instituts de recherche).
Dans la continuité du mouvement, la fusion d’opérateurs pourrait être un levier pour l’exécutif pour accélérer la rationalisation du paysage public

Dans un contexte budgétaire complexe, aucun levier susceptible de contribuer à la soutenabilité de la trajectoire budgétaire de la France ne peut être écarté. C’est pourquoi la question de la restructuration du paysage des opérateurs publics devrait figurer dans la feuille de route du nouveau Gouvernement, suivant l’exemple du Gouvernement Barnier, qui, le 1er octobre 2024, avait annoncé l’objectif de « fusion de 10 % des opérateurs publics ». Parmi les premières pistes évoquées figuraient le rapprochement de Business France et Atout France ou encore celui de France Stratégie avec le Haut-Commissariat au Plan.

Qu’elles concernent le secteur public ou privé, les fusions répondent autant à des enjeux stratégiques qu’à la recherche d’efficacité opérationnelle.

Il existe de très nombreuses raisons pouvant conduire à la fusion de deux entités et bien souvent des motivations sous-jacentes parfois peu explicites. Les motivations sont différentes entre le secteur public et le secteur privé : ainsi, le choix de fusionner deux entités sera lié à une recherche de compétitivité dans le secteur privé alors que dans le secteur public, il s’agira de répondre à une priorité ou un objectif politique.

En premier lieu, la fusion est une réponse à des enjeux stratégiques dans le privé et le public

Dans le secteur privé, la fusion vise généralement à consolider ou à accélérer un positionnement stratégique. Elle peut viser à se repositionner ou à renforcer sa présence sur un marché, tout en soutenant une croissance ciblée sur un ou plusieurs segments. Dans une logique d’amélioration de la compétitivité, la fusion répond à des enjeux variés : acquisition de nouvelles compétences, intégration de technologies innovantes, expansion géographique, diversification de l’offre, renforcement du portefeuille client ou encore exploitation d’opportunités de ventes croisées (cross-selling).

Par exemple, en 2021, la création de Stellantis, leader mondial des solutions de mobilité durable et innovante, issue de la fusion entre le Groupe PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA), a permis d’élargir leur présence géographique (FCA en Amérique et PSA en Europe), de diversifier leurs marques et d’accélérer l’électrification de leurs véhicules grâce à des capacités de R&D renforcées.

Dans le secteur public, la fusion est souvent justifiée par l’évolution des objectifs et des priorités politiques. Elle peut permettre d’atteindre une taille critique, de mutualiser des expertises, de simplifier des démarches pour l’usager ou encore de renforcer la présence ou la cohérence d’un territoire.

Plusieurs exemples récents illustrent ces perspectives à l’instar de la création en 2020 de l’Office français de la biodiversité (OFB), fruit de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cette fusion a visé à « accélérer la lutte pour la préservation du vivant et renforcer les actions en faveur de la biodiversité »3. Un autre exemple intéressant est la création en 2022 de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) issue de la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) qui avait pour ambition de consolider et de renforcer la régulation des médias et du numérique : « loin d’être une simple juxtaposition de compétences, l’ARCOM […] incarnera ainsi le nouveau modèle de la régulation audiovisuelle et numérique.4 »

En complément, la fusion permet aussi de répondre à des enjeux d’efficacité opérationnelle dans le privé et le public

Dans le secteur privé, les fusions offrent aux entreprises l’opportunité de rationaliser leurs opérations, en réduisant les inefficacités et en améliorant leur performance globale. Par exemple, dans les domaines des achats et de la supply chain, elles permettent de négocier de meilleures conditions financières, d’optimiser la gestion des stocks et de renforcer les réseaux logistiques. De plus, la mutualisation des ressources humaines issues des deux entités favorise une meilleure valorisation des talents, en exploitant des compétences complémentaires et en simplifiant les structures pour gagner en efficacité. Enfin, l’intégration des systèmes d’information et des technologies numériques joue un rôle clé, en réduisant les coûts et en optimisant les processus opérationnels, aussi bien au niveau des fonctions front-office que back-office.

Plusieurs exemples illustrent les enjeux d’efficacité recherchés par les entreprises lors des fusions et acquisitions. Par exemple, la fusion d’Essilor et Luxottica en 2018 visait à réaliser jusqu’à 300 millions d’euros de synergies de coûts annuelles5, notamment grâce à l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement, des économies sur les frais généraux et administratifs, ainsi qu’à une gestion intégrée des achats pour améliorer l’efficacité des approvisionnements. De même, l’acquisition de Bombardier Transportation par Alstom en 2021 ambitionnait des synergies annuelles de 400 millions d’euros d’ici 20256, notamment via des économies d’échelle : rationalisation des processus d’achat, optimisation de l’empreinte industrielle mondiale et mutualisation des efforts en R&D pour accélérer l’innovation technologique.

Dans le secteur public, les fusions d’organismes sont aussi souvent motivées par la recherche d’une meilleure efficience dans l’exécution des politiques publiques. La mutualisation des coûts permet de réduire le poids des dépenses de fonctionnement tout en optimisant l’utilisation des ressources. La consolidation des budgets et la mutualisation des ressources humaines peut également simplifier et rendre l’organisation plus cohérente. Par ailleurs, le rapprochement de dispositifs destinés à des publics similaires permet de simplifier les démarches pour les usagers et d’offrir un service plus harmonisé, dans une logique de guichet unique. Cette approche s’applique tant aux fonctions support, comme les systèmes d’information, qu’au front office, tel que l’accueil ou l’information, où la mutualisation limite les doublons et fluidifie le parcours des usagers.

Les exemples de fusions dans le secteur public sont nombreux. En 2008, la création de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), issue du regroupement de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique, bien qu’elle ne concerne pas un opérateur public, s’inscrit dans la même logique. Elle visait non seulement à améliorer le service rendu aux usagers, mais aussi à « réaliser des économies grâce notamment à la suppression des doublons sur les fonctions supports7. » En 2010, la création de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) illustre une démarche similaire en regroupant les compétences et moyens de deux agences8 « au service d’une lecture plus globale et transversale des questions sanitaires9. » Enfin, plus récemment la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) constitue un autre exemple emblématique avec le regroupement de plusieurs services de l’État pour « améliorer la coordination de l’action de l’Etat et de ses établissements publics nationaux au profit des collectivités territoriales. » […] « en regroupant tout ou partie de leurs missions10. »

Notre expérience d’accompagnement d’acteurs public et privé nous permet d’identifier plusieurs facteurs clés de succès pour sécuriser l’atteinte des ambitions avant, pendant et après la fusion.

Nous avons développé l’intime conviction qu’une fusion réussie est une fusion anticipée et organisée bien en amont, qui répond à une réelle ambition. Il incombe à l’équipe en charge de construire une vision claire et partagée, accompagnée d’un récit cohérent pour donner du sens au projet. Par ailleurs, nous conseillons de définir la cible opérationnelle avant la phase d’exécution. Enfin, une attention particulière doit être accordée à la continuité des activités afin d’assurer une transition la plus fluide possible.

En amont, une fois la cible identifiée, la réussite d’une fusion dépend de 7 facteurs clés de succès :
  1. Avoir un portage managérial apportant une vision et de la détermination
  2. Réaliser une évaluation rigoureuse des aspects financiers, juridiques et opérationnels
  3. Définir des objectifs clairs et réalistes de gains, tant quantitatifs que qualitatifs, en évitant les pièges de la surestimation des bénéfices potentiels ou, à l’inverse, des objectifs trop prudents
  4. Mettre en place une gouvernance et un pilotage du projet extrêmement robuste et définir un plan d’intégration global
  5. Mobiliser les équipes dirigeantes et opérationnelles en mettant en avant les bénéfices de la fusion grâce à une communication transparente
  6. Clarifier en amont le modèle opérationnel et organisationnel cible et élaborer un plan de contingence pour maîtriser les risques et les surcoûts éventuels
  7. Anticiper et budgéter les coûts d’intégration (coûts projet non récurrents).
Pendant l’exécution, l’enjeu est d’assurer la continuité des opérations tout en exécutant la stratégie d’intégration permettant de répondre aux ambitions de la fusion :
  1. Transformer de manière collaborative en impliquant les partenaires et les équipes des deux entités dans le programme d’intégration. Il est essentiel de rester pragmatique et de veiller à ne pas surcharger les collaborateurs.
  2. Exécuter avec précision le plan d’intégration et les actions visant à atteindre les synergies, avec une attention particulière au « Day 1 » (Jour 1) grâce à une équipe dédiée et à une gouvernance adaptée.
  3. Concentrer les efforts sur plusieurs chantiers fonctionnels clés - dont la structure peut varier selon les projets - indispensables à la réussite de la fusion :
    • L'intégration financière et budgétaire, incluant la gestion des actifs de chaque entité, ainsi que la politique de gestion des contrats avec les prestataires externes.
    • L’harmonisation des processus et des systèmes d’information afin de garantir la continuité des opérations, de soutenir les synergies et les objectifs de la nouvelle entité, tout en répondant aux besoins liés à la cybersécurité.
    • La mise en place d’un modèle organisationnel et RH mutualisé avec de nouveaux organigrammes, des rôles & responsabilités redéfinis et une mutualisation des ressources pour capitaliser sur les compétences de chaque entité et atteindre les synergies identifiées.
    • Le développement d’une stratégie de communication externe et institutionnelle, pour accompagner la transition et renforcer l’image de la nouvelle entité.
  4. Prioriser la conduite du changement, en accompagnant les collaborateurs à chaque étape du processus grâce à une communication proactive et structurée, favorisant leur adhésion et leur engagement.

Après la fusion, le processus se poursuit pour évaluer les résultats et mettre en place les actions nécessaires à l’atteinte des objectifs et synergies définies :

  1. Mettre en œuvre une évaluation régulière des résultats de la fusion, suivant un calendrier et un cadre prédéfini, afin de mesurer les performances par rapport aux objectifs identifiés en amont
  2. Identifier et analyser les écarts entre les résultats obtenus et les ambitions initiales, puis élaborer et déployer un plan d’actions correctives
  3. Mettre en place d’un programme d’amélioration continue.

Ce qu'il faut retenir

Les fusions d’opérateurs publics, bien qu’exigeantes, représentent une opportunité unique pour améliorer les services aux usagers tout en générant des gains d’efficience. Elles ne constituent cependant pas une réponse miracle à la crise budgétaire mais peuvent contribuer à l’exécution de politiques publiques mieux exécutées. Leur réussite repose sur une préparation minutieuse, une vision claire de l’ambition et une exécution rigoureuse

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