Personnes se déplaçant dans un studio minimaliste aux couleurs vives.
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IA : quels gains de productivité pour les entreprises ?

Pour tirer parti des investissements dans l'IA, il faut maîtriser les tensions entre les talents et la technologie, sous peine de voir la productivité de l'IA chuter de 40%.


En résumé :

  • L’IA est largement utilisée au travail (88 %), mais seules 28 % des organisations ont réorganisé leurs équipes pour en tirer un impact véritablement transformateur.
  • Créer de la valeur avec l’IA exige des investissements dans les outils et les compétences, tout en gérant des tensions clés : évolution des comportements et attrition des talents.
  • Les leaders qui réussissent s’appuient sur la mise en place d’une réelle culture d’apprentissage et un système de récompenses qui favorise l’adoption.

Les chefs d'entreprise de tous les secteurs considèrent désormais l'intelligence artificielle (IA) comme indispensable. Pourtant, selon une étude récente du MIT, malgré des milliards investis dans l’IA générative (GenAI), près de 95 % des organisations n’observent aucun retour mesurable, tandis que seuls 5 % des projets pilotes intégrant l’IA génèrent de la valeur et un impact significatif sur le compte de résultat.¹ Malgré tout, un tiers (35 %) des dirigeants dont l’organisation investit dans l’IA prévoit de dépenser 10 millions de dollars  ou davantage l’année prochaine, selon une étude récente d’EY aux États-Unis.² Comme l’a souligné Gartner© en mars 2025, « malgré l’enthousiasme généralisé, son impact sur la productivité reste inégal, ce qui en conduit certains à parler du paradoxe de la productivité de l’IA ».³

L’étude EY Work Reimagined suit l’évolution des modes de travail depuis plusieurs années. Dans la continuité de nos travaux, nous nous sommes concentrés cette année sur l’IA, plus particulièrement sur les raisons pour lesquelles certaines organisations obtiennent des résultats transformationnels alors que la majorité d’entre elles ne réalise que des gains de productivité modestes. Nous avons interrogé 15 000 salariés et 1 500 employeurs dans 29 pays et analysé plusieurs indicateurs de performance : productivité, qualité du travail, prise de décision, etc. Nous avons étudié comment les employés adoptent l’IA et les bénéfices qu’ils en tirent, puis comparé ces résultats avec les avantages constatés par les entreprises sur le plan business.

Les conclusions de notre étude Work Reimagined 2025 mettent en lumière l’ampleur du défi. Près de neuf employés sur dix utilisent désormais l’IA dans leur travail, mais seules 28 % des organisations parviennent à transformer son déploiement en résultats à forte valeur ajoutée. Notre analyse explique pourquoi : les employés gagnent quelques heures grâce à l’IA, mais rien qui bouleverse fondamentalement leur manière de travailler ou la performance globale de l’entreprise.

Qu’est-ce qui distingue ces 28 % des autres ? Les organisations qui obtiennent des résultats transformationnels ont travaillé sur cinq leviers stratégiques complémentaires :

  1. Adopter la bonne approche pour attirer et fidéliser les talents ;
  2. Favoriser une adoption massive de l’IA ;
  3. Intégrer l’apprentissage continu dans les opérations quotidiennes ;
  4. Remodeler la culture et les normes du lieu de travail ;
  5. Aligner les systèmes de récompense sur les nouveaux comportements et résultats.

Investir dans l’IA ne suffit pas. Lorsque les nouvelles technologies reposent sur des fondations fragiles – culture faible, apprentissage insuffisant, systèmes de récompense mal alignés – les gains de productivité peuvent accuser un retard de plus de 40 %.

Créer un avantage compétitif grâce aux talents repose sur cinq dimensions essentielles.

 


Evening commute with office workers and business people passing a LED illuminated viaduct at La Defense business district in Paris, France.
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Chapitre 1

Comment tirer pleinement parti de l’IA

Une adoption massive qui cache une utilisation superficielle

L’utilisation de l’IA au travail est désormais largement répandue. Selon notre enquête, 88 % des répondants déclarent utiliser l’IA dans le cadre de leur activité, et 37 % l’emploient quotidiennement. Cette adoption varie de 80 % chez les travailleurs essentiels à 94 % chez les travailleurs intellectuels, avec une quasi-universalité parmi les dirigeants et cadres.


 


Attention à l’écart de maturité

 

Cette adoption généralisée cache un problème plus profond. La majorité des employés utilisent l’IA pour des tâches simples comme la recherche d’informations (54 %) ou le résumé de documents (38 %). Seuls 5 % se considèrent comme des utilisateurs avancés, capables de combiner plusieurs outils pour libérer environ une journée et demie de productivité supplémentaire par semaine. Ces utilisateurs avancés tirent bien plus de valeur de l’IA que les autres, en l’utilisant comme un véritable partenaire de réflexion plutôt que comme un simple outil.

 

Compétences, outils et état d’esprit

 

Ce qui différencie une adoption basique d’une adoption performante repose sur un modèle que nous appelons « l’avantage IA ». Nous avons analysé plus de 15 variables issues des réponses de 15 000 employés pour comprendre ce qui caractérise ceux qui retirent le plus de valeur de l’IA au travail. Cette mesure, notée de 0 à 100, évalue le nombre médian d’heures gagnées par employé chaque semaine. Trois facteurs interconnectés expliquent cet avantage : les compétences, les outils et l’état d’esprit.

 

Les compétences : clé pour libérer la productivité

 

Sans surprise, la formation à l’IA est déterminante : elle représente près de 50 % du score des entreprises qui en tirent un avantage réel. Les employés ayant suivi 81 heures ou plus de formation par an gagnent en moyenne 14 heures par semaine, contre seulement 3 heures pour ceux formés moins de 4 heures. Pourtant, seuls 12 % des répondants ont bénéficié de ce niveau de formation au cours des 12 derniers mois, ce qui explique pourquoi le score global de valeur d’adoption n’est que de 34 sur 100. La compétence des managers joue aussi un rôle crucial : les employés convaincus que leurs managers maîtrisent l’IA obtiennent de meilleurs résultats. Mais ces talents sont également 55 % plus susceptibles de quitter leur entreprise. Les employeurs doivent donc aligner leur proposition de valeur avec les compétences recherchées sur le marché, en garantissant un accès continu aux technologies les plus récentes et des opportunités pour transformer ces compétences en évolutions de carrière.

 

Les outils : fournir les outils adéquats et ne pas oublier de mettre des garde-fous

 

Disposer des bons outils IA adaptés au rôle est essentiel : les employés qui estiment que leurs outils sont pertinents affichent une valeur d’adoption nettement supérieure. Cependant, les plus enthousiastes prennent souvent les devants : entre 23 % et 56 % des employés apportent leurs propres solutions au travail, allant jusqu’à financer leurs abonnements. Parallèlement, la pression sur la performance s’accentue : 64 % des salariés ont vu leur charge de travail augmenter ces 12 derniers mois et 38 % craignent de perdre leur emploi s’ils ne s’adaptent pas. Une étude récente de Harvard confirme que certaines de ces inquiétudes sont fondées, notamment pour les jeunes travailleurs dont les missions ont fortement diminué depuis 2023.⁴ Il est donc crucial de fournir aux employés des outils adaptés et de mettre en place des garde-fous pour encadrer l’usage des solutions personnelles.


L’état d’esprit devient le nouveau multiplicateur

L’état d’esprit est le moteur de l’adoption. La présence d’objectifs formels ou d’incitations à l’utilisation de l’IA, ainsi que la participation à des programmes internes, est fortement corrélée aux gains de temps et aux résultats positifs. Les grandes organisations définissent de plus en plus des objectifs commerciaux et individuels pour favoriser l’adoption et le développement de l’IA et des agents. Elles associent ces initiatives à des programmes de perfectionnement et à des investissements dans la culture, le leadership et l’engagement afin de transformer les comportements et générer un impact. Lorsque les employés perçoivent l’adoption de l’IA comme une attente de performance et un élément de la culture d’entreprise, leur engagement s’intensifie. Dans le groupe qui tire pleinement parti de l’IA, 63 % des employeurs déclarent que la culture s’est nettement améliorée au cours des 12 derniers mois, contre 22 % dans le groupe du milieu (Talent Middle) et seulement 3 % dans le groupe de ceux qui n’en tirent qu’un petit bénéfice (Disadvantaged).

Les organisations qui réussissent le mieux font également face à de nouvelles tensions

Bien choisir ses pilotes est nécessaire, mais insuffisant. Les organisations qui développent un avantage grâce à l’IA rencontrent des tensions susceptibles de neutraliser leurs gains de productivité. Pour combler le fossé entre investissement et impact tangible, il est essentiel d’adopter une approche équilibrée qui prenne en compte à la fois les capacités technologiques et la formation des talents. Le cadre de pensée « Avantage Talent » – avantage stratégique fondé sur la valorisation des talents portant sur cinq leviers stratégiques – peut aider à gérer ces tensions.

Vue aérienne de personnes sur un escalier moderne en colimaçon
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Chapitre 2

Cinq leviers pour faire de l’IA une alliée à forte valeur ajoutée

Moins d’un tiers des organisations tirent pleinement parti de l’IA.

Les organisations dont l’adoption de l’IA est fragile voient leur productivité retardée de plus de 40 % par rapport aux plus avancées. Seules 28 % des organisations interrogées démontrent une force dans ces cinq domaines – non pas comme des initiatives isolées, mais comme un système intégré où chaque levier renforce les autres.

Condition de travail et flux de talents

Les conditions de travail et la mobilité des talents sont déterminantes. Elles mesurent les conditions globales de réussite à travers la probabilité qu’un employé recommande son entreprise à ses proches. Sur la base de notre analyse des variables prédictives de la promotion nette (score de 0 à 100), les conditions de travail atteignent 65, avec une pondération répartie entre la culture (44 %), les récompenses (32 %) et le développement (24 %).

Les organisations du groupe qui réussit le mieux à tirer parti de l’IA (Talent Advantage) affichent des scores nettement supérieurs. Alors que seulement 20 % des employés des entreprises qui en tirent un avantage faible recommanderaient leur employeur, ce chiffre grimpe à 89 % dans les organisations à la pointe de l’IA. Cet effet crée un puissant réseau : les employés promoteurs deviennent des aimants à talents, attirant d’autres profils performants.

La mobilité des talents reste toutefois incontournable. Même les employés travaillant dans des entreprises qu’ils promeuvent envisagent de changer de poste. En 2025, l’intention globale de démissionner est tombée à 29 %, son plus bas niveau en quatre ans après le pic de 43 % lors de la « grande démission ». Mais derrière cette tendance se cache une vraie dynamique : les employés les plus avancés dans l’apprentissage de l’IA affichent une intention de départ de 45 %, évaluant en permanence les opportunités internes et externes. Ce paradoxe – renforcer les compétences tout en augmentant le risque de fuite – devient une tension critique à gérer. Les employeurs peuvent y répondre en garantissant un accès continu aux technologies, des perspectives de carrière claires et des systèmes de récompense compétitifs.


Excellence dans l’adoption de l’IA

L’excellence en matière d’IA implique une utilisation fréquente et sophistiquée de cette technologie, avec des outils et des objectifs stratégiques adaptés à chaque rôle. Les organisations qui maximisent la valeur de l’IA pour leurs employés peuvent libérer entre 8 et 14 heures par semaine grâce à des cas d’usage avancés. Les utilisateurs les plus performants ne se contentent pas d’utiliser davantage l’IA : ils l’emploient différemment, en la considérant comme un collègue, un coach et un partenaire de réflexion plutôt qu’un simple outil d’automatisation. Ceux qui adoptent cet état d’esprit collaboratif réalisent des gains plus de deux fois supérieurs à ceux de leurs pairs.

Lorsque nous avons constaté que notre outil d’IA propriétaire, EYQ, ne pourrait pas suivre le rythme effréné des avancées technologiques, nous avons choisi de pivoter vers une alternative d’entreprise intégrant GPT 5. Cette flexibilité nous permet de répondre en priorité aux besoins des collaborateurs, tout en garantissant la sécurité et la conformité.

Les organisations doivent mettre à disposition des outils adaptés pour encourager l’usage de l’IA. Même lorsque ces outils existent, la pression de performance pousse souvent les employés à agir par eux-mêmes : entre 23 % et 58 % apportent leurs propres solutions IA au travail, avec des variations selon les secteurs. Cette « IA de l’ombre » représente un potentiel d’innovation, mais soulève aussi des enjeux majeurs de gouvernance et de sécurité que les entreprises doivent traiter de manière proactive.

« Il est essentiel d’être très clair sur les questions de conformité liées à l’utilisation de certains outils d’IA », souligne Joe Depa, responsable mondial de l’innovation chez EY. « Lorsque nous avons constaté que notre propre solution IA, EYQ, ne pouvait plus suivre le rythme des avancées technologiques, nous avons pivoté vers une version entreprise basée sur GPT-5. Cette flexibilité nous permet de répondre aux besoins des employés tout en garantissant sécurité et conformité. »

Apprentissage et développement des capacités

L’apprentissage et le développement des compétences sont les meilleurs indicateurs de succès en matière d’IA. Les employés qui atteignent le seuil de 81 heures de formation annuelle obtiennent des résultats transformateurs. Mais cette intensité crée un paradoxe : les collaborateurs ayant suivi plus de 80 heures de formation sont 55 % plus susceptibles de démissionner que la moyenne. La montée en compétences rend ces profils très attractifs sur le marché, où les opportunités externes peuvent récompenser l’expertise IA plus rapidement que les cycles internes de promotion.

Les organisations qui tirent le meilleur parti de l’IA atténuent ce risque en associant formation avancée, stratégies de rétention et évolution de carrière. Elles mettent en place des places de marché internes pour les talents, des certifications progressives liées à la titularisation et des cohortes d’apprentissage favorisant les réseaux de pairs – car le capital social renforce la fidélisation. La proportion d’employés bénéficiant d’au moins 80 heures de formation IA par an passe de 15 % dans les organisations qui en tirent un avantage faible à 42 % dans celles qui en tirent le mieux parti.


Culture et transformation du lieu de travail

Ce type de transformation crée un environnement favorable à l’intégration de l’IA. La vision des dirigeants et l’alignement culturel sont essentiels pour réussir l’adoption. Les scores de culture se sont nettement améliorés : 60 % des employés estiment que la culture est bien meilleure qu’il y a 12 mois, contre 48 % en 2021. Les employeurs ont progressé en comblant les lacunes dans les méthodes de travail, en renforçant les liens entre équipes et en aidant les collaborateurs à se sentir plus confiants et soutenus.

Les organisations qui tirent le meilleur parti de l’IA se distinguent : 63 % des employés y constatent une amélioration significative de la culture, contre seulement 3 % dans les entreprises qui en tirent un avantage faible. La culture représente 44 % du score lié aux conditions de travail, portée par des dirigeants bienveillants, des managers responsabilisants et des relations solides entre collègues. L’adoption de l’IA peut elle-même renforcer ces éléments culturels lorsqu’elle est conçue comme une expérience collaborative d’apprentissage plutôt qu’une compétence technique isolée.

Rémunération globale stratégique

La rémunération doit être personnalisée et flexible, en phase avec l’évolution des besoins des employés et des rôles transformés par l’IA. Contrairement au passé, où les collaborateurs privilégiaient les opportunités internes, les talents dotés de compétences IA peuvent facilement se tourner vers l’extérieur. Ils recherchent désormais une expérience professionnelle offrant technologie de pointe, flexibilité et perspectives d’évolution qui les placent dans une position extrêmement favorable sur le marché du travail.

Les entreprises qui tirent le meilleur parti de l’IA comprennent que les récompenses représentent environ 32 % de ce que leurs collaborateurs apprécient dans leurs conditions de travail et excellent à rendre leurs dispositifs flexibles. La moitié des employeurs de ce groupe affirme que leurs systèmes de rémunération répondent aux attentes des employés, contre seulement 7 % dans les organisations les moins avancées.

Wide overhead shot of business colleagues crossing city street during evening commute
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Chapitre 3

Cinq tensions critiques à prendre en compte

Les organisations leaders ne cherchent pas à éviter les tensions : elles les gèrent activement.

Toute organisation qui cherche à se doter d'un avantage en matière de talents doit prêter attention à cinq tensions importantes qui peuvent faire dérailler les progrès. La clé est de se pencher sur ces défis, de fournir le bon soutien au bon moment tout en apprenant au fur et à mesure. Voici cinq tensions ainsi que les principales mesures que les dirigeants peuvent prendre.

Aborder le dilemme de l'apprentissage et de la rétention

Les 81 heures et plus de formation à l’IA qui favorisent une adoption avancée rendent aussi les employés 55 % plus susceptibles de quitter l’entreprise. L’intention de démissionner est de 21 % pour ceux ayant suivi moins de 4 heures de formation, mais grimpe à 45 % pour ceux qui ont bénéficié d’une formation intensive. Les motivations des talents évoluent également : ceux qui travaillent plus de 40 heures privilégient désormais l’accès aux technologies les plus récentes et une flexibilité accrue plutôt que la rémunération traditionnelle et les perspectives de carrière classiques.

Les dirigeants sont confrontés à un dilemme : sous-investir dans l’apprentissage et ne jamais développer de capacités IA, ou investir massivement en sachant que cela augmente le risque de fuite. La solution réside dans une approche intégrée qui associe formation intensive, stratégies de fidélisation et parcours de carrière adaptés aux nouvelles attentes des talents. Il est essentiel de créer des passerelles internes pour offrir des opportunités de croissance et d’accès à la technologie avant que les employés ne se tournent vers l’extérieur. Les expériences d’apprentissage doivent également renforcer le capital social et les réseaux de pairs, car les relations ancrent autant que les rôles. Enfin, la stratégie de rémunération totale doit être calibrée pour refléter ce que ces talents valorisent réellement : accès à des technologies de pointe, flexibilité dans la manière et le lieu de travailler, et possibilités de développement continu, plutôt que des augmentations salariales classiques.

Maximiser les gains de temps grâce à l'IA

L’IA permet de gagner du temps de manière tangible, avec en moyenne huit heures économisées par semaine. Pourtant, de nombreuses organisations peinent à transformer ces gains en impact significatif pour l’entreprise. Les leaders dans des secteurs comme la banque, la technologie ou la gestion de patrimoine atteignent dix à douze heures par semaine, mais la question cruciale reste la même : comment réinvestir stratégiquement ce temps libéré ?

JPMorgan Chase illustre bien cette approche. La banque a déployé LLM Suite, un outil d’IA générative, auprès de 50 000 employés de sa division Asset & Wealth Management. Cet outil effectue un travail équivalent à celui d’un analyste de recherche, mais plutôt que de se limiter à des gains d’efficacité, JPMorgan redéploie la capacité des analystes sur des activités à plus forte valeur ajoutée : interprétation complexe, conseil stratégique et relations approfondies avec les clients.

Pour éviter le piège de la productivité, il est indispensable de savoir où réinvestir le temps gagné et de réviser la manière de mesurer le retour sur investissement. Comme le souligne Joe Depa, responsable mondial de l’innovation chez EY, « la valeur de l’IA repose sur trois éléments clés : la productivité, la qualité et l’efficacité ». Les organisations qui se concentrent uniquement sur les heures économisées passent à côté de dimensions essentielles telles que l’amélioration de la précision, la réduction des erreurs et la qualité de la prise de décision.


Il est essentiel de déterminer ce que les employés doivent cesser de faire, les activités à forte valeur ajoutée sur lesquelles ils doivent se concentrer et la manière dont ils peuvent renforcer leur contribution. Des attentes claires doivent être établies quant à la répartition des gains de temps entre les initiatives stratégiques de croissance et la création d’espace pour l’innovation, l’apprentissage et l’adaptation. Une approche efficace consiste à piloter cette démarche dans une fonction spécifique et à mesurer simultanément la productivité et l’engagement des employés. La redéfinition des rôles doit devenir un élément standard de la planification de la mise en œuvre de l’IA, et non une réflexion de seconde intention. Il est également crucial de mettre en place des mécanismes de retour d’information pour ajuster en continu la manière dont les gains de temps se traduisent par un travail à plus forte valeur ajoutée, afin d’évaluer plus précisément le retour sur investissement et de transformer les gains d’efficacité en une véritable évolution organisationnelle.

La valeur de l’IA repose sur trois piliers : productivité, qualité et efficacité. Les organisations qui se concentrent uniquement sur les heures économisées passent à côté d’aspects essentiels tels que l’amélioration de la précision, la réduction des erreurs et l’optimisation de la qualité des décisions.

Anxiété et innovation : accompagner le changement

Alors que les organisations peinent à attirer des talents, 38 % des employés craignent de perdre leur emploi à cause de l’IA. Une proportion identique s’inquiète d’une dépendance excessive à l’IA qui pourrait éroder les compétences, l’expertise et l’apprentissage humains. Cette anxiété coexiste avec une forte demande d’innovation : les entreprises ont besoin que leurs collaborateurs expérimentent l’IA et réinventent leur travail. Pourtant, ces inquiétudes génèrent des hésitations, des résistances et des comportements défensifs visant à protéger les rôles actuels plutôt qu’à les transformer.

Il est essentiel d’accueillir ces émotions plutôt que de les ignorer. Les dirigeants doivent formuler une vision claire de l’IA qui réponde aux préoccupations des employés, en s’engageant à gérer le stress lié à la transformation : augmentation de la charge de travail, craintes pour la sécurité de l’emploi, sentiment d’obsolescence. La communication doit porter non seulement sur ce que l’IA va accomplir, mais aussi sur ce que les humains feront de plus précieux. Il est important d’identifier les employés dont le rôle a été enrichi par l’IA et de partager leur histoire : ce qui a changé et pourquoi leur travail a aujourd’hui plus d’impact. Ces témoignages doivent circuler via les canaux internes.

Les employés doivent également pouvoir s’exprimer sur la manière dont l’IA est déployée dans leur domaine, afin que ceux qui sont au plus près du travail contribuent à façonner son avenir. Enfin, il est recommandé de mettre en place des programmes qui développent de nouvelles compétences avant que les anciennes ne deviennent obsolètes, pour instaurer une culture d’adaptation continue.

Résoudre le problème de l’IA fantôme

Entre 23 % et 58 % des employés utilisent des outils d’IA personnels au travail. Les interdire freine l’innovation, mais les ignorer crée des risques majeurs en matière de sécurité, de gouvernance et de conformité. Les outils d’entreprise sont souvent en retard par rapport aux solutions grand public, et les employés n’attendent pas l’approbation lorsqu’ils peuvent résoudre un problème immédiatement.

Il est essentiel de sonder les employés pour comprendre quels outils ils utilisent et pourquoi, en favorisant la transparence plutôt que la sanction. Ensuite, il convient de créer des environnements sécurisés d’expérimentation, des « bacs à sable IA », qui canalisent cette énergie dans un cadre gouverné. Comme l’explique Tyler Buffie, responsable mondial de la stratégie Data & IA chez EY : « Les employés ont besoin de temps et d’espace pour s’entraîner avec les outils d’IA, comprendre comment les utiliser, puis les appliquer à leurs flux de travail. Offrir un espace explicite pour tester ces outils dans des paramètres clairs permet d’accélérer l’adoption des solutions prometteuses et de transformer les utilisateurs informels en champions internes. Cette approche doit s’accompagner de règles de gouvernance précises et de zones d’innovation dédiées pour une prise de risque maîtrisée. »

Réorganiser, oui, mais pas trop fréquemment

Parmi les entreprises qui ont tiré le meilleur parti de l’IA, près de huit sur dix ont déjà procédé à une réorganisation, mais 74 % reconnaissent que des ajustements restent nécessaires. Si les dirigeants doivent continuer à évoluer pour capter la valeur de l’IA, les restructurations incessantes épuisent les équipes. L’IA transforme le travail à un rythme trimestriel, alors que les réorganisations traditionnelles s’étalent sur 12 à 18 mois.

Pour éviter la lassitude, il est recommandé de permettre à certaines parties de l’organisation d’expérimenter de nouvelles structures sur des périodes courtes, avec des rôles et responsabilités clairement définis et une délégation de pouvoir adaptée. Il est crucial de distinguer les zones qui resteront stables de celles qui devront évoluer, afin de donner aux employés la certitude de ce qui ne changera pas. La capacité de changement doit devenir une compétence permanente, et non un événement ponctuel vécu comme traumatisant. Diviser l’organisation en zones de stabilité et zones de transformation, puis communiquer clairement cette distinction, renforce la confiance. Les équipes impliquées dans ces expérimentations doivent disposer d’une réelle autorité pour décider de la manière dont le travail est organisé, et non se limiter à formuler des suggestions soumises à des validations interminables.

Façonner l’avenir de l’IA et de la main-d’œuvre en toute confiance

Seules 28 % des organisations tirent pleinement parti de l’IA, obtenant ainsi des résultats transformationnels. Les 72 % restants doivent choisir : devenir des suiveurs rapides, ou se laisser distancer.

Pour progresser, les organisations doivent décider de leurs priorités, même s’il arrive qu’elles soient concurrentes : apprentissage et fidélisation, innovation et sécurité, besoins en talents globaux et locaux, vision centralisée et exécution distribuée. C’est une transformation qui exige une excellence systématique, et non des efforts isolés.

Les cinq piliers stratégiques que nous proposons peuvent être une aide précieuse car ils prédisent non seulement la productivité, mais aussi la capacité à atteindre des objectifs stratégiques plus larges : amélioration des performances, meilleure prise de décision, bien-être des employés et culture renforcée. Dans un environnement en mutation rapide, où l’adaptabilité et la résilience sont cruciales, les organisations dotées de cet avantage peuvent poursuivre une croissance ambitieuse tout en gérant les tensions liées au marché du travail. Celles qui en sont dépourvues restent enfermées dans l’optimisation des processus existants, tandis que leurs concurrents réinventent les modèles économiques.

Un avantage durable à l’ère de l’IA repose sur la combinaison de bases humaines solides et de technologies avancées. L’IA transformera les entreprises et les métiers. La question n’est pas « si » mais « comment ».

Votre organisation façonnera-t-elle sa transformation ou se contentera-t-elles d’y réagir ?


Ce qu'il faut retenir

L’enquête Work Reimagined 2025 révèle un contraste saisissant : 88 % des employés utilisent l’IA, mais seules 28 % des organisations obtiennent des résultats véritablement transformationnels.
La différence ? Les leaders ne choisissent pas entre l’IA et les personnes : ils actionnent cinq leviers stratégiques qui se renforcent mutuellement, tout en affrontant les tensions que d’autres préfèrent éviter – l’apprentissage qui accroît le risque de départ, la productivité qui alourdit la charge de travail, l’innovation qui suscite l’anxiété.
Un avantage durable exige à la fois des technologies de pointe et des fondations humaines solides. Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais les deux.

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