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La revue des dépenses est-elle la clé pour assurer une transformation publique efficace ?

Pour être efficace, la revue des dépenses publiques doit être pérenne, ouverte, focalisée et orientée sur des résultats.


En résumé :

  • Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé que 10 milliards d’euros d’économies potentielles avaient été identifiées
  • La réduction des dépenses publiques est un fil conducteur des réformes dans de nombreux pays, notamment anglo-saxons
  • Un résultat de 10 Mds€ d’économies potentielles sur un périmètre de 1580 Mds€ de dépenses publiques

L’année 2023 aura marqué une rupture dans l’approche de la dépense publique post COVID. En lançant les Assises des finances publiques, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé que 10 milliards d’euros d’économies potentielles avaient été identifiées par les équipes des inspections et du ministère de l’Economie et des Finances. Une partie sera intégrée au projet de loi de Finances pour 2024. Cette démarche utile est un fil conducteur des réformes dans de nombreux pays, notamment anglo-saxons. Pour être efficace, elle doit cependant être i/ pérenne ii/ ouverte iii/ focalisée et iv/ orientée sur des résultats.

Une revue des dépenses est d’autant plus efficace qu’elle est pérenne, c’est-à-dire annoncée sur un rythme annuel, donnant lieu à un processus de décision connu pour aboutir à des arbitrages clairs. Cette régularité permet aux administrations de proposer des thèmes de revue de dépenses et aux autorités politiques de préparer les esprits à des revues de politiques publiques. Cela donne enfin un signal de garantie de poursuites de réformes.

Une revue des dépenses est aussi un outil d’alignement des injonctions contradictoires entre qualité du service public et réduction de la dépense, rôle de l’Etat et place du secteur privé, attentes des usagers et des élus. Une option est d’engager un processus ouvert de revue des dépenses, intégrant non seulement les administrations compétentes et les inspections mais aussi les commissions parlementaires, les élus locaux, des personnalités qualifiées voire des consultants – même si cette affirmation n’est pas très à la mode, ceux-ci ont en général une capacité à proposer des solutions disruptives sortant des habituels sentiers battus. Une ouverture à la société civile organisée ou via une concertation citoyenne peut être utile mais plutôt dans une 2e phase, lorsque des options commencent à être placées sur la table. L’essentiel est surtout que la revue ne se réduise pas à un face à face technique entre administrations qui pourrait pousser au conservatisme.

Faut-il tout revoir ou se donner un agenda raisonnable et réaliste ? La RGPP (Revue générale des politiques publiques) en 2007 puis 2010 avait voulu tout embrasser, au risque de créer un agenda de réformes trop important et ne pouvant être exécuté par les administrations. Identifier un périmètre focalisé de politiques publiques à étudier est bien entendu plus efficace pour garantir un agenda de transformation réaliste, si tant est qu’il permette de nourrir l’agenda de réformes de plusieurs ministères pour que tous y contribuent. Par ailleurs, le biais fréquent des revues des dépenses est de ne traiter que les dépenses publiques d’Etat, alors les politiques publiques sont devenues fortement partenariales et que le budget de l’Etat représente moins d’un tiers de la dépense publique (436 Mds€ de dépenses étatiques contre 1580 Mds€ de dépense publique). Associer le secteur social et les dépenses des collectivités est dès lors indispensable.

Enfin, la revue de dépenses doit donner lieu à des objectifs et des résultats. A ce titre, un résultat de 10 Mds€ d’économies potentielles sur un périmètre de 1580 Mds€ de dépenses publiques, soit 0,6 % de l’ensemble, peut avoir valeur de test réussi, mais ne remplit pas totalement l’objectif de réduction de la dépense publique. Fournir des scénarios de réduction de dépenses par politiques publiques de 10, 20 et 30 % sur leur périmètre donnerait une feuille de route garantissant la réalisation de choix véritables. Enfin, réussir à mettre en œuvre des réformes de politiques publiques complexe implique d’associer très en amont les directions interministérielles ayant un rôle majeur dans la transformation publique et étant en capacité d’activer tous les leviers de simplification, digitalisation, verdissement et opérationnalisation RH des projets (DITP, DINUM, CGDD, DGAFP). Connecter revue des dépenses et transformation publique est un gage de réussite et permet d’éviter de réaliser des réformes uniquement budgétaires qui aboutissent rarement à un succès politique. Cela pose par conséquent la question des contreparties pour les ministères ou les établissements qui prennent des engagements, par exemple de la capacité à redéployer une partie des crédits économisés sur des nouvelles priorités politiques, pour rendre le programme de transformation réaliste et acceptable à l’échelle des dirigeants publics.

La revue des dépenses n’est pas une fin en soi mais un processus. Il ne garantit pas la prise de décisions courageuses pouvant permettre d’atteindre l’équilibre budgétaire, ce qui représenterait plus de 125 Mds€ d’économies, mais il définit un cadre permettant d’aller dans cette direction. La question aujourd’hui ouverte reste celle de l’ambition assumée de cette revue de dépenses pour obtenir des résultats à la hauteur des enjeux.

La revue des dépenses aux Pays-Bas

Les Pays-Bas sont souvent considérés comme un pays pionnier en matière de revue de dépenses. Entre 1981 et 2023, les Pays-Bas ont ainsi réalisé des revues de dépenses sur plus de 320 sujets de service public. Tradition forte depuis près de 50 ans, la revue des dépenses hollandaise a instauré un « task-based budget » qui consiste à définir la mission d’un service public puis à en déterminer le budget nécessaire pour l’exécuter. Cet exercice se caractérise notamment par trois marqueurs forts :

  1. Une injonction d’expertise : le ministère des Finances qui coordonne l’exercice désigne pour chaque revue des groupes de travail constitués de hauts fonctionnaires expérimentés et d’experts privés ;
  2. Une grande transparence : l’ensemble des rapports sont disponibles chaque année sur une plateforme en ligne, sur laquelle figurent les sujets de revue de dépenses en cours ou à venir ;
  3. Un affichage assumé d’objectifs d’économies, couvrant l’ensemble du champ de la dépense publique, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle qui est établie par le « central plan bureau » avant les élections, organe particulièrement écouté par les partis politiques dont il chiffre les programmes.

Un exercice qui n’est pas allé au bout de son ambition originelle : la revue des dépenses 2014-2017

La loi de programmation des finances publiques lancée en 2014 par le gouvernement de François Hollande a lancé un exercice vertueux : la création d’une annexe au PLF listant les dernières revues de dépenses menées dans l’année, contenant les principales propositions de réformes structurelles et les économies attendues, ainsi que la liste des revues à lancer au PLF suivant. A la différence des évaluations lancées par le programme de la MAP en 2012, ces revues réalisées par les corps d’inspection interministériels et portant sur l’ensemble des dépenses publiques avaient vocation à être intégrées à la procédure budgétaire. Pourtant, si les 24 rapports publiés dans les PLF 2016 et 20217 ont identifié des économies budgétaires d’ampleur, les recommandations des inspections ont conduit à des économies de l’ordre de 1 à 2 % du montant des économies envisagées par les rapporteurs. Pourtant assortie d’un conseil stratégique de la dépense publique sous l’autorité du président de la République, dont les travaux n’ont jamais été publiés, cette revue des dépenses n’aura pas su vraiment transformer l’essai.

Ce qu'il faut retenir

La réforme des Assises des finances publiques lancée en 2023 a pour objectif de réaliser des économies significatives sur les dépenses publiques.

Cette démarche est au cœur des réformes budgétaires dans de nombreux pays. Une revue des dépenses publiques pour être efficace doit être pérenne, ouverte, focalisée et orientée sur des résultats. 

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