Façade d'immeuble avec art moderne en fil métallique.

Accès à la culture en zones rurales : quel rôle pour les collectivités ?

Seulement 4 Français sur 10 en zones rurales ont un accès satisfaisant à la culture, contre 7 sur 10 à Paris. Des solutions émergent pour combler ce fossé.


En résumé :

  • Rôle des collectivités locales : Historiquement centrées sur le patrimoine, elles jouent désormais un rôle crucial dans le développement des industries culturelles et créatives.
  • Transition économique et culturelle : La culture, autrefois secondaire, est devenue un moteur économique et de désenclavement, représentant 4,4 % du PIB de l'UE selon une étude EY.
  • Initiatives et soutien : Pour réduire les inégalités d'accès à la culture, le ministère de la Culture investit 100 millions d'euros et les collectivités locales soutiennent des projets innovants.

Accès à la culture en zones rurales : quel rôle pour les collectivités ?

Seuls 4 Français sur 10 disent avoir un accès satisfaisant à la culture dans les communes rurales, contre 7 sur 10 à Paris1. En cause, le manque de diversité de l’offre culturelle et le trajet qu’il faut parcourir pour accéder aux sites d’exposition et de concert. Pour rendre la culture accessible, des pistes émergent, celles d’augmenter le financement des associations locales ou de renforcer l’éducation artistique des plus jeunes. En tout état de cause, par l’évolution de leur rôle et leur ancrage territorial, les collectivités ont un rôle crucial à jouer pour faire émerger une offre culturelle, tout en concrétisant le potentiel que constituent les industries culturelles en termes de développement économique, attractivité et création de valeur et d’emplois.

La culture pour développer les territoires

Historiquement, les collectivités locales avaient pour compétences « traditionnelles » les questions liées à la préservation du patrimoine, laissant à l’Etat tout ce qui relève du soutien à la création et aux établissements culturels. Cette répartition a, de fait, placé la culture, et plus largement les industries culturelles et créatives, comme une composante secondaire du développement territorial local.

Cette donne a toutefois considérablement changé ces dernières années avec la prise de conscience de l’importance économique des filières créatives et culturelles pour les territoires. Ainsi selon la dernière étude EY sur le poids des industries culturelles, 4,4 % du PIB de l’UE seraient dû à ces filières. Longtemps considérée comme secondaire, la culture revient donc sur le devant de la scène comme un ferment de développement économique et de désenclavement.

Pour autant, un fossé subsiste entre la réalité économique portée par les fleurons industriels des industries culturelles et la fragilité des modèles de financement de la création, dans un contexte où les inégalités d’accès à la culture restent toujours aussi vives.

Preuve de ce défi et des enjeux qui en découlent, le ministère de la Culture a récemment lancé une concertation pour revaloriser les initiatives en milieu rural et souhaite investir près de 100 millions d’euros pour réduire le hiatus qui existe entre une offre inégalement répartie et une demande croissante à tous les échelons territoriaux.

Surmonter une distorsion historique entre une offre culturelle soutenue et un accès encore inégal

Depuis son institutionnalisation par Malraux, la politique culturelle est divisée en deux volets distincts. Le ministère de la Culture soutient la création, donne accès à des équipements et préserve le patrimoine, tandis que l’éducation artistique qui en constitue le pendant essentiel et nécessaire, reste une responsabilité partagée avec les ministères de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Cette séparation historique créée une distorsion entre une offre fortement soutenue, parfois perçue comme élitiste, et des catégories de population qui s’en sentent éloignées physiquement et culturellement.

Surmonter cette difficulté représente un triple enjeu pour notre société. Tout d’abord un enjeu d’inclusion, car la culture a vocation à émanciper et à nous relier les uns aux autres. Ensuite, un enjeu économique, car le modèle de subvention montre ses limites et exige de diversifier les ressources des acteurs culturels. Enfin, un enjeu de rayonnement et d’attractivité, désormais incontournables pour tous les territoires.

Dans ce contexte, le rôle des collectivités locales a considérablement évolué au fil des décennies, d’un rôle de soutien ponctuel à celui d’acteurs structurants dans le développement des industries culturelles en France.

Avec les lois de décentralisation des années 1980, les collectivités ont acquis des compétences clefs, transférées par l’Etat, qui leur ont permis de jouer un rôle plus actif dans la gestion des équipements, l’organisation d’événements ou de soutien de la création artistique.

Au fil des décennies, elles ont professionnalisé leurs actions et diversifié leur soutien aux arts et industries créatives. La montée en puissance des festivals, des scènes nationales, et des initiatives de démocratisation culturelle témoigne de cette dynamique, de même que l’émergence des projets intégrant des objectifs de développement durable, de transition écologique et d’équilibre territorial. Ainsi, selon les estimations de l’Observatoire des politiques culturelles, les dépenses culturelles des collectivités territoriales s’élèvent à plus de 10,3 milliards d’euros.

Par leur soutien aux industries culturelles et créatives, les collectivités locales ambitionnent désormais de devenir de véritables catalyseurs de créativité, d’innovation et de développement territorial. En fédérant les acteurs, en mobilisant les ressources locales et en accompagnant les mutations du secteur, elles construisent de véritables politiques de filières en veillant à tenir les deux bouts d’une politique culturelle inclusive et d’un développement économique ambitieux.

Le digital, premier levier pour renforcer le lien entre culture et territoire

L’accélération de la transition digitale, catalysée sur certains aspects par les effets de la crise sanitaire COVID-19, est devenue une donnée incontournable pour tous les types d’offre culturelle : billetterie, marketing, accès, gestion de données, etc. Malgré cela, la mise en œuvre de cette transition reste complexe en raison de processus dispersés et d’acteurs fragiles confrontés à des opérateurs soit dominants, soit absents.

Les collectivités locales ont donc un vrai rôle à jouer dans la poursuite de la transition digitale, véritable levier d’accessibilité mais également formidable relais de croissance pour plusieurs filières culturelles et créatives. Elles doivent également accompagner cette transition en suscitant des approches collectives entre acteurs qui peuvent ensuite s’appuyer sur les outils et les financements mis à disposition par l’Etat, à l’instar des appels à projets de France 2030.

Les lieux de culture, pour un développement fondé sur un urbanisme innovant

La culture est substantiellement fondée sur la rencontre : les lieux jouent un rôle fondamental et ne cessent de se réinventer pour offrir de nouvelles expériences. Cette dynamique ouvre des perspectives de développement économique articulées sur des logiques d’aménagement et d’urbanisme, et où la culture joue un rôle central : l’expérience des dernières décennies a montré que la logique des quartiers créatifs permet de construire des péréquations économiques susceptibles d’améliorer les marges de manœuvre des acteurs publics et privés, avec une logique de concentration qui peut être bénéfique dès lors qu’elle préserve la diversité. De telles initiatives permettent d’ailleurs souvent de revitaliser des quartiers en déclin, voire de structurer un marché où la culture devient un moteur économique à part entière.

Ces initiatives ne doivent cependant pas se limiter à la fourniture d’infrastructures : elles doivent s’accompagner de politiques incitatives, telles que des régimes fiscaux avantageux, des subventions ciblées, et un soutien actif à l’entrepreneuriat culturel. A titre d’exemple, le Quartier de la création sur l’île de Nantes a pu être transformé d’une ancienne zone industrielle en un hub dynamique pour les ICC, accueillant, à fin 2022, 19 sites en activité, 335 structures hébergées, soit environ 1000 emplois, ainsi que des écoles d’art, telles que l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes et l’Ecole de design Nantes Atlantique.

Mobilité et modes d’exploitation innovants, pour renforcer la durabilité de la filière sur les territoires

Les collectivités doivent également œuvrer pour soutenir des projets qui intègrent une dimension sociale et environnementale. Des initiatives novatrices, comme de rendre certaines expositions itinérantes, allongent la durée de vie de certaines œuvres et réinventent la manière d’accéder à la culture dans les territoires, notamment ruraux.

Plus généralement, la question de la mobilité reste centrale pour décarboner la culture, en particulier dans les territoires les plus excentrés.

Bourges, future capitale européenne de la culture en a par exemple fait un axe central de son projet avec notamment son RER Europa et ses trains de nuit culturels. Les propositions foisonnent. Les collectivités peuvent encourager et soutenir ces modèles en développant des infrastructures adaptées, mais également en soutenant leur structuration en réseau afin de favoriser à la fois le partage de bonnes pratiques et la circulation des œuvres.

  1. Sondage Acteurs publics/EY réalisé par l’Ifop pour l’Observatoire des politiques publiques

Ce qu'il faut retenir

En conclusion, la culture, et plus largement ce que l’on nomme les industries culturelles et créatives, sont un secteur économique qui doit bénéficier des mêmes approches, méthodes et ressources qui ont su être mobilisées par les collectivités via leurs compétences de développement économique. Mais c’est aussi un secteur économique à part, par son caractère vital dans la vie de nos sociétés et pour lequel il faut préserver un modèle hybride qui mêle un soutien public important et une logique de viabilité économique.