L’attractivité de la France : un cadre législatif fiscal éprouvé, à manier avec discernement
La France offre aux groupes familiaux et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) un éventail de dispositifs éprouvés, pour certains stables et cohérents depuis des années, qui permettent de concilier sécurité juridique et alignement stratégique. Ce constat pour la partie « corporate » des entreprises serait probablement différent lorsqu’il s’agit d’aborder la question des impôts de production pesant sur les activités opérationnelles françaises.
Des dispositifs « corporate » performants et pérennes
Pour la partie dite « corporate », parmi les dispositifs fiscaux performants, le régime appelé « mère-fille » et le régime d’intégration fiscale constituent des leviers majeurs pour les entreprises. Le premier permet une « neutralisation » de 95 % des dividendes reçus par la société mère, tandis que le second pousse celle-ci à 99 %, tout en autorisant la compensation des résultats fiscaux entre entités du groupe intégré. Ces régimes, en vigueur depuis plusieurs décennies, assurent une prévisibilité et efficacité bienvenue dans le contexte actuel.
L’innovation soutenue par des incitations fiscales ciblées
Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) complète ce socle en permettant la déduction de 30 % des dépenses éligibles de R&D (5 % au-delà de 100 M€), avec une imputabilité sur l’IS ou un remboursement anticipé pour les PME. Couplé au régime de faveur pour les revenus des actifs de propriété industrielle, qui réduit l’imposition à 10 % sur les revenus nets issus de brevets ou logiciels, le CIR est un outil de financement et de valorisation de l’innovation efficace lorsque les conditions de son application sont remplies.
L’effet levier de la dette
La France se distingue également par la déductibilité des intérêts d’emprunt dans le cadre d’opérations financées pour partie par de l’endettement. Ce mécanisme permet d’imputer les charges financières, dans la limite des dispositions limitant la déduction des charges financières (article 212 bis du CGI, dispositif Charasse, etc.) sur le résultat fiscal du groupe intégré, créant un possible effet de levier complémentaire pour tout projet de développement financé en tout ou partie par de la dette (bancaire, publique, privée). En cas de cession de titres de participation, la plus-value peut, sous certaines conditions, être imposée à seulement 3 %, renforçant le potentiel intérêt d’une structuration via des holdings françaises.
Comparaison européenne : des régimes pas toujours plus favorables
Contrairement à certaines idées reçues, les régimes fiscaux européens ne sont pas toujours nécessairement plus avantageux. Si des pays comme le Luxembourg, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni affichent des taux nominaux plus bas, leurs régimes sont souvent moins intéressants sur le plan de la dette : les intérêts y sont rarement déductibles ou leur déduction est soumise à des conditions plus restrictives. De plus, les exigences de rationalité économique, les contraintes de résidence fiscale et les mécanismes de réintégration des charges peuvent limiter les bénéfices attendus. En France, malgré un taux d’imposition effectif historiquement élevé, et le maintien des impôts de production, la relative lisibilité et stabilité réglementaire offrent une sécurité primordiale pour les stratégies à long terme. A cet égard, les dernières discussions budgétaires ont témoigné, au moins en matière de fiscalité des entreprises, de la volonté politique de conserver ces différents dispositifs, au prix parfois de leur modification à la marge.
Vers une structuration fiscale alignée sur la stratégie d’entreprise
Dans ce contexte, il convient d’aller au-delà de la simple comparaison des taux et d’intégrer une analyse globale des dispositifs, en tenant compte des besoins réels de l’entreprise et de la cohérence des flux. La structuration fiscale doit prolonger la stratégie d’investissements et/ou opérationnelle, en s’appuyant sur les dispositifs en vigueur en France et dans les autres juridictions. L’essentiel est d’adapter l’organisation fiscale de l’entreprise à la réalité des activités - actuelles ou en devenir -, en veillant à la robustesse des choix retenus.
Vigilance réglementaire et logique économique : des impératifs durables
Le renforcement des dispositifs anti-abus et l’exigence accrue de documentation, notamment sur les prix de transfert, imposent certes une vigilance constante. Les structures sans logique économique claire s’exposent à des risques de remise en cause. Une approche fondée sur la réalité des flux et la conformité réglementaire demeure essentielle pour garantir la sécurité et la pérennité des organisations.
La stabilité fiscale française : un socle pour l’attractivité
La stabilité et la cohérence des régimes fiscaux français sur les matières évoquées évoquées ci-dessus constituent un atout qui permet aux groupes de construire des stratégies pérennes. Préserver cette continuité est essentiel pour maintenir l’attractivité du territoire et accompagner les ambitions des entreprises dans un contexte international mouvant.
Fiscalité et stratégie : prendre le temps d’une réflexion éclairée
Tout s’anticipe, surtout en matière fiscale. Mais il est essentiel de rappeler que la fiscalité doit être un paramètre d’accompagnement de la stratégie opérationnelle, et non un facteur structurant à elle seule. L’organisation managériale et économique, les flux réels (financiers, de biens, de services, etc.), les enjeux patrimoniaux et les ambitions commerciales doivent guider les choix. Rappelons à ce titre que la France demeure l’un des pays les plus attractifs d’Europe, notamment grâce à ses infrastructures de qualité, aux bassins de compétences dans certains secteurs stratégiques (IA, énergie, défense, agroalimentaire…). Les chantiers de simplification réglementaires et fiscaux méritent d’être poursuivis afin de transformer ses atouts en résultats durables.
Il est donc urgent… de prendre le temps d’une réflexion stratégique ! D’analyser les régimes concurrents, d’en mesurer les avantages et les limites, et de construire une trajectoire cohérente, robuste et pérenne. Dans un environnement international incertain, la France reste un terrain fiscalement compétitif à condition de l’aborder avec méthode, rigueur et vision stratégique.