Marianne symbole de la République française

Comment faire de l'action publique un accélérateur vers la neutralité carbone ?

Une transition écologique implique de concilier ; soutenabilité environnementale, acceptabilité sociale et viabilité économique.


En résumé

  • Pour être soutenable environnementalement, la transition suppose de fixer un cap ambitieux, régulièrement évalué, et incitatif pour l’ensemble des acteurs.
  • Pour être acceptable socialement, la transition suppose l’exemplarité des administrations, une juste répartition des efforts et l’expérimentation de solutions locales.
  • Pour être viable économiquement, la transition suppose d’articuler décarbonation et réindustrialisation.

Dans son dernier rapport, le Haut Conseil pour le climat déplore qu’« en l’état, la France n’est pas prête à faire face aux évolutions climatiques à venir […] les territoires disposent de ressources, moyens et compétences inégaux, qui appellent un accompagnement de l’État, pour répondre aux enjeux de transition juste. »

Cette transition nécessite de trouver un équilibre entre un apparent triangle d’incompatibilités : comment concilier soutenabilité environnementale, acceptabilité sociale et viabilité économique ?

Pour être soutenable environnementalement, la transition suppose de fixer un cap ambitieux, régulièrement évalué, et contraignant pour l’ensemble des acteurs.

Le levier fiscal doit permettre d’intégrer au prix les externalités environnementales négatives générées par les décisions économiques des entreprises, des administrations et des consommateurs. Plus incitatif, il doit orienter les investissements publics et privés vers des actions à contribution positive en matière environnementale.

Le levier réglementaire doit permettre d’accélérer les initiatives à impact positif tout en encadrant - voire en interdisant – certains produits (à l’instar de certains produits plastiques à usage unique interdits depuis 2021).

Pour être acceptable socialement, la transition suppose l’exemplarité des administrations, une juste répartition des efforts et l’expérimentation de solutions locales.

Pour être viable économiquement, la transition suppose d’articuler décarbonation et réindustrialisation.

Entre 2000 et 2021, la désindustrialisation s’est traduite par une baisse de 14 à 8% de l’industrie dans le PIB¹ et une hausse des émissions importées qui représentent 40% de notre empreinte GES.

Aujourd’hui, la viabilité de nos PME est sévèrement touchée par la crise énergétique qui souligne la nécessité du développement d’énergies renouvelables et nucléaire.

Articuler décarbonation et réindustrialisation suppose donc de relocaliser des activités en France avec des modes de production, de réparation et de recyclage bas carbone. Le renforcement des plans d’investissement (France 2030, fond vert…) doit se poursuivre pour servir le développement de nouvelles filières « vertes » et la transition de nos secteurs d’excellence.

Sommes-nous au début d’une nouvelle révolution industrielle verte ? Plusieurs éléments semblent l’indiquer. C’est d’abord la prise de conscience par les gouvernements des économies développées que les technologies vertes sont incontournables pour atteindre nos objectifs de décarbonation, créer ou maintenir des emplois locaux de qualité, renforcer notre sécurité énergétique et notre souveraineté industrielle. Dans la foulée de chocs d’une ampleur exceptionnelle que l’économie mondiale a traversé au cours des trois dernières années, (Covid, inflation, conflit ukrainien, crise énergétique) ces technologies font désormais l’objet d’investissements publics massifs.

En Europe, le Green Deal européen, initiative regroupe 54 textes réglementaires dont notamment le Paquet Climat. Il prévoit une réduction de 55% de nos émissions de gaz à effet de serre en 2030. Le règlement taxonomie, entré en application en 2021, vise à orienter les investissements vers les activités considérées comme « vertes ».

Aux Etats-Unis, cette ambition se traduit par l’Inflation Reduction Act (IRA), présenté comme le paquet le plus structurant pour l’économie américaine depuis des décennies, prévoyant près de 400 Mds USD de subventions aux technologies vertes ou « cleantech ».

En complément de la dynamique du Green Deal, la France a choisi de soutenir la transition des entreprises vers des modèles moins carbonés via le plan d’investissement « France 2030 ». En tout, ce sont 54 milliards d'euros sur cinq ans qui seront déployés dans le cadre de ce plan pour combler nos retards dans les secteurs à forts enjeux tels que l’énergie et le climat, et financer des projets d'avenir, notamment la DeepTech et la GreenTech. Cette dynamique est relayée par l’investissement privé : en France, les financements des cleantech par les acteurs du capital-investissement ont atteint un nouveau sommet en 2022 avec 123 opérations de financement pour un montant global de plus de 3,4 Mds€, une augmentation de 50% en comparaison de 2021, et un quasi triplement par rapport à 2020.

Si les technologies vertes sont plébiscitées à la fois par les investisseurs et par les décideurs publics qui en font le fer de lance des politiques de relance économique et de réindustrialisation, c’est notamment parce qu’une grande partie de ces technologies sont désormais matures. Dans le cas des énergies renouvelables, leur compétitivité face aux énergies fossiles est aujourd’hui démontrée. Rappelons qu’en 2022, le solaire et l’éolien ont assuré 22% de la production électrique en Europe, soit davantage que le gaz et le charbon. En France, la charge de la CSPE sera négative en 2023, les énergies renouvelables devenant un contributeur net au budget de l’Etat. La France s’est ainsi donnée l’objectif de compter au moins 100 GW de puissance solaire PV installée à l’horizon 2050, un objectif modéré par rapport à l’Allemagne, qui annonce vouloir disposer de 200 GW à horizon 2030.

Pourtant, l’accélération du déploiement des technologies vertes en Europe doit s’accompagner d’une stratégie de relocalisation, si nous ne voulons pas remplacer une dépendance aux importations d’hydrocarbures par une dépendance industrielle et technologique. En ce qui concerne la filière solaire photovoltaïque (PV), la Chine domine aujourd’hui l’ensemble des segments de la chaîne de valeur internationale, et contrôle 95% de la production mondiale de polysilicium, de lingots et de plaquettes. Conscients du risque de dépendance technologique, plusieurs Etats ont d’ores et déjà mis en place des programmes ambitieux visant à redéployer une industrie solaire PV sur leur territoire, à l’image de l’IRA aux Etats-Unis.

Pour le solaire, comme pour l’éolien en mer, les batteries ou l’hydrogène décarboné, la France et l’Europe disposent d’une fenêtre de tir dans les deux ans à venir pour accélérer le déploiement de capacités industrielles domestiques et pour résister d’une part à la concurrence asiatique et d’autre part à l’attractivité du marché américain. Au-delà des impacts positifs en termes de création d’emplois, cette stratégie générera d’autres bénéfices, notamment une plus grande souveraineté énergétique, une contribution positive à la balance commerciale ou encore le déploiement d’une industrie présentant des synergies importantes avec d’autres secteurs économiques comme la construction, l’industrie automobile, la robotique ou la microélectronique. Parmi les mesures qui favoriseront les perspectives de production française et européenne, citons en particulier l’accès durable à une électricité décarbonée et compétitive, la sécurisation des débouchés via des contrats d’achat long terme ainsi que le renforcement des exigences en matière de performance environnementale et d’acceptabilité sociale des projets.


Ce qu'il faut retenir

La transition écologique suppose de fixer un cap ambitieux. Le levier fiscal doit orienter les investissements publics et privés vers des actions à contribution positive en matière environnementale, tout comme le levier réglementaire qui doit permettre d’accélérer les initiatives à impact positif.

La viabilité de nos PME est sévèrement touchée par la crise énergétique qui souligne la nécessité du développement d’énergies renouvelables et nucléaire. Articuler décarbonation et réindustrialisation suppose de relocaliser des activités en France avec des modes de production, de réparation et de recyclage bas carbone.

Les technologies vertes sont incontournables pour renforcer notre sécurité énergétique et notre souveraineté industrielle.
 

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