Vue aérienne de champs de tulipes vibrants à Burgervlotbrug, Pays-Bas, avec des rangées colorées.

Les impacts pour les entreprises du nouveau guide FLAG du GHG Protocol


Les changements, alignés avec la CSRD, amélioreront le reporting des émissions et aideront les entreprises à atteindre le zéro émissions nettes


En résumé :

  • En 2025, le secteur de la forêt, des terres et de l'agriculture (FLAG) subira un profond changement dans la gestion des émissions de GES, conformément aux objectifs climatiques de l'Accord de Paris.
  • Le futur guide du GHG Protocol sur le secteur FLAG introduira des pratiques comptables normalisées, faisant la distinction entre les émissions liées ou non à l’utilisation des terres pour une plus grande transparence et faciliter des prises de décision stratégiques.
  • L'initiative Science-Based Targets (SBTi) complète ce guide par des orientations sur la fixation des objectifs de décarbonisation au sein du secteur.
  • Ces changements, en cohérence avec la directive CSRD, permettront non seulement d'affiner le reporting des émissions, mais aussi d'aider les entreprises à atteindre le zéro émissions nettes.

Introduction

Le secteur de la forêt, des terres et de l'agriculture (référencé sous l’acronyme anglais FLAG – pour Forest, Land and Agriculture) regroupe principalement des activités agricoles et forestières destinées à la production d’alimentation humaine ou animale, de fibres textiles, de produits bois ou de bioénergies.

Si le secteur permet d’absorber du carbone atmosphérique, grâce à la reforestation, à l'agroforesterie et au changement de pratiques agricoles, il est aussi l’une des sources majeures d'émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) – représentant environ 22 % du total net mondial. Par ailleurs, le secteur est fortement impacté par le changement climatique, notamment via la réduction des rendements et les variations de disponibilités et prix des matières premières agricoles et forestières.

Le guide FLAG du GHG Protocol intitulé « Land Sector and Removals Guidance », dont la publication de la version finale est prévue fin 2025, précise les règles de comptabilité des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) du secteur FLAG ainsi que les règles de comptabilisation des absorptions de carbone, c’est à dire le transfert de CO2 depuis l'atmosphère vers un stockage dans un puits de carbone (végétaux vivants, produits bois, sols, etc.).

Ces absorptions aideront les entreprises de la chaîne de valeur FLAG à atteindre le zéro émissions nettes, en neutralisant leurs émissions induites résiduelles (entre 5 à 10% des émissions du scénario de référence selon les règles de la Science Based Target Initiative (SBTi)).

La publication du guide FLAG du GHG Protocol a des implications importantes pour les entreprises disposant d’objectifs de réductions des émissions de GES et engagées dans l’initiative SBTi, en particulier celles dont les opérations et la chaîne de valeur dépendent fortement des secteurs agricoles et forestiers. En effet, la SBTi a également publié un guide SBTi FLAG qui fournit des règles pour aider les entreprises du secteur FLAG dans la fixation des objectifs de réduction des émissions de GES liés à ce secteur.

1. Vers des mesures holistiques des GES : le GHG Protocol lance un nouveau cadre pour la comptabilisation des émissions FLAG qui prend en compte les émissions de GES et les absorptions de carbone

Le secteur FLAG participe directement au cycle naturel du carbone. Ses émissions de GES proviennent de différents processus complexes tels que la fermentation entérique, l'application d'engrais ou le travail des sols agricoles. Les absorptions de carbone du secteur FLAG sont également un domaine complexe où la recherche académique est récente. Par exemple, la quantité de carbone stockée dans le sol ou dans les plantes dépend de divers facteurs tels que la situation géographique, le biome et les pratiques agricoles. Ces complexités soulèvent des défis pour normaliser les pratiques comptables tout au long de la chaîne de valeur FLAG.

Dans ce but, le GHG Protocol finalise actuellement le « Land Sector and Removals Guidance », qui devrait être publié au dernier trimestre 2025. Le guide FLAG du GHG Protocol établit une distinction entre deux types d'émissions dans ce secteur : les « émissions non liées à l’usage des terres », qui comprennent la combustion stationnaire, la combustion mobile, les émissions fugitives et les émissions de procédés, et les « émissions liées à l’usage des terres » telles que définies ci-dessous. Une nouveauté introduite par ce guide est la possibilité de prendre en compte les « émissions négatives » représentées par les absorptions de carbone du secteur FLAG. Plus précisément, les émissions liées à l’usage des terres comprennent les postes d’émissions de GES et d’absorption de carbone suivants :

  • Les émissions de CO2, de CH4 et de N2O dues à la gestion de la fertilisation (fumier, engrais, résidus de culture) ou à la fermentation entérique. Ces émissions étaient auparavant incluses dans les émissions non liées à l’usage des terres.
  • Les émissions liées au changement d'affectation des terres (LUC - pour Land Use Change), liées par exemple à la déforestation (particulièrement élevée pour disposer de terres pour la culture de certaines matières premières comme le cacao, l’huile de palme, le soja, ...), ou à des activités minières, d’expansion urbaine ou de construction d’infrastructures. En effet, la conversion de forêts en terres agricoles, ou des terres agricoles en surfaces artificialisées par exemple, génère une baisse du stock de carbone présent dans les forêts ou dans les sols. Ces émissions constituent une nouvelle composante de la comptabilisation des émissions de GES pour les organisations de la chaîne de valeur FLAG.
  • Les absorptions de dioxyde de carbone provenant d'activités telles que la restauration des forêts et la séquestration du carbone dans le sol. Ces absorptions constituent un nouvel élément de la comptabilisation des émissions de GES dans la chaine de valeur FLAG. Elles peuvent provenir de trois types de solutions :
    • naturelles, comme  la séquestration carbone dans les sols ou dans la biomasse.
    • hybrides, permettant de transformer de la biomasse par des solutions technologiques pour permettre le stockage de carbone, avec par exemple de la séquestration carbone dans les sols via des amendements très carbonés appelés biochar.
    • technologiques, comme la capture directe de CO2 depuis l’air;

Pour réduire et neutraliser les émissions de GES des entreprises du secteur FLAG, des actions peuvent être menées sur ces trois postes d’émissions de GES et d’absorption de carbone, par exemple :

  • L’optimisation de l'utilisation des engrais, l’utilisation d'engrais organiques, l’incorporation des résidus de culture ou encore l’amélioration de l'alimentation animale peuvent réduire les émissions de GES de l’agriculture par exemple ;
  • Des politiques d’achat responsables visant à limiter la déforestation ou une optimisation de l’occupation foncière, dans la chaine de valeur FLAG, permettent de limiter les émissions de GES liées au changement de l’usage des sols ;
  • Enfin, l’agriculture régénératrice, l’agroécologie, le reboisement ou l’afforestation contribuent aux absorptions de carbone.

En élargissant le périmètre de la comptabilité carbone des entreprises, le guide FLAG du GHG Protocol aidera les entreprises du secteur FLAG à réaliser une évaluation plus complète des émissions de GES liées à leurs activités ainsi que le développement de stratégies de décarbonation prenant mieux en considération les spécificités de ce secteur.

2. Les entreprises liées au secteur FLAG sont incitées à se doter d’un nouvel objectif SBT distinct

L'établissement d'un objectif de réduction des émissions des GES est un élément essentiel d'une stratégie de décarbonation, fournissant un point de référence à atteindre pour les progrès d’une organisation. Plus de 2 300 entreprises se sont engagées à définir leurs objectifs de réduction des émissions de GES via l'initiative Science Based Targets (SBTi).

La SBTi permet aux entreprises de se doter d’objectifs de réduction des émissions de GES conformes à ce que les dernières données scientifiques sur le climat considèrent nécessaires pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. Soucieux de prendre en compte les spécificités des différents secteurs, la SBTi a élaboré un guide SBTi FLAG pour l’établissement d’objectifs de réduction des émissions de GES pour les entreprises du secteur FLAG en collaboration avec le GHG Protocol (à ne pas confondre avec le guide FLAG du GHG Protocol).

La SBTi demande l’utilisation du guide SBTi FLAG pour les entreprises ayant des opérations ou des chaînes de valeur dans le secteur FLAG disposant déjà d’objectifs de réduction des émissions de GES validés par la SBTi ou souhaitant s’en fixer de nouveaux. Plus précisément, les entreprises suivantes sont concernées :

  • les entreprises de certains secteurs identifiés dans le guide (papeterie et produits issus de la forêt, tabac et chaîne de valeur des aliments et boissons) ;
  • les entreprises dont les émissions liées au secteur FLAG dépassent 20 % des émissions brutes totales sur les scopes 1, 2 et 3.

Pour ces entreprises, la SBTi demande la fixation d’objectifs spécifiques au secteur FLAG dans les six mois suivant la publication de la version finale du guide FLAG du GHG Protocol sur le secteur FLAG, prévue avant la fin de l’année 2025.

Étant donné que des leviers spécifiques sont nécessaires pour les activités du secteur FLAG par rapport à d'autres activités, la SBTi demande à ces entreprises de séparer les objectifs pour les émissions non-FLAG (énergie, industrie, transport, etc.) et pour les émissions FLAG. Cette séparation facilite la comptabilité des GES et l'élaboration d'indicateurs spécifiques de suivi des progrès. Pour les entreprises dont les émissions sont inférieures au seuil de 20%, les émissions FLAG et non FLAG peuvent être regroupées en un seul objectif, ce qui simplifie leur stratégie de décarbonisation tout en maintenant l'alignement avec les orientations de la SBTi.

De plus, une attention particulière est portée à la non-déforestation : toutes les entreprises du secteur FLAG doivent s'engager à ne pas déforester sur tous les périmètres d'ici fin 2025 pour disposer d'un objectif validé par la SBTi.

Les autres exigences clés de la SBTi incluent les points suivants :

  • Les objectifs FLAG doivent concerner plus de 95 % des émissions de scope 1 liées au FLAG et 67 % des émissions de scope 3.
  • Les entreprises doivent se fixer un objectif FLAG à court terme (5 à 10 ans) et un objectif FLAG Net-Zero à long terme (2050).
  • Les objectifs à court terme du secteur FLAG doivent inclure les absorptions de carbone.
  • Les objectifs FLAG sont à atteindre au sein de la chaîne de valeur, sans recourir à des projets de compensation carbone en dehors de la chaine de valeur.

3. La publication des premiers rapports CSRD apportera des informations précieuses au secteur FLAG

La directive européenne sur la publication d'information en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive en anglais ou CSRD) fournit un cadre formel de reporting en matière de durabilité aux entreprises de l'UE. À l'heure actuelle, la CSRD exige que les entreprises utilisent les guides du GHG Protocol pour mesurer leurs émissions de GES. Cependant l'articulation entre les exigences de publication de la CSRD et le futur guide FLAG du GHG Protocol mérite une attention particulière.

La principale différence entre les exigences actuelles de la CSRD et le guide FLAG du GHG Protocol réside dans le reporting des absorptions de carbone par les entreprises et leur présentation dans les leur état de durabilité. Le guide FLAG du GHG Protocol permettra de calculer les émissions nettes (c'est-à-dire de soustraire les absorptions de carbone des émissions brutes de GES). Cependant, la norme ESRS (European Sustainability Reporting Standards) E1 de la CSRD, portant sur le climat, exige des entreprises qu'elles communiquent leurs émissions brutes de GES (scopes 1, 2 et 3) et permet aux entreprises de communiquer les absorptions de carbone de leurs propres activités ou de leur chaîne de valeur (également appelées « carbon insets »), à condition que les émissions de GES et les absorptions de carbone soient communiquées séparément. Les entreprises peuvent également communiquer les absorptions de carbone provenant de projets en dehors de leur chaîne de valeur (également appelées « carbon offsets »), qu'elles ont financées par l'achat de crédits carbone, à condition qu'elles soient divulguées séparément des émissions de GES et des carbon insets.

La manière dont les carbon insets et offsets seront traités par les entreprises du secteur FLAG, et plus généralement la stratégie climat qui sera présentée dans leurs états de durabilité apportera des références et exemples des bonnes pratiques précieux pour l’ensemble du secteur.

Une nouvelle granularité qui permet de suivre plus finement les plans d'actions dans le secteur FLAG et ainsi de contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone.

En conclusion, le nouveau guide FLAG du GHG Protocol complètera le guide FLAG SBTi par des méthodologies de comptabilité nouvelles, qui nécessiteront un temps d’appropriation pour être appliquées dans le secteur FLAG.

A ce jour, plus de 200 entreprises se sont fixées un objectif SBTi FLAG, dont une centaine dans le secteur de la transformation des aliments et boissons. Ce chiffre devrait augmenter à la suite de la publication du guide FLAG du GHG Protocol, puisque plusieurs centaines d’entreprises du secteur FLAG et engagées dans une démarche SBTi ne disposent pas encore d’objectif FLAG spécifique.

Ce nouveau cadre méthodologique permettra une comptabilité plus fine des émissions de GES et absorptions carbone du secteur FLAG, ouvrant la porte à un suivi plus granulaire des impacts des actions de réduction des émissions de GES dans ce secteur. En particulier il sera plus facile de valoriser l’impact sur les bilans carbone de solutions fondées sur la nature, les solutions technologiques et le solutions hybrides pour les absorptions de carbone, facilitant ainsi leur financement et leur mise en œuvre pour contribuer à la neutralité carbone.

En parallèle, les premières publications des états de durabilité au format CSRD d’ici le mois de juin 2025 apporteront des informations sur :

  • les empreintes carbone FLAG des entreprises
  • leurs objectifs FLAG et leur intégration dans la stratégie climatique de l’entreprise
  • Les leviers et action de réduction des émissions de GES et les absorptions carbone liées au secteur FLAG, ainsi que les financements prévus dans le plan de transition
  • les approches de « carbon insets » et « carbon offsets » adoptées par les entreprises

Dans ce contexte de transparence accrue et d’urgence climatique, les entreprises de la chaîne de valeur FLAG devront aborder la gestion des émissions de GES et d’absorption de carbone de manière plus avancée que par le passé, en appliquant le guide FLAG du GHG Protocol et le guide SBTi FLAG pour affiner leurs stratégies de décarbonation, en utilisant les carbon insets comme un levier d'action.

Nos équipes soutiennent d’ores et déjà les entreprises du secteur FLAG, notamment à travers la comptabilité carbone et l’application du projet de guide FLAG du GHG Protocol, la fixation d’objectifs SBTi y compris les objectifs FLAG, la structuration de stratégies d’insetting et d’offsetting, le développement de plans de transition au sens de la CSRD, et l’assistance à l’estimation des ressources financières nécessaires pour mettre en œuvre les actions de décarbonation et séquestration carbone.

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Ce qu'il faut retenir

Le secteur de la forêt, des terres et de l'agriculture (FLAG) est crucial pour l'économie et contribue aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Le nouveau guide FLAG du GHG Protocol, prévu pour 2025, élargit la comptabilité carbone en intégrant les émissions et les absorptions de carbone. Les entreprises du secteur doivent établir des objectifs spécifiques de réduction des émissions, en s'engageant à ne pas déforester d'ici 2025. La directive CSRD exige également un reporting sur l'impact climatique. Ce cadre aidera les entreprises à atteindre des objectifs de zéro émissions nettes grâce à des solutions basées sur la nature.

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