Défis du règlement européen anti-déforestation

Règlement anti-déforestation européen (RDUE) : les défis opérationnels de sa mise en œuvre

Face aux risques de sanction et ruptures des chaînes d’approvisionnement liés au RDUE, les entreprises font face à des enjeux de transformation : processus, gouvernance, relation fournisseurs…


En résumé :

  • Comment identifier les produits, filiales et flux concernés par le RDUE, ainsi que votre rôle et obligations ?
  • Quels sont les leviers pour adapter vos processus, votre gouvernance et l’engagement de vos fournisseurs aux exigences du RDUE ?
  • Comment transformer l’exercice de conformité en opportunité de création de valeur ?

En 2023, l’Union européenne (UE) a introduit un règlement visant à lutter contre la déforestation importée liée aux chaînes d’approvisionnement de matières premières identifiées comme étant à risque. Le Règlement européen contre la déforestation (RDUE en français, EUDR en anglais) concerne les commodités suivantes : l’huile de palme, soja, bois, cacao, café, bovins et caoutchouc, ainsi que leurs produits dérivés parmi lesquels : glycérol, papier/carton, cuir, etc. Bien que la Commission européenne ait récemment proposé des mesures ciblées pour faciliter la mise en œuvre du règlement tout en maintenant l’échéance du 30 décembre 2025 pour les grands et moyens opérateurs, des incertitudes subsistent. Ainsi certaines entreprises européennes et filiales européennes de groupes établis hors de l’UE ont déjà commencé à ajuster leurs pratiques afin de répondre aux exigences réglementaires et garantir la conformité au sein de leur chaîne de valeur.

1. Comprendre le RDUE et ses implications

La déforestation et la dégradation des forêts résultent surtout de l’expansion agricole. D’après les estimations de la Commission européenne, si rien ne change, la déforestation liée aux commodités dans le périmètre du RDUE pourrait atteindre presque 250 000 hectares par an d’ici 20301 . A ce titre, on estime que l’Union européenne serait responsable d’au moins 19 %2de la déforestation tropicale. En tant que grand consommateur de ces commodités, l’UE cherche à réduire l’impact de ses imports en garantissant que ces produits et leurs chaînes d’approvisionnement soient sans déforestation.

 

Face à ces constats, le RDUE établit des règles destinées à augmenter les exigences de transparence et de traçabilité, afin de minimiser cet impact, de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de préserver la biodiversité mondiale.

Ces règles varient selon le rôle de l’entreprise dans la chaîne de valeur - selon qu’elle agisse en tant que premier metteur sur le marché (1er acteur à mettre le produit sur le marché de l’Union européenne), ou en tant qu’acteur aval (transformateur ou distributeur commercialisant ou exportant des produits concernés déjà mis sur le marché européen) – et de sa taille. A travers leurs obligations respectives, les entreprises doivent garantir que les produits concernés :

  1. N’ont pas contribué à la déforestation depuis 2020
  2. Ont été produits selon la législation pertinente du pays de production
  3. Sont couverts par une déclaration de diligence raisonnée, selon les principes énoncés par le règlement, laquelle doit être crée dans le système TRACES-NT de la Commission européenne.

Si l’entreprise ne satisfait pas à ces obligations, celle-ci s’expose alors à des sanctions, dont l'ampleur est encore en discussion. Ces sanctions pourraient aller de la confiscation des produits et/ou des revenus associés, en passant par le blocage des cargaisons, jusqu’à des amendes dont le montant maximal est d’au moins 4 % du chiffre d’affaires annuel total de l’opérateur ou du commerçant dans toute l’Union.

2. Le RDUE génère des défis opérationnels réels mais surmontables

La mise en œuvre du RDUE entraîne pour les entreprises concernées l’apparition de nouveaux défis opérationnels majeurs, tels que la nécessité de :

  • Comprendre les textes réglementaires et leur application, afin d’identifier les produits, filiales et flux (commandes, livraisons) concernés, et de déterminer le niveau de responsabilité des entreprises (opérateur ou commerçant) ;
  • Mettre en place une gouvernance dédiée, pour mobiliser les fonctions clés (direction achats, juridique, DSI, logistique, douanes et RSE) autour de l’évaluation de l’exposition au RDUE, de la préparation à la mise en conformité, et du pilotage opérationnel dans la durée ;
  • Adapter les processus internes, afin de collecter les informations requises par le règlement, voire de réaliser la diligence raisonnée en tant qu’opérateur et selon la granularité requise par le niveau de risque du pays de production de la matière première. (Détail ci-dessous).
  • Former les collaborateurs concernés, pour assurer une bonne compréhension des enjeux, des responsabilités et des nouvelles procédures à appliquer ;
  • Engager les fournisseurs, afin d’obtenir des données fiables, traçables et dans les délais impartis ;
  • Faire évoluer le système d’information, pour automatiser et sécuriser la gestion des données, que ce soit via des outils internes ou des solutions digitales externes et pour faire face aux flux de données à collecter et à partager ;
  • Repenser la stratégie d’achats, en intégrant des critères de traçabilité et de conformité, et en envisageant le changement de fournisseurs ou l’amélioration des pratiques d’achats responsables ;
  • Mettre en place un dispositif de suivi et de contrôle, pour garantir la conformité continue, anticiper les évolutions réglementaires et répondre aux éventuelles demandes des autorités compétentes.
 

Ces enjeux présentent un niveau de complexité élevé, notamment pour les entreprises opérant dans des activités de transformation (opérateurs) et intervenant sur plusieurs secteurs (agroalimentaire, luxe, automobile, construction, etc.), du fait de leur dépendance à diverses commodités. Néanmoins, la Commission européenne ainsi que les acteurs du marché mettent progressivement à disposition des outils, guides, FAQ, initiatives sectorielles et plateformes afin d’accompagner efficacement cette transition et d’harmoniser les pratiques.

3. Premiers retours d’expérience sur la mise en place du RDUE : au-delà de la mise en conformité, la création de valeur durable pour l’entreprise

Après avoir surmonté les défis opérationnels initiaux, plusieurs bonnes pratiques ont émergé parmi les premières entreprises engagées dans le processus de mise en conformité au RDUE :

  • Cartographier la chaîne de valeur concernée et évaluer la fiabilité des données disponibles et la maturité des acteurs ;
  • Impliquer les fournisseurs les plus stratégiques ou les plus exposés au risque en leur fournissant des outils nécessaires et adaptés à la transmission des informations requises ;
  • Mettre en place une gouvernance dédiée et impliquée, avec un comité de pilotage rassemblant fonctions clés (direction achats, juridique, DSI, logistique, douanes et RSE).

Ces démarches permettent en particulier :

  • Une gestion optimisée des données permettant une meilleure connaissance de la chaîne d’approvisionnement et maîtrise des risques de rupture d’approvisionnement, de qualité et de controverses environnementales et sociales ;
  • Une réflexion approfondie sur la conception des produits ;
  • Des retombées positives en termes d’image ;
  • La mutualisation des efforts de conformité avec d’autres réglementations telles que la CSRD, la CSDDD ou la loi AGEC, par la consolidation d’un système robuste de diligence raisonnée.
     

Conclusion

Au-delà des enjeux financiers, la lutte contre la déforestation préserve les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques des forêts : biodiversité, résilience climatique, revenus pour des millions de personnes et puits de carbone essentiels. Responsable d’environ 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon le GIEC, la déforestation est un levier majeur d’action climatique. Sa réduction et la restauration des écosystèmes figurent parmi les solutions les plus efficaces fondées sur la nature.

Le RDUE s’inscrit ainsi dans une approche systémique : il permet aux entreprises de mieux maîtriser leurs risques d’approvisionnement, tout en contribuant aux engagements européens en matière de biodiversité, de climat et de restauration de la nature. Pour relever ces défis mondiaux, seule une action coordonnée à l’échelle internationale est efficace. L’Union européenne doit jouer un rôle moteur en promouvant un commerce responsable, durable et équitable.
 

En quoi EY peut-il vous accompagner ?

Dans le cadre de l’opérationnalisation du RDUE, EY peut :

  • Définir le périmètre des produits concernés par le RDUE, en se référant à une interprétation approfondie et opérationnelle des textes réglementaires ;
  • Évaluer le niveau de préparation de votre organisation et de vos fournisseurs stratégiques au regard des exigences du RDUE ;
  • Examiner les processus internes, définir les responsabilités correspondantes et adapter les outils pour répondre aux obligations du règlement ;
  • Présenter des exemples de dispositifs de gouvernance déployés par d’autres organisations et conseiller sur le choix éventuel d’une solution digitale externe ;
  • Développer les compétences des équipes et encourager l’engagement des fournisseurs clés dans la démarche de conformité ;
  • Adapter les pratiques d’achats responsables pour intégrer les exigences de traçabilité et de diligence raisonnée liées au RDUE.

Ce qu'il faut retenir

Le RDUE impose aux entreprises de garantir l’absence de déforestation dans leurs chaînes d’approvisionnement. Face à cette exigence, des défis opérationnels majeurs émergent : compréhension réglementaire, gouvernance, engagement fournisseurs, adaptation des systèmes d’information.

Au-delà de la conformité, le RDUE offre des opportunités de création de valeur comme une meilleure gestion des données et une résilience accrue des chaînes de valeurs. 

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