Quelle information fournir dans les comptes annuels 2024 concernant les risques climatiques ?
L’adaptation aux risques climatiques est source d’incertitudes significatives pour la plupart des entreprises.
L’IASB a publié fin juillet un projet de guidance (« exposé sondage ») intitulé Climate-related and Other Uncertainties in the Financial Statements - Proposed illustrative examples incluant 8 exemples illustrant l’information à fournir dans des comptes IFRS concernant les incertitudes à long terme, dont celles liées au climat.
Bien qu’il ne s’agisse encore que d’un projet, certains éléments peuvent à notre avis être utiles pour la préparation des états financiers 2024 afin d’enrichir l’information relative aux risques climatiques.
Ces exemples illustrent en particulier les points suivants :
- Le principe général d’information d’IAS 1 (paragraphe 31), i.e. les informations requises dans les normes ne sont ni nécessaires (si elles ne sont pas matérielles) ni suffisantes (si l’on s’attend à ce que les informations spécifiquement requises ne suffisent pas à expliquer les effets des enjeux sur les comptes).
- En conséquence, les informations à fournir ne résultent pas d’une approche « checklist » mais d’une analyse structurée :
- Des besoins d’informations des utilisateurs des états financiers ;
- Du caractère significatif des impacts raisonnablement possibles ;
- De la hiérarchie des textes.
Une information dont la fourniture n’est qu’encouragée par une norme peut en fait être obligatoire en application d’IAS 1, par exemple s’agissant des hypothèses clés retenues dans les tests de dépréciation d’une UGT ne contenant ni goodwill ni incorporel à durée de vie indéterminée.
- Comment apprécier la matérialité d’une information au regard des faits et circonstances propres à l’entité.
- Comment identifier les situations devant conduire à communiquer des informations sur la sensibilité des hypothèses clés en application d’IAS 1.125.
L’obligation de fournir des informations particulières peut notamment être lié :
- À la subjectivité ou à la complexité des jugements de la direction nécessaires à l’estimation, par exemple s’agissant des politiques publiques d’atténuation du changement climatique et de leur calendrier ; ou
- À la nécessité de modifier une hypothèse clé dans les 12 prochains mois en raison de nouvelles informations ou de nouveaux développements. En effet, l’information fournie doit permettre aux utilisateurs des comptes de comprendre les jugements exercés par la direction sur l’avenir.
- Le niveau de détail d’une information requise par une norme doit être adapté à la fourniture d’une information pertinente, par exemple pour distinguer, au sein d’une même catégorie d’immobilisations corporelles, les équipements fortement émetteurs de GES et les équipements durables en raison de leurs profils de risque différents (durées d’utilité, valeurs résiduelles et dépréciation).
Information sectorielle : attention aux omissions d’informations significatives
Dans le contexte d’incertitudes décrit plus haut, la qualité des informations fournie en application de la norme IFRS 8 Secteurs opérationnels est particulièrement scrutée par toutes les parties prenantes et doit en conséquence faire l’objet d’une vigilance particulière.
S’agissant de l’information concernant les résultats sectoriels, il faut souligner que :
- L’exposition éventuellement divers des différents secteurs opérationnels aux incertitudes multiples auxquelles fait face l’entité doit conduire à vérifier, le cas échéant, si des regroupements de secteurs opérationnels pratiqués à bon droit dans le passé continuent à pouvoir être justifiés et, dans ce cas, l’information fournie en annexe concernant ces regroupements et la description des jugements exercés pour conclure au respect des critères fixés par la norme.
- Une décision très récente du comité d’interprétation IFRIC (IFRS 8 Operating Segments - Disclosure of Revenues and Expenses for Reportable Segments, juillet 2024) pourrait conduire à devoir enrichir l’information sectorielle s’agissant par exemple :
- Du détail des lignes des comptes de résultat sectoriels (parfois très succincts) ; et
- Des informations relatives aux produits et aux charges significatifs de chaque secteur à présenter, sans se limiter ni aux éléments inhabituels, ni aux éléments suivis séparément par le « principal décideur opérationnel » (l’IFRIC insistant sur le fait que dès lors que les produits et charges concourent à la formation de la mesure de résultat sectoriel présentée ils peuvent devoir être fournis en application du principe de matérialité même s’ils ne sont pas suivis séparément par ce dernier).
Il est donc important de documenter l’analyse ayant conduit à exclure des notes annexes aux comptes les produits et charges sectoriels inclus dans :
- Les sources d'informations internes disponibles (e.g. reporting interne, procès-verbaux des réunions du conseil d'administration…) et
- Les informations publiées dans les communications externes (e.g : rapport de gestion, communiqués de presse, présentations aux analystes ou aux actionnaires). Si une entité communique des produits ou des charges par secteur opérationnel en dehors des états financiers, le fait que l’entité fournisse de telles informations volontairement est susceptible de créer une présomption que l’information est utile aux investisseurs (donc « matérielle » au sens IFRS).
Au-delà de l’information concernant les résultats sectoriels, IFRS 8 impose aussi de fournir des informations quantifiées à l’échelle de l’entité concernant :
- La répartition géographique du chiffre d’affaires ;
- La répartition géographique des actifs immobilisés ;
- Le degré de dépendance à l’égard des principaux clients.
Il faut souligner à ce titre que la norme impose de distinguer les pays individuellement significatifs aussi bien pour la ventilation du chiffre d’affaires que pour la répartition des actifs non courants. L’omission de ces informations obligatoires est systématiquement relevée lors des revues de l’information financière par l’AMF.
Informations sur le risque de liquidité et les flux de trésorerie
En période d’incertitude, la qualité des informations fournies sur la liquidité et les flux de trésorerie prend toujours une importance particulière.
Deux des nouveaux textes IFRS qui entrent en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 concernent des sujets liés à la position de liquidité et à la gestion du risque correspondant : il s’agit des amendements à la norme IAS 1 Classification of Liabilities as Current or Non current et Non-current Liabilities with Covenants et à la norme IAS 7 Supplier Finance Arrangements.
Dans le cadre de leur première application, les régulateurs (AMF et ESMA) insistent en particulier sur :
- L’exhaustivité des nombreuses informations qui devront être fournies pour la première fois à la clôture 2024, en soulignant s’agissant des accords de financement des fournisseurs (« reverse factoring ») que le montant des dettes fournisseurs déjà réglées à la date de clôture pourrait nécessiter d’obtenir cette information de la part des factors ;
- Le niveau de détails requis pour une bonne compréhension de ces informations. L’AMF cite par exemple, s’agissant des nouvelles informations à fournir sur les dates d’exigibilité des dettes fournisseurs et des dettes reprises par les factors dans le cadre des accords de financement des fournisseurs, la fourniture d’une information par pays ou par secteur lorsque les différences dans les dates d’exigibilité le justifient ou, s’agissant des covenants, pour chaque emprunt significatif, tiré ou non.
Concernant les accords de financement des fournisseurs, l’AMF souligne également que l’amendement à IAS 7 doit être lu en complément de la décision de l’IFRIC de décembre 2020 concernant la présentation des dettes vis-à-vis des factors au bilan et des flux de trésorerie correspondants au tableau des flux de trésorerie. Pour mémoire, cette décision précise que les dettes vis-à-vis des factors doivent être présentées séparément des dettes fournisseurs, le cas échéant, en dettes financières, dès lors que leurs caractéristiques sont différentes des dettes fournisseurs auxquelles elles se substituent.
Les régulateurs citent également la qualité du tableau des flux de trésorerie et des explications qui s’y attachent comme une de leurs priorités. L’ESMA mentionne en particulier avoir sanctionné des erreurs au regard des obligations suivantes :
- La présentation des flux sur une base brute (e.g. il est interdit de présenter une variation nette des dettes financières) ;
- L’exclusion des transactions sans effet sur la trésorerie du tableau des flux de trésorerie (e.g. conclusion d’un nouveau contrat de location) ; et
- La description en annexe des principales transactions sans effet sur la trésorerie.
L’AMF rappelle en complément que :
- Les transactions doivent être classées par défaut dans les activités d’exploitation dès lors qu’elles ne répondent pas aux définitions des autres activités (investissement et financement).
- Lorsque le classement d’une transaction significative n’est pas prescrit par IAS 7 (remboursements d’assurance ou subventions par exemple), l’AMF recommande de présenter les principes de classement retenus et leurs impacts sur le tableau des flux de trésorerie.
- Enfin, la bonne compréhension du tableau des flux de trésorerie impose :
- D’en expliquer les éléments inhabituels significatifs et
- D’en faciliter la lecture par des renvois aux autres états financiers et à l’annexe.