Quel sera l'impact à court terme des nouveaux tarifs douaniers imposés par les États-Unis sur l'industrie automobile ?
Le marqueur le plus visible à court terme sera l’augmentation du prix des véhicules. Les modèles économiques, comme la Honda Civic ou la Chevrolet Malibu, pourraient voir leurs prix augmenter de 2500 à 4500 $, tandis que le prix des véhicules de taille moyenne pourrait être majoré de 5 000 à 8 500 $.
Pour s’offrir un SUV ou une voiture de luxe, il faudra débourser 10 000 à 12 000 $ de plus, et jusqu’à 15 000 $ pour certains véhicules électriques. Quant aux véhicules européens, ils pourraient connaître une hausse pouvant aller jusqu’à 20 000 $ !
Beaucoup de modèles économiques fabriqués par General Motors, Ford, Kia et Hyundai sont fabriqués hors des États-Unis. L’augmentation des droits de douane pourraient donc rendre ces véhicules inaccessibles, réduisant les options d’achat pour les acheteurs disposant d’un budget limité.
Si les tarifs douaniers se maintiennent plusieurs années, à quoi devons-nous nous attendre ?
A moyen terme, il est probable que nous assistions à un rééquilibrage des parts de marchés des constructeurs, probablement en faveur des fabricants américains de véhicules thermiques. Les premières estimations indiquent que des droits de douane de 25 % pourraient entraîner une baisse de la demande de véhicules allant jusqu’à 1 million d’unités par an. Si les constructeurs répercutent la totalité de ces coûts sur les consommateurs, les ventes de véhicules neufs pourraient chuter de 20 %. Les constructeurs pourraient donc ralentir, voire arrêter la production des modèles les plus exposés, au profit de véhicules à plus forte marge.
L’effet à terme pourrait être celui défendu par le président américain, à savoir l’augmentation des capacités de production aux Etats-Unis. Cependant, avant que ce mouvement ne prenne forme, les constructeurs choisiront probablement de mieux utiliser les capacités existantes. Il ne faut pas oublier que le taux d’utilisation moyen des usines aux Etats-Unis est estimé à 70 % en 2024, soit une capacité encore sous-optimale. Les constructeurs japonais, en particulier, pourraient tirer parti de leurs sites installés aux Etats-Unis pour gagner des parts de marché dans le segment des véhicules économiques.
De toute évidence, les stratégies de production devront évoluer. Le plus probable est que nous assistions au retour à une plus grande production domestique, une régionalisation des échanges et une adaptation des chaînes d’approvisionnement. C’est une transition qui prendra du temps et qui ne manquera pas d’augmenter les coûts, car le sourcing des pièces, au moins dans un premier temps, sera loin d’être parfait.
Et les voitures électriques, leur sort sera-t-il différent ?
40 % des véhicules électriques vendus aux Etats-Unis sont importés, notamment du Mexique, du Japon, de la Corée du Sud, de l’Allemagne et de la Suède. L’augmentation des tarifs douaniers risque donc d’aggraver les coûts déjà élevés de ces véhicules.
Qu’il s’agisse de Hyundai, Toyota ou BMW, tous les constructeurs avancés dans cette transition sont touchés. Mais il ne faut pas se tromper, cette barrière de prix concerne tout autant General Motors ou Ford, dont certains modèles comme la Ford Mustang Mach-E ou la Chevrolet Equinox EV sont assemblés hors des Etats-Unis et nécessitent des composants étrangers. Seul Tesla, dont les modèles sont assemblés sur le sol américain pourrait tirer parti de ce nouvel environnement.
Autre élément, le marché des véhicules électriques est indissociable de celui des batteries. Bien que les prix aient fortement baissé ces dix dernières années, les batteries restent très coûteuses et de nombreux constructeurs n’ont pas encore atteint l’échelle de production nécessaire pour rentabiliser leurs investissements.
Les fabricants de batterie japonais et coréens pourraient donc avoir des difficultés à concurrencer leurs homologues chinois, ce qui fragiliserait la construction d’une chaîne d’approvisionnement américaine solide et indépendante de la Chine à moyen terme. C’est le cas par exemple d’entreprises comme LG Energy Solution, Samsung SDI et Panasonic, dont les partenariats clefs pour General Motors et Ford pourraient particulièrement souffrir de la hausse des tarifs douaniers.
Comment les constructeurs automobiles européens peuvent-ils s’adapter à ce nouvel environnement ?
En Europe, les constructeurs pourraient rediriger leurs exportations vers d'autres régions, mais les contraintes logistiques, les réglementations et la concurrence des constructeurs asiatiques rendent ce scénario peu probable.
Les constructeurs doivent analyser le niveau des tarifs douaniers en regard de leurs marges actuelles, des risques de baisse de volume et de la contribution des importations vers les Etats-Unis à leur rentabilité globale. S’ils ne peuvent pas conserver une marge positive, ils devront reconsidérer la vente de certains modèles aux Etats-Unis.
Quant à la question de savoir s’il faut absorber ou répercuter la hausse des coûts, beaucoup de constructeurs choisiront de les absorber pour préserver leurs relations avec leurs clients et fournisseurs, en espérant que les droits de douane ne resteront pas hauts durablement.
Comment l’Union européenne peut-elle soutenir son industrie automobile ?
En négociant, en désamorçant toute escalade du conflit commercial et en préparant des mesures de rétorsion si nécessaire, ce sur quoi les dirigeants de l’Union européenne travaillent actuellement.
L’UE prévoit des contre-mesures à hauteur de 26 milliards d’euros qui pourraient porter sur des produits américains, tels que le whisky, les motos ou les bateaux de plaisance.
Plus largement, la Commission européenne a décidé d’un plan d’action pour renforcer la compétitivité de l’industrie automobile européenne. L’UE va ainsi prévoir 1,8 milliard d’euros d’incitations financières pour le développement des batteries et elle souhaite donner une plus grande flexibilité aux constructeurs pour atteindre les objectifs d’émissions de CO2.
Qui seront les gagnants et perdants de ce changement ?
Selon certaines estimations, ce sont les industries automobiles allemandes et italiennes qui seraient les plus vulnérables, avec des baisses des exportations respectivement de 7,1 % et de 6,6 %. Les exportations françaises et espagnoles seraient moins touchées, avec des baisses estimées à 2,4 % et 2,3 %.
Cette différence s’explique par la forte dépendance de l’Allemagne et de l’Italie au marché américain qui exportent respectivement 24 % et 30 % de leur production hors de l’UE, contre seulement 6 % pour l’Espagne et 5 % pour la France. Enfin, les ports de Rotterdam, Hambourg, principal port pour les exportations automobiles vers les USA, ou Bremerhaven, clé pour les marques du groupe Volkswagen, pourraient connaître une baisse d’activité.
Du côté de l’Asie, le Japon et la Corée du Sud exportent aux Etats-Unis près de 100 milliards de dollars de véhicules et de pièces. C’est beaucoup. Ils pourraient donc choisir d’augmenter leur production locale aux Etats-Unis, à commencer par les véhicules compacts comme des crossovers qui pourraient bénéficier à Toyota et Honda dont les capacités sont importantes aux Etats-Unis.
La Chine, qui propose des véhicules électriques plus abordables et technologiquement avancés, pourraient en revanche renforcer son avantage compétitif dans ce domaine.
En Europe du Nord, le Canada connaîtra un effet négatif dans la mesure où le coût élevé de sa main-d’œuvre favorise un transfert de la production aux Etats-Unis. La demande canadienne devra alors être satisfaite par des importations américaines ou étrangères, avec une compétitivité réduite.
Sans surprise, c’est Tesla qui pourrait tirer son épingle du jeu puisque tous ses véhicules vendus sur le marché américains sont assemblés localement et construits avec des composants produits aux Etats-Unis pour la plupart.
Malgré tout, dans un contexte de guerre commerciale, il n’y a pas de véritables gagnants. Des représailles de pays comme la Chine, deuxième marché de Tesla, ou de l’Union européenne pourraient impacter négativement les ventes de Tesla à l’international.
Doit-on s’attendre à un essor du marché de la location automobile si les particuliers et les entreprises se tournent vers des solutions plus économiques ?
L’annonce des tarifs a entraîné un effet d’anticipation, les consommateurs ayant avancé leurs achats pour éviter les hausses de prix à venir. Toutefois, à moyen terme, les tarifs pourraient modifier les comportements, certains consommateurs renonçant à l’achat de véhicules neufs au profit de solutions plus économiques, comme la location.
Même si un bond massif de la location n’est pas garanti, on peut s’attendre à un allongement de la durée de vie des flottes et une plus grande attractivité du marché de l’occasion, ce qui entraînerait une hausse significative des prix des véhicules d’occasion, en déclin ces dernières années.