Dans son dernier rapport, le Haut Conseil pour le climat déplore qu’« en l’état, la France n’est pas prête à faire face aux évolutions climatiques à venir […] les territoires disposent de ressources, moyens et compétences inégaux, qui appellent un accompagnement de l’État, pour répondre aux enjeux de transition juste. »
Cette transition nécessite de trouver un équilibre entre un apparent triangle d’incompatibilités : comment concilier soutenabilité environnementale, acceptabilité sociale et viabilité économique ?
Pour être soutenable environnementalement, la transition suppose de fixer un cap ambitieux, régulièrement évalué, et contraignant pour l’ensemble des acteurs.
Le levier fiscal doit permettre d’intégrer au prix les externalités environnementales négatives générées par les décisions économiques des entreprises, des administrations et des consommateurs. Plus incitatif, il doit orienter les investissements publics et privés vers des actions à contribution positive en matière environnementale.
Le levier réglementaire doit permettre d’accélérer les initiatives à impact positif tout en encadrant - voire en interdisant – certains produits (à l’instar de certains produits plastiques à usage unique interdits depuis 2021).
Pour être acceptable socialement, la transition suppose l’exemplarité des administrations, une juste répartition des efforts et l’expérimentation de solutions locales.
Pour être viable économiquement, la transition suppose d’articuler décarbonation et réindustrialisation.
Entre 2000 et 2021, la désindustrialisation s’est traduite par une baisse de 14 à 8% de l’industrie dans le PIB¹ et une hausse des émissions importées qui représentent 40% de notre empreinte GES.
Aujourd’hui, la viabilité de nos PME est sévèrement touchée par la crise énergétique qui souligne la nécessité du développement d’énergies renouvelables et nucléaire.
Articuler décarbonation et réindustrialisation suppose donc de relocaliser des activités en France avec des modes de production, de réparation et de recyclage bas carbone. Le renforcement des plans d’investissement (France 2030, fond vert…) doit se poursuivre pour servir le développement de nouvelles filières « vertes » et la transition de nos secteurs d’excellence.
Sommes-nous au début d’une nouvelle révolution industrielle verte ? Plusieurs éléments semblent l’indiquer. C’est d’abord la prise de conscience par les gouvernements des économies développées que les technologies vertes sont incontournables pour atteindre nos objectifs de décarbonation, créer ou maintenir des emplois locaux de qualité, renforcer notre sécurité énergétique et notre souveraineté industrielle. Dans la foulée de chocs d’une ampleur exceptionnelle que l’économie mondiale a traversé au cours des trois dernières années, (Covid, inflation, conflit ukrainien, crise énergétique) ces technologies font désormais l’objet d’investissements publics massifs.
En Europe, le Green Deal européen, initiative regroupe 54 textes réglementaires dont notamment le Paquet Climat. Il prévoit une réduction de 55% de nos émissions de gaz à effet de serre en 2030. Le règlement taxonomie, entré en application en 2021, vise à orienter les investissements vers les activités considérées comme « vertes ».
Aux Etats-Unis, cette ambition se traduit par l’Inflation Reduction Act (IRA), présenté comme le paquet le plus structurant pour l’économie américaine depuis des décennies, prévoyant près de 400 Mds USD de subventions aux technologies vertes ou « cleantech ».
En complément de la dynamique du Green Deal, la France a choisi de soutenir la transition des entreprises vers des modèles moins carbonés via le plan d’investissement « France 2030 ». En tout, ce sont 54 milliards d'euros sur cinq ans qui seront déployés dans le cadre de ce plan pour combler nos retards dans les secteurs à forts enjeux tels que l’énergie et le climat, et financer des projets d'avenir, notamment la DeepTech et la GreenTech. Cette dynamique est relayée par l’investissement privé : en France, les financements des cleantech par les acteurs du capital-investissement ont atteint un nouveau sommet en 2022 avec 123 opérations de financement pour un montant global de plus de 3,4 Mds€, une augmentation de 50% en comparaison de 2021, et un quasi triplement par rapport à 2020.