Actualités réglementaires européennes en matière de reporting de durabilité

Les réglementations publiées au second semestre 2023 et en ce tout début d’année 2024 sont clés dans le paysage du reporting de durabilité : on notera en particulier l’extension des activités couvertes par la taxonomie européenne et l’entrée en vigueur des normes européennes sur l’information de durabilité (ESRS).



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Section 1

Taxonomie Européenne

Actualités réglementaires européennes en matière de reporting de durabilité

Deux nouveaux textes complètent le cadre évolutif de la taxonomie européenne

  • La taxonomie établit un système de classification européen pour identifier les activités économiques pouvant être considérées comme « durables » sur le plan environnemental. Des critères de durabilité ont ainsi été définis pour chaque activité économique couverte par chaque objectif environnemental.
  • Jusqu’ici, ces critères ne couvraient que les deux objectifs climatiques (atténuation et adaptation au changement climatique) et portaient sur une centaine d’activités économiques.
  • Avec la publication au Journal Officiel de l’UE en novembre 2023 de deux règlements délégués (règlement délégué environnemental, et règlement délégué climat) complétant la taxonomie, des critères de durabilité sur les quatre autres objectifs environnementaux (biodiversité, pollution, économie circulaire, ressources aquatiques et marines) ont été développés portant sur 35 activités; et 16 nouvelles activités ont été introduites au sein des objectifs climatiques.
  • Au total, environ 130 activités économiques réparties sur 16 secteurs d’activités différents sont aujourd’hui concernées par la taxonomie européenne.

Les obligations de reporting associées à ces nouveaux textes s’appliqueront progressivement 

  • Jusqu’en 2023 (données 2022), le reporting des entreprises non-financières concernait l’éligibilité et l’alignement de leurs activités économiques sur les 2 objectifs climatiques.
  • A compter de 2024 (données 2023), leur reporting concernera également les 4 autres objectifs environnementaux, avec la publication de l’éligibilité la première année, et de l’alignement un an plus tard, i.e. en 2025 (données 2024).
  • Le même calendrier s’applique aux nouvelles activités introduites dans les 2 objectifs climatiques.

D’autres modifications ciblées, mais importantes, ont également été apportées

  • Les amendements à certains critères techniques spécifiques aux activités existantes, ou génériques à un grand nombre d’activités (par exemple, l’Appendice C sur le DNSH Pollution) seront applicables aux analyses d’alignement réalisées pour les publications 2024 (données 2023) ;
  • Les modèles de tableaux obligatoires pour reporter les niveaux d’éligibilité et d’alignement des Chiffre d’affaires, Capex et Opex ont été modifiés et seront applicables dès les publications 2024 (données 2023) ;
  • Des tableaux additionnels ont été introduits à renseigner obligatoirement à compter de 2024 (données 2023 – pour l’éligibilité) en cas de contribution d’une activité à plusieurs objectifs environnementaux. Ils présentent les niveaux d’éligibilité et d’alignement du Chiffre d’affaires, des Capex et des Opex, par objectif environnemental de la taxonomie. Cela implique en pratique l’analyse de l’éligibilité et de l’alignement de chaque activité sur chacun des 6 objectifs de la Taxonomie.

Publication de guidances par la Commission Européenne

  • Pour accompagner les acteurs dans l'application de la réglementation, la Commission européenne a publié depuis 2021 plusieurs séries de questions/réponses (FAQ) relatives à l’interprétation et à la mise en œuvre de certaines dispositions de la Taxonomie. Deux FAQ (sur les obligations de reporting, et les critères techniques des objectifs climatiques) ont été publiés au JOUE le 20 octobre 2023, avec en tout près de 200 questions/réponses traitées. Un autre projet de FAQ a été publié par la Commission en décembre dernier à destination des sociétés financières.

Dispositif de requêtes des parties prenantes

La Plateforme sur la Finance Durable et la Commission Européenne ont mis en place un mécanisme de demande des parties prenantes, l’EU Taxonomy Stakeholder Request Mechanism, visant à recueillir les demandes étayées des parties prenantes pour inclure de nouvelles activités économiques dans la taxonomie, ou réviser certains critères techniques des activités existantes.

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Section 2

Normes européennes d'informations de durabilité ESRS

Actualités réglementaires européennes en matière de reporting de durabilité

Entrée en vigueur des normes ESRS, publiées au Journal Officiel de l’UE

La publication des douze premières normes européennes sur les informations de durabilité (ESRS) au Journal Officiel de l’UE le 21 décembre 2023 (règlement délégué ESRS) marque la fin d’intenses mois de travaux et de discussions au niveau de l’EFRAG et de la Commission européenne. Ces normes « tout-secteur », désormais en vigueur, complètent la directive Corporate Sustainablity Reporting (CSRD) – qui vise à harmoniser le reporting de durabilité des entreprises, et à améliorer leur comparabilité, pertinence et qualité.

Deux normes transversales définissent les concepts et les principes clés de l’information de durabilité (ESRS 1), ainsi que les informations générales obligatoires (ESRS 2) à fournir par les entreprises sur les sujets de durabilité, organisées en 4 piliers : stratégie ; gouvernance ; gestion des impacts, risques et opportunités à travers les politiques et les actions ; métriques et objectifs.

Dix normes thématiques définissent les informations à fournir pour chaque thématique ESG jugée matérielle. L’analyse de matérialité est en effet au centre du reporting de durabilité : les sociétés devront publier les exigences des normes thématiques si les sujets couverts ont été jugés matériels à l’issue de l’analyse de double matérialité portant sur les impacts, risques et opportunités liés.

  • 5 normes sur le pilier Environnement (ESRS E1 à E5) : Climat, Pollution, Eau et ressources marines, Biodiversité, Economie circulaire. Une explication détaillée sera nécessaire s’il est conclu que le changement climatique n’est pas un sujet matériel pour l’entreprise.
  • 4 normes sur le pilier Social (ESRS S1 à S4) :  organisées par parties prenantes avec les travailleurs de l’entreprise, ceux de la chaîne de valeur, les communautés affectées, et les consommateurs ;
  • 1 norme sur le pilier Gouvernance, centrée sur la conduite des affaires (ESRS G1).

Calendrier d’application, et dispositions transitoires pour faciliter la première application

Les normes ESRS seront applicables de façon progressive en fonction de la taille des sociétés :

  • au 1er janvier 2024 (publications 2025) pour les grandes entreprises déjà soumises à la NFRD,
  • au 1er janvier 2025 (publications 2026) pour les autres grandes entreprises.

Les PME cotées sur marché réglementé européen appliqueront des normes spécifiques PME (en cours d’élaboration) à compter de 2026 (publication 2027) – avec un différé possible pendant 2 ans.

Une optionnalité temporaire de certaines normes ou dispositions a été retenue dans la version définitive pour faciliter la première application des ESRS et réduire la charge des entreprises :

Guides de l’EFRAG et plateforme de questions-réponses dédiés à la mise en œuvre des normes ESRS

Pour accompagner la mise en œuvre des ESRS, des projets de guidances ont été publiés par l’EFRAG le 22 décembre 2023. Ces guidances seront non contraignantes et ne visent pas à interpréter les ESRS ni à introduire de nouvelles dispositions dans les ESRS. Ils portent sur :

  • la double matérialité, clarifiant l’approche et la démarche d’analyse de matérialité : évaluation des impacts, risques, et opportunités, évaluation de la matérialité de l’information, etc. (Draft EFRAG IG1 Materiality Assessment)
  • la chaîne de valeur, aidant à naviguer dans les dispositions ESRS sur ce concept et à l’implémenter : identification des acteurs de la chaîne de valeur, informations liées, collecte de l’information, etc. (Draft EFRAG IG2 Value chain)
  • une « liste des datapoints des ESRS » référençant tous les datapoints qualitatifs, quantitatifs, obligatoires ou optionnels des ESRS, pour faciliter notamment les analyses d’écarts entre les dispositions actuellement appliquées par les entreprises et les normes ESRS. (Draft EFRAG IG3 List of ESRS Data Points 231222.xls et Draft EFRAG IG3 List of ESRS datapoints explanatory note)

L’EFRAG devrait publier les versions définitives de ces guidances dans les prochaines semaines, après considération des retours obtenus lors la période de consultation (« feedback period ») qui s’est clôturée le 2 février 2024.

Enfin, l’EFRAG a mis en place fin octobre 2023 une plateforme publique de questions-réponses (EFRAG ESRS Q&A Platform – EFRAG) visant à recueillir les questions techniques des parties prenantes. Les questions reçues et les réponses apportées (sous 10 et 12 semaines selon la nature des questions) sont rendues publiques dans un fichier récapitulatif (« log » au format Excel) sur le site de l’EFRAG.  A la date de rédaction de cet article, plus de 550 questions de tout ordre ont été posées par les parties prenantes sur la plateforme publique de l’EFRAG. L’EFRAG a publié le 8 février 2024 une première série de réponses à 12 questions d’implémentation des normes « ESRS Implementation Q&A Platform Explanations ».

Autres travaux de normalisation de l’EFRAG : normes PME, taxonomie digitale, normes sectorielles

  • L’EFRAG a publié le 22 janvier deux projets de normes dédiées aux PME. Le premier projet de normes ESRS LSME s’applique aux PME cotées sur un marché réglementé, qui sont soumises à la CSRD à compter de l’exercice 2026 (avec report optionnel de 2 ans). Il comporte trois sections générales sur les principes généraux, les informations générales à publier, et les politiques, actions et objectifs ; et trois sections thématiques sur les indicateurs environnementaux, sociaux et de conduite des affaires. Le projet de normes VSME vise à proposer un outil de reporting volontaire aux PME non cotées pour répondre efficacement aux demandes d'informations sur la durabilité de la part de leurs parties prenantes. Ces projets sont soumis à commentaires jusqu’au 21 mai 2024. Par ailleurs, l’EFRAG a lancé un « field test » pour recueillir les retours des entreprises et des parties prenantes participant au test sur la faisabilité, les coûts/contraintes et les avantages/utilités des informations prévues dans ces normes.
  • La taxonomie digitale XBRL permettra la digitalisation des informations de durabilité (incluant les informations liées à la taxonomie européenne), qui devront être « taggées » dans un format lisible par la machine, tel requis par la CSRD. L’EFRAG a lancé une consultation publique sur son projet de taxonomie XBRL pour une période de 3 mois jusqu’au 8 avril 2024.
  • Sur les normes sectorielles, l’EFRAG a priorisé les travaux de développement des normes sur les secteurs à fort impact, couvrant les activités amont et aval du pétrole et gaz, l'extraction minière, carrière et charbon ; et les travaux de recherche sur les normes du secteur financier (Banque, Assurance, Marchés financiers) compte-tenu de leur rôle pour atteindre les objectifs de la finance durable. A la suite d’une proposition de la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE se sont accordé pour décaler de 2 ans la date d’adoption par la Commission des normes sectorielles, et des normes dédiées au pays-tiers, portée à juin 2026 au lieu de juin 2024 initialement.
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Section 3

Modification des seuils de la directive comptable

Actualités réglementaires européennes en matière de reporting de durabilité

Les seuils européens de chiffre d’affaires et de total bilan définissant les catégories d’entreprises (grandes, moyennes, petites entreprises) ou de groupes ont été réhaussés pour tenir compte de l’inflation et plus largement de l’initiative de la Commission européenne de réduire de 25% les exigences de publication des entreprises. Publiée au Journal officiel de l’UE le 21 décembre 2023, la directive déléguée réduit le champ d'application des exigences de présentation, d'audit et de publication des états financiers établies par la Directive Comptable, et le champ d'application de la CSRD. Elle impacte aussi la répartition des entités entrant pour la première fois dans le dispositif CSRD pour les exercices 2024 ou 2025. A titre d’exemple, les seuils pour les grandes entreprises passent de 20M€ de total bilan et 40M€ de CA à, respectivement, 25M€ et 50M€.

Les critères ajustés s'appliqueront pour les exercices commençant le ou après le 1er janvier 2024. Le texte doit encore être transposé dans le droit national pour être appliqué en France.

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Section 4

Actualités internationales

Actualités réglementaires européennes en matière de reporting de durabilité

L’International Sustainability Standards Board (ISSB) a publié fin juin 2023 ses deux premières normes IFRS sur l’information de durabilité, élaborées pour répondre aux besoins des investisseurs :

A l’inverse de la CSRD et des normes ESRS dont la pierre angulaire est la double matérialité, les normes de l’ISSB sont bâties sur le principe de la matérialité simple, en considérant les effets des enjeux de durabilité sur la situation et la performance financières de l’entreprise – sans tenir compte des impacts de l’entreprise sur l’environnement et la société. Le sujet de l’interopérabilité des normes de l’ISSB avec les ESRS a été fortement débattu : in fine, un haut degré d'interopérabilité entre les deux référentiels de normes a été assuré via les travaux entre l’ISSB, la CE et l’EFRAG.

Les normes IFRS S1 et IFRS S2 pourront entrer en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024. L’ISSB ne peut pas imposer l’adoption de ses normes dans le droit des différents pays/juridictions, auxquels il appartient de décider ou non de rendre ces normes obligatoires. IOSCO, organisation regroupe les autorités des marchés financiers dans le monde, a approuvé les normes de l’ISSB en juillet 2023 appelant ses membres à considérer l’adoption ou la prise en compte de ces normes dans leurs règles.

Les travaux de l’ISSB se poursuivent. Une consultation publique a été menée à l’été 2023 sur les activités et nouveaux projets de recherche et de normalisation qui pourraient être ajoutées au plan de travail de l’ISSB. Un projet de taxonomie digitale sur les normes IFRS S1 et S2 a également été mis en consultation. Les retours de ces consultations sont en cours d’analyse.


Ce qu'il faut retenir

L’actualité européenne et internationale en matière de reporting de durabilité reste dense, il est important que les entreprises et leurs conseils d’administration restent alertes sur les travaux réglementaires européens et internationaux.

Par ailleurs, au-delà du reporting et de la conformité réglementaire, c’est l’adaptation et la transformation même des entreprises qui est en jeu, pour répondre aux défis climatiques, environnementaux et sociétaux globaux auxquelles elles font face.


Pour en savoir plus

RDV EY – Reporting de durabilité

A l’occasion de ce cycle de webcasts, nos experts EY vous proposent un éclairage des points majeurs de l’actualité comptable, réglementaire et fiscale pour vous permettre de mieux appréhender la préparation des comptes

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