Le monde du travail n’a pas seulement changé : il s’est reconfiguré. Les repères traditionnels — horaires fixes, présence au bureau, CDI à vie — sont remis en question par une réalité plus fluide, plus exigeante, mais aussi plus prometteuse.
Des modèles émergents devenus incontournables
Semaine de 4 jours, télétravail permanent, horaires flexibles, travail en tout lieu, statut hybride ou indépendant : ces pratiques, autrefois marginales, sont désormais expérimentées à grande échelle, intégrées ou débattues dans toutes les strates de l’entreprise.
Cette diversité masque une tendance de fond : les collaborateurs veulent travailler autrement. L’étude EY Work Reimagined montre que les collaborateurs attendent de l’entreprise plus que de la flexibilité :
- 31 % privilégient des horaires adaptés à leur rythme,
- 26 % souhaitent pouvoir travailler depuis n’importe où,
- 38 % sont prêts à changer d’employeur dans les 12 mois si leurs attentes ne sont pas prises en compte.
Ce ne sont plus des signaux faibles : ce sont des indicateurs de transformation stratégique.
Le travail désancré : un changement de paradigme RH
Le bureau n’est plus l’épicentre de l’activité. Le lieu, l’horaire, voire le statut ne déterminent plus la performance. C’est ce que l’étude EY 2024 Mobility Reimagined Survey appelle le travail désancré : un modèle où l’efficacité prime sur la présence, et où la liberté devient un moteur d’engagement.
Face à cela, les entreprises pionnières ne subissent pas — elles agissent :
- certaines ont basculé sur la semaine de 4 jours sans perte de productivité,
- d’autres adoptent un mode full remote en renforçant les logiques de confiance et d’autonomie.
Mais cette nouvelle agilité n’est pas exempte de complexité.
Flexibilité : un levier stratégique à encadrer
Prenons l’exemple des digital nomads, ces salariés qui travaillent depuis un autre pays que celui de leur employeur. S’ils incarnent une nouvelle forme de liberté professionnelle, ils exposent aussi l’entreprise à des risques accrus :
- redressements fiscaux en cas d’établissement permanent non déclaré,
- non-conformité aux règles locales (permis de travail, cybersécurité, protection sociale),
- décalage croissant entre les pratiques réelles et les politiques RH en vigueur.
81 % des entreprises identifient les risques fiscaux liés au travail international,
mais seules 33 % les ont intégrés à leur politique hybride.
La flexibilité ne s’improvise pas. Elle suppose une gouvernance RH structurée, des outils de pilotage, une collaboration renforcée entre RH, fiscalistes, juristes et DSI.
Du modèle RH à la stratégie d’entreprise
Les organisations les plus avancées ne traitent plus la flexibilité comme une option RH. Elles l’intègrent à leur stratégie globale de compétitivité. Selon l’étude EY, ces entreprises sont 2,3 fois plus nombreuses à estimer que la mobilité contribue à leur résilience face aux incertitudes économiques et aux tensions sur les talents.
Cela suppose une vision proactive, où la flexibilité est :
- anticipée, plutôt que subie,
- alignée avec les enjeux de performance,
- encadrée pour éviter les zones grises.
Et maintenant ? Le rôle stratégique de la fonction RH
Pour les DRH, le défi est clair : réconcilier aspiration individuelle et performance collective, tout en maîtrisant les risques.
Cela implique :
- une refonte des politiques de mobilité et de flexibilité,
- une analyse rigoureuse des impacts sociaux, fiscaux et opérationnels,
- un accompagnement managérial renforcé,
- une culture de la responsabilité partagée.
La flexibilité n’est plus un “bonus RH” : elle est un pilier de compétitivité, d’attractivité et de durabilité.
Contributrices de cet article : Hélène Frieh, Marion Cognard, Camille Timmerman, et Camille Creton