Vue d'une montagne

Évolutions réglementaires publiées en 2024 sur la CSRD et perspectives à venir

Alors que les premières entreprises assujetties à la directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD) finalisent leurs reportings sur ce premier exercice 2024, le cadre réglementaire fait débat dans un contexte de mise au défi de la compétitivité de l’Europe et de tentations protectionnistes.


En résumé :

  • Clarifications CSRD : Guides et FAQ publiés sur les normes ESRS, simplification des terminologies, et précisions sur les « efforts raisonnables ».
  • Priorités de supervision : Matérialité, état de durabilité, taxonomie européenne, et renforcement des dispositifs de collecte et contrôle des données.
  • Perspectives : Débats sur la simplification via une réforme « Omnibus » en 2025, mais obligations 2024 inchangées pour publication en 2025.

En 2024, la Commission européenne (CE), l’EFRAG – son conseiller technique – et les régulateurs (ESMA) ont continué de clarifier et développer ce cadre. Cependant, des voix s’élèvent pour l’alléger, le qualifiant de « fardeau réglementaire » (rapport Draghi, septembre 2024). Les pouvoirs publics en France ont évoqué des moratoires. L’ANC appelle à davantage de proportionnalité et de pertinence dans le dispositif, en s’assurant de la cohérence entre les différentes réglementations (CSRD, CS3D et Taxonomie, et celles applicables aux acteurs financiers). Quelles perspectives pour la CSRD ?

2024 : le temps des clarifications

Priorisant les travaux d’implémentation des normes ESRS à la demande de la CE, l’EFRAG a publié des séries d’implementation guidance (IG) et d’explications (Q&A) sur les normes en 2024 : deux IG sur l’analyse de matérialité et la chaîne de valeur – deux concepts clés dans le reporting de durabilité, et un IG fournissant une structure des près de 1200 points de données ESRS sous format Excel facilitant les gap analysis des entreprises. Début décembre, l'EFRAG comptait 157 Q&A sur les ESRS répondant aux questions des parties prenantes par exemple sur la présentation et l’explication des émissions de gaz à effet de serre (GES) – informations-clés dans le reporting climatique, le calcul des indicateurs sociaux, ou encore la structure de l’état de durabilité désormais normée. L'EFRAG a publié, juste avant Noël 2024, des réponses additionnelles à 5 questions sur les normes environnementales, en particulier sur la présentation d'objectifs en intensité et des valeurs associées en absolu par les institutions financières.

La CE a publié 90 FAQ, clarifiant les dispositions de la CSRD et expliquant notamment la date et le champ d’application selon le type d’entreprises assujetties. Lorsqu’une entreprise n’a pu collecter les informations liées à sa chaîne de valeur après des « efforts raisonnables », elle peut estimer les données correspondantes. Ces FAQ précisent les critères qui permettent de déterminer l’étendue des « efforts raisonnables » mis en œuvre pour y parvenir (taille et ressources de l’entreprise et des acteurs de sa chaîne de valeur, leur préparation technique, le niveau d’influence de l’entreprise sur ces acteurs).

Ces publications des normalisateurs européens partagent un même objectif : soutenir les parties prenantes dans l’application de la réglementation en apportant des réponses aux questions d’interprétation et d’application – qui restent nombreuses. Ces publications illustrent dans le même temps la complexité des textes à appliquer par les sociétés.

Points d’attention des régulateurs sur les premiers reportings :

L’ESMA a invité les entreprises à considérer ces éléments de doctrine de l’EFRAG et de la CE. Si elle reconnaît une courbe d’apprentissage des sociétés dans l’appréhension de ce nouveau cadre réglementaire pour les premières années de reporting, elle a rappelé que les entreprises doivent se conformer aux ESRS et renforcer leurs dispositifs de collecte de données et de contrôle interne

En France, pour aider les entreprises, l’AMF a publié 3 rapports sur :

(i) les plans de transition climatique, véritables outils de pilotage de la réduction des émissions de GES et dont la description quantitative des leviers ainsi que les moyens financiers associés constituent les éléments centraux. ;
(ii) le bilan de ses revues des déclarations de performance extra-financière publiées en 2023 et 2024 mettant en évidence le besoin de progression des entreprises dans la perspective de la mise en œuvre de la CSRD ;  ainsi que
(iii) l’état des lieux des pratiques des sociétés financières en matière de reporting Taxonomie. Enfin, dans un objectif de vulgarisation des 12 normes ESRS, l’ANC a également publié un guide pédagogique afin de rendre plus accessible leurs aspects parfois complexes.

Un cadre en développement

Parallèlement, l’EFRAG a poursuivi les travaux de normalisation avec :

  • Les premiers projets de normes sectorielles (dont « Pétrole et gaz » et « Mines, carrières et charbon »), maintenant attendus pour consultation publique début 2025.
  • Les normes dédiées aux PME en cours de finalisation : les PME cotées devront se conformer aux ESRS LSME (version allégée des ESRS), à compter de 2026 sous réserve de leur adoption par la CE. Les PME non cotées pourront publier leur reporting de durabilité volontairement sur la base de la norme VSME (publiée par l'EFRAG mi-décembre). 
  • La taxonomie digitale publiée en aôut. La digitalisation des états de durabilité ne sera obligatoire qu'après l'adoption par la CE des normes techniques, dont le projet élaboré par l'ESMA est actuellement soumis à consultation publique jusqu'à fin mars 2025. Ce projet propose les modalités de la digitalisation avec un calendrier progressif en 3 phases, démarrant en 2026 ou 2027.
  • Les normes pour les entreprises non-UE. Les orientations sont en cours de définition, avec une application prévue dès l’exercice 2028.

Le calendrier – indicatif – de ces publications et de leur application par les entreprises reste incertain, de potentiels reports ont été évoqués dans le contexte de remise en cause de ce cadre.

Quelles perspectives ?

Les enjeux de compétitivité interrogent donc l’issue de ces travaux normatifs et questionnent les obligations existantes – jugées trop complexes, peu proportionnées, voire inutiles selon certains. La CE a annoncé la publication d’une réglementation « Omnibus », possiblement attendue en février 2025, afin de simplifier les obligations de reporting et de vigilance prévues par la CSRD, la CS3D et la Taxonomie. Le contenu et la nature de ces simplifications doivent encore être clarifiés. Si l’initiative a été saluée par une majorité d’acteurs, d’autres décrient l’incertitude et la confusion induites par ces annonces intervenant avant même que les premiers reportings demandés par la CSRD ne soient publiés.

À date, aucun changement immédiat n’est anticipé pour les entreprises concernées par la CSRD en 2024 devant publier en 2025. Toute modification du cadre nécessitera un processus législatif, mobilisant les votes du Parlement et du Conseil de l’Union européenne. En tout état de cause, le reporting de durabilité reste essentiel car il s'inscrit dans une réflexion stratégique plus large, visant à transformer les modèles économiques vers la durabilité.