Attractivité des métiers du service public : quelles solutions pour les employeurs locaux en difficulté ?
Les métiers exercés par la fonction publique territoriale et hospitalière - aux compétences pour le moins diversifiées - sont des services publics essentiels à la vie quotidienne des Français qui font vivre près de 3,2 millions d’agents dans le pays. Aujourd’hui, cinq défis clés sont à relever pour renforcer l’attractivité RH de ces employeurs de proximité, confrontés à des difficultés de recrutement et de rétention des talents.
- La capacité pour les employeurs publics locaux à attirer et fidéliser leurs personnels est un sujet clé : 39 %¹ des employeurs territoriaux disent éprouver des difficultés à attirer des candidats en 2021 (ils étaient 30% en 2015). 67% des responsables de ressources humaines font état de difficultés sur la période récente pour recruter des fonctionnaires d’après le dernier rapport sur la fonction publique territoriale publié par l’IGA, le CNFPT et l’ANDRHCT (janvier 2022), notamment dans le domaine de la petite enfance et du bâtiment (concurrence du secteur privé) ou dans le domaine RH (pas assez de candidats formés).
- Plusieurs métiers sont en tension dans les territoires, en particulier dans la sphère médico-sociale (travailleur social, assistant éducatif petite enfance, animateur enfance-jeunesse), dans l’administration de proximité (secrétaire de mairie, assistant RH) ou encore dans le secteur clé du numérique, et certains de ces métiers sont par ailleurs de plus en plus exposés, au contact d’usagers parfois en souffrance.
- Des inégalités géographiques viennent aggraver des difficultés d’attractivité déjà connues, en particulier au sein de territoires enclavés (moindre accessibilité des transports, déserts médicaux) dans lesquels une plus grande polyvalence est nécessaire et attendue sur les postes. Typiquement, s’agissant de la fonction publique hospitalière, ce manque de polyvalence et l’inadéquation croissante entre l’organisation de l’appareil de formation et les besoins de santé font peser des risques sur la prise en charge des patients complexes.
- La question de la rémunération reste un élément central dans la proposition de valeur RH des collectivités et des hôpitaux, en particulier face à l’inflation et l’évolution des prix des logements dans les territoires les plus attractifs : les territoires qui souhaitent recruter de nouveaux agents dans les zones où le logement est cher pour remplacer des agents partant à la retraite se heurtent à des blocages croissants.
- Enfin, l’image de la fonction publique, en particulier territoriale, n’est pas suffisamment bonne comme le montre la dernière enquête sur l’attractivité de la fonction publique territoriale publiée par la DITP (novembre 2021), essentiellement en raison de la méconnaissance qu’ont les citoyens - les jeunes notamment - de ses métiers, souvent réduits aux services qu’ils utilisent, ou en raison d’une image encore trop bureaucratique du fonctionnement des administrations locales.
Afin de renforcer l’attractivité des métiers exercés nous avons identifié 3 pistes opérationnelles au regard de notre expérience de l’accompagnement des territoires qui font face à ces difficultés grandissantes.
Construire une proposition de valeur RH plus attractive pour les agents
Si le point d’indice des agents publics a bien été revu à la hausse en 2023, la question d’une politique RH plus incitative se pose toujours : dans cette perspective, la création d’une prime d’attractivité fondée sur la stabilité de l’agent, sur le modèle des primes de fidélisation versées aux agents de l’État exerçant en Seine-Saint-Denis, pourrait faire son chemin. De même, la non-reconduction en PLF 2023 du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines que pouvaient solliciter les ministères et opérateurs peut être l’occasion de relancer l’idée d’un fonds pour l’attractivité de la fonction publique territoriale et hospitalière, qui inciterait les agents ou les étudiants à rejoindre les collectivités et les hôpitaux en tension ou en zone sensible. Enfin, certains employeurs locaux gagneraient à réserver une partie du contingent de logements intermédiaires à leurs jeunes recrues en début de carrière à l’instar de ce qui existe pour les fonctionnaires d’État sur le contingent préfectoral.
Déployer une politique marque employeur décomplexée pour attirer les meilleurs candidats
Afin d’améliorer l’image de la fonction publique dans les territoires, il devient essentiel de renforcer la notoriété des employeurs locaux. Plusieurs pistes sont à explorer en ce sens : mettre en place des campagnes de marketing d’influence sur les réseaux sociaux, y publier régulièrement des portraits d’alumni, développer des dispositifs de type « Vis mon job » pour faire mieux connaître les métiers, nouer des partenariats avec des producteurs pour incarner au cinéma ou dans une série des métiers encore méconnus (sur le modèle des policiers, juges ou urgentistes) pour permettre aux jeunes de se projeter plus facilement dans une carrière qu’ils ont découvert à l’écran, ou encore organiser des « challenges » en matière d’innovation publique pour faire connaître les derniers projets de transformation qui ont changé la vie des usagers, etc.
Donner aux agents les outils et les parcours RH dont ils sont besoin pour mieux se développer
Il devient aujourd’hui indispensable de réfléchir à des modes d’organisation du travail permettant d’introduire plus de souplesse horaire ou encore à des modes de management, une déconcentration de la prise de décision, permettant de donner beaucoup plus de responsabilités directes aux cadres intermédiaires des fonctions publiques territoriale comme hospitalière, voire aux agents sur certains sujets. En particulier, il est indispensable de doter les agents publics d’outils digitaux modernes de communication et d’interaction afin de faciliter leur travail. Enfin, pour accompagner la progression de carrière des agents la fonction publique pourrait développer et communiquer sur une trajectoire d’évolution de compétences offrant plus de perspectives, en proposant par exemple certaines passerelles clés (aide-soignant/infirmier, auxiliaire/puéricultrice), pour tirer vers le haut et accompagner l’évolution des métiers.
Focus: étude internationale “Work Reimagined Employee Survey” (EY, 2022)
EY a réalisé une étude auprès d’un panel constitué de plus de 17 000 employés dans le monde, et plus de 1 600 employeurs incluant 44 administrations publiques réparties dans 22 pays. Plusieurs enseignements clés sont à retenir.
- Les cinq principaux enjeux auxquels doivent faire face les employeurs publics portent sur la hausse du coût de la vie liée à l’inflation, l’incapacité structurelle à pourvoir les postes sur les métiers les plus critiques, la difficulté de répondre aux départs en retraite de la dernière génération au regard des attentes spécifiques des nouvelles générations, la capacité des administrations à réinterroger l’allocation des ressources grâce à la transformation digitale et la manière dont ces dernières ont su tirer parti des enseignements de la crise Covid sur leurs méthodes de travail.
- Pour répondre aux besoins de rétention des talents, 52 % des agents pensent qu’il faut augmenter les rémunérations et 41 % d’entre eux sont prêts à changer de poste pour cela (30 % au niveau de l’ensemble des employeurs) ; selon les employeurs publics interrogés, 50 % des raisons pour lesquelles un agent quitte son poste sont liées à la promesse d’un parcours de carrière plus attractif et une meilleure rémunération (vs 30 % de la population globale).
- Même après la crise Covid, la perception qu’ont les agents publics du niveau de maturité de leur employeur à proposer plus de flexibilité au travail est seulement de 58 %, alors qu’elle est de 70 % pour l’ensemble des employeurs interrogés.
- La perception qu’ont les employeurs publics de la façon dont leur culture managériale a su s’adapter aux transformations engendrées par la pandémie est nettement plus faible que celle de la moyenne des employeurs sollicités (15 % vs 58 %). De même, la perception d’une amélioration de la productivité au travail varie fortement : seulement 36% des employeurs publics estiment qu’elle a augmenté durant la pandémie vs 62 % du total.
- Enfin, plus généralement, le niveau d’optimisme des employeurs publics sur la capacité de leur administration à faire face aux enjeux issus de la crise est nettement inférieur (7 %) à celui perçu par le total des employeurs (29 %), ce qui interpelle sur la capacité qu’ont certains managers publics à croire en la pérennité de leur modèle.