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Pacte Dutreil : vers une réforme de la transmission d’entreprise

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Le Pacte Dutreil, outil clé de la transmission d’entreprise, est au cœur des débats fiscaux et de propositions de réforme en 2025.


En résumé :

  • Le Pacte Dutreil facilite la transmission d’entreprise en France via une exonération de 75 % des droits de mutation, mais il est critiqué pour ses effets d’optimisation fiscale.
  • Les pistes de réforme incluent le recentrage sur les actifs professionnels, l’allongement des durées d’engagement, la limitation de l’effet de purge des plus-values et un plafonnement de l’exonération.

Le pacte Dutreil : évolutions et débats d’un outil clé pour la transmission d’entreprise

Le pacte Dutreil, pierre angulaire de la transmission d’entreprise en France, fait aujourd’hui l’objet de débats nourris et de propositions de réforme. Entre nécessité de préserver le tissu économique et volonté de limiter les effets d’aubaine, le dispositif est à la croisée des chemins. Quelles sont les évolutions envisagées et les enjeux pour les dirigeants et héritiers ? Retour sur les principales pistes débattues en 2025.

Un dispositif central pour la transmission, mais sous le feu des critiques

Créé en 2003, le Pacte Dutreil vise préserver la pérennité des entreprises familiales en évitant que les héritiers ne soient obligés de vendre la société pour régler les droits de succession.

Concrètement, ce dispositif permet de bénéficier d’une exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit sur les titres d’entreprises exerçant de manière prépondérante une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Seuls 25% de la valeur des dits titres se trouve donc soumise aux droits de mutation, réduisant ainsi le taux marginal des droits à payer à 11% environ (voire 5,5% dans certains cas si la transmission est bien anticipée).

Cette exonération s’accompagne par ailleurs de facilités de paiement des droits dont le règlement peut, sous conditions, être différé de 5 ans puis étalé sur 10 ans, mesure essentielle lorsque le seul actif familial est l’entreprise.

Les avantages ainsi concédés ne le sont cependant pas sans contreparties : le chef d’entreprise doit en effet s’engager à conserver ses titres pendant une durée minimale de 2 ans (détention effective lors de la transmission), puis à leur tour, ses héritiers sont tenus de les conserver pendant au moins 4 ans. Les dirigeants qui souhaitent bénéficier du Pacte Dutreil doivent donc être animés de la volonté de voir leur activité se maintenir dans un tissu local, ce qui est souvent le cas des entreprises familiales, qu’elles soient industrielles ou commerciales.

Au fil des années, le dispositif a été assoupli et élargi, notamment aux donations avec réserve d’usufruit et aux sociétés holdings animatrices. Le pacte Dutreil peut par ailleurs se combiner, sous certaines conditions, à d’autres mécanismes, notamment dans le cadre de schémas de Family Buy Out (FBO). Le FBO permet, via une donation-partage avec soulte et la création d’une holding de reprise, de transmettre l’entreprise à un enfant repreneur tout en indemnisant les autres héritiers, le tout en bénéficiant du dispositif Dutreil, y compris sur le montant de la soulte.

Le dispositif Dutreil a ainsi facilité la transmission des PME et ETI familiales, tout en allégeant la fiscalité pesant sur les héritiers. Ce sont désormais près de 3 000 pactes qui sont signés chaque année, avec une valeur moyenne transmise de 5 millions d’euros, mais 40 % des pactes concernent des montants supérieurs à 60 millions d’euros

Cependant, la crise budgétaire et la montée des préoccupations sur l’équité fiscale ont ces dernières année placé le Pacte Dutreil sous le feu des critiques. De nombreux rapports et parlementaires dénoncent un effet d’optimisation réservé aux plus fortunés, susceptible d’accentuer les inégalités. Le manque de contrôle, la difficulté à évaluer précisément le coût et l’efficacité économique réelle, ainsi que la possibilité de cumuler plusieurs avantages fiscaux (démembrement, inclusion de biens personnels, transmission de trésorerie, etc.) sont régulièrement pointés du doigt. Face à ces critiques, si le principe même du pacte Dutreil n’est pas remis en cause, un consensus se dessine sur la nécessité de mieux cibler le dispositif, d’exclure les abus et de renforcer la transparence et le contrôle.

Les recommandations formulées par la Cour des Comptes dans son rapport de 2024 sur les droits de succession, le dépôt en avril 2025 d’une proposition de loi visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil, finalement retirée, ainsi que les débats parlementaires sur les derniers projets de lois de finances permettent de dégager les principales pistes de réformes possibles, qui constitueraient des modifications majeures du dispositif.

Exclusion des actifs non professionnels

Pour être éligibles au Dutreil, et en simplifiant, les sociétés concernées doivent exercer de manière prépondérante (et non exclusive) une activité opérationnelle ou une activité de holding animatrice. S’agissant plus particulièrement des holdings animatrices, le caractère principal de l’activité d’animation est retenu dès lors que la valeur vénale des actifs affectés à cette activité (filiales animées et biens mis à leur disposition) représente plus de la moitié de son actif total. L’abattement de 75% s’appliquera alors sur l’intégralité de la valeur de la holding donc y compris, indirectement sur des actifs « patrimoniaux ».

Une mesure déjà évoquée dans le cadre de la Loi de finances 2024, consisterait donc à restreindre le champ d’application du pacte Dutreil, en limitant le bénéfice de l’abattement aux seuls actifs directement utiles à l’activité opérationnelle de l’entreprise, à l’exclusion des actifs patrimoniaux (immobilier, œuvres d’art, etc.) et à la quote-part de trésorerie qui serait jugée excédentaire, selon des critères restant à définir.

Allongement de la durée d’engagement

Outre le « recentrage » du dispositif sur les actifs professionnels, un autre aménagement, préconisé par la Cour des Comptes et repris dans la proposition de loi visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil, pourrait consister à rallonger la durée de conservation à laquelle sont astreints les donataires et héritiers. A l’origine fixée à seize ans, la période totale de conservation est désormais réduite à six ans, ce qui selon la Cour des Comptes aurait contribué à faire du pacte Dutreil un outil d’optimisation fiscale, le détournant de sa vocation première. La durée totale des engagements collectif et individuels pourrait donc être rallongée afin de limiter les stratégies à court terme et recentrer le dispositif sur son objectif initial de stabilisation de l’actionnariat familial.

Limitation de l’effet de purge des plus-values

Le traitement fiscal des cessions de titres transmis sous le régime du Pacte Dutreil est également débattu. Actuellement, à l’expiration de l’engagement individuel, en cas de revente de ces titres, la plus-value imposable est déterminée en tenant compte de leur valeur au jour de la transmission, avant application de l’abattement de 75%. Les donataires et héritiers bénéficient ainsi à plein de l’effet de purge de la plus-value de la transmission alors même qu’ils n’ont été assujettis aux droits de mutation que sur 25% de la valeur des titres. Afin de limiter ce double avantage fiscal, le traitement fiscal de ces plus-values pourrait possiblement être réformé, comme préconisé dans le rapport parlementaire sur la fiscalité du patrimoine de 2023, afin de retenir comme valeur d'acquisition la valeur des titres au jour de leur transmission abattue de l’exonération de 75 % réalisée dans le cadre du Pacte Dutreil.

Plafonnement de l’exonération

Enfin, une réduction du taux de l’abattement et/ou l’introduction d’un plafond d’exonération ne sont pas à exclure. Actuellement, le pacte Dutreil permet une exonération de 75 % de la valeur des titres transmis, sans limite de montant. Ce taux pourrait être ramené à 50 %, le cas échéant au-delà d’un certain seuil. La proposition de loi visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil prévoyait ainsi de créer une tranche d’exonération au taux de 50 %, pour la part de la valeur des titres transmis excédant 50 millions d’euros pour la part de la valeur des titres excédant 50 millions d’euros, le taux de 75 % restant applicable en deçà de ce seuil, afin de réserver l’avantage fiscal aux transmissions d’entreprises familiales de taille raisonnable.

Ce qu'il faut retenir

Le pacte Dutreil demeure un outil essentiel pour la transmission des entreprises familiales, conciliant équité entre héritiers et pérennité économique. Toutefois, la montée des critiques sur son coût et son efficacité, ainsi que les différentes recommandations et propositions de réforme, invitent à une vigilance accrue et à une anticipation des évolutions législatives. Pour les dirigeants et familles concernées, il est urgent de planifier la transmission, de sécuriser les opérations et de s’informer sur les évolutions du cadre juridique et fiscal. 

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