Le pacte de famille : transmettre à sa famille un sens, ses racines, et des ailes
Le pacte de famille, également dénommé charte familiale, est un instrument fondamental de la gouvernance des entreprises familiales : il sert en effet des objectifs nombreux dans l’organisation des rapports entre les actionnaires familiaux, que ce soit entre eux ou dans leur relation à l’entreprise dont ils ont le contrôle.
Organiser le consensus en faveur de valeurs communes
L’objectif principal du pacte de famille est de déterminer les valeurs fondamentales que les actionnaires familiaux entendent incarner, lesquelles serviront à orienter la stratégie et les ambitions du groupe, mais aussi à fixer les règles de gouvernance auxquelles les actionnaires familiaux souhaitent se soumettre.
En cela, le pacte de famille se distingue du simple pacte d’actionnaires dans la mesure où il se veut une véritable charte qui incarne la famille, son histoire, ses valeurs, les objectifs et la projection que l’actionnariat familial souhaite impulser à l’entreprise.
Sous ce prisme, le pacte de famille sert des ambitions multiples.
Acte de mémoire, le pacte de famille vise à renforcer le sentiment d’appartenance de ses signataires, en les solidarisant autour de racines communes et d’un passé entrepreneurial que les générations les plus jeunes ne connaissent pas nécessairement. Il évite ainsi de réinventer un passé qui n’existe pas ou seulement partiellement et écarte tout risque de dénaturation, source d’ambiguïté.
Acte de référence, le pacte de famille est un guide auquel chaque actionnaire familial pourra se référer de génération en génération, afin de comprendre l’histoire, les valeurs familiales autour desquelles s’est construit le projet entrepreneurial, ainsi que les règles fondamentales par lesquelles les actionnaires entendent dessiner les principes d’organisation et de gouvernance de l’entreprise et de la famille autour de l’entreprise.
Acte d’anticipation, le pacte de famille clarifie les objectifs et le sens à donner au projet d’entreprise. Ce faisant, il permet de projeter les actions à court, moyen et long terme, dans le respect des priorités que se sont fixées les actionnaires familiaux.
Afin d’assurer une complète adéquation entre les objectifs définis par le pacte et leur mise en œuvre au sein de l’entreprise, la charte familiale devra planifier le rôle que les actionnaires familiaux souhaitent jouer au sein des organes de direction de l’entreprise, de même que clarifier et organiser les rapports entre les opérationnels et les institutions familiales.
Au niveau actionnarial, le pacte de famille est également un instrument qui permet de gérer les différences de situation personnelle de ses signataires, en organisant les mécanismes tenant compte des choix et aléas auxquels les actionnaires familiaux peuvent être confrontés (succession, handicap, revers de fortune, souhait de liquidités…).
Afin d’éviter toute rigidité excessive, le pacte de famille devra intégrer des clauses de rendez-vous en vue d’adapter en permanence les règles communes aux évolutions de la famille et de l’entreprise.
Acte de cohésion, le pacte de famille ambitionne surtout de fédérer et de rapprocher les différentes générations d’actionnaires familiaux autour d’un projet commun. Dans cette perspective, la pleine efficacité de la charte familiale dépendra fondamentalement de l’élaboration du pacte de famille et de la manière dont il se construit.
A cet égard, le temps de la réflexion, les échanges, l’implication des différentes générations à la rédaction du pacte constituent autant de moyens de relever les différences de sensibilité, mettre à jour les conflits latents, ouvrir le dialogue et provoquer la réunion des participants.
Ainsi, la conception du pacte de famille est un exercice d’autant plus délicat que les enjeux impliqués sont importants. Notamment, il est crucial que le sens de l’action collective soit partagé, afin que les membres du groupe s’approprient cet outil pour qu’il vive et s’impose naturellement à ses membres. En d’autres termes, la cohésion implique l’adhésion des membres au pacte : elle renforcera d’autant la stabilité de la gouvernance par la gestion des divergences d’intérêts dans le cadre d’un équilibre, parade à l’ingouvernabilité.
Dans ce contexte, les signataires du pacte de famille auront à arbitrer le choix qu’ils entendent faire entre, d’une part, l’adoption d’obligations civiles, juridiquement contraignantes et, d’autre part, l’insertion d’obligations naturelles qui, si elles peuvent être volontairement exécutées par leur débiteur, ne peuvent faire l’objet d’une exécution forcée, ainsi que le rappelle l’article 1302 du Code civil. La cohésion et l’adhésion constituent alors les meilleurs ferments d’une exécution spontanée, par l’ensemble des membres du groupe, des engagements nés du pacte de famille.